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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1050/2018

ATA/1848/2019 du 20.12.2019 sur JTAPI/1185/2018 ( ICCIFD ) , REJETE

Recours TF déposé le 06.02.2020, rendu le 19.01.2021, REJETE, 2C_148/2020
Descripteurs : DONATION;EXONÉRATION FISCALE;IMPÔT SUR LE REVENU;TAXATION D'OFFICE
Normes : LHID.16.al1; LIFD.24.leta; LIFD.24.lete; LIPP.27.lete; LIPP.27.letf
Résumé : Les personnes morales qui poursuivent des buts économiques au sens large ne sont pas motivées par une dimension subjective lorsqu’elles procèdent à des prestations gratuites. Leurs bénéficiaires ne sauraient donc invoquer l’exonération fiscale. Selon la jurisprudence, l’exonération d’une donation s’applique essentiellement dans le cas où le donateur est une personne physique. De plus, il ne peut y avoir volonté de donner lorsque la prestation n'est pas faite à titre gratuit, mais procède de l'accomplissement d'une obligation juridique, quelle qu'en soit la cause.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1050/2018-ICCIFD ATA/1848/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 décembre 2019

4ème section

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Laurent Winkelmann, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 3 décembre 2018 (JTAPI/1185/2018)


EN FAIT

1) a. Madame A______, née le ______ 1966 au Koweit, naturalisée suisse et domiciliée à B______, est la veuve de feu Monsieur C______, né le ______ 1963 à Beyrouth et décédé le ______ 2005 à la suite de ses blessures survenues lors d'un attentat dirigé contre une personnalité politique libanaise, Monsieur E______, né le ______ 1944 à F______ au Liban. M. C______ était domicilié à Beyrouth.

b. Monsieur D______, né le ______ 1970, est le fils de feu M. E______, assassiné lors de l'attentat précité.

c. La société G______ Ltd (ci-après : la société), fondée en janvier 1978 par feu M. E______ avec siège à H______ en Arabie Saoudite et active notamment dans le domaine de la construction immobilière, a cessé son activité le 31 juillet 2017. Depuis sa fondation, elle était la propriété de la famille E______. M. D______ a été le président de son conseil d'administration.

d. La I______ SA, membre de I______ a comme président du conseil d'administration Monsieur J______.

2) Dans sa déclaration fiscale 2011 du 29 janvier 2013, Mme A______ a fait état d'une fortune brute de CHF 6'367'041.- et d'un revenu brut de CHF 244'882.-, composé d'une indemnité de CHF 31'941.- versée par le ministère des finances de la République du Liban et d'une rente de veuve de CHF 212'941.- versée par la société.

3) Par courrier du 30 mai 2013, rappelé le 4 octobre 2013, l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a demandé à l'intéressée de fournir les justificatifs de ses rentes perçues en 2011 et les relevés des comptes sur lesquels celles-ci avaient été versées.

Si l'intéressée ne répondait pas à la sommation, elle s'exposait à une taxation d'office et à une amende.

4) Le 3 décembre 2013, Mme A______ a remis à l'AFC-GE notamment une attestation de la société du 29 novembre 2013 relative au versement d'une rente de soutien d'USD 240'000.- et d'un acompte d'USD 500'000.- sur une donation dont le montant était encore à déterminer.

Les versements étaient irréguliers sur ses comptes ouverts auprès de la I______ SA. Ils dépendaient de la situation au Liban et du bon vouloir du donateur.

5) Par bordereaux du 3 décembre 2013, l'AFC-GE a taxé d'office Mme A______ à hauteur de CHF 134'797.95 pour l'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) et à concurrence de CHF 32'620.80 pour l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD) 2011.

Elle a ajouté d'office CHF 270'000.- aux revenus et CHF 600'000.- à la fortune imposables de l'intéressée.

6) Le 28 janvier 2014, Mme A______ a formé réclamation contre les bordereaux précités en demandant à l'AFC-GE de corriger la taxation et de tenir compte des éléments mentionnés dans la déclaration fiscale susmentionnée.

Elle avait demandé plusieurs prolongations de délai pour envoyer les renseignements requis, les justificatifs demandés étant difficiles à obtenir compte tenu de la situation au Liban. Elle les avait envoyés le 3 décembre 2013.

7) Les 29 octobre 2014 et 26 janvier 2015, l'AFC-GE a requis de l'intéressée de lui communiquer le justificatif de la rente de CHF 31'941.- versée par le ministère des finances de la République du Liban, les comptes sur lesquels celle-ci était versée et leurs relevés mensuels ; les relevés mensuels du compte destiné au financement de ses dépenses courantes ; et le contrat de donation, le motif de versement, l'affectation et le compte sur lequel une donation de CHF 5'386'860.- perçue en 2007 avait été versée.

8) Le 20 février 2015, Mme A______ a produit une attestation de la pension de retraite octroyée par la République libanaise en 2011, des relevés de la I______ de 2011, un justificatif du versement de la rente en 2012 et une attestation de M. D______ du 29 janvier 2015.

Les donations reçues résultaient d'une obligation coutumière de la famille E______. Le montant du versement était déterminé par celle-ci.

L'attestation établie par M. D______ faisait état de la décision de celui-ci de faire une donation régulière dévolue à la veuve de feu M. C______ conformément au droit coutumier. Les circonstances de l'assassinat de ce dernier n'avaient pas permis de fixer le montant global dévolu à l'intéressée avant l'année 2014. M. D______ avait versé de ses propres deniers à Mme A______ les sommes d'USD 5'386'860.- en 2007 et d'USD 350'000.- en 2014 et 2015. Par la suite, une donation d'USD 7'000'000.- serait attribuée à l'intéressée en vingt versements annuels d'USD 350'000.- chacun, le premier intervenant en 2016 et le dernier en 2035. Par la suite, d'autres donations n'étaient pas exclues.

9) Par courrier du 26 février 2015, rappelé les 11 et 27 mars 2015, l'AFC-GE a imparti à Mme A______ un délai pour lui remettre l'état des titres rempli, daté et signé et lui faire parvenir un état informatisé de ceux-ci.

Son imposition était déterminée par l'ensemble des revenus et fortune, y compris la fortune mobilière et ses revenus comprenant notamment les comptes bancaires et postaux et les dépôts de titres en Suisse ou à l'étranger.

10) Le 28 avril 2015, Mme A______ a indiqué ne pas détenir de titres dans la I______ à Beyrouth.

11) Le 29 mai 2015, l'intéressée a produit différents documents bancaires établis par la I______ SA et portant sur les années 2006 à 2013.

Elle n'avait pas les justificatifs de CHF 1'000'000.- sur des donations d'un montant total de CHF 6'590'000.- versé en 2009 pour l'achat d'un appartement.

12) Le 15 février 2016, l'intéressée a produit différents documents bancaires de I______ SA attestant des paiements effectués en 2011.

La somme reçue en 2011 de la famille E______ constituait une donation en application du droit coutumier. Celle-ci était conforme à une règle traditionnelle et à l'objectif poursuivi de lui assurer un confort nécessaire et propice à surmonter l'épreuve de la disparition de son époux. Elle était propriétaire d'un appartement à Genève. Elle assumait l'éducation des enfants et avait un personnel au service de la famille. L'octroi de futures donations n'était garanti ni dans la quotité ni dans la durée. Les promesses faites étaient des obligations morales qui ne valaient pas reconnaissance de dettes, dans la mesure où elles étaient dépourvues de base légale. Il s'agissait de prestations sans contre-prestation provenant d'une famille donatrice établie à l'étranger agissant selon les coutumes de son pays et selon un statut économique propre.

13) Le 27 juillet 2016, l'AFC-GE a invité Mme A______ à lui confirmer si les versements opérés chaque année en sa faveur par la société étaient liés à l'exécution d'un devoir moral découlant du respect d'une coutume.

14) Le 25 août 2016, l'intéressée a confirmé cette interprétation et a précisé que la société appartenait à la famille E______.

15) Le 11 novembre 2016, l'AFC-GE a invité Mme A______ à lui communiquer ses éventuelles observations dans le cadre de l'instruction de sa réclamation.

Elle prévoyait, d'une part, d'annuler la taxation d'office partielle et, d'autre part, de rectifier les bordereaux contestés en défaveur de l'intéressée en ajoutant à ses revenus imposables CHF 1'046'962.- à titre de « rentes » versées en 2011 par la société à hauteur d'USD 740'000.- et par la famille E______ à concurrence d'USD 440'000.-.

16) Par courrier du 9 janvier 2017, Mme A______ a confirmé avoir perçu en 2011 la somme de CHF 1'046'962.-.

Cette prestation devait toutefois être considérée comme une donation de la famille E______. Celle-ci lui versait ces contributions pécuniaires sous forme de dons, sans aucune contre-prestation. Ces versements étaient fondés sur le droit coutumier en vigueur au Liban, lequel commandait à la famille E______ de compenser la perte de soutien financier subie à la suite du décès de feu son époux. Il ne s'agissait pas d'un devoir moral en soi, mais d'un « devoir moral de respecter le droit coutumier ». La prestation en cause devait être considérée comme ayant été versée en exécution d'une obligation d'assistance, fondée sur le droit de la famille.

17) Par décisions sur réclamation du 23 février 2018, l'AFC-GE a admis la réclamation de Mme A______ et annulé la taxation d'office partielle de l'intéressée. Elle a aussi rectifié les bordereaux contestés en défaveur de celle-ci en ajoutant à ses revenus à titre de rente imposable le montant de CHF 1'082'211.-. L'ICC 2011 se montait désormais à CHF 354'105.85 et l'IFD à CHF 129'377.10.

Aucun lien de famille n'existait entre elle et la famille E______. Les montants versés dans le but d'honorer un devoir moral ne constituaient pas une donation, mais un revenu imposable.

18) Par acte expédié le 27 mars 2018, Mme A______ a recouru contre les décisions précitées auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), en concluant à leur annulation, à l'exonération d'impôt des sommes de CHF 212'941.-, CHF 443'628.- et CHF 390'393.- et au renvoi de la cause à l'AFC-GE en l'invitant à rectifier les bordereaux de taxation ICC et IFD 2011.

Le montant en cause ne constituait pas un revenu. La famille E______ n'avait aucune obligation d'entretien envers elle. Celle-ci avait décidé de respecter une « coutume orale ». Aucun paiement ne lui était garanti dans la durée. Aucun moyen juridique ne rendait cette famille débitrice d'une prestation financière envers elle. Elle ne disposait pas librement des prestations versées par la famille E______. Par ailleurs, elle n'avait pas d'activité lucrative, et l'aide fournie par la famille E______ n'était pas destinée à la constitution d'une épargne. Elle-même n'avait pas de capacité économique propre.

19) Le 29 juin 2018, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Les versements en cause résultaient d'une obligation coutumière de la famille E______, exécutée en faveur de l'intéressée. Ils ne pouvaient pas être considérés comme des donations. Ils ne s'apparentaient pas non plus à une pension ou à une rente basée sur une obligation contractuelle ou légale de l'État libanais vis-à-vis de feu M. C______ ou de sa veuve. Pour être exonérés d'impôts, ils devaient être considérés comme des subsides de fonds publics ou privés versés à des personnes en situation d'indigence ou de besoin. Or, tel n'était pas le cas, puisque, d'une part, la condition de la gêne n'était pas réalisée, au vu des autres revenus et de la fortune immobilière de l'intéressée, et, d'autre part, les montants en question n'avaient pas été versés par un fonds public ou privé, mais par la famille E______, via la société.

20) Par jugement du 3 décembre 2018, le TAPI a rejeté le recours.

La prestation en cause de CHF 1'046'962.- ne pouvait pas être imposée comme une somme unique ou périodique obtenue ensuite de décès, de dommages corporels permanents ou d'atteinte durable à la santé, dans la mesure où elle n'avait été versée ni par une assurance ni par l'employeur de feu M. C______.

Elle n'était pas non plus une rente au sens de la législation fiscale. Elle n'était toutefois pas une donation, l'animus donandi de M. D______ faisant défaut. Dans son attestation du 29 janvier 2015, celui-ci avait fondé son obligation de dédommager l'intéressée sur le droit coutumier libanais. Mme A______ reconnaissait en cette prestation l'exécution d'un « devoir moral de respecter le droit coutumier ». Pour elle, cette prestation était fondée sur le droit coutumier en vigueur au Liban et celui-ci « commandait » à la famille E______ de compenser « la perte de soutien financier » subie à la suite du décès de feu son époux. La famille E______ avait ainsi envers elle une véritable dette en raison et depuis ce décès.

La prestation ne pouvait pas non plus être considérée comme un subside provenant de fonds privés, l'intéressée n'étant pas dans le besoin, au vu du patrimoine dont elle disposait avant d'en avoir bénéficié. Madame A______ n'avait ni démontré ni allégué l'existence d'un lien familial avec M. D______. La prestation reçue ne pouvait pas dès lors être une prestation fondée sur le droit de la famille. La somme de CHF 1'046'962.- devait être appréhendée comme un revenu imposable.

21) Par acte expédié le 7 janvier 2019, Mme A______ a recouru contre le jugement précité auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) en concluant préalablement à ce qu'un délai de trente jours pour compléter son mémoire de recours lui soit accordé. Elle a principalement conclu à l'annulation du jugement attaqué et des décisions sur réclamation du 23 février 2018 et au renvoi de la cause à l'AFC-GE pour nouvelle décision ; subsidiairement, elle a conclu au renvoi de la cause au TAPI pour nouvelle décision.

Le TAPI n'avait pas qualifié les prestations en cause de la famille E______ comme donation en raison de l'absence de l'animus donandi de M. D______. La question faisait l'objet de recherches complémentaires auprès de conseillers juridiques libanais afin de déterminer si la cause de ces versements était un devoir moral, le droit coutumier libanais ou le droit de la famille. Les premiers juges n'avaient pas non plus qualifié les prestations en cause de prestations fondées sur le droit de la famille en raison de l'absence du lien familial entre elle-même et M. D______. La question méritait également un approfondissement sous l'angle du droit libanais. La conception de la famille et des devoirs en découlant étaient différents au Liban et en Suisse. Il ne pouvait pas être exclu de voir les versements en cause être fondés sur le droit de la famille indépendamment de tout lien familial direct entre elle-même et M. D______.

22) Le 17 janvier 2019, le TAPI a transmis son dossier sans formuler d'observations.

23) Le 21 janvier 2019, Mme A______ a requis du juge délégué de lui confirmer si le délai de trente jours demandé pour compléter son mémoire de recours lui était accordé.

Le 22 janvier 2019, le juge délégué a indiqué que ce délai n'était pas accordé. Mme A______ pourrait compléter son argumentation lors de la clôture de l'instruction et bénéficierait du droit de réplique dans ce cadre.

24) Le 15 février 2019 et 4 avril 2019, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours, a persisté dans ses conclusions et a informé la chambre de céans n'avoir aucune requête ou observation complémentaire à formuler.

Mme A______ persistait à qualifier les versements effectués en sa faveur par la famille E______ de donation. Aucun argument nouveau pertinent n'était avancé et aucune pièce pertinente n'était produite.

25) Le 5 avril 2019, Mme A______ a transmis à la chambre de céans un avis de droit établi par un avocat libanais exerçant à Beyrouth au sujet de la nature, sous l'angle du droit libanais, des versements effectués par la famille E______ en sa faveur.

Les premiers juges avaient nié l'existence de l'animus donandi de M. D______ dans le cadre des versements effectués par celui-ci ou sur ses instructions et pour son compte. Les écritures et les attestations produites précédemment faisaient certes référence à des obligations morales ou au droit coutumier en vertu desquels les versements avaient été effectués. Toutefois, elle-même n'avait pas de compétence en matière de coutumes ou de droit libanais. Elle avait dès lors requis un avis de droit d'un avocat libanais pour confirmer ou infirmer l'existence du droit coutumier, celle de coutumes ou de toutes autres obligations morales fondant au Liban les versements de la famille E______.

Selon un avis de droit du 3 avril 2019, aucun contrat n'avait été conclu entre elle et M. D______ en vertu duquel celui-ci s'engageait à la soutenir financièrement. Ni les coutumes, ni le droit libanais n'obligeaient ce dernier, sur le plan moral ou légal, à lui prodiguer un soutien financier. Les versements effectués étaient mus par l'intention de M. D______ de la soutenir à la suite de la perte de son époux. Cette intention libérale, transposée en droit suisse, correspondait à l'animus donandi. Tous les éléments constitutifs de la donation, à savoir l'attribution d'un élément patrimonial, la gratuité de cette attribution et la volonté de donner étaient réalisés. Les versements effectués devaient être exonérés d'impôts en application de la législation fiscale idoine.

26) Le 24 avril 2019, le juge délégué a transmis à l'AFC-GE et à l'administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH) l'avis de droit précité, ensuite de quoi la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 145 de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2) Le litige porte sur la question de savoir si le montant de CHF 1'046'962.- considéré par l'AFC-GE comme un revenu imposable et confirmé comme tel par le TAPI constitue une donation exempte de taxation pour la période fiscale 2011.

La question étant traitée de la même manière en droit fédéral et en droit cantonal harmonisé, le présent arrêt traite simultanément des deux impôts, comme cela est admis par la jurisprudence (ATF 135 II 260 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_394/2013 du 24 octobre 2013 consid. 1.1).

3) a. L'impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus du contribuable, qu'ils soient uniques ou périodiques (art. 16 al. 1 LIFD). L'art. 17 de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), applicable en l'espèce, la période fiscale concernée étant 2011 (art. 72 al. 1 LIPP), prévoit quant à lui que l'impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus, prestations et avantages du contribuable, qu'ils soient uniques ou périodiques, en espèces ou en nature et quelle qu'en soit l'origine, avant déductions.

b. Tout revenu que la loi n'exclut pas expressément du champ d'application de la LIFD et de la LIPP est considéré comme faisant partie du revenu imposable. Celui-ci comprend l'ensemble des revenus du contribuable, quelle qu'en soit leur nature ou leur forme. L'impôt frappe le revenu global (ATA/1727/2019 du 26 novembre 2019 ; ATA/1089/2016 du 20 décembre 2016 ; ATA/905/2015 du 1er septembre 2015).

c. Si la notion de revenu n'est pas définie précisément par la loi, la jurisprudence et la doctrine suisses retiennent en principe comme déterminante la théorie de l'accroissement net du patrimoine (ATF 125 II 113 consid. 4a ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_766/2010 du 29 juillet 2011 consid. 2.1 ; ATA/1727/2019 précité), c'est-à-dire une conception extensive de la notion de revenu (ATA/167/2012 du 27 mars 2012). Selon celle-ci, le revenu acquis par un contribuable se compose de tout accroissement de son patrimoine constaté au cours de la période fiscale considérée, ce qui peut provenir tant d'une augmentation des actifs que d'une diminution des passifs (ATA/1727/2019 précité).

4) Selon les art. 24 let. a LIFD et 27 let. d LIPP, sont exonérés de l'impôt les dévolutions de fortune ensuite d'une succession, d'un legs, d'une donation ou de la liquidation du régime matrimonial. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, les exceptions au principe de l'accroissement net du patrimoine consacré aux art. 16 al. 1 LIFD et 7 al. 1 LHID qui concrétise le principe constitutionnel de l'imposition selon la capacité économique doivent être interprétés restrictivement (ATF 139 II 363 consid. 2).

Les art. 24 let. e LIFD et 27 let. f LIPP prévoient que sont exonérés de l'impôt les prestations versées en exécution d'une obligation fondée sur le droit de la famille, à l'exception des pensions alimentaires et des contributions d'entretien mentionnées à l'art. 23 let. f LIFD, respectivement à l'art. 26 let. f LIPP.

a. La donation est la disposition entre vifs par laquelle une personne cède tout ou partie de ses biens à une autre sans contreprestation correspondante (art. 239 al. 1 de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 - Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220). La donation est un contrat unilatéral - car une seule des parties s'oblige - et un acte bilatéral, car la concordance des volontés est exigée (art. 1 et 239 CO). La concordance des volontés des parties s'exprime par la volonté des parties - du donateur et du donataire - de conclure un contrat selon lequel le donateur consent à faire une attribution à titre gratuit que le donataire est prêt à accepter. Le donateur et le donataire doivent être conscients des éléments du contrat, qui sont objectivement et subjectivement essentiels pour l'un d'eux ou pour les deux. Sans cette concordance des volontés, la donation n'est pas valable (Margareta BADDELEY in Luc THÉVENOZ/Franz WERRO, Code des obligations I, Commentaire romand, 2012, p. 1605 n. 5 à 7 ad art. 239 CO).

La donation se caractérise par un élément subjectif, la volonté du donateur de donner sans contre-prestation correspondante, et par deux critères objectifs, la diminution du patrimoine du donateur et l'enrichissement du donataire (Margareta BADDELEY, op. cit., p. 1609 n. 26 ad art. 239).

La volonté de donner doit se manifester par l'appauvrissement du donateur, lequel est la contrepartie de l'enrichissement du donataire (arrêts du Tribunal fédéral 2C_961/2010 du 30 janvier 2012, consid. 5.2 ; 4A_201/2009 du 24 juin 2009 ; Margareta BADDELEY, op. cit., n. 37 ad art. 239).

Auprès des personnes physiques, l'animus donandi ne saurait être retenu sur une seule base objective : le constat d'un écart entre prestation et contreprestation ne suffit pas à lui seul à conclure à une donation mixte ; il peut y avoir d'autres raisons à un tel écart, et la dimension subjective doit être examinée pour pouvoir conclure à une donation. Lorsque l'animus donandi est retenu, il existe un parallélisme fiscal : la donation ne peut être déduite des revenus imposables du donateur, mais elle est exonérée chez le donataire. Sous l'empire de l'ancien arrêté du Conseil fédéral concernant la perception d'un IFD (aAIFD), la jurisprudence avait retenu que l'exonération d'une donation s'appliquait essentiellement dans le cas où le donateur est une personne physique. Les personnes morales qui poursuivent des buts économiques au sens large ne sont pas motivées par un but de cet ordre même lorsqu'elles procèdent à des prestations gratuites. Leurs bénéficiaires ne sauraient donc invoquer l'exonération de l'art. 24 lit. a LIFD (arrêt du Tribunal fédéral 2A.303/1994 du 23 décembre 1996 consid. 3d = RF 1997 p. 418 ; Yves NOËL in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [éd.], Impôt fédéral direct - Commentaire romand, 2ème éd., 2017, p. 593 n. 12 ad art. 24 LIFD). Il en va en principe de même des sommes versées sans contrepartie par des fondations, car celles-ci doivent agir en exécution de leurs obligations statutaires (arrêt du Tribunal administratif zurichois du 6 mai 1997 in StE 1998 B 21.3 n° 3). De même, lorsqu'une personne morale telle qu'une banque renonce à une prétention à l'égard d'une personne privée, il s'agira pour cette dernière d'un revenu au sens général de l'art. 16 al. 1 LIFD (Peter LOCHER, Kommentar zum Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer, T. I, 2019, n. 10 ad art. 24), et un abandon de créance génère ainsi en principe un revenu chez le débiteur qui voit sa dette effacée (ATF 142 II 197 consid. 5.1 ; ATA/937/2019 du 21 mai 2019 consid. 7b et les références citées).

Selon la jurisprudence, la mise à disposition de patrimoine, le caractère gratuit et la volonté de donner sont communes au droit civil et au droit fiscal (ATF 118 Ia 497 consid. 2b.aa ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_597/2017 du 27 mars 2018 consid. 3.1.2). Les motifs pour lesquels les dons sont effectués (reconnaissance, générosité, devoir moral, etc.) n'exercent aucune influence sur l'assujettissement. La notion de donation peut être plus large en droit fiscal qu'en droit civil (ATF 118 Ia 497 consid. 2b.cc).

De plus, il ne peut y avoir volonté de donner lorsque la prestation n'est pas faite à titre gratuit, mais procède de l'accomplissement d'une obligation juridique, quelle qu'en soit la cause (arrêt du Tribunal fédéral 2C_703/2017 du 15 mars 2019 consid. 3.3.2).

b. Selon une jurisprudence constante, en matière fiscale, il appartient à l'autorité fiscale de démontrer l'existence d'éléments créant ou augmentant la charge fiscale, tandis que le contribuable doit supporter le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation fiscale. S'agissant de ces derniers, il appartient au contribuable non seulement de les alléguer, mais encore d'en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l'échec de cette preuve (ATF 133 II 153 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_89/2014 du 26 novembre 2014 consid. 7.2 ; 2C_319/2014 du 9 septembre 2014 consid. 2.2). Ces règles s'appliquent également à la procédure devant les autorités de recours (arrêt du Tribunal fédéral 2C_47/2009 du 26 mai 2009 consid. 5.4).

5) En l'espèce, dans sa déclaration fiscale du 29 janvier 2013, la recourante mentionne avoir reçu de la société en 2011 CHF 212'941.- de rente de veuve. Le 29 novembre 2013, la société a attesté lui avoir octroyé en 2011 une rente de soutien de USD 240'000.-, équivalant à environ CHF 211'200.- à un taux de change d'un USD à CHF 0.88, et un acompte d'USD 500'000.-, équivalant à environ CHF 440'000.- au même taux de change, à valoir sur une donation finale dont le montant était encore à déterminer. Selon l'attestation établie par M. D______ le 29 janvier 2015, celui-ci a donné de ses deniers, à la recourante les sommes d'USD 5'386'860.- en 2007, USD 350'000.- en 2014 et 2015, et une donation d'USD 7'000'000.- répartie en vingt versements annuels d'USD 350'000.- de 2016 à 2035.

Devant le TAPI, la recourante a conclu à l'exonération des montants de CHF 212'941.-, CHF 443'628.- et CHF 390'393.-. De son côté, dans son courrier du 11 novembre 2016, l'AFC-GE a retenu comme revenu imposable le montant de CHF 1'046'962.- à titre de « rentes » versées en 2011 par la société à hauteur d'USD 740'000.- et par la famille E______ à concurrence d'USD 440'000.-. D'après le relevé du compte de la recourante ______, IBAN ______ 0000 2401 1977 2801 ouvert en USD à la I______, à Beyrouth, couvrant la période du 1er janvier au 31 décembre 2011, la recourante a perçu des versements mensuels d'USD 40'000.-, soit USD 440'000.-, dont la provenance n'est pas spécifiée. Celle-ci allègue que ce montant est une donation de la famille E______. L'AFC-GE retient cette origine des fonds. Néanmoins, les documents bancaires produits ne démontrent pas le bien-fondé de cette allégation, à savoir la provenance des fonds. De plus, l'intéressée a, à plusieurs reprises, varié de versions au sujet du motif des donations de la famille E______, parlant d'un devoir moral, de la coutume, d'une obligation coutumière pour finalement alléguer un « libre cadeau, et non une obligation légale ou morale, ou de toute autre sorte » alors que, selon la jurisprudence précitée, les motifs pour lesquels les dons sont effectués n'exercent aucune influence sur l'assujettissement.

Ainsi, il ressort du dossier que les donations de la famille E______ et de M. D______ ne portent pas sur la période fiscale concernée 2011. Selon l'attestation précitée du 29 janvier 2015, celles-ci se rapportent aux années 2007 pour USD 5'386'860.-, 2014 et 2015 pour 350'000.- par an et de 2016 jusqu'en 2035 un versement annuel d'USD 350'000.-, soit USD 7'000'000.-.

En revanche, la société admet, dans son attestation du 29 novembre 2013, avoir versé en 2011 une rente de soutien d'USD 240'000.- et un acompte d'USD 500'000.- sur une donation dont le montant total restait à déterminer. À défaut d'éléments de preuves fournis par la recourante - à qui incombe le fardeau de la preuve - sur ce qui réduirait ou éteindrait son obligation fiscale, le montant d'USD 440'000.- doit être considéré comme provenant de la société. Il appartenait, en effet, non seulement à la recourante d'alléguer les donations de la famille E______ durant la période fiscale pertinente, mais encore d'en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l'échec de cette preuve. Certes, la société a été fondée par feu M. E______ et appartenait à la famille E______, M. D______ ayant été le président de son conseil d'administration. Toutefois, celle-ci, en 2011, était une personne morale poursuivant des buts économiques, notamment dans le domaine de la construction immobilière, de sorte que le bénéficiaire de ses prestations gratuites ne saurait invoquer une exonération fiscale au sens des dispositions légales précitées. La recourante n'a en particulier pas démontré, ni même allégué, que l'impôt sur les donations aurait été acquitté au Liban.

Au surplus, quand bien même les prestations reçues se fondaient, comme la recourante l'a allégué devant le TAPI, sur une obligation coutumière ou naturelle, elles ne seraient, selon la jurisprudence, pas exonérées d'impôt non plus.

La recourante n'a enfin pas démontré avoir des liens de famille avec la famille E______, de sorte qu'elle ne peut revendiquer une exonération fiscale en tant que prestation versée en exécution d'une obligation fondée sur le droit de la famille.

Partant, le jugement du TAPI qui retient que la somme de CHF 1'046'962.- doit être appréhendée comme un revenu imposable est conforme au droit.

Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours.

6) Au vu de l'issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 7 janvier 2019 par Madame A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 3 décembre 2018 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge de Madame A______  ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Laurent Winkelmann, avocat de la recourante, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. Werffeli Bastianelli

 

le président siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :