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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/992/2018

ATA/5/2020 du 07.01.2020 ( TAXIS ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/992/2018-TAXIS ATA/5/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 7 janvier 2020

 

dans la cause

 

A______
représentée par Me Jacques Roulet, avocat

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR



EN FAIT

1) Le 19 février 2018, le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) a adressé à A______ (ci-après : A______) six factures de CHF 1'400.- chacune, visant les taxes annuelles d'usage accru du domaine public instituées par l'art. 26 al. 1 du règlement d'exécution de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 21 juin 2017 (RTVTC - H 1 31.01).

2) Le 22 mars 2018, A______ a déposé à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) six actes de recours contre les six décisions précitées. Ces recours ont été joints d'entrée de cause et ouverts sous un numéro de procédure unique.

A______ était titulaire de permis de service public pour les véhicules 1______, 2______, 3______, 4______, 5______ et 6______. Ces permis de service public avaient été transformés en autorisations d'usage accru du domaine public selon la législation entrée en vigueur le 1er juillet 2017.

Parallèlement, les chauffeurs salariés qui étaient en liste d'attente pour obtenir des permis de service public se voyaient délivrer une autorisation d'usage accru du domaine public. Les chauffeurs salariés de A______ étaient devenus indépendants, ce qui avait amené la société à déposer à l'office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) la plaque 4______ le 30 novembre 2017, puis les plaques 1______ et 5______ le 3 janvier 2018. Le PCTN avait indiqué que ces dépôts permettraient d'éviter le paiement de la taxe d'usage accru du domaine public, nouvellement introduite.

Toutefois, A______ avait reçu six factures pour des taxes uniques d'usage accru du domaine public, sans pouvoir identifier le véhicule visé par chacune de ces factures. Il n'avait pas eu d'autre choix que de recourir contre l'ensemble de ces décisions.

A______ concluait, dans chacun des recours, à la jonction des six recours et à l'annulation des six factures. Dès lors que les bordereaux de facture ne désignaient pas l'objet de la taxe prélevée, son droit était violé, car ils ne pouvaient identifier l'objet concerné.

Cette taxe devait être perçue pro rata temporis du fait du caractère causal de la taxe, ce dont il n'avait pas été tenu compte pour les plaques déposées.

En conséquence, ces taxes visaient un usage accru du domaine public dont la recourante ne bénéficiait pas.

3) Le 27 avril 2018, le PCTN s'est déterminé, précisant à quelle plaque d'immatriculation chacune des factures était liée, ce que le service aurait indiqué à la recourante sur simple demande.

Le droit d'être entendue de A______ n'avait pas été violé et, quoi qu'il en fût, une éventuelle violation aurait été réparée soit par la procédure de recours, soit sur simple demande.

Dès lors que des procédures portant sur le principe de la taxe litigieuse étaient en cours au Tribunal fédéral, les recours devaient être suspendus, subsidiairement les recours visant des décisions liées à des plaques non déposées devaient être rejetés.

4) Le 4 juin 2018, A______ a indiqué être d'accord avec la suspension des procédures jusqu'à droit jugé par le Tribunal fédéral, précisant d'autre part que les recours dirigés contre trois des factures devaient être déclarés sans objet, et persistant au surplus dans les conclusions prises contre les trois autres factures.

5) Par décision du 12 juin 2018, la chambre administrative a suspendu les procédures, leur issue étant dépendante de la cause 2C_772/2017 en mains du Tribunal fédéral.

6) Par arrêt du 13 mai 2019, le Tribunal fédéral a rejeté les recours qui avaient été déposés contre l'arrêt de la chambre constitutionnelle de la Cour de justice du 30 juin 2017, confirmant ainsi la constitutionnalité de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 13 octobre 2016 (LTVTC - H 1 31)

7) Le 20 août 2019, A______ s'est déterminée.

Le Tribunal fédéral avait confirmé le caractère causal de la taxe instituée par l'art. 11 A LTVTC. Il rappelait qu'une redevance pour usage du domaine public devait respecter le principe d'équivalence. Dès lors que les plaques des véhicules étaient déposées, A______ ne jouissait plus d'un usage accru du domaine public et la quotité de la taxe devait être réduite pro rata temporis.

8) Le 20 août 2019, le PCTN s'est aussi déterminé. Le principe de la taxe annuelle avait été confirmé par le Tribunal fédéral, tout comme l'avait été son montant, fixé par l'art. 26 RTVTC. A______ était tenue de s'acquitter de toutes les taxes annuelles relatives à ses six autorisations d'usage accru du domaine public. Les recours devaient en conséquence être déclarés sans objet, sans que des indemnités de procédure soient allouées à la recourante. Cette dernière n'aurait pas eu besoin d'écrire six recours.

A______ demeurait titulaire des autorisations d'usage accru du domaine public et ainsi du droit de les utiliser, même en cas de dépôt provisoire des plaques d'immatriculation. Elle devait en conséquence s'acquitter de ces taxes annuelles.

9) Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1) Interjetés en temps utile devant la juridiction compétente, les recours sont recevables de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Dès lors que trois des recours initialement déposés concernent des véhicules dont les plaques de contrôle (2______, 3______ et 6______) n'ont pas été déposées en main de l'OCV, ils n'ont pas d'objet et seront déclarés irrecevables.

3) a. L'art. 11A al. 1 LTVTC prévoit que les détenteurs d'une ou plusieurs autorisations d'usage accru du domaine public payent une taxe annuelle ne dépassant pas CHF 1'400.- par autorisation, dont le produit est affecté aux mesures nécessaires pour garantir le respect et la bonne application de ladite loi (al. 2).

La fixation du montant de la taxe ainsi que la détermination des modalités de sa perception sont déléguées au Conseil d'État, lequel peut instaurer une réduction de cette taxe pour les détenteurs d'autorisation dont le véhicule comporte un dispositif de prise en charge de personnes handicapées (art. 26 al. 3 et 4 LTVTC).

b. Selon l'art. 21 RTVTC, mille deux cents (mille cent depuis le 3 avril 2019) autorisations d'usage accru du domaine public pouvaient être accordées. Le montant de la taxe annuelle est fixé à CHF 1'400.-, somme destinée au financement des effectifs supplémentaires nécessaires au sein des services de l'État chargés de garantir le respect et la bonne application de la LTVTC et du RTVTC (art. 26 al. 1 RTVTC).

Cette taxe est due le premier trimestre de chaque année, soit le 31 mars au plus tard. Le montant dû pro rata temporis pour l'année en cours doit être versé dans les trente jours qui suivent la délivrance de l'autorisation (art. 26 al. 2 RTVTC). Une réduction de la taxe est possible pour les titulaires ayant installé dans leur véhicule un dispositif de prise en charge d'une personne en situation de handicap (art. 26 al. 4 et 5 RTVTC).

c. La légalité et la constitutionalité de ces dispositions ont été confirmées tant par la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ACST/11/2017 du 30 juin 2017) que par le Tribunal fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 2C_772/2017 du 13 mai 2019).

4) La recourante soutient que la taxe litigieuse devrait être perçue pro rata temporis pour les trois véhicules dont elle a déposé les plaques à l'OCV.

Toutefois, il ressort du dispositif mis en place par le législateur que les autorisations d'usage accru du domaine public sont soumises à un quota. Dès lors, les titulaires d'une autorisation doivent payer la taxe liée à cette dernière dès le moment et aussi longtemps qu'ils disposent de l'autorisation. Le fait qu'ils décident, à une certaine période, de ne pas l'utiliser - par exemple en déposant les plaques d'immatriculation des véhicules concernés - ne les dispense pas de régler cette taxe. En effet, pendant la période où ils n'utilisent pas l'autorisation, cette dernière ne peut être remise à un tiers, et elle est comptabilisée dans le contingent des autorisations accordées.

Au vu de ce qui précède, les recours, en ce qu'ils visent les taxes liées aux véhicules immatriculés 1______, 5______ et 4______, seront rejetés.

Cette issue ne contredit pas l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_772/2017 du 13 mai 2019. Les autorisations d'usage accru du domaine public permettent à la recourante d'exploiter un véhicule de taxi en bénéficiant d'un usage accru du domaine public, et cela même si la titulaire de l'autorisation y renonce, en déposant ses plaques.

Au vu de cette issue, le recours sera rejeté, dans la mesure où il est recevable.

5) Aucune indemnité de procédure ne sera allouée à la recourante, qui succombe, et un émolument de CHF 1'000.- sera mis à sa charge (art. 87 al. 1 et 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, dans la mesure où ils sont recevables, les recours interjetés le 22 mars 2018 par A______ ;

met à la charge de la recourante un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu'il ne sera pas allouée d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jacques Roulet, avocat de la recourante, ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, MM. Thélin et Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :