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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3451/2019

ATA/7/2020 du 07.01.2020 ( FPUBL ) , ADMIS

Descripteurs : LÉGALITÉ;REFUS DE STATUER;DROIT D'OBTENIR UNE DÉCISION
Normes : Cst.5.al1; Cst.29.al1; LPA.4.al4; LTrait.4; LTrait.5; RTrait.2; RComEF.1.al1; RComEF.4; RComEF.5; RcomEF.11.al1
Résumé : Recours contre des décisions du Conseil-d'État refusant d'entrer en matière sur les demandes de réévaluation de la fonction d'examinatrice-auditrice et examinateur auditeur des recourants du fait du blocage des réévaluation collectives et sectorielles pendant les travaux sur le projet SCORE. Ces décisions consacrent des dénis de justice et violent le principe de la légalité. Recours admis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3451/2019-FPUBL ATA/7/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 7 janvier 2020

 

dans la cause

 

Les consorts A______ et Madame B______

représentés par Me Christian Dandrès, avocat

contre

CONSEIL D'ÉTAT


EN FAIT

1) Le 3 avril 2019, les consorts A______ et Madame B______ (ci-après : les consorts), occupant la fonction d'examinatrice-auditrice et examinateur-auditeur au sein de l'État de Genève, ont demandé au Conseil d'État de leur communiquer l'extrait de procès-verbal du 17 janvier 2018 concernant le gel des réévaluations de fonction jusqu'à l'entrée en vigueur du projet Système Compétences Rémunération Évaluation (ci-après : SCORE), d'annuler cette décision et d'autoriser des réévaluations de fonction jusqu'à l'entrée en vigueur dudit projet, et, à tout le moins, d'admettre que leur fonction soit réévaluée sur le fondement du dossier transmis au service des ressources humaines, transféré à l'office du personnel de l'État (ci-après : OPE). En cas de refus, ils sollicitaient la notification d'une décision formelle et précisaient que leur courrier valait mise en demeure.

La chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) avait déjà constaté, le 11 avril 2017, que le gel des réévaluations ne reposait sur aucun motif. Pourtant, le 17 janvier 2018, le Conseil d'État avait décidé, dans une décision non publiée, un nouveau gel des réévaluations, qui était contestable. S'agissant d'une mesure provisionnelle, l'interdiction des réévaluations ne pouvait être prononcée que dans l'hypothèse d'une entrée en vigueur du projet SCORE imminente. Or, le processus enclenché par le dépôt, le 11 octobre 2017, du projet de loi no 12'193 ne s'achèverait pas à bref délai. Plus de quinze mois après son dépôt, ce dernier faisait encore l'objet de discussions extra-parlementaires. Une fois les travaux parlementaires achevés et si le projet de loi trouvait une majorité au Grand Conseil, il n'était pas impossible qu'un référendum soit lancé. Le Conseil d'État ne pouvait conférer un effet anticipé à la réforme en mettant en suspens l'application du système en vigueur d'évaluation des fonctions. L'application de la décision du 17 janvier 2018 à leurs cas serait d'autant moins acceptable que leur demande de réévaluation de fonction avait été officiellement remise le 14 décembre 2017.

2) Lors de sa séance du 8 mai 2019, le Conseil d'État a décidé de ne procéder à aucune réévaluation collective et sectorielle jusqu'à l'entrée en vigueur du projet de loi générale sur le traitement dans la fonction publique. Sa décision annulait et remplaçait l'extrait de procès-verbal du Conseil d'État du 17 janvier 2018 concernant les réévaluations de fonctions.

3) Par dix décisions séparées du 21 août 2019, auxquelles était joint l'extrait du procès-verbal de sa séance du 8 mai 2019, le Conseil d'État a refusé d'entrer en matière sur les demandes de réévaluation de la fonction d'examinatrice-auditrice et examinateur-auditeur formulées par les intéressés le 3 avril 2019.

Le Conseil d'État avait décidé de revoir le système d'évaluation des fonctions de l'administration cantonale en raison de son inadéquation par rapport à l'évaluation des métiers. Il était prévu que ce projet SCORE entre en vigueur en 2021. Pendant les travaux, les réévaluations collectives et/ou sectorielles demeuraient bloquées sur la base de la décision du 8 mai 2019, qui renouvelait la teneur de celle du 17 janvier 2018.

4) Par acte du 17 septembre 2019, les consorts ont recouru auprès de la chambre administrative contre ces décisions, concluant à leur annulation, à l'injonction au Conseil d'État de procéder à la réévaluation de la fonction d'examinatrice-auditrice et examinateur-auditeur et à la condamnation du Conseil d'État en tous les dépens.

Une fois adoptée, la loi pourrait encore faire l'objet d'un recours. Le Conseil d'État ne pouvait conférer un effet anticipé à une réforme qui dépendait d'un processus législatif en gelant pour une durée sans doute importante l'application du système en vigueur d'évaluation de fonctions. La mesure provisionnelle faisait suite à deux autres mesures provisionnelles du même type, et, si elle était validée, aurait pour effet de geler toute réévaluation pendant près d'une décennie. Le Conseil d'État avait commis un déni de justice en refusant de réévaluer la fonction des consorts.

5) Par réponse du 12 novembre 2019, le Conseil d'État, soit pour lui l'OPE, a conclu au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité.

Il était nécessaire au bon déroulement du projet SCORE de bloquer les réévaluations collectives et sectorielles. Contrairement à ce qui prévalait le 11 avril 2017, le Conseil d'État avait repris les discussions avec les organisations représentatives du personnel. Ces travaux, qui avaient déjà permis de revoir plusieurs éléments du projet, étaient en cours mais devaient aboutir dans un avenir proche.

6) Par réplique du 4 décembre 2019, Mme B______, qui a quitté sa fonction, a renoncé à son recours tandis que les autres consorts ont persisté dans leurs conclusions.

Le Conseil d'État n'expliquait pas en quoi l'ouverture de la procédure de réévaluation de leur fonction nuirait au bon déroulement du projet SCORE. L'essentiel du travail induit par ce dernier avait été réalisé lorsque les services des ressources humaines des départements et l'OPE avaient établi les cahiers des charges des fonctions-types, ce qui était achevé de longue date. Le fait que le Conseil d'État mène des négociations avec les organisations représentatives du personnel était sans lien avec leur demande et n'empêchait en rien l'ouverture de la procédure. Ces négociations pouvaient tout aussi bien ne pas aboutir et le projet SCORE ne jamais voir le jour. Aucun intérêt public ne justifiait que le Conseil d'État mette en attente des principes cardinaux de l'État de droit pour éviter que les services des ressources humaines et l'OPE effectuent un travail qui entrait dans leurs missions.

7) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10), ), étant précisé que ni la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'État, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers du 21 décembre 1973 (LTrait - B 5 15), ni le règlement instituant une commission de réexamen en matière d'évaluation des fonctions du 7 avril 1982 (RComEF -
B 5 15.04) ne prévoient une autorité judiciaire spéciale susceptible de trancher le présent litige.

2) L'objet du litige consiste à déterminer si c'est de manière conforme au droit que le Conseil d'État a refusé d'entrer en matière sur les demandes de réévaluation de la fonction d'examinatrice-auditrice et examinateur-auditeur.

3) a. Selon l'art. 5 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit est la base et la limite de l'activité de l'État. Le principe de la légalité se compose de deux éléments : le principe de la suprématie de la loi et le principe de l'exigence de la base légale. Le premier signifie que l'autorité doit respecter l'ensemble des normes juridiques ainsi que la hiérarchie des normes. Le second implique que l'autorité ne peut agir que si la loi le lui permet ; son action doit avoir un fondement dans une loi (Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. 1, 3ème éd., 2012, p. 621 s., 624 et 650 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, n. 448, 467 ss et 476 ss).

b. Lorsqu'une autorité mise en demeure refuse sans droit de statuer ou tarde à se prononcer, son silence est assimilé à une décision (art. 4 al. 4 LPA).

Une autorité qui n'applique pas ou applique d'une façon incorrecte une règle de procédure, de sorte qu'elle ferme l'accès à la justice à la particulière ou au particulier qui, normalement, y aurait droit, commet un déni de justice formel. Il en va de même pour l'autorité qui refuse expressément de statuer, alors qu'elle en a l'obligation. Un tel déni constitue une violation de l'art. 29 al. 1 Cst. (ATF 135 I 6 consid. 2.1 ; 134 I 6 consid. 2.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_59/2013 du 4 juillet 2014 consid. 2.1 ; 2C_409/2013 du 27 mai 2013 consid. 5.1 ; 5A_279/2010 du 24 juin 2010 consid. 3.3).

Pour déterminer si une autorité a commis un déni de justice, il faut préalablement examiner si elle avait l'obligation de rendre une décision (ATA/1523/2019 du 15 octobre 2019 consid. 3b et les références citées).

4) a. Le Conseil d'État établit et tient à jour le règlement et le tableau de classement des fonctions permettant de fixer la rémunération de chaque membre du personnel en conformité de l'échelle des traitements (art. 4 al. 1 LTrait). Dans ce classement, il doit être tenu compte du rang hiérarchique et des caractéristiques de chaque fonction en prenant en considération notamment l'étendue qualitative et quantitative des attributions dévolues et des obligations à assumer, les connaissances professionnelles et aptitudes requises, l'autonomie et les responsabilités, les exigences, inconvénients, difficultés et dangers que comporte l'exercice de la fonction (art. 4 al. 2 LTrait).

L'autorité ou l'organe de nomination - soit le Conseil d'État en l'espèce (art. 6 LTrait) - fixe la rémunération des membres du personnel dans un acte d'engagement ou de nomination, en application de l'échelle des traitements, du tableau de classement des fonctions et des principes posés à l'art. 11 LTrait relatif au traitement initial (art. 5 LTrait).

b. La classe prévue pour la fonction est déterminée par le résultat de l'évaluation des fonctions. La liste des fonctions, mise à jour et approuvée par le Conseil d'État, est à disposition à l'OPE (art. 2 du règlement d'application de la LTrait du 17 octobre 1979 - RTrait - B 5 15.01).

c. Une commission de réexamen (ci-après : CREMEF) est instituée. Elle permet aux membres du personnel de l'État et des établissements publics médicaux de demander le réexamen des décisions relatives à l'évaluation des fonctions (rangement, cotation, classification ; art. 1 al. 1 RComEF). Sont susceptibles d'opposition toutes les décisions relatives à l'évaluation des fonctions mentionnées à l'art. 1 RComEF à l'exclusion des décisions prises lors de l'engagement (art. 4 RComEF). Peuvent faire opposition les membres du personnel de l'État et des établissements publics médicaux intéressés à titre individuel ou collectif pour la fonction qui les concerne ainsi que le département, l'établissement concerné ou le Grand Conseil, ce dernier étant représenté par son bureau (art. 5 RComEF). Après avoir vérifié la procédure et l'objectivité de l'analyse effectuée par l'OPE, la commission se prononce sur la décision contestée en formulant une proposition au Conseil d'État (art. 11 al. 1 RComEF). Le Conseil d'État statue en dernier ressort et communique sa décision à l'intéressé (art. 11 al. 4 RComEF ; ATA/1146/2019 du 19 juillet 2019 consid. 6a).

5) a. Selon le mémento des instructions de l'OPE (ci-après : MIOPE), une demande d'évaluation est initiée par les directions de services du département en référence aux missions et prestations définies par le département lors de la création d'un nouveau poste ou d'une nouvelle fonction (let. a), lors de la mise en place d'une nouvelle structure affectant la répartition des tâches et la définition des fonctions (let. b), lors de l'évolution significative d'une famille professionnelle ou d'un cursus de formation (let. c) et lors de modifications significatives d'un poste (let. d ; point 1 fiche MIOPE no 02.01.01, Évaluation ou révision de classification de fonction, du 1er février 2000, mise à jour le 15 juillet 2013, disponible sur https://www.ge.ch/document/020101-evaluation-revision-classification-fonction, consulté le 12 décembre 2019 [ci-après : fiche MIOPE no 02.01.01]).

b. Une évaluation de poste/de fonction peut notamment être demandée par la ou le titulaire d'un poste (point 2 let. a fiche MIOPE no 02.01.01).

c. Lorsqu'elle concerne un poste isolé, la demande d'évaluation de fonction est soumise au service des ressources humaines de l'OPE (ci-après : SRH OPE) par le service des ressources humaines du département (point 4 fiche MIOPE no 02.01.01).

Lorsqu'elle concerne plusieurs postes et/ou un secteur, la demande est soumise au SRH OPE par le service des ressources humaines du département. Le responsable des ressources humaines (ci-après : RRH) du département informe le collège spécialisé ressources humaines (ci-après : CSRH ; point 4 fiche MIOPE no 02.01.01).

Lorsqu'elle concerne une ou plusieurs fonctions d'une famille professionnelle et/ou un nombre important de titulaires, la demande est adressée au SRH OPE par le service des ressources humaines du département. Le SRH OPE procède à l'étude de la demande afin de mettre en exergue les éléments liés aux aspects transversaux de la ou des fonctions soumises à évaluation. Le SRH OPE transmet le résultat de l'étude au directeur général de l'OPE. Le directeur général de l'OPE présente le résultat de l'étude de la demande faite par le SRH OPE au CSRH, lors de la séance mensuelle traitant des affaires de personnel. Sur la base du préavis du CSRH, le collège des secrétaires généraux se prononce quant à la suite à donner à la demande (point 4 fiche MIOPE n02.01.01).

Lorsque le département est d'accord avec la proposition de l'OPE, celle-ci devient une décision de l'OPE. Si le département n'est pas d'accord avec la proposition, il adresse à l'OPE, service d'évaluation des fonctions, une lettre dûment motivée. La décision de l'OPE peut faire l'objet par la suite d'une opposition auprès de la CREMEF. En cas de déclaration de non-opposition, l'OPE établit sans délai un plumitif à l'intention du Conseil d'État pour ratification au moyen d'un extrait de procès-verbal de séance. En l'absence de la déclaration de non-opposition, l'OPE attend l'échéance du délai d'opposition de trente jours pour donner la suite qui convient (point 6 fiche MIOPE n02.01.01 ; ATA/1146/2019 précité consid. 6a)

6) a. La chambre administrative a eu à connaître de litiges concernant des employés de l'État de Genève qui souhaitaient que leurs fonctions soient évaluées (ATA/850/2016 du 11 octobre 2016 ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 ; ATA/722/2015 du 14 juillet 2015 notamment). Dans ces cas, la procédure prévue par les dispositions légales précitées et le MIOPE a été enclenchée, et une décision du Conseil d'État a été prise quant au bien-fondé ou non de leurs demandes respectives (ATA/407/2017 du 11 avril 2017 consid. 5f ; ATA/211/2017 du 21 février 2017 consid. 6f).

b. En 2017, la chambre administrative a considéré que le refus du Conseil d'État d'entrer en matière sur les demandes de réévaluation de la fonction de maîtresse et maître d'éducation physique de l'enseignement secondaire, respectivement à tous les niveaux d'enseignement s'apparentait à un déni de justice, dans la mesure où plus de quatre ans après l'entrée en vigueur initialement prévue du projet SCORE (1er janvier 2013), cette révision n'avait toujours pas abouti et compte tenu du fait que le MIOPE prévoyait que le titulaire d'un poste de la fonction publique pouvait demander que son poste ou fonction soit évalué, respectivement réévalué (ATA/407/2017 précité consid. 6 ; ATA/211/2017 précité consid. 6g).

7) En l'espèce,le Conseil d'État a refusé d'entrer en matière sur les demandes de réévaluation de la fonction d'examinatrice-auditrice et examinateur-auditeur en s'appuyant sur la décision prise lors de sa séance du 8 mai 2019, par laquelle il a décidé de ne procéder à aucune réévaluation collective et sectorielle jusqu'à l'entrée en vigueur du projet de loi générale sur le traitement dans la fonction publique. Cette décision a annulé et remplacé une autre décision du 17 janvier 2018, qu'elle a renouvelée, selon les indications contenues dans les décisions attaquées.

Or, au jour du prononcé duprésent arrêt, rendu presque trois ans après les arrêts ATA/407/2017 et ATA/211/2017 précités, portant sur la même problématique mais concernant une autre fonction, le projet SCORE n'est toujours pas entré en vigueur, alors qu'au moment de ces arrêts, son entrée en vigueur était prévue pendant la législature se terminant au printemps 2018.

Depuis les deux arrêts précités, le Conseil d'État a certes présenté son projet au Grand Conseil le 11 octobre 2017. Toutefois, le 2 novembre 2017, le projet de loi a été renvoyé sans débat à la commission ad hoc sur le personnel de l'État (http://ge.ch/grandconseil/memorial/seances/010408/41/11/, consulté le 12 décembre 2019) et, le 16 mars 2018, cette dernière a décidé de surseoir au vote de l'entrée en matière du projet de loi, dont différents aspects devaient encore faire l'objet de discussions entre le Conseil d'État et les organisations représentatives du personnel afin de permettre une large acceptation du nouveau système par toutes les parties (https://www.ge.ch/actualite/grand-conseil-differe-vote-entree-matiere-19-03-2018, consulté le 12 décembre 2019).

Dans ce contexte, en juillet 2018, un calendrier de séances paritaires réunissant les responsables du projet SCORE et les organisations représentatives du personnel a été établi, le terme pour les travaux paritaires ayant été fixé à l'automne 2019 (https://www.ge.ch/dossier/score-nouveau-systeme-evaluation-emplois/calendrier-score, consulté le 12 décembre 2019). En automne 2019, le Conseil d'État a annoncé la tenue, en novembre 2019, de séances d'information à l'ensemble des collaboratrices et collaborateurs, avec mise à disposition d'une calculette permettant de simuler leur traitement, et prévoyait la bascule dans le nouveau système pour le 1er juillet 2021, ce qui concorde avec ce qui figure dans les décisions attaquées. Néanmoins, le Conseil d'État a ensuite annulé, début novembre 2019, lesdites séances d'information, comme la mise à disposition de la calculette SCORE, afin de poursuivre le dialogue avec les partenaires sociaux (https://www.letemps.ch/suisse/reculade-conseil-detat-devant-syndicat-fonction-publique, https://www.letemps.ch/suisse/geneve-limpossible-reforme-grille-salariale-fonctionnaires, et https://www.20min.ch/ro/news/geneve/story/Reforme-salariale-a-l-Etat--l-executif-la-reporte-24085523, tous consultés le 19 décembre 2019).

Dans ces circonstances, si l'on peut comprendre la volonté du Conseil d'État de bloquer, pendant un certain temps, toute réévaluation collective et/ou sectorielle afin de procéder à la révision globale du système d'évaluation des fonctions de l'administration cantonale, force est de constater que, sept ans après l'entrée en vigueur initialement prévue du projet SCORE (1er janvier 2013) et bientôt trois ans après la constatation des dénis de justice par la chambre de céans dans les ATA/407/2017 et ATA/211/2017 précités, cette révision n'a non seulement toujours pas abouti mais les circonstances tendent à indiquer que l'entrée en vigueur du projet SCORE pourrait à nouveau être reportée, ou, tout au moins, qu'un tel report ne peut être exclu.

Au vu de ce qui précède, compte tenu du fait que le MIOPE prévoit que le titulaire d'un poste de la fonction publique peut demander que son poste ou sa fonction soit évalué, respectivement réévalué, et conformément à la jurisprudence de la chambre de céans, les refus du Conseil d'État d'entrer en matière sur les demandes des recourants leur ferment l'accès au processus d'évaluation et ainsi à la justice, et s'apparentent dès lors à des dénis de justice.

À cela s'ajoute que les décisions du Conseil d'État de ne pas entrer en matière sur la demande de réévaluation de la fonction d'examinatrice-auditrice et examinateur-auditeur se justifient d'autant moins qu'une évaluation matérielle a, vraisemblablement, dû être effectuée dans le cadre du projet SCORE.

Finalement, l'application du principe de la légalité n'aboutit pas à une autre conclusion. En effet, l'art. 4 al. 1 LTrait donne au Conseil d'État la mission non seulement d'établir mais ensuite également de tenir à jour le tableau de classement des fonctions, en fonction des critères de l'al. 2. La notion de mise à jour du tableau des fonctions est par ailleurs reprise à l'art. 2 RTrait. Ainsi, tant que le système actuel de la LTrait et du RTrait demeure en vigueur, le Conseil d'État ne peut pas adopter une position de principe ayant pour objet de refuser toute réévaluation de fonction collective ou sectorielle comme il l'a décidé lors de sa séance du 8 mai 2019 ; il ne peut refuser l'entrée matière sur toute demande en ce sens sans aucun examen de l'évolution de la fonction en cause au regard des critères de l'art. 4 al. 2 LTrait. Un tel refus viole l'obligation légale du Conseil d'État de tenir à jour le tableau des fonctions. Le Conseil d'État ne pouvait donc refuser d'examiner les demandes de réévaluation litigieuses sans examiner si le classement de la fonction d'examinatrice-auditrice et examinateur-auditeur était à jour ou non, comme il l'a fait par ses décisions attaquées.

Au vu de ce qui précède, les décisions litigieuses consacrent des dénis de justice et violent le principe de la légalité.

Dans ces circonstances, le recours des consorts, à l'exception de celui de Mme B______, retiré, sera admis. Les décisions de refus d'entrer en matière prononcées par le Conseil d'État le 21 août 2019, contraires au droit, seront annulées et le dossier sera retourné à ce dernier pour qu'il entre en matière sur la demande de réévaluation de la fonction d'examinatrice-auditrice et examinateur-auditeur, l'instruise et se détermine sur son éventuel bien-fondé.

8) Vu l'issue du litige, aucun émolument ne sera mis à la charge des recourants (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée aux recourants, pris solidairement, à la charge de l'État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

constate que Madame B______ a retiré son recours ;

déclare recevable le recours interjeté le 17 septembre 2019 par les consorts A______contre les décisions du Conseil d'État du 21 août 2019 ;

admet le recours interjeté le 17 septembre 2019 par les consorts A______contre les décisions du Conseil d'État du 21 août 2019 ;

annule les décisions du Conseil d'État du 21 août 2019 concernant  ;

retourne le dossier au Conseil d'État afin qu'il entre en matière sur la demande de réévaluation de la fonction d'examinatrice-auditrice et examinateur-auditeur des consorts A______, l'instruise et se détermine sur son éventuel bien-fondé ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- au consorts A______, pris solidairement, à la charge de l'État de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral :

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Christian Dandrès, avocat des recourants, ainsi qu'au Conseil d'État.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, MM. Thélin, Verniory,
Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Rodriguez Ellwanger

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :