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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3585/2019

ATA/11/2020 du 07.01.2020 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3585/2019-FORMA ATA/11/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 7 janvier 2020

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A______

contre

UNIVERSITÉ DE GENÈVE



EN FAIT

1) Madame A______ a été immatriculée à la faculté d'économie et de management (ci-après : la faculté) de l'Université de Genève (ci-après : l'université) pour l'année académique 2016-2017 en vue de l'obtention d'un baccalauréat universitaire (ci-après : le baccalauréat).

Les études se divisent en deux parties : les deux premiers semestres d'études doivent permettre d'acquérir soixante crédits du système européen de transfert et d'accumulation de crédits (ci-après : crédits ECTS) ; cent vingt crédits ECTS doivent être obtenus lors de quatre autres semestres. La durée totale des études est de six semestres au minimum et dix au maximum.

2) Lors de la session de janvier/février 2018, Mme A______ a passé des examens pour la première et pour la seconde partie de son baccalauréat. Un relevé de notes distinct a été émis le 12 février 2018 pour chacune des parties.

Par formulaire du 22 février 2017 [recte : 2018], Mme A______ a demandé à conserver la note insuffisante de 3,25 de l'examen « Statistics I » (ci-après : examen de statistiques) relatif à la deuxième partie, ce qui lui a été accordé. Un nouveau relevé de notes de la deuxième partie a été émis le 22 février 2018 et les six crédits relatifs à ce cours ont été validés.

3) Lors des examens de la session du mois de mai/juin 2018, Mme A______ a réussi la première partie de son baccalauréat.

S'agissant de la seconde partie, elle a notamment obtenu la note de 3,00 à l'examen de macroéconomie.

4) Lors des examens de la session du mois d'août-septembre 2018, elle ne s'est pas présentée à l'examen de macroéconomie et a produit, en temps voulu, un certificat médical pour justifier son absence, laquelle a été considérée comme excusée.

5) À l'issue de la session d'examens de janvier/février 2019, par formulaire du 22 février 2019, Mme A______ a demandé à conserver la note insuffisante de 3,5 de l'examen « Econométrics » (ci-après : examen d'économétrie), ce qui lui a été accordé. Un nouveau relevé de notes de la deuxième partie a été émis le 22 février 2019 et les six crédits relatifs à ce cours ont été validés.

6) Lors des examens de la session du mois de mai/juin 2019, Mme A______ a obtenu la note de 3,00 à l'examen de macroéconomie.

Selon le relevé de notes du 24 juin 2019 relatif à la deuxième partie, l'étudiante avait, pour la seconde partie de son baccalauréat, obtenus 91 crédits ECTS et demandé à en conserver douze (statistiques et économétrie).

7) Par décision du 24 juin 2019, le doyen de la faculté a prononcé l'élimination de l'intéressée au motif qu'elle avait subi un échec définitif. L'art. 19 al. 1
let. a du Règlement d'études applicable au baccalauréat universitaire en économie et management, entré en vigueur le 17 septembre 2018 (ci-après : RE) prévoyait que l'étudiant ayant subi deux échecs et par conséquent n'avait pas obtenu les crédits correspondants à un enseignement était éliminé de la faculté.

8) Dans son opposition à cette décision, Mme A______ a exposé être en troisième année et en fin de formation. Elle échouait à cause d'une seule branche. Elle avait accumulé cent cinquante et un crédits ECTS sur les cent quatre-vingts nécessaires. Cet échec entraînait des conséquences majeures en termes financiers. Elle avait dû travailler pour financer ses études. Or, cette situation allait perdurer si elle devait commencer un nouveau baccalauréat alors qu'il était nécessaire qu'elle puisse avoir prochainement un emploi qui lui permette de vivre.

Elle avait fait un mauvais choix l'année précédente en souhaitant conserver sa note, insuffisante, en statistiques. Un « échange juste et compréhensif » du doyen lui permettrait de repasser l'examen de statistiques et de conserver la note de macroéconomie. Sa décision avait été prise « sans considération ou expérience, une année trop tôt ».

Elle souhaitait pouvoir refaire l'examen de statistiques en janvier 2020 en échange de la validation de six crédits en macroéconomie.

9) Par décision du 17 juillet 2019, le doyen a rejeté l'opposition et maintenu le relevé de notes et la décision d'élimination. Aucun règlement ne permettait d'accorder la mesure demandée concernant l'échange de crédits obtenus dans une matière pour les allouer à une autre. Par ailleurs, l'étudiante n'alléguait pas de circonstances exceptionnelles.

10) Par acte du 27 septembre 2019, Mme A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision concluant à l'annulation de son échec définitif et de son élimination, à sa réintégration, à ce qu'elle soit autorisée à bénéficier a minima de deux sessions supplémentaires pour obtenir cent quatre-vingts crédits et à ce qu'il soit fait interdiction à l'université de l'éliminer entretemps. Préalablement, l'effet suspensif devait être restitué au recours.

Ses arguments seront repris en tant que de besoin dans la partie en droit.

11) La faculté a conclu, sur effet suspensif, au rejet de la requête.

12) La recourante n'a pas souhaité répliquer sur effet suspensif dans le délai qui lui avait été imparti.

13) Par décision du 30 octobre 2019, la vice-présidente de la chambre administrative a rejeté la requête de restitution de l'effet suspensif au recours et de mesures provisionnelles.

14) La faculté a conclu, sur le fond, au rejet du recours.

15) La recourante ne s'est pas manifestée dans le délai imparti pour répliquer, de sorte que les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 43 al. 2 de la loi sur l'université du 13 juin 2018 - LU - C 1 30 ; art. 36 du règlement relatif à la procédure d'opposition au sein de l'université du 6 mars 2009 - RIO-UNIGE).

2) Le litige porte sur l'échec de la recourante en raison de l'obtention de la note de 3,00 en deuxième tentative à l'examen de macroéconomie de la session d'examens de mai/juin 2019.

3) a. Pour obtenir le baccalauréat l'étudiant doit obtenir cent quatre-vingts crédits (art. 6 al. 1 RE).

Le baccalauréat se divise en deux parties (art. 6 al. 2 RE). Seule est litigieuse la seconde partie.

b. Selon les dispositions particulières aux enseignements de la seconde partie, les notes inférieures à 4,00 constituent un échec à l'évaluation concernée, sous réserve des dispositions de l'art. 18 RE (art. 17 al. 1 let. b RE).

En cas d'échec à la première tentative d'un cours obligatoire, l'étudiant bénéficie d'une seconde et dernière tentative lors de la session d'examens extraordinaire qui suit la première tentative. L'inscription à la session extraordinaire est automatique et le résultat obtenu à cette session remplace celui de la session ordinaire. Un deuxième échec est éliminatoire sous réserve de l'art. 18 et de l'art. 17 al. 4 (art. 17 al. 2 RE).

Selon l'art. 17 al. 4 RE, en cas de situation d'élimination de l'étudiant à six crédits au maximum de l'obtention du grade, l'étudiant bénéficie d'une troisième et dernière tentative lors de la session d'examen suivante pour les évaluations en échec, sous réserve de la réalisation des conditions cumulatives suivantes : a) l'étudiant n'est pas en situation d'élimination selon l'art. 8 (let. a) ; l'étudiant ne peut pas bénéficier de la possibilité de conserver la ou les notes en question selon l'art. 18 (let. b) ; l'étudiant n'a pas fait l'objet de sanctions pour fraude et plagiat selon l'art. 14 (let. c). Un échec à la troisième et dernière tentative est éliminatoire.

L'étudiant qui obtient une note inférieure à 4,00 mais égale ou supérieure à 3,00 peut demander à conserver sa note dans un délai de trois semaines après l'annonce officielle des résultats. La note et les crédits afférents sont alors définitivement acquis et l'examen ne peut pas être présenté à nouveau. Cette possibilité est limitée à un total de douze crédits durant le cursus (art. 18 RE).

Subit un échec définitif et est éliminé de la faculté, notamment, l'étudiant qui a subi deux échecs et par conséquent n'a pas obtenu les crédits correspondants à un enseignement, sous réserve de l'art. 18 et 17 al. 4 RE (art. 19 al. 1 let. a RE).

4) a. L'art. 58 al. 4 du statut de l'université, entré en vigueur le 24 juillet 2011 (accessible sous : https://www.unige.ch/rectorat/ static/2018/Statut-14decembre2017.pdf ; ci-après : le statut) prévoit la prise en compte des situations exceptionnelles lors d'une décision d'élimination.

b. Selon la jurisprudence, l'admission d'une situation exceptionnelle doit se faire avec restriction. Il en va de l'égalité de traitement entre tous les étudiants s'agissant du nombre de tentatives qu'ils sont autorisés à effectuer pour réussir leurs examens. N'est ainsi exceptionnelle que la situation particulièrement grave et difficile pour l'étudiant, ce tant d'un point de vue subjectif qu'objectif. Les effets perturbateurs doivent avoir été dûment prouvés par l'étudiant et être en lien de causalité avec l'événement. Les autorités facultaires disposent dans ce cadre d'un large pouvoir d'appréciation, dont l'autorité de recours ne censure que l'abus. La chambre de céans n'annule donc le prononcé attaqué que si l'autorité intimée s'est laissée guider par des motifs sans rapport avec l'examen ou d'une autre manière manifestement insoutenable (ATF 136 I 229 consid. 6.2 ; 131 I 467 consid. 3.1 ; ATA/1751/2019 du 3 décembre 2019 consid. 5b et les références citées).

Ont été considérées comme des situations exceptionnelles le décès d'un proche s'il est établi qu'il a causé un effet perturbateur en lien de causalité avec l'échec de l'étudiant, de graves problèmes de santé ou encore l'éclatement d'une guerre civile avec de très graves répercussions sur la famille de l'étudiant (ATA/1424/2019 du 24 septembre 2019 consid. 3b ; ATA/906/2016 du 25 octobre 2016 ; ATA/155/2012 du 20 mars 2012).

En revanche, et toujours selon la jurisprudence constante en la matière, des difficultés financières, économiques ou familiales ainsi que l'obligation d'exercer une activité lucrative en sus des études ne constituent pas des circonstances exceptionnelles, même si elles représentent une contrainte (ATA/357/2009 du 28 juillet 2009). Ces difficultés sont certes regrettables, mais font partie d'une réalité commune à de très nombreux étudiants (ATA/161/2009 du 31 mars 2009).

c. Un motif d'empêchement ne peut, en principe, être invoqué par le candidat qu'avant ou pendant l'examen (arrêt du Tribunal administratif fédéral B-6593/2013 du 7 août 2014 consid. 4.2 ; ATA/906/2016 précité ; ATA/712/2016 du 23 août 2016 ; ATA/721/2014 du 9 septembre 2014 consid. 17 et la référence citée).

5) a. En l'espèce, la recourante ne conteste pas avoir obtenu 3,00 à sa seconde tentative à l'examen de macroéconomie lors de la session d'examens de mai/juin 2019, avoir en conséquence subi deux échecs au sens de l'art. 17 al. 1 let. b RE et n'avoir pas obtenu les crédits correspondant audit enseignement. En application de l'art. 19 al. 1 let. a RE, elle est éliminée de la faculté, l'exception de l'art. 18 RE ne trouvant pas application, l'étudiante ayant déjà sollicité de pouvoir conserver les douze crédits maximum autorisés (3,25 en statistiques le 22 février 2018 et 3,5 en économétrie le 22 février 2019).

b. L'argumentation de la recourante est quelque peu confuse et ses griefs ne ressortent pas clairement de ses écritures.

Elle semble solliciter de pouvoir échanger les crédits qu'elle avait conservés en statistiques pour pouvoir les conserver en macroéconomie et pouvoir ainsi refaire son examen de statistiques.

Ce procédé d'échange n'est toutefois pas prévu par le RE. De surcroît, l'étudiante avait valablement demandé à conserver son résultat en statistiques. Le formulaire de demande, dûment signé par le recourante, est versé au dossier. Sa requête ayant été acceptée, un nouveau procès-verbal de notes d'examen a été émis le 22 février 2018. Il n'a pas été contesté par l'intéressée. La note de statistiques est en conséquence acquise et ne peut plus être modifiée.

c. La recourante fait valoir qu'elle aurait dû bénéficier d'une inscription automatique dans quatre branches, insuffisantes lors de la session de mai/juin 2019, pour la session d'examens suivante, ce qui lui aurait permis « à supposer qu'elle obtienne la note de 4,00 [à ceux-ci] qu'elle dispose d'une dernière tentative pour passer l'examen de macroéconomie afin d'obtenir les six crédits manquants nécessaires à l'obtention de [son] baccalauréat ».

Certes à la lecture de l'art. 17 al. 2 RE, en cas d'échec à la première tentative d'un cours obligatoire, l'étudiant bénéficie d'une seconde tentative lors de la session extraordinaire qui suit la première tentative. La recourante ne se trouvait toutefois pas dans un cas d'application de l'art. 17 al. 2 RE au vu de la teneur claire de l'art. 19 al. 1 let. a RE. Les conditions de ce dernier article étant remplies et l'étudiante étant éliminée, elle ne peut revendiquer de se présenter à la prochaine session d'examens.

La recourante semble soutenir que si elle avait pu bénéficier de cette possibilité et se présenter auxdits quatre examens, elle aurait pu obtenir des crédits supplémentaires ce qui lui aurait éventuellement permis de bénéficier de l'art. 17 al. 4 RE.

Il ressort du site de la faculté https://www.unige.ch/ gsem/files /6215 / 4409/0803/Calendrier_Academique_Printemps_2018_2019.pdf que le délai pour s'inscrire à la session d'examens extraordinaire était fixé au 15 juillet 2019. Ladite session, août/septembre 2019, s'est déroulée du 19 août 2019 au 7 septembre 2019. L'opposition de l'étudiante a été faite le 17 juillet 2019 et la décision sur opposition, datée du 26 août 2019 et postée le même jour, a été notifiée le 28 août 2019.

Le 8 juin 2019 est entrée en vigueur la modification de l'art. 43 al. 7 de la loi sur l'université du 13 juin 2008 (LU - C 1 30), selon lequel l'étudiant éliminé peut continuer sa formation universitaire au moins aussi longtemps que l'opposition interne n'a pas été tranchée, à moins qu'un intérêt public prépondérant ne s'y oppose. L'art. 22a du RIO-UNIGE a la même teneur.

La question de savoir si l'université devait offrir à l'étudiante la possibilité de s'inscrire aux examens, voire l'y inscrire automatiquement, souffrira de rester indécise dès lors que, même à considérer que tel serait le cas, cela n'aurait eu aucune incidence sur l'issue du présent litige. En effet lors de son élimination, à la session de mai/juin 2019, la candidate ne se trouvait pas à six crédits au maximum de l'obtention du baccalauréat. L'art. 17 al. 4 RE ne trouve en conséquence pas application.

d. Pour le surplus, l'étudiante n'apporte pas d'éléments permettant de retenir l'existence de circonstances exceptionnelles au sens de l'art. 58 du statut qui auraient eu un effet perturbateur sur son examen et causé son échec à celui-ci. Les difficultés financières ne peuvent pas, conformément à la jurisprudence susmentionnée, être retenues.

La décision du doyen est en conséquence conforme au droit.

Le recours sera ainsi rejeté.

6) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante qui n'allègue pas être dispensée des taxes universitaires (art. 87 al. 1 LPA cum art. 11 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 27 septembre 2019 par Madame A______ contre la décision de l'Université de Genève du 26 août 2019 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Madame A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral :

- par la voie du recours en matière de droit public ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, s'il porte sur le résultat d'examens ou d'autres évaluations des capacités, en matière de scolarité obligatoire, de formation ultérieure ou d'exercice d'une profession (art. 83 let. t LTF) ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______ ainsi qu'à l'Université de Genève.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin et Mascotto, juges.



 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :