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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3794/2018

ATA/1839/2019 du 20.12.2019 ( FPUBL ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3794/2018-FPUBL ATA/1839/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 décembre 2019

 

dans la cause

 

M. A______
représenté par Me Marc Lironi, avocat

contre

TRANSPORTS PUBLICS GENEVOIS
représentés par Me Malek Adjadj, avocat



EN FAIT

1) Par contrat du 7 mars 2007, M. A______, né en 1967, citoyen français domicilié en France, marié et père de trois enfants, titulaire d'un permis de conduire suisse, a été engagé, avec effet au ______ 2007, par les Transports publics genevois (ci-après : TPG) en qualité de conducteur, conformément au statut du personnel, adopté le 1er janvier 1999 (ci-après : SP).

Il a travaillé comme chauffeur d'autobus et également de tramways.

2) Le 7 novembre 2014, alors qu'il conduisait un autobus, M. A______ a eu un malaise avec perte de connaissance en arrivant au Jardin botanique. Du fait de la perte totale de maîtrise du véhicule, l'autobus (qui mesurait 18 m de long et pesait entre 17 et 28 tonnes selon le nombre de passagers) a embouti une voiture d'intervention des TPG stationnée à l'avant de l'arrêt. Le pare-brise de l'autobus a été cassé. Cet accident n'a engendré que des dégâts matériels.

3) Après avoir été emmené à l'hôpital en ambulance, il a eu un arrêt maladie d'environ trois semaines, puis une reprise de la conduite à 50 % pour quelques jours avant une reprise à plein temps, autorisée par le médecin-conseil des TPG.

4) Le 2 décembre 2016, alors qu'il conduisait un autobus, M. A______ a eu un malaise avec perte de connaissance dans la descente sur l'avenue de Frontenex en direction de la ville. L'autobus s'est alors déporté sur la droite, est monté sur le trottoir et a continué sa course sur plusieurs dizaines de mètres en arrachant du mobilier urbain. Une passagère, ayant constaté la perte de maîtrise et l'état d'inconscience du conducteur, est intervenue afin de lui faire reprendre ses esprits et a redirigé le véhicule vers la route. Aucun passager ou piéton n'a été blessé durant cet événement, mais une passagère a été prise en charge à la suite d'un état de choc. L'autobus a été endommagé, notamment le pare-brise et le phare
avant-droit.

5) Immédiatement après cet événement, M. A______ a été emmené aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) en ambulance et a été mis en arrêt de travail, afin de déterminer l'origine de ce malaise et en prévenir la réapparition.

Il est resté 24 heures aux HUG où, à la suite d'un scanner cervico-cérébral, aurait été diagnostiqué un malaise vagal.

Il y a en outre subi deux tilt-tests en février-mars 2017, l'un en France et l'autre aux HUG, lors desquels il a perdu connaissance.

6) Le 3 avril 2017, M. A______ a fait l'objet d'une IRM par la Dresse B______, médecin radiologue à Thonon (France).

7) À teneur du rapport du Dr C______, neurologue au sein des Hôpitaux du Léman (France), du 14 avril 2017, M. A______, qui n'avait pas d'antécédent médical particulier, avait été hospitalisé dans cet établissement du
6 au 13 avril 2017, pour « une dissection vertébrale gauche sans [accident vasculaire cérébral [ci-après : AVC]] ». Devant ce tableau de dissection sans AVC, demeuraient plusieurs inconnues. Cette dissection aurait pu spontanément évoluer vers un AVC, qui ne s'était spontanément pas produit et que le traitement anticoagulant maintenu jusqu'à la guérison de cette dissection permettrait probablement d'éviter.

8) Selon un rapport du 30 mai 2017 de la Dresse D______, neurologue à Oyonnax (France), M. A______ avait eu le malaise du 2 décembre 2016 le surlendemain d'une manipulation cervicale par un ostéopathe. L'examen neurologique effectué le 30 mai 2017 était parfait. La symptomatologie s'était estompée, mais il persistait un syndrome subjectif avec une tendance phobique, en particulier par rapport à la conduite de véhicules.

9) Par courrier du 1er juin 2017, le Dr E______, FMH en médecine interne générale dans le canton de Genève et médecin-conseil des TPG, a informé une conseillère en ressources humaines (ci-après : RH) de ces derniers que M. A______ était toujours inapte à la conduite professionnelle. Après un nouvel entretien, il lui transmettait sa décision d'inaptitude définitive à la conduite professionnelle en tant que conducteur de bus. Le désir de l'intéressé de demeurer employé des TPG en devenant contrôleur ou surveillant de réseau impliquait de la conduite professionnelle, qui ne pourrait être possible que si elle restait très occasionnelle et pour une durée limitée.

10) Les médecins de M. A______ ne se sont pas opposés à sa reprise de la course à pied, et celui-ci est arrivé parmi les premiers de sa catégorie lors de la Course de l'Escalade en décembre 2017.

11) À teneur d'un rapport du 21 décembre 2017 établi par la Dresse F______, neurologue à Thonon, lors de l'événement du 2 décembre 2016, M. A______ avait présenté une perte de connaissance brève, survenue alors qu'il conduisait son bus, après qu'il avait tourné brutalement la tête, ressenti une sensation de froid sur la partie gauche du cuir chevelu puis une sensation de malaise. Initialement, les investigations réalisées n'avaient pas trouvé d'anomalie particulière. Le patient continuant à avoir des symptômes résiduels, une IRM réalisée au printemps 2017 avait finalement trouvé une dissection du segment V2 de l'artère vertébrale gauche, le mécanisme de dissection étant probablement une complication d'une manipulation cervicale réalisée juste avant le malaise dans le bus. Après six mois de traitement anticoagulant, l'IRM montrait une disparition de l'hématome de la paroi artérielle vertébrale, l'intéressé allant bien, sans aucun symptôme. La symptomatologie initiale semblait être en lien avec la dissection susmentionnée. Le patient n'avait pas présenté de complication vasculaire de type AVC, et il n'y avait aucun argument pour une épilepsie sous-jacente.

Actuellement, le patient pouvait s'estimer guéri, sans besoin de traitement et sans contre-indication à la reprise de son poste de travail. Il était apte à la conduite en transport public de personnes.

12) Le 12 janvier 2018, la Dresse D______ a écrit que le patient allait très bien, que l'examen neurologique était parfait, qu'il n'avait plus aucune appréhension au plan psychologique et qu'il était désormais apte à la conduite automobile pour le transport public ou privé de personnes.

13) Par certificat du 18 janvier 2018, la Dresse G______, médecin traitant de M. A______, avec cabinet à Neuvecelle (France), a certifié que celui-ci ne présentait plus de contre-indication médicale à la reprise de son poste de travail, à savoir conducteur dans le transport public.

14) Par certificat médical du 9 février 2018 concernant l'aptitude de
M. A______ (formulaire émis par la Confédération), le Dr E______ a retenu que ce « candidat » « [souffrait] des maladies ou états relevant de la médecine du trafic suivant(e)s », sans les indiquer, et que les exigences médicales minimales selon l'annexe 1 de l'ordonnance réglant l'admission des personnes et des véhicules à la circulation routière du 27 octobre 1976 (OAC - RS 741.51) pour le « 2ème groupe (D, D1, C, C1, autorisation de transporter des personnes à titre professionnel, experts de la circulation, bateaux à passagers ou marchandises motorisés) » n'étaient pas satisfaites « suite investigation neurologique et cardiologique ». Il a conclu : « inaptitude définitive (NDR : en majuscule), si recours demander évaluation médecin niveau 4 pour réévaluation ».

15) Par décision du 2 mars 2018, le service cantonal des véhicules (ci-après : SCV) a, en application de l'art. 16d de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01), retiré le permis de conduire suisse de
M. A______ pour les catégories professionnelles C, CE, D, DE et 121 TPP, pour une durée indéterminée, nonobstant recours, la levée de cette mesure ne pouvant être envisagée que sur présentation d'une expertise favorable émanant du Centre universitaire romand de médecine légale (ci-après : CURML).

Cette décision a fait l'objet d'un recours du 28 mars 2018 devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI ; cause A/1067/2018).

16) a. Parallèlement, M. A______ s'est soumis volontairement à une expertise du CURML, unité de médecine et psychologie du trafic (ci-après : l'unité), qui a effectué un examen médical le 15 juin 2018 et étudié les différents rapports médicaux établis à la suite des malaises de 2014 et 2016.

b. Dans leur rapport d'expertise du 12 juillet 2018, le Dr H______, privat-docent, médecin interne FMH, médecin du trafic SSML et responsable de l'unité, ainsi que la Dresse I______, médecin du trafic SSML et médecin adjointe, se sont prononcés comme suit :

L'état de santé physique de M. A______ était conforme aux exigences requises pour les conducteurs. Il n'y avait aucun abus d'alcool ou ivresse, ni aucune consommation de tabac ou de drogue, l'expertisé ayant décidé de longue date d'adopter une hygiène de vie compatible avec ses activités physiques intenses et régulières (vélo et course à pied). Son anamnèse routière était vierge de toute infraction.

Cependant, à travers les éléments anamnestiques et les déclarations du
Dr E______, il apparaissait que les malaises avec perte de connaissance à deux reprises, en 2014 et 2016, semblaient être la conséquence d'une syncope soit d'origine vasovagale soit d'origine indéterminée. Ont ensuite été résumés les contenus et conclusions des rapports des deux neurologues de décembre 2017 et janvier 2018.

Les recommandations à l'aptitude de la conduite lors de troubles cardiovasculaires rédigées par la Société cardiologique allemande en 2011, sur lesquelles se basaient les experts, considéraient qu'un conducteur professionnel était apte à la conduite s'il n'avait pas présenté de récidive de syncope neuro-cardiogénique (inclus vasovagal, syndrome sinus carotidien et syncope situationnelle) ou d'origine indéterminée pendant une année.

En définitive, les éléments à disposition des experts ne mettaient pas en évidence de problématique de nature à contre-indiquer la conduite de véhicules à moteur, privés ou de catégories professionnelles, de sorte que d'un point de vue médical, M. A______ était apte à la conduite des véhicules à moteur des 1er et 2ème groupes.

Il lui avait cependant été rappelé, par courrier, qu'il paraissait nécessaire qu'il évite, particulièrement avant de conduire un bus, toute situation susceptible de provoquer une syncope vasovagale (ou de la signaler auprès d'un médecin le cas échéant) telle que : douleur, émotion, déshydratation, station debout prolongée, repas copieux, « posteffort », traitements vasodilatateur et/ou diurétique et chaleur extrême (confinement dans des locaux surchauffés).

17) Par décision du 20 juillet 2018 faisant suite à ce rapport d'expertise, le SCV a levé le retrait du permis de conduire pour les catégories professionnelles énoncées dans sa décision du 2 mars 2018 et a restitué à M. A______ son permis de conduire.

18) Par courriel adressé le 27 juillet 2018 à M. A______, le Dr E______ a indiqué avoir appris que le médecin de niveau 4 - les experts H______ et I______ - avait donné un avis favorable à la reprise de la conduite professionnelle et que le SCV lui avait donc rendu son permis de conduire professionnel. Il en prenait note et transmettrait son dossier au nouveau
médecin-conseil des TPG qui le suivrait dorénavant.

Il avait reparlé de son cas au médecin responsable de l'Office fédéral des transports (ci-après : OFT ; auquel il n'avait pas encore transmis sa décision d'inaptitude), en précisant qu'un médecin de niveau 4 avait donné son accord à la reprise de la conduite professionnelle. Après discussion, le médecin responsable de l'OFT n'était « pas d'accord pour une aptitude rail ». M. A______ avait le droit de contester cette décision.

En conclusion, M. A______ avait une aptitude « pneu » professionnelle mais pas d'aptitude pour la conduite de trams.

19) Le même jour, le Dr E______ a rempli le formulaire fédéral « Examens d'aptitude médicale pour l'admission des conducteurs de véhicules moteurs des chemins de fer (art. 13 / 40 [ordonnance du Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication [ci-après : DETEC] sur l'admission à la conduite de véhicules moteurs des chemins de fer du 27 novembre 2009 - OCVM - 742.141.21]) ».

À la suite d'un examen du 28 avril 2017, M. A______ devait être considéré comme inapte.

20) Par courriel du 13 août 2018, le Dr E______ a fait part au service des RH des TPG que le rapport d'expertise du CURML faisait autorité pour le SCV, mais ne lui demandait pas de changer la conclusion de sa propre expertise. Il était conscient de l'impact professionnel mais aussi humain qu'avait son expertise pour M. A______, mais il considérait le risque de récidive de sa problématique comme non négligeable et avait dû prendre cette difficile décision.

21) Par lettre du 16 août 2018, se référant à un entretien avec M. A______ le
7 août précédent, les TPG ont confirmé à celui-ci qu'au vu de la position de leur médecin-conseil et dans l'attente d'une décision sur les rapports de travail, ils ne l'avaient pas réintégré dans les plannings d'exploitation en l'état, par mesure de précaution et ceci afin d'assurer la sécurité du public, et ils l'ont convoqué à un entretien de service le lundi 20 août 2018.

22) Par pli du 20 août 2018, ils ont informé M. A______ que, pour ce même motif, ils envisageaient de mettre un terme à ses rapports de travail sur la base de l'art. 71 SP.

En 2014 et 2016, deux drames avaient été évités par la seule chance. Indépendamment de tout autre élément, y compris le rapport d'expertise du CURML et la restitution de son permis de conduire de 2ème catégorie, le
médecin-conseil des TPG concluait à une inaptitude à la conduite, ce qui impliquait une inaptitude à conduire sur leur réseau.

23) Selon l'écriture du 30 août 2018 du conseil nouvellement constitué de
M. A______, les TPG ne pouvaient pas se fonder sur l'avis du Dr E______, généraliste, au vu de ses nombreux changements de position et des avis unanimes de quatre spécialistes (deux neurologues, son médecin-traitant et un expert du CURML) aux antipodes du sien. Son licenciement motivé par le principe de précaution constituerait une résiliation abusive et serait sanctionné par une indemnité pouvant correspondre à six mois de salaire.

24) Parallèlement, depuis début 2017, M. A______ a spontanément postulé à différents postes au sein des TPG ou a été invité par ceux-ci à le faire.

Par pli du 27 février 2017, les TPG, par leur service des RH, se sont référés à son offre de services pour le poste de formateur assistant, mais l'ont informé que leur choix s'était porté sur d'autres candidats au profil correspondant davantage à ce qu'ils recherchaient.

Ils ont fait de même le 22 juin 2017 pour un poste de contrôleur de titres de transport, le 8 novembre 2017 pour un poste de stagiaire régulateur GTR (son offre a donné lieu à un entretien avec le service des RH), le 5 juillet 2018 pour un poste de stagiaire employé planification (son offre a donné lieu à un entretien avec le service des RH).

Par courriel du 30 juillet 2018, le service RH - exploitation, dont dépendait M. A______, a demandé au service RH - administration et au service RH - technique s'ils avaient des postes ouverts, ou qui seraient prochainement publiés, qui pourraient être considérés par un conducteur en démarche de reclassement, étant précisé qu'au sein des TPG, M. A______ avait toujours eu de bonnes « APOP ». Par courriel du même jour, le service RH - administration a répondu ne pas avoir de poste ouvert, ni de départ dans un poste qui pourrait correspondre au profil de l'intéressé, étant précisé que de manière générale, un
ex-conducteur pouvait prétendre à un poste de conseiller de vente en agence, mais des compétences (tenue d'une caisse, maîtrise de l'anglais ou d'une autre langue, aisance avec les outils informatiques, bonne présentation et empathie) étaient indispensables pour occuper cette fonction. Par courriel du 2 août 2018, le service RH - technique a indiqué que dès janvier 2019 seraient mis en concours des postes à repourvoir pour juin 2019 au plus tôt, pour lesquels le candidat devait impérativement « conduire des trams permis B80 s/voyageurs ».

Par courrier du 25 septembre 2018, les TPG, par leur service des RH, se sont référés à l'offre de services de M. A______ pour le poste de surveillant réseau et l'ont informé qu'ils ne pouvaient malheureusement pas retenir sa candidature, étant donné que ce poste exigeait de la conduite, et en particulier d'être titulaire de deux permis de conduire (autobus/trolleybus ou autobus/tram).

25) Par décision du 26 septembre 2018, signée du directeur général et de la directrice des RH et déclarée exécutoire nonobstant recours, les TPG, se référant à diverses entrevues avec M. A______ ainsi qu'à l'entretien du 20 août 2018 en présence de son représentant syndical, ont résilié ses rapports de travail à leur plus proche échéance contractuelle (échéance du délai de congé de trois mois pour la fin d'un mois), soit au 31 décembre 2018.

Les explications fournies par l'intéressé dans son écriture du 30 août 2018 n'étaient pas de nature à modifier la situation en lien avec l'intérêt au bon fonctionnement de l'entreprise et au vu de l'ensemble des éléments évoqués précédemment. Il était donné acte à M. A______ des éléments sur lesquels il se fondait ainsi que de sa position quant à son parfait état de santé. Néanmoins, comme cela ressortait du dossier auquel il avait eu accès, le reclassement que les TPG avaient tenté en leur sein s'était avéré impossible. En conséquence, compte tenu des enjeux pour la circulation et la sécurité, l'intérêt du bon fonctionnement de l'entreprise commandait, de manière objective, une résiliation des rapports de travail en application de l'art. 71 SP.

26) Par acte expédié le 29 octobre 2018 au greffe de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), M. A______ a formé recours contre cette décision, concluant préalablement, à la production par les TPG de l'entier de son dossier, ainsi qu'à la comparution des parties et à l'audition des Dresses F______, D______, G______ et I______, si nécessaire à la mise en oeuvre d'une expertise médicale sur son état de santé et son aptitude à la conduite, au fond, à ce que ladite chambre, principalement, annule la décision attaquée et dise que la résiliation des rapports de service était contraire au droit, et, cela fait, ordonne aux TPG de mettre en place des mesures visant à le réintégrer en leur sein, les condamne au versement d'une indemnité de six mois de traitement à titre d'indemnité au sens de l'art. 328 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220), subsidiairement, dise et constate que le congé querellé était abusif au sens de l'art. 336 CO puis condamne les intimés à lui verser une indemnité équivalente à six mois de traitement, avec intérêt à 5 % l'an dès le
31 décembre 2018, à titre d'indemnité pour licenciement abusif au sens de
l'art. 336a CO, au versement d'une indemnité équivalente à douze mois de traitement, à titre d'indemnité pour tort moral au sens de l'art. 49 CO ainsi qu'au versement d'une indemnité équivalente à six mois de traitement à titre d'indemnité au sens de l'art. 328 CO.

Les raisons invoquées par les TPG étaient, en plus d'être insuffisamment précisées, fictives. Il avait prouvé son aptitude à la conduite ; il n'était nullement prouvé qu'il constitue un danger pour la circulation et la sécurité en continuant son activité de chauffeur au sein des TPG. En outre, la décision querellée était contraire au principe de la proportionnalité et arbitraire.

27) Dans leur réponse du 16 janvier 2019, les TPG ont conclu au rejet du recours.

M. A______ ne pouvait pas ignorer les enjeux des TPG en termes de logistique et de sécurité, avec pas moins de 55'000 km, soit 570'000 voyages, effectués chaque jour par leurs véhicules. De telles missions, réalisées dans une recherche constante de sécurité et de maîtrise, imposaient une logistique et une coordination majeures, lesquelles ne pouvaient être mises en oeuvre qu'au prix d'une rigueur et d'un engagement total des équipes et des groupes de collaborateurs au sein de l'entreprise. Les décisions prises dans le cadre des rapports de travail étaient dictées par les impératifs de résultats attendus et même exigés par la population genevoise toute entière.

28) Le 19 mars 2019 s'est tenue une audience de comparution personnelle et d'enquêtes, lors de laquelle les Drs E______ et I______ ont été entendus simultanément en qualité de témoins.

Le médecin-conseil des TPG a produit un courrier qu'il avait adressé le
26 juin 2018 au TAPI dans le cadre de la cause A/1067/2018, indiquant notamment qu'il avait vu M. A______ à son cabinet les 15 décembre 2016 ainsi que 20 février, 28 avril, 19 juin et 9 octobre 2017.

D'après le conseil de M. A______, le permis de tramway tombait lorsqu'il n'y avait pas de conduite effective d'un tram pendant un laps de temps d'une année ; c'était ce qui s'était passé pour M. A______ vu les arrêts maladie et la procédure, de sorte qu'il n'y avait pas eu de décision de l'OFT ni même de prise de contact avec lui à ce sujet. L'avocat des TPG a alors précisé que le licenciement ne reposait pas sur un motif lié à ce point.

29) Par écriture du 17 avril 2019, les TPG se sont déterminés sur les allégués 1
à 9 du recours.

M. A______ avait fait l'objet de bonnes évaluations pour ses prestations personnelles et professionnelles en tant que conducteur. Il avait en outre eu des missions, en réserve, d'agent d'accompagnement consistant à suivre pendant quelques jours de nouveaux conducteurs.

30) Par plis des 17 et 27 mai 2019, M. A______ a informé la chambre administrative qu'il avait - après un état dépressif présent depuis
septembre-octobre 2018 - retrouvé sa pleine capacité de travail dès le 31 mars 2019 et avait pris un nouvel emploi depuis le 1er avril 2019, en tant que « chauffeur C » auprès d'une entreprise suisse, pour du transport non de personnes mais de marchandises, selon contrat signé le 5 mars 2019.

31) Le 28 mai 2019 s'est tenue une audience de comparution personnelle et d'enquêtes, lors de laquelle ont été entendus en qualité de témoins les
Drs I______ et H______ séparément, mais simultanément avec le
Dr E______.

M. A______ a déclaré bien se porter actuellement. Par ailleurs, il avait eu un malaise en 1987 à la suite d'un don du sang, dans le cadre duquel trop de sang avait été prélevé par rapport à ce qui était admissible. Il n'avait ensuite pas refait de malaise jusqu'en 2014.

Le Dr H______ a produit cinq documents en matière médicale de nature théorique.

32) Par conclusions complémentaires du 14 juin 2019, M. A______ a fait valoir une perte mensuelle de salaire de CHF 2'400.- entre son ancien et son nouvel emploi, ce qui lui occasionnerait une perte totale de CHF 374'000.- au minimum entre le 1er avril 2019 et sa retraire le 1er mai 2032, et a conclu au versement d'une indemnité équivalente à ce montant, en vertu de l'art. 41 CO.

33) Dans ses observations finales du 30 août 2019, M. A______ a conclu préalablement à la délivrance par les TPG d'un certificat de travail supprimant notamment un paragraphe, au fond, principalement à ce que la chambre administrative dise et constate que le congé querellé était abusif au vu de
l'art. 336 CO puis condamne les intimés à lui verser une indemnité équivalant à six mois de traitement, avec intérêt à 5 % l'an dès le 31 décembre 2018, à titre d'indemnité pour licenciement abusif au sens de l'art. 336a CO, une indemnité équivalant à douze mois de traitement, à titre d'indemnité pour tort moral au sens de l'art. 49 CO, une indemnité équivalente à six mois de traitement à titre d'indemnité au sens de l'art. 328 CO, enfin une indemnité équivalant à un montant de CHF 374'400.- en vertu de l'art. 41 CO.

34) Dans leurs observations finales du même jour, les TPG ont conclu à l'irrecevabilité des conclusions complémentaires du recourant et au déboutement de celui-ci de l'intégralité de ses conclusions.

Ils ont produit un document émanant de l'OFT.

35) Le 19 septembre 2019, M. A______ a répliqué.

36) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

37) Pour le surplus, les arguments des parties ainsi que certains éléments de fait, notamment les déclarations pertinentes des parties et des témoins lors des audiences susmentionnées, seront, en tant que de besoin, repris dans la partie en droit ci-après.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 89 al. 1 et 2 SP [état au 30 avril 2018] ; art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Selon l'art. 65 LPA, l'acte de recours contient, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (al. 1). Il contient également l'exposé des motifs ainsi que l'indication des moyens de preuve (al. 2 1ère phr.).

L'absence de conclusions ne peut être réparée que dans le délai de recours. Hors ce délai, le fait d'être autorisé à compléter une écriture de recours ne permet pas de suppléer le défaut de conclusions. Partant, des conclusions nouvelles prises au stade de la réplique sont irrecevables (ATA/223/2019 du 5 mars 2019 ; ATA/1235/2018 du 20 novembre 2018).

3) Il s'ensuit que les conclusions nouvelles prises par le recourant dans son écriture du 14 juin 2019 et dans ses observations finales du 30 août 2019, tendant au versement d'une indemnité fondée sur l'art. 41 CO ainsi qu'à la correction du certificat de travail reçu, sont tardives et, partant, irrecevables.

4) La loi fédérale sur l'égalité entre femmes et hommes du 24 mars 1985
(LEg - RS 151.1) n'entrant pas en ligne de compte, le tort moral éventuel et les dommages-intérêts sont appréhendés par l'art. 2 de la loi sur la responsabilité de l'État et des communes du 24 février 1989 (LREC - A 2 40), et les prétentions fondées sur la LREC relèvent du Tribunal de première instance, conformément à l'art. 7 al. 1 LREC et à la jurisprudence (ATA/1672/2019 du 12 novembre 2019 consid. 5 ; ATA/397/2019 du 9 avril 2019 consid. 3 et les références citées), de sorte que la conclusion du recourant en indemnisation pour tort moral est irrecevable.

5) À teneur de l'art. 61 LPA, le recours peut être formé : pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a) ; pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b ; al. 1). Les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).

6) a. Les TPG, établissement de droit public genevois (art. 1 al. 1 de la loi sur les transports publics genevois du 21 novembre 1975 - LTPG - H 1 55), sont dotés de la personnalité juridique et sont autonomes dans les limites fixées par la LTPG (art. 2 al. 1 LTPG).

b. Le règlement d'application du statut du personnel adopté le 1er janvier 1999 (ci-après : RSP ; état au 30 avril 2018), en son art. 1, différencie l'employé, au bénéfice d'un contrat de durée indéterminée ou déterminée pour un poste à temps complet ou partiel (al. 1), du stagiaire (al. 2) et de l'apprenti (al. 3).

c. Conformément à l'art. 2 SP, les rapports de travail sont régis par la loi fédérale sur le travail dans les entreprises de transports publics du 8 octobre 1971 (LDT - RS 822.21), la LTPG, la loi fédérale sur la protection des données du
19 juin 1992 (LPD - RS 235.1), la loi fédérale sur l'égalité entre femmes et hommes du 24 mars 1995 (loi sur l'égalité, LEg - RS 151.1), ainsi que par le SP, son règlement d'application et ses règlements particuliers et instructions de service (al. 1). Tous les employés sont liés aux TPG par un rapport de droit public (al. 2). Le CO, notamment son titre dixième (du contrat de travail), s'applique à titre de droit public supplétif (al. 3).

7) a. En application de l'art. 68 al. 2 let. d SP, le contrat de travail peut être résilié moyennant un délai de congé de trois mois pour la fin d'un mois, dès la
10ème année, ce qui a été le cas en l'occurrence.

b. Conformément à l'art. 69 SP, si, pour des raisons médicales, un employé ne peut plus exercer sa fonction et qu'il s'est avéré impossible de le reclasser dans l'entreprise, l'autorité d'engagement peut mettre fin aux rapports de service
(al. 1). Les raisons médicales doivent être dûment établies par le médecin-traitant de l'employé, en collaboration avec le médecin-conseil désigné par la direction (al. 2). Les statuts de la Fondation de prévoyance en faveur du personnel de l'entreprise sont applicables (al.3).

c. Aux termes de l'art. 71 SP, la direction peut mettre fin aux rapports de service pour des motifs dûment justifiés en respectant les délais de congé (al. 1). Est considéré comme dûment justifié, tout motif démontrant que la poursuite des rapports de service n'est pas, objectivement, dans l'intérêt du bon fonctionnement de l'entreprise (al. 2). Aucun motif abusif, au sens de l'art. 336 CO, ne peut être considéré comme justifié (al. 3).

En vertu de l'art. 72 SP, s'il retient que le licenciement ne repose pas sur un motif justifié, le juge peut proposer à l'entreprise la réintégration du salarié. Si l'entreprise s'y oppose ou s'il renonce à une telle proposition, le juge fixera une indemnité dont le montant ne peut être inférieur à un ni supérieur à huit salaires mensuels (al. 1). L'employé qui entend demander l'indemnité prévue à l'alinéa précédent doit faire opposition au congé par écrit auprès de l'autre partie au plus tard jusqu'à la fin du délai de congé. Si l'opposition est valable et que les parties ne s'entendent pas pour maintenir les rapports de service, l'employé doit agir par voie d'action en justice dans les 180 jours à compter de la fin du contrat, sous peine de péremption (al. 2).

L'art. 71 SP équivaut au licenciement pour motif fondé prévu par les art. 21 al. 3 et 22 de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05). Comme pour les fonctionnaires de l'administration cantonale (MGC 2006-2007/VI A 4529 et MGC 2005-2006/XI A 10420), elle n'impose pas aux TPG de démontrer que la poursuite des rapports de service est rendue impossible, mais uniquement qu'elle n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'entreprise. L'intérêt public au bon fonctionnement des TPG sert en effet de base à la notion de motif dûment justifié qui doit exister pour justifier un licenciement en application de l'art. 71 SP (ATA/472/2018 du 15 mai 2018 consid. 4b ; ATA/109/2018 du 6 février 2018 consid. 4f ; ATA/998/2014 du 16 décembre 2014 consid. 5d ; ATA/576/2014 du 29 juillet 2014 consid. 5a).

d. Les rapports de service étant soumis au droit public, leur résiliation doit respecter les principes constitutionnels généraux, notamment les principes de la légalité, de l'égalité, de la proportionnalité, de la bonne foi, de l'interdiction de l'arbitraire, lors de la fin des rapports de travail des employés (ATA/472/2018 précité consid. 4c ; ATA/109/2018 précité consid. 5 ; Héloïse ROSELLO, Les influences du droit privé du travail sur le droit de la fonction publique, 2016,
p. 275).

e. En vertu de l'art. 34 SP, l'employeur protège et respecte, dans les rapports de travail, la personnalité de l'employé ; il manifeste les égards voulus pour sa santé et veille au maintien de la moralité.

À teneur de l'art. 328 CO, l'employeur protège et respecte, dans les rapports de travail, la personnalité du travailleur ; il manifeste les égards voulus pour sa santé et veille au maintien de la moralité. En particulier, il veille à ce que les travailleurs ne soient pas harcelés sexuellement et qu'ils ne soient pas, le cas échéant, désavantagés en raison de tels actes (al. 1). Il prend, pour protéger la vie, la santé et l'intégrité personnelle du travailleur, les mesures commandées par l'expérience, applicables en l'état de la technique, et adaptées aux conditions de l'exploitation ou du ménage, dans la mesure où les rapports de travail et la nature du travail permettent équitablement de l'exiger de lui (al. 2).

f. Les notions d'atteinte à la personnalité et à l'intégrité personnelle sont indéterminées, de sorte qu'il appartient à la jurisprudence de développer leur contenu. Parmi les biens protégés figurent non seulement la vie et la santé du travailleur, mais aussi sa dignité, la considération dont il jouit dans l'entreprise, son honneur personnel et professionnel (Gabriel AUBERT, in Commentaire romand, CO I, 2012, n. 3 ad art. 328 CO).

Le harcèlement psychologique, ou mobbing - qui constitue une forme aiguë d'atteinte à la personnalité ou à l'intégrité personnelle (Gabriel AUBERT,
op. cit., n. 6 ad art. 328 CO) -, contrevient à l'obligation de l'employeur prévue par l'art. 328 al. 1 CO (arrêt du Tribunal fédéral 4A_714/2014 du 22 mai 2015 consid. 2.2).

Selon la définition donnée par la jurisprudence qui vaut pour les relations de travail fondées tant sur le droit privé que sur le droit public, le harcèlement psychologique, communément appelé mobbing, se définit comme un enchaînement de propos et/ou d'agissements hostiles, répétés fréquemment pendant une période assez longue, par lesquels un ou plusieurs individus cherchent à isoler, marginaliser, voire exclure une personne sur son lieu de travail. Il arrive fréquemment que chaque acte, pris isolément, apparaisse encore comme supportable, mais que les agissements pris dans leur ensemble constituent une déstabilisation de la personnalité, poussée jusqu'à l'élimination professionnelle du travailleur visé (arrêts du Tribunal fédéral 8C_41/2017 du 21 décembre 2017 consid. 3.5 ; 8C_398/2016 du 17 mai 2017 consid. 4.1.1 ; 8C_358/2009 du 8 mars 2010 consid. 5.1).

g. L'art. 336 al. 1 et 2 CO énumère des cas dans lesquels la résiliation est abusive ; cette liste n'est toutefois pas exhaustive et une résiliation abusive peut aussi être admise dans d'autres circonstances. Il faut cependant que ces autres situations apparaissent comparables, par leur gravité, aux cas expressément envisagés par l'art. 336 CO. Ainsi, un congé peut être abusif en raison de la manière dont il est donné, parce que la partie qui donne le congé se livre à un double jeu, contrevenant de manière caractéristique au principe de la bonne foi, lorsqu'il est donné par un employeur qui viole les droits de la personnalité du travailleur, quand il y a une disproportion évidente des intérêts en présence ou lorsqu'une institution juridique est utilisée contrairement à son but
(ATF 136 III 513 consid. 2.3, et les arrêts cités).

À teneur de l'art. 336 al. 1 let. a CO, le congé est abusif, notamment, lorsqu'il est donné par une partie pour une raison inhérente à la personnalité de l'autre partie, à moins que cette raison n'ait un lien avec le rapport de travail ou ne porte sur un point essentiel un préjudice grave au travail dans l'entreprise.

Une violation grossière du contrat, notamment une atteinte grave de la personnalité dans le cadre d'une résiliation, peut rendre celle-ci abusive
(ATF 132 III 115 consid. 2.2 = JdT 2006 I 152). Notamment, le harcèlement psychologique, à titre d'atteinte à la personnalité du travailleur, peut donner lieu à une indemnisation si sa gravité le justifie. Toutefois, par lui-même, il ne rend pas la résiliation des rapports de travail abusive (arrêt du Tribunal fédéral 4C.237/2006 du 24 novembre 2006 consid. 3 ; ATF 125 III 70 consid. 2a).
Celle-ci peut le devenir si, par exemple, elle intervient à cause d'une baisse des prestations du travailleur qui est la conséquence du harcèlement psychologique toléré par l'employeur en violation de son obligation résultant de l'art. 328
al. 1 CO (arrêts du Tribunal fédéral 4A_159/2016 du 1er décembre 2016
consid. 3.1 ; 4C.237/2006 précité consid. 3 ; ATF 125 III 70 consid. 2a).

8) En l'espèce, la question de savoir si le licenciement querellé ne reposerait pas plutôt sur l'art. 69 SP que sur l'art. 71 SP, vu l'absence de tous manquements imputables au recourant et le fait que cette mesure n'est motivée que par des raisons médicales, peut demeurer indécise, car elle est sans influence sur l'issue du litige.

9) Il ressort ce qui suit des explications émises par les Drs I______, H______ et E______ lors des audiences des 19 mars et 28 mai 2019.

a. Le Dr E______, médecin-conseil auprès des TPG, a exposé avoir rencontré à plusieurs reprises depuis décembre 2016 M. A______, qui lui avait expliqué que, dans le cadre de l'accident du 2 décembre 2016, il avait senti une forte douleur dans la nuque et avait commencé alors à freiner et avait perdu connaissance à ce moment-là ; quelqu'un avait arrêté le bus, qui avait eu des impacts sur des objets. Aux urgences des HUG, l'origine à son malaise n'avait pas été trouvée. C'était sur proposition du médecin-conseil des TPG qu'un examen
tilt-test (lequel reproduit une situation à risque qui est comparable à ce qu'il a vécu dans son bus), avait été effectué. Un premier tilt-test, entamé en France, avait été interrompu, sans mesure effectuée, car le patient avait perdu connaissance très vite. Celui-ci avait alors accepté de faire ce tilt-test aux HUG, et ce test était revenu « positif », donc anormal, avec baisse de tension et du pouls importante, descendus très bas, l'intéressé ayant donc perdu connaissance très vite au début du test. Après ce tilt-test qui avait été effectué le 2 mars 2017, le Dr E______ avait parlé au téléphone avec le cardiologue qui avait effectué le test pour voir ses conséquences ; le cardiologue lui avait dit que dans ce cas-là, il n'y avait pas de pacemaker ou de traitement qui pourrait améliorer la situation, et ce spécialiste avait établi un certificat d'inaptitude à la conduite professionnelle, sans mention de la durée de l'inaptitude.

Après avoir appris que M. A______ avait appelé les RH des TPG en leur disant avoir retrouvé son permis de conduire professionnel à la suite d'une expertise dont les conclusions étaient positives, et étant troublé par de telles conclusions, le Dr E______ avait contacté le Dr H______ quelques semaines après sa mise au courant de l'existence de cette expertise - dont il a vu le rapport du 12 juillet 2018 la première fois lors de l'audience du 19 mars 2019 -, afin de lui demander des éclaircissements pour d'éventuels autres cas et parler de manière générale des risques de récidive après des malaises, ce sans évoquer des personnes en particulier et dans le respect du secret médical. Parallèlement, après avoir appris les conclusions de l'expertise du 12 juillet 2018, il avait eu un entretien téléphonique avec le responsable médical pour l'OFT, à propos de
M. A______ nommément ; ce médecin avait, sur la base de ce que le
Dr E______ lui avait dit dans le respect du secret médical, conclu à une inaptitude de M. A______ à conduire un tram.

En dépit de l'expertise de niveau 4 du 12 juillet 2018, le Dr E______, dont la valeur de sa propre expertise était inférieure puisque de niveau 2, persistait à considérer que M. A______ n'avait pas l'aptitude à conduire des bus ou des trams, appréciation qui se fondait sur un faisceau d'éléments qui montrait que le risque pour l'intéressé était un peu plus important que pour la population en général. Dans son appréciation, étaient pris en considération qu'il y avait déjà eu un malaise en 2014 avec impact avec une voiture, la perte de connaissance dans deux tilt-tests quelques mois après le malaise de 2016 et un déclenchement imprévisible des malaises puisqu'en 2014 M. A______ n'avait pas senti venir la douleur qui était venue très vite au moment du malaise. Dans son dossier, il y avait le rapport des HUG du 7 novembre 2014 où il était écrit : prise de sang normale, EEG (électro-encéphalogramme) normal, diagnostic « syncope sans douleur thoracique » et la précision que les ambulanciers avaient noté une tension artérielle de 70 sur 40 et un pouls de 38 et évoquant aussi la sensation de décharge électrique, et concluant à une syncope d'origine indéterminée. La dissection qui avait été retenue n'était pas datable et aurait pu être antérieure à 2016, peut-être survenue en 2014, ce qui lui avait été dit le 16 mai 2017 par le Dr C______, lequel lui avait expliqué que c'était peut-être une découverte fortuite. Une dissection pouvait amener à un malaise de type vagal au moment où elle apparaissait, de par la douleur qu'elle provoquait, mais elle ne pouvait pas expliquer des malaises récidivants. Or, ce n'était pas la dissection qui pouvait expliquer l'ensemble des malaises à répétition (2014, 2016 et tilt-test positif en 2017), étant précisé qu'une dissection n'entraînait pas forcément un malaise. Ces éléments amenaient le Dr E______ à retenir un risque non négligeable de nouveaux malaises à l'avenir avec des mesures de prévention difficiles à prendre vu la soudaineté des symptômes (maux de tête qui avaient conduit aux malaises). Selon le médecin-conseil des TPG, M. A______ avait une capacité de perdre connaissance suite à un malaise vasovagal de manière plus importante que la population générale ; le fait qu'il conduise huit heures par jour dans un endroit confiné était un facteur favorisant la survenance de ce risque. Ce qui l'avait en outre inquiété était que, lorsqu'il l'avait vu, M. A______ n'avait pas exprimé de doutes par rapport à sa capacité de conduire malgré les deux accidents avec des conséquences qui auraient pu être graves.

b. Selon la Dresse I______, dans leur rapport d'expertise du 12 juillet 2018, le Dr H______ et elle-même étaient partis du principe que le malaise survenu le
2 décembre 2016 était dû à une syncope vasovagale. Dans la population générale, la syncope vasovagale avait une prévalence de 35 %, ce qui signifiait qu'à un moment ou à un autre de leur vie, 35 % des gens pourraient avoir une syncope vasovagale ; elle était la cause la plus importante (20 à 35 %) de malaises ; il n'y avait pas forcément de prédisposition pour souffrir d'une telle syncope, et la survenance à une reprise d'une syncope vasovagale ne signifiait pas forcément qu'il y en aurait de nouvelles. Les deux experts étaient partis du principe que 
M. A______ n'avait pas plus de raison que quelqu'un d'autre de subir un nouvel épisode de syncope vasovagale.

Les recommandations figurant au dernier paragraphe dudit rapport d'expertise ne s'adressaient pas spécifiquement à M. A______ mais à toute personne. Ces recommandations n'étaient pas écrites à l'intention de tous les expertisés mais de ceux qui avaient déjà présenté une syncope quelle que soit son origine, mais elles valaient en tant que telles pour toutes personnes, même n'ayant pas encore vécu de syncope vasovagale.

Après que le Dr E______ eut déclaré que, selon lui, les malaises de 2014 et 2016 étaient identiques, d'origine vasovagale et avec une survenue brutale rendant difficiles des mesures permettant d'éviter la perte de connaissance, la Dresse I______ a indiqué que l'origine du malaise de 2014 n'était pas aussi claire que cela. Elle ne pouvait pas conclure d'une manière certaine à une syncope d'origine vasovagale dans la mesure où une hypoglycémie avait été diagnostiquée dans l'ambulance et traitée par du sucre avec une bonne réponse clinique, étant précisé qu'il y avait eu une reprise de conscience assez rapide après l'administration de sucre. L'origine de ce malaise pourrait donc être d'origine hypoglycémique, hypothèse la plus vraisemblable selon elle, sans toutefois exclure une origine vasovagale.

Le Dr E______ s'est dit en désaccord avec le diagnostic d'hypoglycémie, faute de symptômes allant de ce sens ; chez un non-diabétique, s'il s'agissait vraiment d'une hypoglycémie, ce serait atypique et il faudrait en rechercher l'origine.

La Dresse I______ a confirmé la possibilité d'une hypoglycémie vu les symptômes présentés alors.

Selon elle, les résultats du tilt-test effectué par les HUG en 2017 étaient positifs en ce sens qu'ils montraient une pathologie. 10 à 20 % des personnes pouvaient avoir des résultats d'un test qui n'étaient pas conformes à la réalité ; ce n'était donc pas un test fiable à 100 %, mais un indicateur d'une éventuelle syncope vasovagale, sans en être la preuve absolue.

Le Dr E______ ayant estimé que, quel que soit le pays, les expertises reposaient sur des appréciations de situations complexes sans niveau de preuve élevé, la Dresse I______ a déclaré qu'il était exact que les experts faisaient des extrapolations selon des recommandations ou des statistiques figurant dans des publications, sans certitude et sans preuve avérée.

c. D'après le Dr H______, la cause du malaise de 2014 n'était pas claire ; il pouvait s'agir d'un malaise vasovagal, malaise dû à une hypoglycémie, ou une autre cause. L'origine du malaise de 2016 n'était pas claire non plus ; il pouvait s'agir d'un malaise vasovagal, d'un malaise lié à la douleur survenue deux jours auparavant lors d'une manipulation cervicale par un ostéopathe ou une autre origine. La douleur provoquée par la dissection de l'artère vertébrale gauche diagnostiquée quelques mois plus tard en 2017 aurait pu provoquer le malaise de décembre 2016. Le tilt-test de mars 2017 n'était pas prédictif de futures récidives.

Dans la pire des hypothèses qui était celle d'un malaise d'origine indéterminée, ainsi que dans les autres hypothèses, la Dresse I______ et
lui-même se référaient aux recommandations, en l'occurrence de la Société cardiologique allemande de 2011, étant précisé que les nouvelles directives de la Société suisse de cardiologie et de médecine légale allaient sur ce point dans le même sens, pour déterminer s'il y avait aptitude à conduire ou non. Ces recommandations indiquaient qu'après une année d'absence de récidive de malaise (délai de carence), pour la conduite de véhicules professionnels de type car, il y avait aptitude à conduire. C'était parce qu'un conducteur professionnel était plus exposé qu'un conducteur simplement privé à des situations de stress, de chaleur, de déshydratation et de manque d'alimentation qui pourraient favoriser un malaise vasovagal, que le délai de carence était plus élevé pour le premier.

En l'occurrence, on était à quinze mois de délai de carence. Ce délai valait même après une récidive, étant précisé que ce délai partait depuis le dernier malaise même s'il faisait suite à des malaises précédents et que ce serait plus inquiétant au-delà de deux malaises dont la cause serait inconnue. Dans le cas du recourant, il n'y avait pas plus de risques, même minimes, qu'un autre conducteur qu'il ait un nouveau malaise, même dans le cadre de la conduite professionnelle d'un bus.

Ici, les circonstances étaient compliquées et les deux experts avaient choisi le scénario le pire avec un délai de carence d'une année. Ce qui était compliqué dans le cas d'espèce était la nature indéterminée des deux malaises, ce qui voulait dire qu'un délai de carence d'une année était nécessaire, selon les directives des experts.

Plus le temps passait sans qu'il y ait de récidive, en l'occurrence depuis décembre 2016 pour autant qu'il n'y en ait jamais eu, plus c'était rassurant par rapport à un éventuel risque de récidive. Au moins 35 % de la population suisse avait fait au moins un malaise d'origine vasovagale (prévalence de la maladie) selon la Revue médicale suisse de 2014. Le fait de ne pas avoir de récidive dans le délai de carence signifiait que la personne n'était pas plus à risque que quelqu'un d'autre, selon les recommandations internationales. Il ne s'agissait que d'avis d'experts. La Dresse I______ et lui-même ne disposaient pas d'études avec des conducteurs professionnels sur de nombreuses années, ce qui serait souhaitable pour connaître le risque absolu.

d. Selon le Dr E______, ce qui l'avait inquiété particulièrement dans le cas de M. A______ était que dans les deux cas, en 2014 et 2016, il n'avait pas senti venir le malaise et n'avait pas été en mesure d'arrêter le bus à temps, sachant également que le niveau de preuves des recommandations d'experts était faible et que l'étude particulière des circonstances concrètes était aussi importante, notamment quant à la rapidité d'apparition des malaises sans pouvoir prendre des mesures contrecarrant la perte de connaissance et s'agissant d'un conducteur exposé à des circonstances nombreuses favorisant une telle survenance.

Le Dr H______ a répondu que ce que venait de dire le Dr E______ était tout à fait valide. Il faudrait que des études soient faites sur le long terme pour des chauffeurs professionnels qui avaient présenté le même type de malaises que M. A______. En attendant, la Dresse I______ et lui-même n'avaient effectivement que des recommandations d'experts.

e. Cela étant, à teneur de la traduction par des médecins romands (en l'occurrence le Dr H______) du document « Pocket-Positions-papier, Fahreignung bei kardiovaskulären Erkrankungen », Deutsche Gesellschaft für Kardiologie, Herz- und Kreislaufforschung e.V., produite par le Dr H______ lors de la seconde audience, dans le tableau 7 (« Recommandations pour l'aptitude après syncopes, qui ne peuvent pas être traitées par pacemaker, défibrillateur, changement de pharmacothérapie ou de comportement »), les conducteurs professionnels sont en règle générale inaptes pour une année sans récidive en cas de syncope neuro-cardiogénique (y compris vasovagale) ou syncope d'origine indéterminée. Il est noté notamment, sous ce tableau : « Même après une syncope inexpliquée le risque de récidive durant la 2ème année après le premier événement est de 5 % et se réduit quand même à 1 % pour des troubles de la conscience, sans prodromes (NDR : signes ou symptômes avant-coureurs). Par conséquent, une appréciation au cas par cas pour les conducteurs de camions et d'autobus est nécessaire ».

Par ailleurs, selon le tableau 1 (« Fahreignung bei Synkopen ») du document « Fahreignung und kardiovaskuläre Erkrankungen : gemeinsame Richtlinien der Schweizerischen Gesellschaft für Kardiologie und der Schweizerischen Gesellschaft für Rechtsmedizin », approuvé le 5 mai 2019 par la première société et le 9 mai 2019 par la seconde (ci-après : les nouvelles directives de la Société suisse de cardiologie et de médecine légale) - qui correspond à un des documents produits par le Dr H______ à l'audience -, pour le 2ème groupe (conducteurs des catégories C et au-delà), en cas de syncope vasovagale à une reprise sans être assis ou en train de conduire, le conducteur est apte à la conduite ; en cas de récidive de syncope vasovagale ou de syncope vasovagale unique en étant assis ou en train de conduire, il faut une appréciation au cas par cas et le délai de carence est d'au moins trois mois depuis le dernier événement ; en cas de syncope « pas claire » (« unklare Synkope ») sans prodromes qui permettent une réaction de protection adéquate de la part du patient, celui-ci n'est pas apte à la conduite jusqu'à ce qu'un diagnostic soit posé et une thérapie introduite, et, en l'absence de diagnostic, le délai de carence est au minimum de douze mois depuis le dernier événement (traduction libre).

Enfin, à teneur du document produit le 30 août 2019 par les intimés, à savoir l'Annexe 4 - Recommandations concernant l'appréciation de l'aptitude lors de maladies importantes en médecine des transports - Examens d'aptitude médicale pour personnes aux activités déterminantes pour la sécurité dans le domaine ferroviaire selon l'OCVM1 et l'OAASF, établie le 1er juillet 2018 par l'OFT
(ci-après : l'Annexe 4), au ch. 2.6, p. 18, pour les syncopes à cause méconnue, il faut, en cas d'événement unique, s'en tenir au principe d'une inaptitude à la conduite limitée à un an, alors qu'en cas de deuxième événement sauf syncope vasovagale répétée et non problématique, il y a inaptitude définitive.

10) a. Au regard de ce qui précède, il convient tout d'abord de relever que les appréciations médicales des experts H______ et I______ d'une part et du
Dr E______ d'autre part ne portent pas exactement sur le même objet. Les experts devaient se prononcer sur l'aptitude du recourant à conduire des véhicules des 1er groupe (catégories non-professionnelles) et 2ème groupe (catégories professionnelles), d'une manière générale et, à cette fin, en particulier sur la question de savoir si l'expertisé présentait ou non plus de risques de malaise que le reste de la population. En revanche, la portée de l'avis de médecin-conseil des TPG était, malgré sa teneur qui paraissait générale, limitée à l'enjeu de savoir si l'intéressé pourrait, d'un point de vue médical, conduire des autobus, voire éventuellement des tramways, dans le cadre des seuls TPG.

Ces derniers, en tant que transportant un très grand nombre d'usagers sur tout le réseau des transports sur le territoire genevois, sont en droit de se considérer comme dépositaires d'une responsabilité particulière en terme notamment de sécurité pour leurs usagers et les personnes qui se trouvent sur les voies publiques, et d'appliquer dès lors le principe de précaution.

Par ailleurs, il apparaît que l'appréciation des deux experts repose en grande partie non seulement sur les constatations et conclusions des neurologues de décembre 2017 et janvier 2018, mais aussi sur des extrapolations selon des recommandations ou des statistiques figurant dans des publications suisses ou internationales, sans certitude et sans preuve avérée, comme l'a indiqué la
Dresse I______, tandis que le Dr E______ a fondé son appréciation prioritairement sur les circonstances particulières et concrètes.

b. Ce qui est de nature à primer pour les intimés n'est pas la probabilité théorique d'un risque de malaise du recourant plus important, même de manière minime, que pour le reste de la population, mais les doutes quant à l'aptitude concrète de celui-ci à conduire des autobus sur leur réseau, sans mettre en danger les usagers desdits véhicules et des voies publiques, eu égard aussi aux exigences particulièrement élevées en matière de sécurité et de maîtrise qui leur incombent.

Or il s'avère, selon les explications du Dr H______, que les causes tant du malaise de 2016 que de celui de 2014 ne sont pas claires. Ce point est inquiétant et mérite une attention particulière, comme cela découle notamment des nouvelles directives de la Société suisse de cardiologie et de médecine légale et de l'Annexe 4. Est également préoccupant le caractère soudain des deux malaises et l'absence de signes avant-coureurs. Au surplus, à la fin de la seconde audience, en estimant souhaitable que des études soient effectuées sur le long terme pour des chauffeurs professionnels qui avaient présenté le même type de malaises que le recourant, le Dr H______ a confirmé la validité des inquiétudes du Dr E______ fondées sur les circonstances particulières.

Au demeurant, il découle des nouvelles directives de la Société suisse de cardiologie et de médecine légale qu'en cas de syncope sans cause connue, le délai de carence serait au minimum de douze mois depuis le dernier événement en l'absence de diagnostic posé sur l'origine des malaises, comme ici, ce qui laisse une importante marge de manoeuvre pour une appréciation au cas par cas, comme effectuée par le médecin-conseil des TPG.

c. Dans ces conditions, le Dr E______ et, sur la base de son avis, les TPG étaient en droit de s'écarter des conclusions des experts de niveau 4 en prenant en considération de manière plus prioritaire les circonstances particulières et les exigences spécifiquement élevées en matière de sécurité des intimés.

Il importe peu que ledit médecin-conseil semble avoir hésité, voire changé d'avis, en admettant une possible aptitude « pneu » professionnelle de l'intéressé dans son courriel du 27 juillet 2018, avant de réitérer sa conclusion d'inaptitude selon courriel du 13 août 2018 aux TPG. De telles hésitations ne montrent en l'occurrence pas un manque de compétences, mais une prise en compte sérieuse de l'expertise de niveau 4 ainsi que des enjeux particulièrement importants en termes de sécurité mais aussi d'avenir professionnel de l'intéressé.

En définitive, sous l'angle du principe de la proportionnalité, c'est sans excès ou abus de leur pouvoir d'appréciation que les TPG ont fait primer l'intérêt public et le principe de précaution sur l'intérêt privé du recourant à reprendre son travail de conducteur d'autobus.

Partant, la résiliation des rapports de service querellée repose sur des motifs dûment justifiés (art. 71 SP) ou est justifiée par des raisons médicales (art. 69
al. 1 SP). Elle n'est pas abusive (art. 71 al. 3 SP et 336 CO) et ne fait pas suite à des atteintes à la personnalité de l'intéressé (art. 34 SP et 328 CO a contrario), sous forme d'atteinte à sa santé psychique et de souffrance psychologique, du fait des prétendus « changements d'avis chroniques » et partialité du médecin-conseil des TPG, dont le comportement et l'appréciation n'apparaissent, après examen, pas critiquables.

11) a. Le principe du reclassement est l'une des expressions du principe de la proportionnalité. Il impose à l'État de s'assurer, avant qu'un licenciement ne soit prononcé, qu'aucune mesure moins préjudiciable pour l'administré ne puisse être prise (art. 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du
18 avril 1999 - Cst. - RS 101 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_309/2008 du
28 janvier 2009 consid. 2.2 ; ATA/909/2015 du 8 septembre 2015 consid. 9d).

Il s'agit tout d'abord de proposer des mesures dont l'objectif est d'aider l'employé à retrouver ou maintenir son « employabilité », soit sa capacité à conserver ou obtenir un emploi, dans sa fonction ou dans une autre fonction, à son niveau hiérarchique ou à un autre niveau. Avant qu'une résiliation ne puisse intervenir, différentes mesures peuvent être envisagées et prendre de multiples formes. À titre d'exemples, on pense au certificat de travail intermédiaire, au bilan de compétence, à un stage d'évaluation, aux conseils en orientation, aux mesures de formation et d'évolution professionnelles, à l'accompagnement personnalisé, voire à « l'outplacement ». Il s'agit ensuite de rechercher si une solution alternative de reclassement au sein de la fonction publique cantonale peut être trouvée. En contrepartie, la garantie du niveau salarial atteint en cas de changement d'affectation a été abrogée (MGC 2005-2006/XI A 10420 ; ATA/1067/2016 du 20 décembre 2016 consid. 7).

Selon la jurisprudence, lorsque la loi prescrit à l'État de ne pas licencier une personne qu'il est possible de reclasser ailleurs, elle ne lui impose pas une obligation de résultat, mais celle de mettre en oeuvre tout ce qui peut être raisonnablement exigé de lui. En outre, l'obligation de l'État de rechercher un autre emploi correspondant aux capacités du membre du personnel dont le poste est supprimé se double, corrélativement, d'une obligation de l'employé, non seulement de ne pas faire obstacle aux démarches entreprises par l'administration, mais de participer activement à son reclassement (ATA/298/2016 du 12 avril 2016 consid. 5b ; ATA/128/2015 du 3 février 2015 consid. 4).

b. Dans un cas où un recourant n'était plus apte à exercer sa fonction de conducteur de bus, il a été admis qu'en application de l'art. 69 al. 1 SP, les TPG avaient l'obligation de mettre en oeuvre tout ce qui pouvait être raisonnablement exigé d'eux pour le reclasser (ATA/679/2017 du 20 juin 2017 consid. 7, non remis en cause sur ce point par l'ATA/112/2019 du 5 février 2019 à la suite de l'arrêt du Tribunal fédéral 8C_541/2017 du 14 mai 2018).

Au surplus, aux termes de l'art. 63 al. 1 SP, la direction peut décider un changement temporaire ou définitif de l'affectation de l'employé lorsque des raisons médicales rendent un tel changement nécessaire au regard des exigences du service.

12) Dans le cas présent, le recourant a adressé cinq postulations à son employeur pour d'autres postes que celui de conducteur, mais elles n'ont pas été retenues par les unités concernées, bien qu'examinées, ce à deux reprises après un entretien.

De son côté, le service RH dont il dépendait s'est adressé à deux autres services RH des intimés, en précisant qu'il avait de bonnes qualifications. Le premier de ces deux services ne disposait toutefois pas de poste disponible et le second aurait des postes dans le futur qui exigeaient néanmoins la conduite des trams, ce qui était précisément problématique.

Vu ces circonstances, et au regard notamment de la difficulté pour les TPG de trouver des places de travail pour des employés inaptes à la conduite professionnelle, c'est en vain que le recourant soutient que les intimés n'ont pas tenté de le reclasser de manière sérieuse.

Vu ce qui précède, la décision querellée est conforme au droit, et le recours, infondé, sera rejeté, dans la mesure où il est recevable.

13) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- et deux indemnités de témoin de CHF 750.- versées au Dr E______ pour les audiences des
19 mars et 28 mai 2019, seront mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA). Aucune indemnité ne sera accordée aux intimés, qui n'y ont pas conclu et dont la taille leur permet de disposer d'un service juridique apte à assumer leur défense, sans avoir à recourir aux services d'un avocat (ATA/679/2017 précité consid. 8).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, dans la mesure où il est recevable, le recours interjeté le 29 octobre 2018 par M. A______ contre la décision des Transports publics genevois du
26 septembre 2018 ;

met à la charge de M. A______ un émolument de CHF 1'500.- et les indemnités pour témoin de CHF 1'500.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les
art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Marc Lironi, avocat du recourant, ainsi qu'à
Me Malek Adjadj, avocat des Transports publics genevois.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, MM. Pagan et Verniory,
Mmes Payot Zen-Ruffinen et Cuendet, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. Werffeli Bastianelli

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :