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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1097/2019

ATA/29/2020 du 14.01.2020 ( EXPLOI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1097/2019-EXPLOI ATA/29/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 janvier 2020

1ère section

 

dans la cause

 

Mme A______
représentée par Me Catarina Monteiro Santos, avocate

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR



EN FAIT

1) Mme A______ a été mise, le 19 octobre 2015, au bénéfice d'une autorisation d'exploiter l'établissement (cercle) « B______ » (ci-après : l'établissement ou le cercle), sis chemin de C______ ______, à D______.

2. En avril 2016, le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) avait informé tous les exploitants d'établissements à Genève des démarches à accomplir pour requérir une nouvelle autorisation d'exploiter suite à l'entrée en vigueur le 1er janvier 2016 de la nouvelle loi sur la restauration, le débit de boissons, l'hébergement et le divertissement du 19 mars 2015 (LRDBHD - I 2 22), et en avril 2017, il leur avait imparti un dernier délai au 30 avril 2017 pour déposer leurs requêtes.

3) Par courrier du 24 janvier 2018, le PCTN a imparti à l'établissement, à l'attention du propriétaire et de l'exploitant, un ultime délai de 30 jours pour déposer une requête complète en autorisation d'exploiter, sous la menace du constat de l'expiration de l'ancienne autorisation et de l'ordre de cesser immédiatement l'exploitation.

4) Mme A______ a complété un premier « formulaire 1 » de « mise en conformité LRDBHD des établissements autorisés en vertu de la LRDBH » (ci-après : le formulaire), que le PCTN a reçu le 21 février 2018 accompagné de pièces justificatives.

5) Par courrier recommandé du 16 mars 2018, le PCTN a indiqué ne pas pouvoir entrer en matière, car le formulaire était incomplet, n'était pas signé et des pièces manquaient. Le PCTN détaillait les éléments manquants, retournait le premier formulaire et invitait Mme A______ à remplir un nouveau formulaire et le remettre muni de toutes les pièces requises.

6. Mme A______ a complété et signé un second formulaire que le PCTN a reçu le 17 avril 2018 accompagné de pièces justificatives.

7. Par courrier recommandé du 7 mai 2018, le PCTN a à nouveau indiqué ne pas pouvoir entrer en matière car le second formulaire était incomplet et des pièces manquaient toujours. Le PCTN détaillait les éléments manquants, retournait le second formulaire et invitait Mme A______ à remplir un nouveau formulaire et le remettre muni de toutes les pièces requises.

8. Mme A______ a complété et signé un troisième formulaire que le PCTN a reçu le 12 juillet 2018 accompagné de pièces justificatives.

9. Par courrier recommandé du 16 août 2018, le PCTN a à nouveau indiqué ne pouvoir entrer en matière car le troisième formulaire était toujours incomplet et des pièces manquaient encore. Le PCTN détaillait les éléments manquants, retournait le troisième formulaire et invitait Mme A______ à remplir un nouveau formulaire et le remettre muni de toutes les pièces requises.

10. Par décision du 13 février 2019, notifiée le même jour à M. E______, président du B______, le PCTN a constaté la caducité de l'autorisation d'exploiter le cercle délivrée le 19 octobre 2015 à Mme A______.

La décision, succincte, mentionnait qu'aucune suite recevable n'avait été donnée à un courrier du 24 janvier 2018 impartissant un délai de trente jours à Mme A______ pour exercer son droit d'être entendue. La décision était motivée par le fait que l'établissement avait omis d'entreprendre les démarches de régularisation.

11. Par courrier recommandé à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) du 15 mars 2019 remis à la poste le même jour, Mme A______ a recouru contre la décision du 13 février 2019, dont elle a demandé l'annulation.

Il était inexact d'affirmer qu'elle n'avait donné aucune suite à la sommation du 24 janvier 2018. Au contraire, elle avait contacté à plusieurs reprises le PCTN, et avait déposé par trois fois des requêtes en autorisation d'exploiter. La fermeture de l'établissement la priverait de toute source de revenus en violation de sa liberté économique. Le département avait fait preuve de formalisme excessif et la fermeture de l'exploitation serait disproportionnée.

12. Le 17 avril 2019, le PCTN a conclu au rejet du recours.

La période transitoire pour se conformer au nouveau droit avait expiré sans que la recourante n'obtienne une nouvelle autorisation, de sorte que le PCTN n'avait d'autre choix que de constater la fin de l'autorisation d'exploiter délivrée le 19 octobre 2015.

13. Le 12 juillet 2019, la recourante a répliqué que le PCTN avait fait preuve de formalisme excessif : ses refus consécutifs étaient dus au fait que la recourante n'avait pas remis à chaque reprise les documents qu'elle avait déjà transmis lors de ses précédentes requêtes, pensant que cela n'était pas nécessaire parce qu'ils avaient déjà été portés à la connaissance de l'autorité. Les multiples appels et passages de la recourante dans les bureaux du PCTN démontraient sa bonne foi. La complexité de la procédure l'avait mise en difficulté, alors qu'elle devait simplement obtenir une mise en conformité.

14. Le 23 juillet 2019, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Est litigieux le bien-fondé de la décision prononçant la caducité de l'autorisation d'exploiter le cercle délivrée le 19 octobre 2015 à Mme A______.

3. a. La recourante se plaint du formalisme excessif du PCTN.

b. Le formalisme excessif, prohibé par l'art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), est réalisé, notamment, lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi ou complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel (ATF 142 IV 299 consid. 1.3.2 ; 142 I 10 consid. 2.4.2 ; 135 I 6 consid. 2.1).

En tant qu'elle sanctionne un comportement répréhensible de l'autorité dans ses relations avec le justiciable, la protection contre le formalisme excessif poursuit le même but que le principe de la bonne foi consacré aux art. 9 et 5 al. 3 Cst. Ce principe exige que l'administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale. Il leur commande de s'abstenir, dans leurs relations de droit public, de tout comportement contradictoire ou abusif. En outre, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2 ; 137 I 69 consid. 2.5.1).

c. En l'espèce, la recourante a déposé par trois fois des requêtes d'autorisation lacunaires et dont la documentation était incomplète. A notamment fait défaut de façon récurrente l'extrait du registre du commerce attestant des pouvoirs de l'exploitant, ainsi qu'un contrat de bail mentionnant expressément l'activité d'exploitation d'un établissement.

Certes, les formalités ne sont pas simples à accomplir, mais le PCTN a à chaque fois indiqué quelles indications et quels documents manquaient, et imparti un nouveau délai à la recourante pour former une requête valable. Ce n'est que six mois après qu'elle avait offert une quatrième occasion à la recourante de déposer une nouvelle requête, laquelle ne semble pas avoir été saisie, que l'autorité intimée a pris la décision dont est recours.

La recourante assume de son côté un devoir légal de collaborer avec le PCTN (art. 22 LPA).

Au vu de ces éléments, il convient de retenir que l'autorité intimée n'a pas fait preuve de formalisme excessif en considérant que les conditions à la mise en conformité n'étaient pas réunies.

4. a. La recourante se plaint encore du caractère disproportionné de la décision dont est recours, qui la priverait de sa seule source de revenus.

b. En l'espèce, la décision dont est recours sanctionne l'incapacité de la recourante à satisfaire aux exigences formelles de présentation et de documentation d'une requête de mise en conformité.

Rien ne suggère que la recourante serait dans l'incapacité durable de satisfaire aux conditions légales d'une autorisation, qu'il lui appartient de requérir à nouveau en observant les formes prescrites par la loi.

5. Non fondé, le recours sera rejeté.

6. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA)

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 15 mars 2019 par Mme A______ contre la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 13 février 2019 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de Mme A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Catarina Monteiro Santos, avocate de la recourante, ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :