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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4553/2017

ATA/28/2020 du 14.01.2020 sur JTAPI/777/2019 ( LCR ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4553/2017-LCR ATA/28/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 janvier 2020

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Hervé Crausaz, avocat

contre

SERVICE CANTONAL DES VÉHICULES

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 2  septembre 2019 (JTAPI/777/2019)


EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1972, est titulaire du permis de conduire depuis le 13 novembre 1990.

2) a. Selon un rapport d'accident de la circulation du 30 novembre 2016, M. A______ circulait, le 28 novembre 2016 à 15h37, en état d'ébriété au volant d'une voiture. Venant de la place des Eaux-Vives sur la rue Petit-Senn en direction du boulevard Helvétique, à la hauteur du n°4, il avait, inattentif, heurté avec l'avant gauche de son véhicule l'arrière gauche [recte : droit] d'une ambulance stationnée sur une case interdite au parcage jusqu'à deux heures, le flanc droit de l'ambulance se trouvant en dehors du revêtement indiqué.

À 16h17, M. A______ avait été soumis à l'éthylotest, lequel s'était révélé positif. A 16h34, il avait été soumis au test de l'éthylomètre, lequel avait révélé un taux d'alcool de 0.65 mg/l. Il n'avait pas été effectué de prise de sang, ni de prélèvement d'urine.

b. Entendu à la police le même jour, M. A______ avait pris note du résultat de l'éthylomètre (0.65 mg/l) et avait renoncé à exiger une prise de sang. Il avait expliqué avoir consommé deux verres de vin rouge, deux verres de vin blanc ainsi qu'un verre de poire Williamine au cours du repas à 12h00. Il avait encore bu un dernier verre de Williamine à la fin du repas, vingt minutes avant son accident.

À l'issue de son audition, la police a saisi son permis de conduire.

3) Par pli du 23 décembre 2016, le service cantonal des véhicules (ci-après : SCV) a informé M. A______ que la police lui avait transmis le rapport relatif à l'accident du 28 novembre précédent, dont les constatations pouvaient aboutir à une mesure administrative telle qu'un retrait de permis de conduire. Un délai de quinze jours lui a été accordé pour faire valoir son droit d'être entendu.

4) M. A______ a exposé qu'il avait l'intention de former opposition à l'ordonnance pénale qui lui serait prochainement notifiée. Le SCV était dès lors invité à suspendre la procédure administrative jusqu'à droit jugé dans la procédure pénale.

5) Par ordonnance pénale du 22 août 2017 (cause P/23679/2016), le Ministère public a déclaré M. A______ coupable de conduite en état d'ébriété avec un taux d'alcool qualifié de 0.65 mgl/l.

6) Le 5 octobre 2017, le Ministère public a communiqué cette ordonnance au SCV, en l'informant qu'elle était entrée en force.

7) Par décision du 13 octobre 2017, le SCV a retiré le permis de conduire toutes catégories et sous-catégories de M. A______ pour une durée de quatre mois, sous déduction de la durée déjà subie.

Le SCV a retenu l'existence d'une infraction grave aux règles de la circulation routière (conduite en état d'ébriété en présentant un taux d'alcool qualifié, soit 0.65 mg/l à l'éthylomètre et heurt d'un véhicule stationné).

L'intéressé ne justifiait pas d'un besoin professionnel de conduire des véhicules à moteur et ne pouvait pas se prévaloir d'une bonne réputation de conducteur, le registre fédéral des mesures administratives faisant apparaître un retrait de permis et un avertissement prononcés respectivement les 29 juin 2007 et 19 octobre 2012. Compte tenu de l'ensemble des circonstances et du taux d'alcool relevé, la sanction s'écartait du minimum légal de trois mois.

8) Le 2 novembre 2017, M. A______ a formé opposition auprès du Ministère public à l'encontre de l'ordonnance pénale du 22 août précédent, laquelle ne lui avait jamais été notifiée.

9) Par acte du 15 novembre 2017, l'intéressé a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) à l'encontre de la décision du 13 octobre 2017 du SCV, concluant, préalablement, à la suspension de la procédure de recours jusqu'à droit jugé dans la cause P/______/2016 pendante devant le Ministère public et, principalement, à un retrait de permis d'une durée de trois mois.

Il y avait lieu de suspendre l'instruction de la cause jusqu'à droit jugé dans la procédure pénale, le taux d'alcool retenu permettant de déterminer s'il convenait de prononcer un retrait d'une durée s'écartant du minimum légal.

Si le TAPI devait retenir une conduite en état d'ébriété qualifiée, il conviendrait d'examiner l'existence de besoins professionnels. En outre, il avait fait preuve de repentir actif en garant son véhicule après l'avoir déplacé de quelques mètres, renonçant à toute activité coupable.

Dans l'hypothèse d'une infraction à l'art. 16b de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01), soit une infraction moyennement grave, la durée du retrait ne devrait pas dépasser la durée préventive. En cas de violation de l'art. 16c LCR, soit une infraction grave, cette durée ne devrait pas excéder trois mois.

10) Dans ses observations du 28 novembre 2017, le SCV a persisté dans les termes et les conclusions de sa décision, tout en ne s'opposant pas à la suspension de l'instruction de la procédure. Il s'était effectivement écarté du minimum légal prescrit compte tenu de l'importance du taux d'alcool relevé à l'éthylomètre, le jour des faits querellés.

11) Par décision du 20 décembre 2017 (DITAI/669/2017), le TAPI a suspendu l'instruction du recours jusqu'à droit jugé dans la procédure pénale, pendante devant le Tribunal de police.

12) Par jugement du 17 mai 2018, le Tribunal de police a constaté que l'ordonnance pénale du 22 août 2017 n'avait pas été valablement notifiée. Il a renvoyé la cause au Ministère public pour nouvelle notification.

13) M. A______ ayant formé opposition contre la nouvelle ordonnance pénale, laquelle avait été maintenue par le Ministère public, elle a été transmise au Tribunal de police.

14) a. Par jugement du Tribunal de police du 12 février 2019, M. A______ a été :

- reconnu coupable de conduite en état d'ébriété avec un taux d'alcool qualifié en application de l'art. 91 al. 2 let. a LCR,

- condamné à une peine pécuniaire de cinquante jours-amende, sous déduction d'un jour-amende, correspondant à un jour de détention avant jugement, le montant du jour-amende étant fixé à CHF 80.-, mis au bénéfice du sursis, la durée du délai d'épreuve étant fixée à trois ans ;

- averti que, s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine ;

- condamné à une amende de CHF 800.-.

b. Le Tribunal a retenu que le prévenu ne contestait pas avoir bu de l'alcool avant d'avoir pris le volant de sa voiture le 28 novembre 2016, mais contestait le taux d'alcoolémie mesuré au moyen de l'éthylomètre. Il n'y avait toutefois pas lieu de retenir que les contrôles à l'éthylotest et à l'éthylomètre avaient été mal réalisés.

La perte de maîtrise était due à l'état d'ébriété qualifié du prévenu. L'infraction de perte de maîtrise du véhicule était absorbée par celle de conduite en état d'ébriété.

15) Après reprise de la procédure et observations des parties après le jugement du Tribunal de police, le TAPI a, par jugement du 2 septembre 2019, rejeté le recours.

Le recourant avait conduit un véhicule automobile en état d'ébriété, le 28 novembre 2016, en présentant un taux d'alcoolémie qualifié, soit avec un taux d'alcoolémie minimum au moment critique de 0.65 mg/l (1.3 gr. %). Il avait ainsi commis une infraction grave à la LCR (art. 16c al. 1 let. b LCR), ce qu'il ne contestait d'ailleurs pas. En application de l'art. 16c al. 2 let. a LCR, la durée du retrait de son permis de conduire devait dès lors être fixée à trois mois au minimum.

Compte-tenu de l'alcoolémie de 0.65 mg/l de l'intéressé, soit une valeur excédant de manière importante le taux d'alcool qualifié, le SCV pouvait, conformément à la jurisprudence, s'écarter du minimum légal et fixer la durée du retrait à quatre mois.

Le repentir sincère et les besoins professionnels, dont il se prévalait, ne permettaient pas de retenir une autre solution. D'une part, il ne saurait être considéré que les conditions du repentir sincère étaient remplies puisqu'au moment où l'intéressé prétendait avoir garé sa voiture, les éléments constitutifs des infractions de conduite en état d'ébriété en présentant une alcoolémie qualifiée, ainsi que de perte de maîtrise, étaient déjà réunis. Ainsi, il n'avait pas modifié son comportement en vue d'empêcher la commission de ces deux infractions. D'autre part, les besoins professionnels allégués, si tant est qu'ils soient fondés, ne sauraient être considérés comme prépondérants au sens de la jurisprudence. M. A______, qui avait indiqué, lors de son audition par la police, exercer l'activité de restaurateur, n'avait pas démontré que le retrait querellé lui interdirait d'exercer toute activité lucrative.

16) Par acte du 3 octobre 2019, l'intéressé a recouru devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Il a conclu à l'annulation du jugement et à ce qu'un « retrait compatible avec le minimum de trois mois maximum » soit prononcé. Subsidiairement, une interdiction de conduire en Suisse de six mois devait être prononcée.

C'était à tort que le TAPI avait retenu qu'il avait perdu la maîtrise de son véhicule, au vu du jugement du Tribunal de police. Seule la conduite en état d'ébriété qualifiée pouvait être retenue à son encontre en procédure administrative.

Le jugement n'avait pas tenu compte de manière adéquate de ses besoins professionnels. Il n'était pas restaurateur. Il n'était qu'actionnaire d'un restaurant. Il exerçait la profession d'administrateur et seul employé de la société B______ SA (ci-après : la société) qui avait pour activité la location de voiture avec chauffeur privé ainsi que le suivi de chantiers à Genève et dans le canton de Vaud et la rénovation d'appartements. Conformément à une attestation produite devant le TAPI, établie par le comptable de l'entreprise, le retrait de permis conduirait la société à une perte sèche de chiffre d'affaires, mais aussi à remettre en question sa survie. Elle n'avait en effet pas encore les ressources financières qui lui permettaient d'engager du personnel qui puisse effectuer autant d'heures de travail que le recourant. Un retrait de quatre mois, s'ajoutant à la sanction pénale, était disproportionné.

Enfin, le jugement querellé n'avait pas tenu compte des circonstances concrètes du cas puisqu'il n'avait conduit en état d'ébriété que sur une très courte distance, avant de se raviser et de se garer sur la première place disponible, tout près de l'endroit où il avait pris le volant. L'atteinte à la sécurité devait être considérée comme faible. Enfin, les faits litigieux s'étaient déroulés le 28 novembre 2016, soit il y avait plus de trois ans. Sa conduite n'avait plus prêté le flanc à la critique. Les antécédents étaient anciens et d'une importance toute relative. L'art. 16 al. 3 LCR avait été violé.

17) Le SCV s'étant limité à conclure au rejet du recours, les parties ont été informées le 31 octobre 2019 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la conformité au droit d'une décision de retrait d'un permis de conduire pendant une durée de quatre mois pour conduite en état d'ébriété avec un taux d'alcoolémie qualifié de 0.65 mg/l (1,3 g %), déduction faite de la période déjà subie.

3) a. L'Assemblée fédérale fixe dans une ordonnance le taux d'alcool à partir duquel les conducteurs sont réputés être dans l'incapacité de conduire au sens de la présente loi, soit en état d'ébriété, indépendamment de toute autre preuve et du degré de tolérance individuelle à l'alcool ; elle définit le taux d'alcool qualifié (art. 55 al. 6 LCR).

Aux termes de l'art. 1 de Ordonnance de l'Assemblée fédérale concernant les taux limites d'alcool admis en matière de circulation routière du 15 juin 2012 (RS 741.13), un conducteur est réputé incapable de conduire pour cause d'alcool (état d'ébriété) lorsqu'il présente un taux d'alcool dans le sang de 0,5 gramme pour mille ou plus (let. a) ; un taux d'alcool dans l'haleine de 0,25 milligramme ou plus par litre d'air expiré (let. b) ; une quantité d'alcool dans l'organisme entraînant le taux d'alcool dans le sang fixé à la let. a (let. c). Sont considérés comme qualifiés un taux d'alcool dans le sang de 0.8 gramme pour mille ou plus (art. 2 let. a) ; un taux d'alcool dans l'haleine de 0.4 milligramme ou plus par litre d'air expiré (art. 2 let. b).

b. En l'occurrence, il est établi, et le recourant ne semble plus le contester, qu'il a conduit un véhicule automobile en état d'ébriété avec un taux d'alcoolémie de 0.65 mg/l, largement au-dessus du seuil de 0.4 mg/l à partir duquel celui-ci est défini comme qualifié.

4) Lorsque la procédure prévue par la loi fédérale sur les amendes d'ordre du 24 juin 1970 (LAO - RS 741.03) n'est pas applicable, une infraction aux prescriptions sur la circulation routière entraîne le retrait du permis d'élève-conducteur ou du permis de conduire ou un avertissement (art. 16 al. 2 LCR).

5) Depuis le 1er janvier 2005, les infractions à la LCR ont été réparties en fonction de leur gravité en trois catégories distinctes, assorties de mesures administratives minimales (ATA/479/2014 du 24 juin 2014 ; ATA/552/2012 du 21 août 2012).

a. Commet une infraction grave la personne qui notamment conduit un véhicule automobile en état d'ébriété et présente un taux d'alcool qualifié (art. 16c al. 1 let. b LCR cum art. 55 al. 6 LCR).

b. En l'espèce, le recourant a conduit un véhicule automobile en état d'ébriété à un taux de 0.65 mg/l. Ce comportement est constitutif d'une infraction grave au sens de l'art. 16c al. 1 let. b LCR.

6) Le recourant reproche au TAPI d'avoir confirmé la durée de quatre mois du retrait de son permis de conduire qu'il considère comme disproportionnée.

7) a. Après une infraction grave, le permis d'élève conducteur ou le permis de conduire est retiré pour trois mois au minimum (art. 16c al. 2 let. a LCR). Les circonstances concrètes doivent être prises en considération pour fixer la durée de la mesure, notamment l'atteinte à la sécurité routière, la gravité de la faute, les antécédents en tant que conducteur ainsi que la nécessité professionnelle de conduire un véhicule automobile (art. 16 al. 3 LCR ; ATF 105 Ib 205 consid. 2a ; André BUSSY et al. [éd.], Code suisse de la circulation routière commenté, 4ème éd., 2015, p. 235). L'autorité qui retire un permis en cas d'ivresse doit procéder à un examen global du cas. Elle ne doit pas se fonder exclusivement sur le degré d'alcoolémie (ATA/241/2016 du 15 mars 2016 et les références citées), même si ce critère doit être considéré de manière prépondérante dans la fixation de la durée de la mesure (arrêt du Tribunal fédéral 1C_135/2008 du 13 août 2008 consid. 3.2.2 ; cité in André BUSSY et al. [éd.], op. cit., p. 271).

b. Le dépassement du seuil de 0,8 g % du taux d'alcoolémie peut justifier en soi une aggravation de la sanction minimale (arrêt du Tribunal fédéral 1C_288/2008 du 14 mai 2009 consid. 3.2 ; ATA/445/2008 précité ; ATA/335/2008 précité ; ATA/387/2007 du 7 août 2007). Ainsi, dans un arrêt (ATA/837/2014 du 28 octobre 2014), la chambre de céans a considéré que pour un automobiliste qui au moment des faits n'avait pas d'antécédents, mais présentait un taux d'alcoolémie de 1,33 g % au moment critique, l'appréciation que le SCV avait faite de la situation et la conclusion à laquelle il était parvenu, le retrait du permis de conduire du recourant pour une durée de trois mois, sous déduction de la période déjà subie, tout comme sa confirmation par le TAPI, ne souffraient aucune critique et étaient de surcroît très généreux.

c. En l'occurrence, le taux d'alcoolémie du recourant au moment critique était de 0.65 mg/l, soit un peu moins du double du seuil du taux qualifié de 0,4 mg/l. ce qui représente 1,3 g %. Ce taux doit être considéré comme un élément prépondérant dans la fixation de la durée de la mesure et justifie, selon la jurisprudence précitée, de s'éloigner de la limite minimale du retrait du permis de conduire en cas d'infraction grave. En confirmant, sur ce point, la mesure contestée de quatre mois, l'autorité intimée n'a pas abusé de son large pouvoir d'appréciation. Le TAPI était fondé à confirmer la décision.

Le grief du recourant sera dès lors écarté.

8) Le recourant reproche au TAPI d'avoir retenu l'infraction de perte de maitrise du véhicule, pourtant considérée comme absorbée par la conduite en état d'ébriété dans le jugement du Tribunal de police.

Cet élément est sans pertinence au vu du considérant qui précède, la seule conduite en état d'ébriété au taux présenté par le recourant pouvant justifier un retrait de permis d'une durée de quatre mois.

9) Le recourant reproche également au TAPI d'avoir nié ses besoins professionnels.

10) a. Le juge administratif doit examiner la situation professionnelle de l'intéressé et déterminer si la mesure dont il est susceptible de faire l'objet serait, compte tenu des besoins professionnels, particulièrement rigoureuse (ATF 123 II 572 consid. 2c p. 575-576 ; ATA/58/2007 du 6 février 2007 ; ATA/5/2007 du 9 janvier 2007).

Lorsqu'il s'agit d'apprécier le besoin professionnel de conduire un véhicule automobile, il convient de respecter le principe de la proportionnalité. Le retrait du permis de conduire est ressenti plus durement par le conducteur qui en a besoin pour des raisons professionnelles, de sorte qu'un retrait plus court suffit, en règle générale, à l'admonester de manière efficace et à le dissuader de commettre de nouvelles infractions. Un tel conducteur peut donc être privé de son permis moins longtemps que celui qui se limite à un usage commun, même si les fautes commises sont identiques. La réduction s'opère ainsi proportionnellement au degré de sensibilité à la sanction. Il n'existe pas, d'un côté, des conducteurs qui n'ont aucunement besoin de leur permis et, de l'autre, des conducteurs qui en ont un besoin impératif, tels que les chauffeurs professionnels ; la gradation est au contraire continue. La détermination du degré de sensibilité à la sanction ne permet pas cependant, à elle seule, de décider si et dans quelle mesure une réduction se justifie. Une telle question doit être tranchée au regard de toutes les circonstances du cas (ATF 128 II 285 consid. 2.4 p. 290; 123 II 572 consid. 2c p. 574 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_204/2008 du 25 novembre 2008 consid. 3.3.1).

Le Tribunal fédéral a ainsi nié l'utilité professionnelle du permis de conduire pour des agents d'assurances ou des courtiers immobiliers, au motif que les transports publics ou le taxi permettaient d'accéder à une clientèle potentielle suffisante dans des délais acceptables pour que l'activité professionnelle, bien qu'entravée d'une manière non négligeable, ne soit pas rendue impossible ou compliquée à l'excès (arrêts 1C_63/2007 du 24 septembre 2007 consid. 4.5 ; 6A.24/2005 du 24 juin 2005 consid. 3).

b. La chambre de céans s'est prononcée à plusieurs reprises sur la question des besoins professionnels d'un conducteur dont le permis de conduire a été retiré. Pour que le besoin d'un véhicule puisse être pris en considération d'une façon déterminante, il faut que le retrait de permis interdise à l'intéressé tout exercice de son activité lucrative, comme c'est le cas pour un chauffeur de taxis, un livreur ou un routier par exemple ou tout au moins qu'il entraîne une perte de gain importante, soit des frais considérables faisant apparaître la mesure comme une punition disproportionnée, s'ajoutant ou se substituant à la condamnation pénale (ATA/5/2007 précité ; ATA/39/2006 du 24 janvier 2006).

Ainsi, un ingénieur informaticien, dont les clients se trouvaient soit dans le Jura, soit en zone urbaine ou périurbaine, ne pouvait pas se prévaloir de besoins professionnels déterminants, même s'il devait, pendant la durée de la mesure de retrait, diminuer le nombre de ses visites à la clientèle et par là le montant de ses commissions (ATA/5/2007 précité ; ATA/221/2001 du 27 mars 2001). Pour ce qui est d'un plâtrier ou un peintre en bâtiment, même s'il devait se déplacer au cours de la journée d'un chantier à un autre, voire y véhiculer ses collègues ou aller chercher du matériel occasionnellement, celui-ci ne pouvait pas se prévaloir de besoins professionnels déterminants au sens de la jurisprudence (ATA/17/2001 du 9 janvier 2001 ; ATA/660/1997 du 23 octobre 1997). Un aide-monteur électricien effectuant de petits travaux chez des particuliers ne pouvait pas non plus se prévaloir de besoins professionnels déterminants (ATA/5/2007 précité ; ATA/17/2001 précité). En revanche, un conducteur qui exerce la profession de transport de messageries à titre indépendant pouvait se prévaloir de besoins professionnels. Dans ce cas, la situation financière de l'intéressé devait être aussi prise en considération (ATA/5/2007 précité ; ATA/119/1999 du 9 février 1999). Un réparateur dans le domaine des élévateurs électriques ou un boulanger dans une petite entreprise familiale pouvait également se prévaloir de besoins professionnels importants (ATA/659/1997 du 23 octobre 1997 ; ATA/656/1997 du 23 octobre 1997 ; ATA/265/1997 du 22 avril 1997 ; ATA/620/1995 du 7 novembre 1995). S'agissant d'un réparateur de brûleurs à mazout qui doit transporter du matériel, ses besoins professionnels ne sont pas déterminants au sens strict, ils sont néanmoins importants (ATA/659/1997 précité).

11) En l'espèce, le recourant allègue qu'il lui est indispensable de pouvoir conserver son permis de conduire compte tenu de sa société, dont il est l'administrateur et le seul employé. Il a produit une attestation du comptable de la société selon laquelle la perte, par le recourant, de son permis de conduire, remettrait en question la survie de la société. Il ressort toutefois du registre du commerce que le but de la société consiste en la « gérance et prise de participations dans des sociétés commerciales et industrielles, services et consulting en tout genre ainsi que négoce de pierres précieuses (cf. statuts pour but complet) ».  Le recourant ne précise pas comment ce but se verrait entravé par la perte de son permis de conduire. Il ne fournit aucune indication concrète sur les lieux de ses déplacements en Suisse ou à l'étranger ainsi que sur la fréquence de ceux-ci. Il n'indique pas non plus en quoi le suivi de chantiers à Genève et dans le canton de Vaud ainsi que son activité de suivi de rénovation d'appartements ne pourrait plus s'effectuer en cas de retrait de permis de conduire. Il ne démontre ainsi pas qu'il se trouverait dans l'impossibilité d'effectuer les transports nécessaires auxdits contrôles au moyen des transports publics ou avec l'aide d'un tiers qui pourrait le véhiculer.

Dans ces circonstances, les besoins professionnels du recourant ne sont pas pertinents au sens de la jurisprudence précitée. L'intéressé ne justifie pas un besoin accru d'un véhicule pour l'exercice de ses activités professionnelles. Il verra certes l'organisation de son travail compliquée par le fait qu'il ne pourra conduire d'autres véhicules que ceux des catégories spéciales G et M. Toutefois, il ne saurait soutenir que l'accomplissement même des tâches de sa société est rendu impossible par la mesure qu'il conteste. Il n'y a donc pas lieu de tenir compte de ses besoins professionnels et de revoir la mesure du retrait du permis de conduire de quatre mois, déduction faite de la période déjà subie.

Le grief du recourant sera dès lors écarté.

12) Le recourant reproche au TAPI de na pas avoir tenu compte des circonstances concrètes.

La courte distance sur laquelle il aurait conduit ne permet pas d'infléchir la durée du retrait compte tenu du taux d'alcool présenté. Ainsi, le Tribunal fédéral a confirmé un retrait supérieur au minimum légal pour une ivresse de 1,56 g % réalisée sur quelques mètres sur un parking (arrêt du Tribunal fédéral 1C_288/2008 précité consid. 3.2 cité in André BUSSY et al. [éd.], op. cit., p. 271). L'ancienneté des faits ne peut être retenue, s'agissant d'un accident de 2016 et de la durée de la procédure pénale. Le seul taux d'alcool justifie la durée de quatre mois. En conséquence, si les antécédents n'ont pas influé sur une prolongation de la durée, ils ne peuvent servir à la raccourcir.

13) Le recourant conclut subsidiairement à une interdiction de conduire en Suisse de six mois depuis le 15 juillet 2013 (sic).

Aucune motivation n'appuie cette conclusion. Le TAPI ne l'a pas traitée, ce dont le recourant ne lui a pas fait grief. La date est antérieure de trois ans aux faits pertinents dans le présent litige. Cette conclusion semble résulter d'une erreur de plume, ce que sa formulation devant le TAPI confirmerait, référence étant faite à une tierce personne sans lien avec le présent dossier. Elle est en conséquence rejetée.

Ce qui précède conduit au rejet du recours.

14) Compte tenu de l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 3 octobre 2019 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 2 septembre 2019 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 400.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Hervé Crausaz, avocat du recourant, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au service cantonal des véhicules.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :