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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3292/2019

ATA/1847/2019 du 20.12.2019 sur JTAPI/1015/2019 ( LCI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3292/2019-LCI ATA/1847/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 décembre 2019

3ème section

 

dans la cause

 

M. A______
représenté par Me Robert Zoells, avocat

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE - OAC

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 novembre 2019 (JTAPI/1015/2019)


EN FAIT

1) Par décision du 4 juillet 2019 adressée à M. A______, associé de B______ SA, dans le cadre de la procédure d'infraction I-1______, le département du territoire - OAC (ci-après : le département) a prononcé une amende administrative de CHF 90'000.- pour des travaux effectués avant la délivrance d'une autorisation de construire (DD 2______/3).

2) Par jugement du 14 novembre 2019 (JTAPI/1015/2019), notifié le
19 novembre suivant à M. A______, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a déclaré irrecevable le recours de celui-ci formé le
6 septembre 2019 contre cette amende, pour non-paiement de l'avance de frais dans le délai imparti au 14 octobre 2019 sous peine d'irrecevabilité.

3) Par acte expédié le 29 novembre 2019 adressé au TAPI, M. A______ a formé une « demande en reconsidération » de ce jugement, concluant à son annulation et, cela fait, en reprenant ses conclusions prises devant le TAPI.

4) Par jugement du 4 décembre 2019 (JTAPI/1075/2019), le TAPI a déclaré la « demande en reconsidération » irrecevable et transmis d'office, le même jour, celle-ci à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) pour raison de compétence.

5) Par courrier du 11 décembre 2019, le TAPI a transmis son dossier à la chambre administrative sans formuler d'observations, si ce n'était que le courrier demandant l'avance de frais était clair.

6) Par pli du 16 décembre 2019, la chambre administrative a transmis ce courrier aux parties pour information.

7) Pour le surplus, les arguments du recourant seront, en tant que de besoin, repris dans la partie en droit ci-après.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile et transmis à la juridiction compétente, le recours (intitulé « demande en reconsidération ») est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 11 et 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA -
E 5 10).

2) a. En vertu de l'art. 86 LPA, la juridiction invite le recourant à faire une avance ou à fournir des sûretés destinées à couvrir les frais de procédure et les émoluments présumables ; elle fixe à cet effet un délai suffisant (al. 1). Si l'avance n'est pas faite dans le délai imparti, la juridiction déclare le recours irrecevable
(al. 2).

Les juridictions administratives disposent d'une grande liberté d'organiser la mise en pratique de cette disposition et peuvent donc opter pour une communication des délais de paiement par pli recommandé (ATA/957/2019 du
28 mai 2019 consid. 2a ; ATA/83/2018 du 30 janvier 2018 consid. 3a ; ATA/1477/2017 du 14 novembre 2017 consid. 3b).

À rigueur de texte, l'art. 86 LPA ne laisse aucune place à des circonstances extraordinaires qui justifieraient que l'avance de frais n'intervienne pas dans le délai imparti. La référence au « délai suffisant » de l'al. 1 de cette disposition laisse une certaine marge d'appréciation à l'autorité judiciaire saisie (ATA/184/2019 du 26 février 2019 consid. 3c ; ATA/916/2015 du 8 septembre 2015 consid 2c ; ATA/881/2010 du 14 décembre 2010 consid. 4a).

b. En outre, selon la jurisprudence, il convient d'appliquer par analogie la notion de cas de force majeure de l'art. 16 al. 1 LPA afin d'examiner si l'intéressé a été empêché sans sa faute de verser l'avance de frais dans le délai fixé. Tombent sous cette notion les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d'activité de l'intéressé et qui s'imposent à lui de façon irrésistible (ATA/160/2019 du 19 février 2019 consid. 2b ; ATA/916/2015 précité consid 2c ; ATA/378/2014 du 20 mai 2014 consid. 3d ; ATA/515/2009 du
13 octobre 2009 consid. 4b).

A été considéré comme un cas de force majeure donnant lieu à restitution de délai le fait qu'un détenu, qui disposait d'un délai de recours de trois jours, n'ait pu expédier son recours dans ce délai, du fait qu'il ne pouvait le poster lui-même et qu'en outre ce pli avait été soumis à la censure de l'autorité (ATA/515/2009 précité consid. 6). Il en allait de même du recourant qui se voyait impartir, par pli recommandé, un délai de quinze jours pour s'acquitter d'une avance de frais alors que le délai de garde pour retirer le pli en question était de sept jours, de sorte qu'il ne restait qu'une semaine au justiciable pour s'exécuter (ATA/477/2009 du
20 septembre 2009 consid. 5).

En revanche, n'ont pas été considérés comme des cas de force majeure une panne du système informatique du mandataire du recourant l'ayant empêché de déposer un acte de recours dans le délai légal (ATA/222/2007 du 8 mai 2007 consid. 3b), le fait qu'un avocat ait transmis à son client la demande d'avance de frais par pli simple en prenant le risque que celui-ci ne reçoive pas ce courrier (ATA/596/2009 du 17 novembre 2009 consid. 6), pas plus que la maladie, celle-ci n'étant admise comme motif d'excuse que si elle empêche le recourant d'agir par lui-même ou de donner à un tiers les instructions nécessaires pour agir à sa place (ATA/50/2009 du 27 janvier 2009 consid. 3c).

Dans un cas plus récent, la chambre administrative a considéré que le fait que l'avocat d'une recourante n'ait pu matériellement procéder lui-même au versement de l'avance de frais, au motif qu'il avait adressé à sa mandante le bulletin de versement original, ne pouvait pas être considéré comme un cas de force majeure au sens de la jurisprudence. En effet et selon les écritures de l'avocat, celui-ci et la recourante avaient justement convenu qu'il appartiendrait à cette dernière de procéder audit versement. Il en découlait qu'une mésentente entre l'avocat et sa mandante par rapport au paiement de l'avance de frais ne pouvait donner lieu à une restitution de délai (ATA/636/2017 du 6 juin 2017 consid. 5).

c. De manière générale, la sanction du non-respect d'un délai de procédure n'est pas constitutive de formalisme excessif - lequel est prohibé par l'art. 29
al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. -
RS 101) -, une stricte application des règles relatives aux délais étant justifiée par des motifs d'égalité de traitement et par un intérêt public lié à une bonne administration de la justice et à la sécurité du droit (ATF 104 Ia 4 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_86/2010 du 4 octobre 2010 consid. 3.3). Il n'y a pas de rigueur excessive à ne pas entrer en matière sur un recours lorsque, conformément au droit de procédure applicable, la recevabilité de celui-ci est subordonnée au versement d'une avance de frais dans un délai déterminé. Il faut cependant que son auteur ait été averti de façon appropriée du montant à verser, du délai imparti pour le paiement et des conséquences de l'inobservation de ce délai (ATF 104 Ia 105 consid. 5 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_734/2012 du 25 mars 2013 consid. 3.1 ; 2C_645/2008 du 24 juin 2009 consid. 2.2 ; 2C_250/2009 du 2 juin 2009
consid. 5.1).

d. Le principe de la bonne foi entre administration et administré, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst., exige que l'une et l'autre se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de toute attitude propre à tromper l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 129 I 161
consid. 4 ; 129 II 361 consid. 7.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1013/2015 du
28 avril 2016 consid. 3.1 ; ATA/1084/2019 du 25 juin 2019 consid. 2c ; ATA/393/2018 du 24 avril 2018 consid. 6b).

3. a. En l'espèce, selon ses allégations, le recourant, par son conseil, a reçu le
16 septembre 2019 une copie d'un courrier adressé le 13 septembre 2019 au département avec délai au 13 novembre 2019 pour le dépôt de son dossier et de ses observations, de même qu'une lettre du même jour impartissant au recourant des délais au 27 septembre 2019 pour préciser s'il entendait également recourir contre l'autorisation DD 2______/3 et au 14 octobre 2019 pour s'acquitter de l'avance de frais de CHF 900.- selon bulletin de versement joint.

La présente procédure porte sur le même immeuble sis rue C______ à D______, qui avait fait l'objet d'une procédure antérieure (A/2370/2018) dans le cadre de laquelle, le recourant, assisté du même avocat, de même que
B______ SA et le mandant du recourant (le propriétaire dudit immeuble) avaient payé la même avance de frais à trois reprises le 10 septembre 2018. Le TAPI avait, le 18 septembre 2018, restitué le montant de CHF 2'100.- à B______ SA.

Selon le recourant, le quiproquo dans cette précédente procédure a amené une confusion quant à la personne qui s'acquitterait du paiement de l'avance de frais pour le recours déposé au mois de septembre 2019 (présente cause), ce d'autant plus que le recourant a changé d'assistante dans le courant du même mois et que la personne qui est partie n'a vraisemblablement pas fait le nécessaire pour s'acquitter du paiement.

À réception du jugement du TAPI du 14 novembre 2019, le recourant s'est, le 26 ou 27 novembre 2019, acquitté de l'avance de frais dans la présente cause.

b. Cela étant, il n'est pas contesté que l'avance de frais n'a pas été acquittée dans le délai imparti au 14 octobre 2019, soit dans un délai - de près d'un mois - suffisant au sens de l'art. 86 al. 1 LPA.

Par ailleurs, aucun élément ne permet de conclure à l'existence d'un cas de force majeure en sens de l'art. 16 al. 1 LPA, le recourant ne s'en prévalant d'ailleurs pas expressément. Conformément à la jurisprudence, en particulier l'ATA/636/2017 précité, une mésentente - ou malentendu ou quiproquo, même par négligence - entre l'avocat et son mandant par rapport au paiement de l'avance de frais ne peut pas donner lieu à une restitution de délai.

Il est au demeurant rappelé que les actes du représentant sont opposables au représenté comme les siens propres, principe qui vaut également en droit public (arrêt du Tribunal fédéral 2C_280/2013 du 6 avril 2013 ; ATA/1306/2017 du
19 septembre 2017 consid. 4d ; ATA/36/2016 du 14 janvier 2016 consid. 9b).

Le fait que le recourant et son avocat auraient été de bonne foi quant à leur quiproquo est sans pertinence, aucune violation du principe de la bonne foi entre administration et administré n'étant invoquée ni établie.

En réponse au grief d'une disproportion entre l'amende d'un montant élevé contestée et le non-respect d'une règle de forme prétendument de peu d'importance, et sous l'angle de la question d'un éventuel formalisme excessif, la gravité des conséquences d'un retard dans le paiement de l'avance sur la situation du recourant n'est pas pertinente (arrêts du Tribunal fédéral 2C_703/2009 du
21 septembre 2010 consid. 4.4.2 ; 2C_645/2008 précité consid. 2.2 ; 2C_450/2008 du 1er juillet 2008 consid. 2.3.4).

c. En conclusion, le TAPI était fondé à déclarer le recours irrecevable pour défaut de paiement de l'avance de frais.

Le présent recours étant manifestement infondé, il sera rejeté, sans qu'un échange d'écritures soit nécessaire (art. 72 LPA).

4. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant, qui voit son recours rejeté (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 29 novembre 2019 par M. A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du
14 novembre 2019 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de M. A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Robert Zoells, avocat du recourant, au département du territoire - OAC, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Pagan, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. Werffeli Bastianelli

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :