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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2924/2019

ATA/32/2020 du 14.01.2020 ( EXPLOI ) , REJETE

En fait
En droit

république et

canton de genève

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2924/2019-EXPLOI ATA/32/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 janvier 2020

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre


SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR



EN FAIT

1) Le 9 août 2017, le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) a délivré à Monsieur B______ une autorisation pour l'exploitation du café-restaurant à l'enseigne « C______ Restaurant », sis rue D______ à Thônex, propriété de la société anonyme « E______ SA ».

2) Suite à l'annonce de la cessation d'activité de M. B______ le 28 décembre 2017 et à la dissolution de la société « E______ SA » par faillite le 31 janvier 2018, le PCTN a prononcé la caducité de l'autorisation d'exploiter ledit établissement.

3) Le 11 juin 2019, Monsieur A______ a déposé une requête en autorisation d'exploiter un établissement soumis à la loi sur la restauration, le débit de boissons, l'hébergement et le divertissement du 19 mars 2015 (LRDBHD - I 2 22) pour l'exploitation du café restaurant à l'enseigne « C______» en raison d'un changement de propriétaire et d'exploitant.

À l'appui de sa requête, M. A______ a produit l'ensemble des pièces requises, dont un certificat de bonne vie et moeurs datant du 4 décembre 2018 et un extrait de son casier judiciaire du 22 mai 2019. Il ressort de ce dernier que l'intéressé a été condamné le 17 janvier 2019 par le Tribunal de police de Genève à une peine pécuniaire de cent quatre-vingt jours-amende à CHF 40.- pour emploi d'étrangers sans autorisation, escroquerie (complicité), faux dans les titres (commis à réitérées reprises) ainsi que comportement frauduleux à l'égard des autorités (tentatives).

4) Par décision du 16 juillet 2019, déclarée exécutoire nonobstant recours, le PCTN a rejeté la requête de M. A______ en autorisation d'exploiter un établissement soumis à la LRDBHD, visant l'établissement « C______».

L'autorisation d'exploiter était délivrée notamment à la condition que l'exploitant offre, par ses antécédents et son comportement, toute garantie que l'entreprise soit exploitée conformément aux dispositions de la LRDBHD et aux prescriptions en matière de police des étrangers. En l'espèce, l'intéressé avait été condamné pour emploi d'étrangers sans autorisation, complicité d'escroquerie, faux dans les titres et tentatives de comportement frauduleux à l'égard des autorités, ce qui était propre à porter atteinte à son honorabilité. Ces infractions étaient graves et directement liées à l'activité qu'il entendait exercer et la condamnation pénale était récente. Au vu de ces éléments, la condition de l'honorabilité au sens de l'art. 9 let. d LRDBHD faisait défaut et les conditions de délivrance d'une autorisation d'exploiter un établissement soumis à cette loi n'étaient pas remplies.

5) Par acte mis à la poste le 14 août 2019, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée. Il alléguait ne pas avoir eu la possibilité d'être entendu ni « mis au bénéfice du doute sur [son] honorabilité », en ce sens qu'il aurait dû bénéficier de l'art. 9 let d LRDBHD, qui faisait obligation au département compétent, lorsqu'il était en possession d'indices factuels permettant de présumer le non-respect des conditions de travail en usage, de demander à l'employeur de signer auprès du PCTN l'engagement de respecter les conditions de travail en usage à Genève et de faire dépendre sa décision de la signature dudit engagement. Sa condamnation concernait des faits qui s'étaient déroulés dans des restaurants pour lesquels il n'avait pas la qualité d'exploitant, ayant conclu des contrats de partenariat avec des tiers qui étaient en charge d'une partie de la gestion ; il joignait copie des contrats. Ces faits n'étaient pas de nature à remettre en cause l'exploitation de l'établissement « C______», dans la mesure où il disposait d'un contrat de gérance libre directement avec la propriétaire des murs et du fonds de commerce et que, depuis l'ouverture du restaurant, il ne s'était jamais produit de manquement au respect des conditions de travail en usage à Genève.

6) Dans sa réponse du 11 octobre 2019, le PCTN a conclu au rejet du recours et à la confirmation de sa décision. Le droit d'être entendu de M. A______ n'avait pas été violé, dans la mesure où il était censé motiver sa requête en apportant tous les éléments pertinents et où l'autorité intimée s'était fondée sur des éléments transmis par ses soins. Le fait que le recourant ne se soit pas vu offrir la possibilité de signer les usages conformément à l'art. 9 let d LRDBHD n'était pas relevant, l'autorité s'étant basée sur la quotité de la condamnation qui tenait compte de l'ensemble des infractions ; en outre, la signature des usages visait l'engagement de l'exploitant et du propriétaire à respecter les conditions de travail en usage à Genève mais ne concernait pas les infractions au code pénal, comme dans le cas d'espèce. Le PCTN disposait d'un certain pouvoir d'appréciation dans l'interprétation de la notion d'honorabilité de l'art. 9 let. d LRDBHD et, en l'espèce, cette condition n'était pas remplie. En effet, les infractions reprochées au recourant étaient graves - ce qui était attesté par le nombre de jours-amende infligés -, liées à l'activité qu'il entendait exercer et propres à porter atteinte à son honorabilité. Ce qui avait également conduit le PCTN à refuser la délivrance d'une nouvelle autorisation - hormis la nature et la gravité des infractions commises - était le caractère « particulièrement récent » de la condamnation pénale, puisque ce n'était que cinq mois après son prononcé que l'autorité intimée avait été amenée à examiner son honorabilité. Ainsi, M. A______ ne pouvait garantir que l'établissement serait exploité conformément aux dispositions de la LRDBHD et des prescriptions en matière de police des étrangers et du code pénal. Dans son activité, le recourant était amené à établir de nombreux documents nécessaires à la gestion administrative de l'établissement, soit en lien avec les salaires, la comptabilité ou le bilan, et tenir à jour divers registres ; or, le comportement frauduleux à l'égard des autorités était de nature à rompre la confiance qu'un exploitant devait être à même de susciter vis-à-vis de ces dernières. Le législateur avait voulu se montrer exigeant à l'égard des exploitants, propriétaires ou gérants d'établissements publics, afin de prévenir la commission d'infractions en leur sein. Au vu de tous ces éléments, le PCTN n'avait pas abusé de son pouvoir d'appréciation en rendant la décision objet du recours.

7) Par courrier du 12 novembre 2019, la chambre administrative a demandé à M. A______ de lui transmettre le jugement du Tribunal de police du 17 janvier 2019 et, le cas échéant, l'ordonnance pénale ou l'acte d'accusation l'ayant précédé.

8) Par courrier du 18 novembre 2019, M. A______ a transmis copie dudit jugement - qui n'a fait l'objet d'aucune motivation écrite - ainsi que du procès-verbal d'audience du Tribunal de police du 15 janvier 2019. Il ressort du jugement que M. A______ a été condamné à une peine pécuniaire de cent quatre-vingt jours-amende à CHF 40.- pour complicité d'escroquerie, faux dans les titres commis à réitérées reprises, de tentative d'infraction à l'art. 118 al. 1 LEtr et d'infraction à l'art. 117 al. 2 LEtr.

9) Suite à une demande de la chambre administrative du 3 décembre 2019, le Tribunal pénal a transmis copie de l'ordonnance pénale rendue par le Ministère public le 27 juin 2018 à l'encontre de M. A______, le condamnant à une peine pécuniaire de cent quatre-vingts jours-amende à CHF 120.-.

Il ressort de cette dernière qu'il lui était reproché d'avoir :

a. en sa qualité d'administrateur avec signature individuelle des sociétés La F______ SA et E______ SA, exploitant des cafés-restaurants :

- courant janvier 2013, établi une fausse fiche de salaire au nom d'une employée pour le mois de décembre 2012, laquelle indiquait un montant prétendument perçu par elle inférieur au gain réellement réalisé, agissant de la sorte afin qu'elle puisse astucieusement induire la Caisse cantonale genevoise de chômage en erreur, pour l'amener à lui verser indûment des prestations de l'assurance-chômage ;

- au mois de mai 2014, établi deux attestations mentionnant faussement que cette même personne n'avait pas été employée par La F______ SA et E______ SA, pour les périodes du 1er avril 2012 au 31 août 2012 ainsi que du 1er au 31 décembre 2012, afin qu'elle n'ait pas à rembourser les prestations de chômage indûment perçues, conformément à une décision de remboursement du 14 mars 2014 rendue par ladite caisse.

b. en sa qualité d'administrateur avec signature individuelle de la société E______ SA, à une date non précisément déterminée de la fin de l'année 2016 : signé pour le compte d'E______ SA un contrat de travail simulé daté du 1er décembre 2016 avec un employé, fait établir sous l'en-tête d'E______ SA des fausses fiches de salaire au nom de ce dernier puis délivré ces fiches et signé, pour le compte d'E______ SA, une demande d'autorisation de séjour pour cette même personne, prétendument son employé, alors que tel n'était en réalité pas le cas ;

étant précisé que M. A______ savait que les documents établis, fabriqués et signés mentionnés ci-dessus seraient utilisés pour tromper les autorités genevoises et fédérales afin d'obtenir frauduleusement une autorisation de séjour en Suisse pour ladite personne et qu'il a procédé dans le but de se procurer un enrichissement illégitime, dans la mesure où il était convenu que l'employé lui verse mensuellement la somme de CHF 1'200.- pour ce faire.

c. en sa qualité d'administrateur avec signature individuelle de la société E______ SA, exploitant notamment le Café G______, employé au sein de cet établissement deux personnes, respectivement du 1er au 30 septembre 2016 et du 1er septembre 2016 au 17 janvier 2017, lesquelles n'étaient pas au bénéfice des autorisations nécessaires permettant d'exercer une activité lucrative en Suisse.

10) Un délai a été donné pour d'éventuelles observations, auquel les parties n'ont pas donné suite.

11) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA).

b. L'autorité commet un abus de son pouvoir d'appréciation tout en respectant les conditions et les limites légales, si elle ne se fonde pas sur des motifs sérieux et objectifs, se laisse guider par des éléments non pertinents ou étrangers au but des règles ou viole des principes généraux tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, les principes de la bonne foi et de la proportionnalité (ATA/327/2018 du 10 avril 2018 et les références citées).

3) Est litigieux le bien-fondé de la décision rejetant la requête en autorisation d'exploiter un établissement soumis à la LRDBHD.

4) a. Le droit d'être entendu, garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 41 LPA, comprend, notamment, le droit pour la personne concernée de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment et de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; 132 II 485 consid. 3.2). L'étendue du droit de s'exprimer ne peut pas être déterminée de manière générale, mais doit être définie au regard des intérêts concrètement en jeu. L'idée maîtresse est qu'il faut permettre à une partie de pouvoir mettre en évidence son point de vue de manière efficace (ATF 111 Ia 273 consid. 2b ; 105 Ia 193 consid. 2b/cc).

b. Dans une procédure initiée sur requête d'un administré, celui-ci est censé motiver sa requête en apportant tous les éléments pertinents ; il n'y a donc pas un droit à être encore entendu par l'autorité avant que celle-ci ne prenne sa décision, afin de pouvoir présenter des observations complémentaires. Reste réservée l'hypothèse où l'autorité fonde sa décision sur des éléments auxquels l'intéressé ne pouvait pas s'attendre (ATA/1149/2018 du 30 octobre 2018 consid. 4a ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n. 1530).

c. En l'espèce, le recourant reproche à l'autorité intimée de ne pas l'avoir invité à faire valoir son point de vue avant de prendre la décision litigieuse.

Néanmoins, c'est le recourant qui a motivé sa requête et déposé les pièces annexes, dont l'extrait de casier judiciaire. Il a donc pu s'exprimer et apporter les éléments pertinents déjà au stade de sa requête. De plus, il devait s'attendre à ce que l'intimé se fonde, notamment, sur son extrait de casier judiciaire, qui est une pièce essentielle dans le cadre de la requête en autorisation d'exploiter qu'il a sollicitée.

Au vu ce qui précède, il ne peut être reproché à l'autorité intimée d'avoir violé le droit d'être entendu du recourant et le grief sera écarté.

5) Le 1er janvier 2016, la nouvelle LRDBHD et son règlement d'exécution du 28 octobre 2015 (RRDBHD - I 2 22.01) sont entrés en vigueur, abrogeant l'ancienne loi sur la restauration, le débit de boissons et l'hébergement du 17 décembre 1987 (LRDBH - I 2 21) et son règlement d'exécution du 31 août 1988 (RRDBH - I 2 21.01).

6) a. L'exploitation de toute entreprise vouée à la restauration, au débit de boissons et à l'hébergement est soumise à l'obtention préalable d'une autorisation d'exploiter délivrée par le département (art. 8 al. 1 LRDBHD). Cette autorisation doit être requise lors de chaque création, changement de catégorie ou de lieu, agrandissement et transformation, changement d'exploitant ou de propriétaire de l'entreprise, ou modification des conditions de l'autorisation antérieure (art. 8 al. 2 LRDBHD).

b. Selon l'art. 9 let. d 1ère phrase LRDBHD, qui fixe les conditions relatives à l'exploitant, soit la ou les personnes physiques responsables de l'entreprise, qui exercent effectivement et à titre personnel toutes les tâches relevant de la gestion de celle-ci (art. 3 let. n LRDBHD), l'autorisation d'exploiter une entreprise est délivrée notamment à condition qu'il offre, par ses antécédents et son comportement, toute garantie que l'entreprise est exploitée conformément aux dispositions de la LRDBHD et aux prescriptions en matière de police des étrangers, de sécurité sociale et de droit du travail, ainsi qu'aux dispositions pénales prohibant les crimes ou délits dans la faillite et la poursuite pour dettes et, s'il a la qualité d'employeur, qu'il démontre au moyen d'une attestation officielle ne pas avoir de retard dans le paiement des cotisations sociales. Lorsque le département est en possession d'indices factuels permettant de présumer le non-respect des conditions de travail en usage, il demande à l'employeur de signer auprès de l'OCIRT l'engagement de respecter les conditions de travail en usage à Genève et fait dépendre sa décision de la signature dudit engagement.

c. Il ressort des travaux préparatoires relatifs à la condition d'honorabilité de la LRDBH, qui est la même que celle de l'art. 9 LRDBHD, que « cette condition est rédigée de façon à permettre une appréciation nuancée de l'honorabilité requise en fonction du genre d'établissement que le requérant entend exploiter ; elle met l'accent sur les principales matières dans lesquelles le requérant doit présenter toute garantie » (MGC 1985 35/III 4240 ; ATA/205/2005 du 12 avril 2005).

Dans la définition de la notion d'honorabilité, qui se retrouve dans d'autres textes légaux genevois, en particulier la loi concernant le concordat sur les entreprises de sécurité du 18 octobre 1996 (CES - I 2 14), la loi sur la vente à l'emporter des boissons alcooliques du 22 janvier 2004 (LVEBA - I 2 24) et la loi sur la prostitution du 17 décembre 2009 (LProst - I 2 49), il s'agit avant tout de déterminer si le comportement de la personne exerçant ou voulant exercer une activité soumise à autorisation est compatible avec ladite activité.

d. La chambre administrative s'est prononcée à plusieurs reprises sur la condition d'honorabilité.

Elle a ainsi retenu qu'elle n'était pas réalisée lorsque l'exploitant avait été condamné à une peine d'emprisonnement d'une durée de trois mois, avec sursis pendant trois ans, pour des actes d'ordre sexuel commis dans son propre établissement public (ATA/377/2000 du 6 juin 2000), lorsqu'il s'était vu reprocher le développement d'un trafic de produits stupéfiants dans lequel il avait servi d'intermédiaire (ATA/294/2001 du 8 mai 2001), lorsqu'il avait été condamné pour deux escroqueries à une assurance sociale à quatre mois d'emprisonnement avec sursis pendant cinq ans (ATA/369/2001 du 29 mai 2001), ou avait fait l'objet d'une condamnation à deux mois d'emprisonnement avec sursis pendant trois ans pour abus de confiance, vol au préjudice de son employeur et d'une collègue et induction de la justice en erreur (ATA/733/2004 du 21 septembre 2004). Enfin, n'a pas été jugée à même d'exploiter un établissement public la personne qui avait fait l'objet de nombreuses plaintes et dénonciations pénales au cours des quinze années précédentes et de quatorze rapports de dénonciations et trois sanctions administratives en application de l'aLRDBH au cours des quatre dernières années (ATA/552/2004 du 15 juin 2004), l'exploitant ayant été condamné pour usure (ATA/957/2014 du 2 décembre 2014) ou encore celui ayant été condamné à une peine pécuniaire de vingt-trois jours-amende à CHF 60.- le jour ainsi qu'à une amende de CHF 300.- pour violation des règles de la circulation routière alors qu'il était dans l'incapacité de conduire un véhicule automobile, puis une seconde fois à une peine pécuniaire de deux cents jours-amende à CHF 50.- le jour ainsi qu'à une amende de CHF 2'500.-, pour complicité de faux dans les titres (ATA/599/2014 et ATA/600/2014 du 29 juillet 2014).

À l'inverse, la chambre administrative a considéré que l'autorité avait abusé de son pouvoir d'appréciation en considérant que l'exploitant, condamné pour avoir employé dix personnes sans autorisation de travail valable en Suisse, pour des périodes comprises entre deux mois et cinq ans et demi, ne présentait pas les garanties suffisantes en matière d'honorabilité, en l'absence d'autre condamnation pénale (ATA/1349/2017 du 3 octobre 2017). Elle est arrivée à une conclusion similaire dans le cas d'un exploitant condamné à deux reprises, en 2013 et 2015, pour emploi d'étrangers sans autorisation, respectivement à une peine pécuniaire de nonante jours-amende à CHF 60.- le jour avec sursis durant trois ans, ainsi qu'à une amende de CHF 1'200.-, et à une peine pécuniaire de cent vingt jours-amende à CHF 50.- le jour (ATA/209/2018 du 6 mars 2018). Elle a également conclu dans ce sens dans le cas d'un exploitant condamné en 2014 et 2015, pour conduite en état d'ébriété avec un taux d'alcoolémie qualifié dans le sang et pour emploi d'étrangers sans autorisation. La chambre de céans a toutefois précisé dans ce cas que toute récidive entraînerait la révocation ou le non-renouvellement des autorisations d'exploitation (ATA/1409/2017 du 17 octobre 2017 consid. 7b).

7) a. Les travaux préparatoires relatifs à la LRDBHD relèvent que celle-ci a, entre autres, pour objectif le renforcement de la protection des travailleurs. Le projet de loi a ainsi intégré plusieurs références au droit du travail, rappelant que les employeurs devaient respecter la législation sur le travail, quels que soient les horaires d'exploitation, devaient fournir une attestation démontrant qu'ils n'avaient pas de retard dans le paiement de leurs cotisations sociales et pouvaient être soumis à un contrôle des conditions de travail en tout temps (PL 11'282, p. 44 ; ATA/1349/2017 précité).

b. De même, le projet de LRDBHD avait pour objectif de rendre plus efficaces les mesures et sanctions à l'égard des contrevenants, notamment s'agissant des conditions d'exploitation commerciales des établissements et des droits des employés (PL 11'282, p. 34). Le système des sanctions était simplifié et renforcé : le projet de loi considérait comme graves les infractions relatives aux horaires d'ouverture et de fermeture, à la législation sur la vente d'alcool, à la législation sur les denrées alimentaires et les objets usuels, ainsi que les animations organisées sans autorisation. Cette nouvelle disposition prévoyait des sanctions plus sévères à l'encontre des contrevenants (PL 11'282, p. 43).

Ainsi, alors que l'art. 70 LRDBH indiquait qu'en cas d'infraction à la législation ou aux conditions particulières de l'autorisation, le département pouvait, en tenant compte de la gravité de l'infraction ou de sa réitération, prononcer, à l'encontre de l'exploitant, la suspension de l'autorisation d'exploiter pour une durée de dix jours à six mois (let. a) et le retrait de l'autorisation d'exploiter (let. b), le nouvel art. 63 LRDBHD indique qu'en cas d'infraction à la LRDBHD et à ses dispositions d'exécution, ainsi qu'aux conditions de l'autorisation, le département prononce, en tenant compte de la gravité de l'infraction ou de sa réitération, à l'encontre de l'exploitant, l'obligation de suivre une formation complémentaire, définie par le règlement d'exécution, en lien avec le domaine dans lequel l'infraction a été commise (let. a), la suspension de l'autorisation d'exploiter, pour une durée maximum de six mois (let. b), ou le retrait de l'autorisation d'exploiter (let. c).

Sont notamment considérées comme graves les infractions aux dispositions de la loi relatives aux horaires d'ouverture et à la vente d'alcool, à la législation sur le travail (usages, loi fédérale sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce du 13 mars 1964 - LTr - RS 822.11) et aux assurances sociales, les inconvénients engendrés pour le voisinage ainsi que les animations organisées sans autorisation (art. 63 al. 3 LRDBHD). Lorsqu'il a prononcé le retrait d'une autorisation d'exploiter, le département ne peut entrer en matière sur une nouvelle demande d'autorisation déposée par l'exploitant et/ou le propriétaire pendant un délai de deux ans à compter du jour où la décision de retrait est entrée en force (art. 63 al. 4 LRDBHD).

c. Le principe de la proportionnalité, garanti par les art. 5 al. 2 et 36 al. 3 Cst., exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c et les références citées). Traditionnellement, le principe de la proportionnalité se compose ainsi des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé - de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2 ; 135 I 169 consid. 5.6 ; ATA/569/2015 du 2 juin 2015 ; Pascal MAHON, Droit constitutionnel, vol. II, 2014, n. 38, n. 126, n. 137 ; Andreas AUER/ Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. II, 3ème éd., 2013, n. 226 ss ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 552 ss).

8) a. En règle générale, s'appliquent aux faits dont les conséquences juridiques sont en cause, les normes en vigueur au moment où ces faits se produisent (ATA/118/2018 du 6 février 2018 et les références citée).

Liée aux principes de sécurité du droit et de prévisibilité, l'interdiction de la rétroactivité des lois résulte du droit à l'égalité de l'art. 8 Cst., de l'interdiction de l'arbitraire et de la protection de la bonne foi garanties par les art. 5 et 9 Cst. L'interdiction de la rétroactivité (proprement dite) fait obstacle à l'application d'une norme à des faits entièrement révolus avant son entrée en vigueur, car les personnes concernées ne pouvaient, au moment où ces faits se sont déroulés, connaître les conséquences juridiques découlant de ces faits et se déterminer en connaissance de cause. Une exception à cette règle n'est possible qu'à des conditions strictes, soit en présence d'une base légale suffisamment claire, d'un intérêt public prépondérant, et moyennant le respect de l'égalité de traitement et des droits acquis (ATF 138 I 189 consid. 3.4 ; 119 Ia 254 consid. 3b). La rétroactivité doit en outre être raisonnablement limitée dans le temps (ATA/209/2018 précité et les références citées).

b. Selon la jurisprudence rendue après l'entrée en vigueur de la LRDBHD, des condamnations pénales pour infraction à la LEtr peuvent, selon leur degré de gravité et leur ancienneté, ne pas entacher l'honorabilité de l'exploitant et du propriétaire.

La chambre administrative a ainsi considéré, en tenant compte de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce, que le service avait abusé de son pouvoir d'appréciation en retenant que l'exploitant ayant employé dix personnes sans autorisation valable entre 2010 et 2015 et condamné à une peine pécuniaire de cent vingt jours-amende à CHF 190.- le jour ne présentait pas les garanties suffisantes d'honorabilité en qualité d'exploitant (ATA/1349/2017 précité). Elle a tenu un raisonnement similaire s'agissant d'un exploitant ayant employé, durant la même période, un cuisinier sans autorisation et condamné à une peine pécuniaire de nonante-cinq jours-amende à CHF 80.- avec sursis durant trois ans (ATA/1409/2017 du 17 octobre 2017), dans le cas d'un exploitant condamné à deux reprises par le Ministère public, en 2012 et 2016, pour avoir employé des étrangers dépourvus d'autorisation de travail et/ou de séjour, respectivement à une peine pécuniaire de nonante jours-amende à CHF 100.- le jour, assortie d'une amende de CHF 2'000.- et à une peine pécuniaire de cent jours-amende à CHF 90.- le jour (ATA/1594/2017 du 12 décembre 2017), dans celui d'un autre exploitant condamné à une peine pécuniaire de cent jours-amende à CHF 80.- avec sursis pendant trois ans pour avoir, jusqu'en 2015, employé deux personnes dépourvues d'autorisation pendant trente à trente-huit mois (ATA/118/2018 précité).

9) a. En l'espèce, la décision litigieuse se fonde sur la condamnation pénale du recourant par le Tribunal de police le 17 janvier 2019 à une peine pécuniaire de cent quatre-vingts jours-amende à CHF 40.- pour complicité d'escroquerie, faux dans les titres commis à réitérées reprises, de tentative d'infraction à l'art. 118 al. 1 LEtr et infraction à l'art. 117 al. 2 LEtr. Les infractions reprochées sont détaillées dans l'ordonnance pénale du Ministère public, qui a fait l'objet d'une opposition du recourant. Toutefois, dans son jugement, le Tribunal de police a retenu les mêmes infractions que celles visées dans ladite ordonnance et confirmé la peine de cent quatre-vingts jours-amendes, en fixant le montant du jour-amende à CHF 40.-, inférieur à celui fixé initialement par le Ministère public.

Au sujet de cette condamnation, la chambre administrative relève que le recourant n'a pas contesté avoir employé des personnes sans autorisation de travail valable en Suisse, ni que les infractions aient été commises dans le cadre de la gestion de plusieurs établissements. Même s'il contestait certaines autres infractions qui lui étaient reprochées, le Tribunal de police l'a condamné pour ces dernières et son jugement est devenu définitif, n'ayant fait l'objet d'aucun appel. La condamnation du recourant est récente et les faits reprochés ont été commis de 2012 à 2014 puis en 2016, soit sur une longue période pénale. Il a agi en tant qu'administrateur de plusieurs sociétés et comme exploitant d'un café-restaurant, visé dans une procédure connexe, pour lequel il a également demandé une autorisation. Les faits commis sont graves, notamment ceux visant une complicité d'escroquerie dirigée contre la caisse cantonale de chômage et ceux commis dans le but de se procurer un enrichissement illégitime. Ils relèvent également du code pénal et non seulement du droit des étrangers.

Certaines infractions retenues ont un lien étroit avec l'activité pour laquelle l'autorisation est sollicitée et sont expressément mentionnées aux art. 9 et 10 LRDBHD. Il est établi - et non contesté - que les faits sont parfois directement en lien avec l'établissement concerné par la procédure connexe et parfois en lien avec des établissements pour lesquels il avait conclu des contrats de partenariat avec des tiers. Elles sont en conséquence de nature à mettre sérieusement en doute les capacités du recourant à garantir que les entreprises seront exploitées, notamment, en conformité avec les prescriptions en matière de police des étrangers et du code pénal.

Ainsi, le cas présent se rapproche de ceux où la chambre de céans a retenu que la condition de l'honorabilité n'était pas remplie, lorsque des infractions liées au droit des étrangers s'accompagnaient de la commission d'autres infractions pénales, notamment à une escroquerie à l'assurance sociale (ATA/369/2001 précité), le faux dans les titres (ATA/599/2014 et ATA/600/2014 précités) ou l'usure (ATA/957/2014 précité).

Le recourant ne remplit ainsi pas la condition d'honorabilité de l'art. 9 let. d LRDBHD.

10) Ainsi, la décision du PCTN de ne pas octroyer l'autorisation d'exploiter est conforme à la loi et respecte également le principe de la proportionnalité.

Pour ces motifs, le recours sera rejeté et la décision querellée confirmée.

11) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA), l'autorité intimée disposant de son propre service juridique.

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 août 2019 par Monsieur A______ contre la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 16 juillet 2019 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : M. Verniory, président, Mmes Payot Zen-Ruffinen et Cuendet, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :