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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/671/2019

ATA/8/2020 du 07.01.2020 ( AIDSO ) , REJETE

Descripteurs : ASSISTANCE PUBLIQUE;CONCLUSIONS;BONNE FOI SUBJECTIVE;CHOSE JUGÉE;REMISE DE LA PRESTATION;RECONSIDÉRATION
Normes : LPA.65; LIASI.36; LIASI.42; LPA.80
Résumé : Le précédent arrêt de la chambre administrative constatant la violation de son obligation renseigner l'intimé par le recourant étant entré en force, celui-ci ne peut être considéré comme étant de bonne foi, condition nécessaire à l'octroi d'une remise. En outre, s'agissant d'une décision sur renvoi de la chambre administrative, il n'y a pas lieu à reconsidération et le recourant n'invoque aucun motif de révision au sens de l'art. 80 LPA. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/671/2019-AIDSO ATA/8/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 7 janvier 2020

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

HOSPICE GÉNÉRAL



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1982, a sollicité, au mois d'avril 2014, des prestations d'aide financière de l'Hospice général (ci-après : l'hospice).

2) M. A______ a perçu des prestations d'aide financière de l'hospice entre le 1er juin 2014 et le 28 février 2017.

3) Par arrêt du 18 septembre 2018 (ATA/947/2018), la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a rejeté le recours de M. A______ contre la décision du directeur de l'hospice du 18 décembre 2017, confirmant la décision de l'hospice du 24 mars 2016, en tant qu'elle réclamait à l'intéressé la somme en capital de CHF 2'364.50 à titre de prestations indûment perçues pour le mois de janvier 2015. Le dossier était en outre retourné à l'hospice pour qu'il se prononce sur l'octroi d'une remise au sens de l'art. 42 de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04).

Le recourant contestait devoir rembourser le montant de CHF 2'364.50 au motif qu'il n'avait pas lui-même perçu ni dépensé le salaire qui lui avait été versé en décembre 2014, la somme ayant été versée en janvier 2015 sur le compte postal de son père, comme remboursement d'une dette. L'argument du recourant selon lequel le gain accessoire perçu au mois de décembre 2014 avait été versé à son père au titre de remboursement de ses dettes ne permettait pas de remettre en cause le fait qu'il avait violé son devoir de renseigner immédiatement l'hospice. Ce n'était que dans le cadre de son audition du 8 juillet 2015 qu'il avait révélé avoir reçu un salaire de CHF 2'208.70 au mois de décembre 2014. L'hospice avait donc réclamé à juste titre à M. A______ la somme de CHF 2'364.50, qu'il avait perçue indûment en violation de son obligation de renseigner.

Les parties n'ayant cependant pas abordé la question de la remise dans le cadre de cette procédure, le dossier était retourné à l'hospice pour qu'il se prononce sur l'octroi ou non d'une remise sur le montant de CHF 2'364.50 dont il réclamait le remboursement à juste titre.

4) Par décision du 21 janvier 2019, le directeur général de l'hospice a rejeté la demande de remise de M. A______ et confirmé sa décision du 18 décembre 2017, en tant qu'elle lui réclamait le remboursement de la somme de CHF 2'364.50 en capital.

Celle-ci était irrecevable pour cause de tardiveté. Il n'avait pas formé de demande de remise dans le délai de trente jours dès la notification de la demande de remboursement, mais seulement une opposition. Cela étant, en toute hypothèse, cette demande devrait être rejetée car l'hospice lui avait réclamé à bon droit la somme de CHF 2'364.50 tel que retenue par la chambre administrative dans son arrêt du 18 septembre 2018 (ATA/947/2018). M. A______ ne pouvait donc se prévaloir de sa bonne foi pour prétendre à une remise.

5) Par acte du 20 février 2019, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative contre cette décision, en « réitérant son opposition sur l'entièreté du dossier et non pas sur la remise ».

Son cas devait être « reconsidéré » dans la mesure où il y avait eu un « acharnement » de la part de l'hospice à son encontre. Il n'avait fait preuve d'aucune mauvaise foi, mais de maladresse. Il avait donné les informations requises sur sa situation personnelle, familiale et économique, mais « pas au bon moment ». Sa faute consistait à avoir mal interprété de quelle manière son activité professionnelle devait être traitée. En revanche, il avait collaboré lors de l'enquête du 8 juillet 2015 en la déclarant et fournissant tous les documents y relatifs. Malgré son erreur d'appréciation, il n'avait jamais utilisé l'argent retiré de cette activité lucrative à des fins personnelles. La somme de CHF 2'208.70 lui était réclamée en dehors de ces considérations, sur la seule base du règlement d'exécution de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01), qui ne couvrait pas son cas. Il n'y avait eu aucune intention de dissimulation de sa part. « Demander cette somme qui n'[avait] jamais transité de manière scripturale ou physique pour [sa] propre personne n'[était] pas juste et moral ».

6) L'hospice a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision querellée.

Le recourant ne pouvait être considéré comme étant de bonne foi puisque la chambre administrative l'avait jugé ainsi dans son arrêt du 18 septembre 2018 (ATA/947/2018), ayant violé son obligation de renseignement. Le recourant savait devoir annoncer son gain à son assistante sociale dès réception et cela non seulement parce qu'il avait signé un engagement en ce sens, mais aussi parce qu'il l'avait fait six mois plus tôt pour des revenus perçus dans le cadre d'une autre activité professionnelle. En déclarant tardivement son gain, il avait violé sciemment son obligation de renseigner, ce qui excluait sa bonne foi. Le fait qu'il n'avait pas utilisé cet argent à des fins personnelles ne pouvait modifier cette conclusion, compte tenu du principe de subsidiarité de l'aide sociale dont il avait connaissance. Faute de pouvoir se prévaloir de sa bonne foi, le recourant ne pouvait pas prétendre à une remise, sans qu'il y ait lieu de vérifier la seconde condition - à savoir celle de la situation difficile dans laquelle le remboursement le placerait - puisque les deux conditions devaient être réalisées cumulativement selon une jurisprudence bien établie.

7) Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger, le recourant n'ayant pas fait usage de son droit à la réplique.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la conformité au droit de la décision du 21 janvier 2019 du directeur de l'hospice, rejetant la demande de remise du recourant.

Bien que l'intimé estime que faute d'avoir formulé de demande de remise dans le délai légal, celle-ci serait irrecevable, il la rejette sur le fond au motif que le recourant ne saurait se prévaloir de sa bonne foi. Dans son arrêt du 18 septembre 2018 (ATA/947/2018), la chambre de céans avait en effet retenu que l'intimé lui réclamait à juste titre la somme de CHF 2'364.50, pour l'avoir perçue indûment à la suite de la violation fautive de son obligation de renseigner.

Pour sa part, le recourant indique réitérer son opposition sur la totalité de son dossier en sollicitant que son cas soit reconsidéré, « et non pas sur la remise ». Cela étant, il fait valoir ne pas avoir agi par mauvaise foi, mais uniquement par « maladresse ».

3) a. Selon l'art. 65 LPA, l'acte de recours contient, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (al. 1). Il contient également l'exposé des motifs ainsi que l'indication des moyens de preuve (al. 2).

b. Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, la jurisprudence fait preuve d'une certaine souplesse s'agissant de la manière dont sont formulées les conclusions du recourant. Le fait qu'elles ne ressortent pas expressément de l'acte de recours n'est, en soi, pas un motif d'irrecevabilité, pour autant que l'autorité judiciaire et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant (ATA/1718/2019 du 26 novembre 2019 consid. 2 ; ATA/1243/2017 du 29 août 2017 consid. 2a ; ATA/518/2017 du 9 mai 2017 consid. 2a). Ainsi, une requête en annulation d'une décision doit être déclarée recevable dans la mesure où le recourant a, de manière suffisante, manifesté son désaccord avec la décision ainsi que sa volonté qu'elle ne déploie pas d'effets juridiques (ATA/1243/2017 précité consid. 2a).

4) a. Aux termes de l'art. 36 LIASI, est considérée comme étant perçue indûment toute prestation qui a été touchée sans droit (al. 1) ; par décision écrite, l'hospice réclame au bénéficiaire, à sa succession ou à ses héritiers qui l'ont acceptée, le remboursement de toute prestation d'aide financière perçue indûment par la suite de la négligence ou de la faute du bénéficiaire (al. 2) ; le remboursement des prestations indûment touchées peut être réclamé si le bénéficiaire, sans avoir commis de faute ou de négligence, n'est pas de bonne foi (al. 3).

b. À teneur de l'art. 42 LIASI, le bénéficiaire qui était de bonne foi n'est tenu au remboursement, total ou partiel, que dans la mesure où il ne serait pas mis, de ce fait, dans une situation difficile (al. 1) ; dans ce cas, il doit formuler par écrit une demande de remise dans un délai de 30 jours dès la notification de la demande de remboursement ; cette demande de remise est adressée à l'hospice (al. 2).

Les conditions de la bonne foi et de la condition financière difficile sont cumulatives (ATA/1377/2017 du 10 octobre 2017).

5) Selon la doctrine, l'autorité de chose jugée ou force matérielle de chose jugée (materielle Rechtskraft) se rapporte à la stabilité du contenu d'une décision. On peut également distinguer ici entre autorité de chose décidée, qui se rapporte à la stabilité d'une décision d'une autre administration entrée en force, et autorité de chose jugée, qui se rapporte à celle d'une décision prise sur recours ou par une juridiction saisie d'une action. Dans le premier cas, la question est simplement celle de la modification d'une décision administrative. On indiquera seulement ici que la révocation partielle ou totale d'une décision exige une pesée de l'intérêt à une application correcte du droit objectif, qui plaiderait par hypothèse pour une modification de la décision, et de l'intérêt à la sauvegarde de la sécurité du droit, qui favorise le maintien de la décision. Dans le second cas, le réexamen approfondi de l'affaire qui a dû être effectué sur recours ou par la juridiction saisie d'une action justifie de reconnaître une plus grande portée à l'autorité de chose jugée : les points tranchés sur recours ou par une juridiction ne pourront être revus, en ce qui concerne les mêmes parties, les mêmes faits et les mêmes motifs, que si des motifs de révision (art. 80 LPA) sont présents. À cet égard, il faut souligner que l'autorité de chose jugée ne se rapporte qu'aux points effectivement tranchés par l'autorité de recours ; il y aura donc lieu de se référer aux motifs de sa décision pour définir la portée de l'autorité de la chose jugée (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 867 à 869 p. 308).

6) En l'occurrence, le recourant, comparaissant en personne, a expressément indiqué dans son acte de recours qu'il n'entendait pas formuler une demande de remise, mais sollicitait une reconsidération de son cas. À cet égard, il invoque principalement son absence de mauvaise foi, dans la mesure où il aurait omis de déclarer le revenu perçu en décembre 2014 par seule maladresse.

Dans son arrêt du 18 septembre 2018 (ATA/947/2018), désormais entré en force de chose jugée, la chambre de céans a toutefois clairement retenu que le recourant avait violé son devoir de renseigner immédiatement l'hospice de la perception du salaire susmentionné clairement de nature à entraîner la modification du montant des prestations d'aide financière qui lui étaient allouées, voire leur suppression.

En outre, il ressort de la jurisprudence constante de la chambre de céans qu'un assuré qui viole ses obligations d'informer l'hospice de sa situation financière, ne peut être considéré de bonne foi (ATA/1024/2014 du 16 décembre 2014 consid. 10).

Compte tenu de ce qui précède, la question de la recevabilité du présent recours peut souffrir de demeurer indécise, dès lors que celui-ci doit être rejeté. En effet, l'arrêt constatant la violation de l'obligation de renseigner du recourant étant entré en force, celui-ci ne saurait être considéré comme étant de bonne foi au sens de l'art. 42 al. 1 LIASI, conformément à la jurisprudence précitée.

Il n'y a pas lieu à reconsidération, s'agissant d'une décision sur renvoi de la chambre de céans. Le recourant n'invoque d'ailleurs aucun motif de révision au sens de l'art. 80 LPA notamment l'existence d'un fait ou de moyens de preuve nouveau et important qu'il n'aurait pu connaître ou invoquer dans la procédure précédente (let. b).

Le recours sera rejeté, en tant qu'il est recevable.

7) Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée au recourant, qui succombe (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette le recours interjeté le 20 février 2019 par Monsieur A______ contre la décision de l'Hospice général du 21 janvier 2019, en tant qu'il est recevable ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin et Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :