Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/4430/2019

ATA/48/2020 du 20.01.2020 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4430/2019-FPUBL ATA/48/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 20 janvier 2020

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Romain Jordan, avocat

contre

VILLE DE GENÈVE

 



Vu la décision du Conseil administratif de la Ville de Genève (ci-après : le Conseil administratif) du 1er novembre 2019, déclarée exécutoire nonobstant recours, résiliant l'engagement de Monsieur A______ avec effet au 31 mars 2020 et le libérant de son obligation de travailler ; que le Conseil administratif avait décidé, le 12 décembre 2017, d'ouvrir une enquête administrative à son encontre ; qu'il ressortait des conclusions du rapport d'enquête du 11 décembre 2018 que M. A______, chef d'unité « ______ » (ci-après : ______) au service de ______ avait contrevenu à divers articles du statut du personnel de la Ville de Genève du 29 juin 2010 (LC 21 151 ; ci-après : le statut) en adoptant, à de nombreuses occasions un comportement inapproprié et irrespectueux à l'égard de ses subordonnés, de son supérieur hiérarchique, d'autres membres du personnel de l'administration et de tiers en s'emportant, voire en criant ; en adoptant à plusieurs reprises un style de management inadéquat ; en critiquant ouvertement à de réitérées reprises et en employant notamment des termes inappropriés, son chef de service et plusieurs membres de la direction dudit service en présence de ses subordonnés et d'autres collègues ; en ne collaborant pas en bonne intelligence avec la cheffe de l'unité «  foires et marchés »; en manquant, à certaines reprises, à ses obligations en matière de soutien et de supervision s'agissant de deux de ses collaborateurs ; en adoptant une attitude qui n'était pas digne et exemplaire ; que les agissements de l'intéressé avaient eu un impact indéniable sur l'ambiance de travail au sein du service et sur la santé de plusieurs collaborateurs, conduisant même l'office cantonal de l'assurance-invalidité (ci-après : OCAS) à interpeller la direction du département B______ (ci-après : B______) à cet égard ; que le comportement de M. A______ s'était révélé préjudiciable à la bonne marche du service ainsi qu'à l'image de la Ville de Genève auprès de tiers ;

que le 2 décembre 2019, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée ; qu'il a conclu à la nullité de la décision, subsidiairement à son annulation et au constat que le licenciement était contraire au droit et abusif ; que sa réintégration devait être ordonnée ; que des conclusions plus subsidiaires en versement d'une indemnité étaient prises ; que l'effet suspensif devait être restitué au recours ; qu'il avait été engagé le 1er septembre 2012 au B______ et avait été promu, le 1er juillet 2014, à la fonction de chef de ______ ; que la surcharge de travail dans l'unité avait peu à peu généré une augmentation du taux d'absentéisme et du stress au sein des équipes ainsi qu'un sentiment de rancoeur généralisé à l'égard de la direction et du chef de service, Monsieur  C______, ce qui avait eu des répercussions négatives sur le recourant et avait terni son image auprès de son unité ; que le chef de service ne lui avait toutefois jamais manifesté aucun soutien ; que de nombreux collaborateurs se plaignaient du comportement de M C______ ; qu'il s'était plaint des tensions et de l'attitude de M. C______ auprès de la direction du département, laquelle n'avait pris aucune mesure ; qu'au contraire, elle avait informé M. C______ de ces doléances ; que M. C______ avait refusé d'aborder la problématique RH lors d'une séance du 2 novembre 2017 alors que celle-ci était soulevée depuis des mois, voire des années ; que M. A______ avait été alors immédiatement mis en arrêt maladie par son médecin traitant ; que M. A______ avait récapitulé le déroulement de la séance dans un courriel, lequel avait immédiatement été contesté par M. C______ ; que le jour de sa reprise de travail, M. A______ avait, à son tour, contesté la teneur du courriel de son chef de service ; qu'il avait été convoqué par la directrice nouvellement en charge du département, Madame D______, le 17 novembre 2017 ; que celle-ci l'avait informé avoir reçu des plaintes de collaborateurs à son encontre ; qu'une décision de suspension de son activité, par la suite confirmée par le Conseil administratif, lui avait alors été remise ; que M. A______ avait déposé une plainte à l'encontre de M. C______ le 20 novembre 2017 auprès de la directrice des ressources humaines ; que par décision du 12 décembre 2017, le Conseil administratif avait abandonné les charges de harcèlement psychologique initialement retenues contre M. A______ et prononcé l'ouverture d'une enquête administrative en alléguant une violation grave des devoirs généraux tels que définis par le statut ; que l'enquête administrative avait été affectée de nombreux vices ; qu'ainsi, certains témoins n'avaient pas été entendus ; que certains témoins avaient été entendus hors sa présence ; qu'il avait contesté le rapport d'enquête et sollicité l'ouverture d'une nouvelle enquête administrative ; que le Conseil administrative avait refusé d'entrer en matière sur sa requête ; qu'il était à nouveau en incapacité de travail depuis le 11 mars 2019 ; que le 13 novembre 2019, M. A______ avait adressé une demande d'ouverture d'investigation auprès du groupe de confiance de l'État de Genève ; que s'agissant de l'effet suspensif, la décision de résiliation privait le recourant de tout revenu et de toute protection sociale et d'assurance à compter du 1er avril 2020 ; que les chances de succès du recours étaient manifestes dès lors que la décision était intervenue en temps inopportun et consacrait une violation du droit à de nombreux égards ; qu'il disposait d'un intérêt prépondérant à conserver son poste jusqu'à l'issue de la procédure de recours ; suivaient les arguments au fond, à savoir la nullité de la décision de résiliation de l'engagement au motif que la décision litigieuse était intervenue alors que le recourant se trouvait toujours en incapacité de travail dûment attestée par son médecin traitant et que son incapacité avait dcommencé le 11 mars 2019, la fin de son droit au versement intervenant le 28 février 2021 ; diverses violations du droit d'être entendu étaient alléguées ; pour le surplus, le congé était contraire au droit et abusif ;

que, par écritures du 19 décembre 2019, la Ville de Genève a conclu au rejet de la demande de restitution de l'effet suspensif ;

que, par réplique du 13 janvier 2020, M. A______ a persisté dans ses conclusions, produisant un certificat médical d'arrêt de travail du 2 décembre 2019 au 1er janvier 2020 ;

considérant, en droit, l'art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative de la Cour de justice du 26 septembre 2017, à teneur duquel les décisions sur effet suspensif sont prises par la présidente de ladite chambre, respectivement par la
vice-présidente, ou en cas d'empêchement de celles-ci, par un juge ;

qu'aux termes de l'art. 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (al. 1) ; que toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (al. 3) ;

que, par ailleurs, l'art. 21 al 1 LPA permet le prononcé de mesures provisionnelles ;

que selon la jurisprudence, des mesures provisionnelles - au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif - ne sont légitimes que si elles s'avèrent indispensables au maintien d'un état de fait ou à la sauvegarde d'intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/898/2019 du 14 mai 2019 ; ATA/503/2018 du 23 mai 2018) ; qu'elles ne sauraient, en principe, anticiper le jugement définitif (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, spéc. 265) ;

que, par ailleurs, l'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405) ;

que la restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l'absence d'exécution immédiate de la décision (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1) ;

que la chambre de céans dispose dans l'octroi de mesures provisionnelles d'un large pouvoir d'appréciation (ibidem) ;

que le recourant sollicite la restitution de l'effet suspensif au motif que la décision « le prive de tout revenu, mais également de toute protection sociale et d'assurance à compter du 1er avril 2020 et l'entrave ainsi de manière inacceptable dans sa défense » ;

que le recourant est soumis au statut ;

que, sur le plan financier, jusqu'au 31 mars 2020, le recourant percevra son traitement ;

qu'il se contente d'alléguer qu'il serait privé de toute prestation sociale et d'assurance à compter du 1er avril 2020 ;

que, sur le plan financier, au-delà de la date précitée, rien n'indique qu'il ne percevrait pas des indemnités de chômage notamment ;

qu'il ne détaille pas en quoi sa défense se verrait « entravée » ;

que, si sa situation financière devait être trop obérée, il pourrait solliciter l'assistance juridique dès lors que les avocats sont tenus, lorsqu'ils en sont requis, de représenter dans une procédure contentieuse portée devant une juridiction administrative une partie dont les revenus ou la fortune ne sont pas suffisants pour couvrir les frais d'une procédure (art. 10 al. 1 LPA ;

que, par ailleurs, selon la jurisprudence de la chambre administrative, rendue en matière des résiliation des rapports de service, l'intérêt privé du recourant à conserver les revenus relatifs au maintien desdits rapports doit céder le pas à l'intérêt public à la préservation des finances de la collectivité publique (ATA/1559/2019 du 21 octobre 2019 ; ATA/191/2019 du 26 février 2019), étant relevé que le recourant ne fait in casu pas valoir qu'en l'absence de restitution de l'effet suspensif, il s'exposerait à un préjudice difficilement réparable ;

que le recourant se prévaut de la nullité du congé, donné, selon lui, en temps inopportun ;

que, selon le statut, après la période d'essai, un employé ou une employée peut être licenciée, par décision motivée du Conseil administratif, pour motif objectivement fondé pour la fin d'un mois, moyennant un délai de préavis de quatre mois de la sixième à la dixième année de service (art. 34 al. 1 let. b statut) ;

qu'après le temps d'essai, l'art. 336c de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220) sur la résiliation en temps inopportun est applicable par analogie (art. 36 al. 1 statut) ;

que le licenciement est réputé intervenir en temps inopportun : « pendant une période d'incapacité de travail pour cause de maladie et d'accident donnant droit à des indemnités au sens des articles 56 et 57, pendant toute la durée du congé maternité ou adoption prévu par l'article 69 » ;

que le recourant ayant été déclaré apte à travailler selon le médecin conseil de la Ville de Genève à compter du 1er novembre 2019, d'entente avec le médecin-conseil psychiatre de la Ville de Genève, le licenciement n'est, de prime abord, pas intervenu en temps inopportun ;

que certes, il semble que le médecin traitant de l'intéressé ait considéré que son patient était en incapacité de travail jusqu'au 4 novembre 2019 ;

que cette pièce n'est pas produite ;

qu'en tous les cas, il ne s'agirait en l'état que de l'avis du médecin-traitant, dont la jurisprudence relève qu'il doit être apprécié avec retenue, compte tenu du lien thérapeutique unissant le médecin traitant à son patient (ATA/983/2018 du 25 septembre 2018 consid. 7) ;

que la nullité du congé n'est, a priori, pas manifeste ;

que les nombreux vices procéduraux, notamment l'absence d'audition de témoins ou d'auditions hors la présence de l'intéressé, semblent, à première vue, relativisés par une appréciation anticipée des preuves effectuée par les enquêteurs après l'audition de dix-huit témoins, certains hors la présence de M. A______ pour des raisons ayant trait à la protection de leur personnalité ;

qu'en conséquence les chances de succès ne sont pas manifestes et doivent être relativisées ;

que, partant, la requête de restitution d'effet suspensif sera rejetée ;

qu'il sera statué sur les frais de l'incident avec la décision au fond.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse de restituer l'effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu'à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les
art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique la présente décision à Me Romain Jordan, avocat du recourant, ainsi qu'à la Ville de Genève.

 


 

 

 

La vice-présidente :

 

 

 

F. Krauskopf

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :