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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1172/2018

ATA/1849/2019 du 20.12.2019 sur JTAPI/1097/2018 ( TAXE ) , ADMIS

Recours TF déposé le 07.02.2020, rendu le 25.05.2020, REJETE, 2C_151/2020
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1172/2018-TAXE ATA/1849/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 décembre 2019

4ème section

 

dans la cause

 

VILLE DE GENÈVE, TAXE PROFESSIONNELLE COMMUNALE

contre

A______ SA

représentée par Monsieur Christoph Suter, mandataire

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 novembre 2018 (JTAPI/1097/2018)


EN FAIT

1) Le litige concerne la taxe professionnelle communale (ci-après : TPC) réclamée par la Ville de Genève (ci-après : la ville) à la compagnie d'assurances A______ SA (ci-après : la société).

2) Le 20 décembre 2017, ainsi que les 9, 16 et 23 janvier 2018, le service de la TPC de la ville (ci-après : le service de la TPC) a notifié à la société des bordereaux de TPC pour les périodes fiscales 2010 à 2017.

Son chiffre des affaires a été taxé au taux de 1,5 %, soit selon le coefficient de taxation du groupe professionnel 11B (assurances), figurant dans le règlement d'application de diverses dispositions de la loi générale sur les contributions publiques du 30 décembre 1958 (RDLCP - D 3 05.04).

3) Les 18 janvier et 13 février 2018, la société a élevé réclamation à l'encontre de ces bordereaux, concluant à leur annulation.

Elle distribuait des produits de sécurité financière, de vieillesse, ainsi que d'épargne et placements. La loi définissait le chiffre des affaires sans renvoyer aux comptes commerciaux, contrairement à ce qui prévalait en matière d'impôts directs. L'art. 304 de la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre l887 (LCP - D 3 05) donnait une portée économique, plutôt que formelle, à la notion de chiffre des affaires. Ainsi, en faisaient partie uniquement les prestations reçues par le contribuable et dont celui-ci pouvait jouir et disposer, mais non celles qu'il ne faisait que prendre en charge pour un tiers.

Ses recettes comprenaient pour l'essentiel les primes de risque et les primes d'épargne. Les premières étaient encaissées en contrepartie d'un risque, tel le décès, l'invalidité, l'incapacité de gain, la maladie ou l'accident et les secondes constituaient les capitaux versés en vue d'un placement. L'assureur-vie conservait les primes d'épargne jusqu'au moment de la restitution à l'assuré ou d'un bénéficiaire désigné par lui. Étant donné que la restitution était certaine, la réalisation de l'événement assuré l'était également, ce qui distinguait les primes d'épargne des autres primes. Par ailleurs, la loi obligeait l'assureur à respecter une politique de placement très contraignante et à garder les primes d'épargne à tout moment à disposition de l'assuré. En conséquence, à aucun moment les primes d'épargne ne faisaient partie de la fortune de l'assureur-vie, ni ne l'enrichissaient, si bien qu'elles ne devaient pas être incluses dans son chiffre des affaires.

L'assureur devait constituer des provisions techniques afin de pouvoir satisfaire, à chaque instant, les droits et prétentions des assurés. Il en résultait une neutralisation entre les primes et les provisions, comptabilisées au compte de résultat en tant que produits ou en tant que frais. Une comptabilité des primes de manière brute ne s'imposait pas forcément, celles-ci ne faisant pas partie de la fortune de l'assureur. Le nouveau standard de comptabilité concernant les contrats d'assurance ne suivait plus ce principe de comptabilité brute et n'incluait que les primes de risque dans le compte de résultat, les primes d'épargne étant comptabilisées dans le bilan en tant que dette envers les assurés.

Les assureurs-vie et les banques offraient des produits présentant de nombreuses similarités, telles les assurances-vie à prime unique, qui se rapprochaient des dépôts à terme auprès des banques. Celles-ci traitaient les placements en tant que dettes envers les investisseurs. Or, les assurances-vie devaient comptabiliser les primes brutes dans le cadre du compte de résultat. Dès lors, intégrer les primes dans le chiffre des affaires constituerait une inégalité de traitement injustifiée entre banques et assurances.

Enfin, il convenait de prendre en considération les pertes subies sur les placements. Le service de la TPC n'avait pas tenu compte des pertes, mais uniquement pris en considération un chiffre des affaires nul. Ce traitement inégal ne trouvait pas d'assise juridique dans la loi.

La réclamation portait également sur la répartition du bénéfice entre cantons, point qui n'est plus litigieux.

4) Par décision du 8 mars 2018, le service de la TPC a admis la réclamation en tant qu'elle portait sur la répartition du bénéfice entre cantons, et l'a rejetée pour le surplus.

Les primes d'épargne devaient être intégrées dans le chiffre des affaires. Le coefficient de taxation 11B s'appliquait aux primes brutes et l'art. 304 al. 3 LCP ne mentionnait aucunement la partie épargne des primes d'assurance-vie. Même si l'art. 304 al. 1 LCP ne prévoyait pas explicitement que le chiffre des affaires était déterminé à partir du compte de résultat, les comptes annuels constituaient le point de départ de la détermination de l'assiette fiscale. Le coefficient de taxation de 1,5 % avait été déterminé sur la base des comptes remis par les compagnies d'assurances, qui faisaient toujours apparaître l'entier des primes comme des revenus et les prestations versées comme des charges. Si les comptes n'avaient pas pris en considération les primes d'épargne comme des charges et les prestations aux ayants droit comme des produits, ce coefficient aurait été plus élevé, puisque le rapport entre le résultat net et le chiffre des affaires aurait été plus important.

Enfin, selon la jurisprudence, les bénéfices de change d'un exercice ne pouvaient être compensées avec les pertes d'un exercice précédent.

5) Par acte du 6 avril 2018, la société a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) à l'encontre de la décision du 8 mars 2018, en concluant à son annulation. Elle a repris, en les développant, les arguments exposés dans sa réclamation.

Le principe selon lequel les primes appartenaient à l'assuré, et à lui seul, étaient renforcé en matière de prévoyance professionnelle, domaine dans lequel la loi contraignait les assureurs à créer une fortune liée particulière pour couvrir leurs engagements.

6) Par jugement du 12 novembre 2018, le TAPI a partiellement admis le recours, renvoyant le dossier au service de la TPC pour nouvelles décisions de taxation dans le sens des considérants.

Il était exact que le coefficient de taxation 11B concernant les compagnies d'assurances disposait que la TPC doit être prélevée sur les primes brutes, sans préciser si celles-ci comprennent ou non les primes d'épargne. Cela étant, le RDLCP ne pouvait englober dans le chiffre des affaires du contribuable, un élément imposable exclu par la LCP, car cela contreviendrait au principe de la hiérarchie des normes. Dès lors, la question de savoir si les primes d'épargne encaissées par la recourante faisaient partie de son chiffre des affaires devait être résolue uniquement à l'aune de la LCP.

Dans une décision de 1992, la commission cantonale de recours en matière d'impôts (ci-après : la commission), avait retenu, sur la base des travaux préparatoires, que les termes « pour son propre compte et en son nom » mentionnés à l'art. 304 al. 1 LCP, s'entendaient au sens juridique et impliquaient que le contribuable soit le créancier de la prestation dans son ensemble.

La société, en sa qualité d'assureur, était certes créancière de l'entier de ces primes, et elle pouvait donc en réclamer le paiement aux débiteurs énoncés à l'art. 18 de la loi fédérale sur le contrat d'assurance du 2 avril 1908 (LCA - RS 221.229.1). Toutefois, dès lors que les primes d'épargne s'assimilaient à de l'épargne bancaire, le capital épargné auprès de l'assurance, à l'instar des montants placés auprès des banques, ne constituaient pas un produit pour elles, mais faisaient partie de la fortune des assurés. D'ailleurs, dans le cadre de l'impôt ordinaire sur la fortune, c'était le preneur d'assurance ou le titulaire du compte qui devait déclarer tant l'assurance-vie, pour sa valeur de rachat, que le montant placé auprès de la banque. Le fait que les primes d'épargne appartiennent aux assurés était d'autant plus vrai que l'assureur était tenu de gérer le capital épargné à la manière d'un mandataire, et que ceux-là pouvaient saisir les autorités de surveillance aux fins de faire contrôler la répartition des éventuels excédents. Les primes d'épargne ne constituaient dès lors pas des prestations obtenues par la société pour son propre compte et en son nom au sens de l'art. 304 al. 1 LCP, si bien qu'elles ne devaient pas être englobées dans son chiffre des affaires. Le recours devait être admis sur ce point.

La société faisait par ailleurs valoir en déduction de son chiffre des affaires les pertes subies sur ses placements. La législation ne prévoyait pas une telle déduction. La jurisprudence du TAPI précisait par ailleurs qu'en matière de TPC, ce n'était pas le bénéfice qui était pris en considération mais le chiffre des affaires. Cela avait pour conséquence que la constitution et la dissolution de provisions constituaient des opérations qui n'avaient pas d'incidence sur le chiffre des affaires, pour autant que ces opérations aient transité directement ou indirectement par le compte de résultat. La jurisprudence de première instance rappelait également le principe selon lequel la notion de perte était étrangère au système de la TPC.

7) Par acte déposé le 13 décembre 2018, le service de la TPC a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à son annulation et à la confirmation (recte : au rétablissement) de sa décision du 8 mars 2018.

Selon la jurisprudence, la notion de chiffre des affaires ne correspondait pas à la notion comptable et arithmétique du chiffre d'affaires, mais à l'importance du mouvement des affaires, à la valeur effective des prestations commerciales qui, face à la concurrence, déterminaient l'importance du contribuable. Ainsi, la part épargne des primes faisait bel et bien partie du chiffre des affaires imposable ; elle permettait notamment de quantifier l'ampleur de la contribuable, objet de la TPC.


Ceci était d'autant plus vrai que le chiffre des affaires retenu pour déterminer l'intensité de rendement (art. 307 LCP) correspondait aux primes brutes, ainsi que cela ressortait du RDLCP ; c'étaient donc bien ces dernières qui devaient être considérées comme faisant partie du chiffre des affaires. Le législateur entendait en effet à l'évidence que le chiffre des affaires pris en considération pour la détermination du coefficient de taxation soit en corrélation avec celui pris en considération dans l'assiette imposable.

À suivre le point de vue du TAPI, non seulement le calcul du coefficient de taxation devait être revu en excluant des calculs les primes épargne (ce qui aurait pour corollaire une augmentation probable dudit coefficient), mais surtout l'ensemble des produits financiers, lesquels étaient, pour les compagnies d'assurances, appréhendés aux taux du groupe professionnel 11B devraient, comme c'était le cas pour l'ensemble des autres contribuables, être appréhendés dans le groupe professionnel 15b.

Le TAPI avait demandé que de nouveaux bordereaux soient calculés, la ventilation entre primes épargne et primes risque devant s'effectuer sur la base des tableaux remis par la société en annexe de ses déclarations. Cette manière de procéder n'était pas conforme au droit, car si le législateur avait prévu certaines exonérations à l'art. 314 al. 2 LCP, il avait précisé que celles-ci devaient ressortir clairement de la comptabilité. De plus, quand bien même le législateur n'avait pas précisé à l'art. 304 al. 1 LCP que le chiffre des affaires devait être déterminé sur la base du compte de résultat, il entendait bien que ce fût le cas, puisque selon l'art. 310 al. 2 LCP, les bordereaux devaient être établis sur la base des déclarations des contribuables, qui devaient joindre à leur déclaration les documents nécessaires à la taxation et, notamment, leurs bilans, leurs comptes d'exploitation et leurs comptes de pertes et profits.

Il appartenait à la société de prouver que les montants qu'elle entendait soustraire des primes brutes figurant dans son compte de résultat étaient bien des primes d'épargne qui n'avaient pas été perçues en son nom et pour son propre compte. Or, elle n'avait fourni aucune pièce comptable justifiant les déductions portées à ce titre sur sa déclaration, notamment une copie d'une facture standard adressée aux assurés durant les exercices concernés, qui démontrerait que celle-ci distingue clairement le montant à verser au titre d'épargne pour l'assuré de celui rémunérant la société pour sa prestation. En outre, la société n'avait pas décrit la méthode utilisée pour extraire de sa comptabilité les chiffres déclarés comme étant des revenus perçus au nom et pour le compte de l'assuré. Dès lors, l'autorité de taxation s'était correctement basée sur les comptes annuels transmis par la contribuable pour calculer les bordereaux dus.

À titre subsidiaire, si la chambre de céans devait admettre l'argument du TAPI qui l'a conduit à juger que la part épargne des primes ne fait pas partie du chiffre des affaires imposable, à savoir que le RDLCP ne saurait englober dans ce dernier un élément imposable exclu par la LCP, et ce quand bien même ce dernier ait été pris en considération dans le cadre de la fixation du coefficient de taxation, l'autorité de taxation requérait que cet argument soit appliqué par analogie aux produits financiers, qui proviennent d'une activité accessoire au sens de l'art. 307 al. 2 LCP, et que ceux-ci soient alors imposés aux taux du groupe 15.

8) Le 25 janvier 2019, la société a conclu au rejet du recours.

Elle renvoyait au raisonnement du TAPI ainsi qu'à celui qu'elle avait formulé dans son recours du 6 avril 2019. Le service de la TPC n'apportait aucun élément nouveau résistant à l'examen. Il affirmait que l'intégration des primes d'épargne dans le chiffre des affaires était justifiée en vue de quantifier l'ampleur de l'activité du contribuable. On ne pouvait en revanche simplement déduire de cette affirmation que les primes d'épargne devraient automatiquement entrer dans la définition autonome de l'art. 304 LCP, laquelle était évacuée par le service de la TPC lorsque celui-ci affirmait que l'ampleur de l'activité du contribuable était en fait l'objet de la TPC.

La société ne faisait pas valoir, contrairement à ce que prétendait le service de la TPC, une exonération, mais plutôt une violation de la loi, de par une application erronée de l'art. 304 al. 1 LCP et une fausse définition de la notion de chiffre des affaires. En outre, en matière de TPC, ce n'était pas la comptabilité qui était déterminante, dès lors que le chiffre des affaires bénéficiait d'une définition autonome. D'autres éléments, comme le loyer, ne ressortaient d'ailleurs pas de la comptabilité mais de la déclaration de la contribuable. On ne pouvait reprocher à la société de ne pas avoir suffisamment étayé ses propos alors même que le service de la TPC se refusait à les prendre en compte.

9) Le 31 janvier 2019, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 8 mars 2019 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

10) Le 8 mars 2019, le service de la TPC a persisté dans ses conclusions.

Selon l'art. 959b de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911(Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220), le compte de résultat devait faire apparaître au minimum le poste « produits nets des ventes de biens et de prestations de services », lequel correspondait pour les compagnies d'assurance-vie, si on considérait comme correcte l'argumentation de la contribuable admise par le TAPI, au montant des primes « coût » et des primes « risque ». Force était de constater que le compte de résultat de la contribuable ne faisait pas apparaître ces primes de manière distincte. Dès lors, à suivre l'argumentation de la société, selon laquelle les primes épargne n'étaient pas facturées pour son propre compte, son compte de résultat ne respecterait pas les dispositions légales du CO. Par ailleurs, selon la jurisprudence, la comptabilité commerciale présentée aux autorités fiscales liait le contribuable sous réserve d'une violation des règles impérative du CO.

Du reste, les comptes de la société englobaient dans les « primes pour son propre compte » les primes épargne que la société voulait soustraire de son chiffre des affaires au motif que ce n'était pas un montant qu'elle percevait pour son propre compte, ce qui était à l'évidence contradictoire.

11) La société ne s'est quant à elle pas manifestée.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Les communes peuvent prélever une taxe communale - la TPC - auprès de toutes les personnes physiques ou morales remplissant les conditions d'assujettissement, soit pour ces dernières, notamment exercer une activité dans le canton par l'intermédiaire d'un siège ou d'un établissement stable (art. 80 al. 1 let. d LCP). La TPC est établie sur la base de coefficients, applicables aux chiffres annuels des affaires, aux loyers annuels des immeubles, locaux et terrains utilisés professionnellement et à l'effectif annuel du personnel employé (art. 302 LCP).

3) a. S'agissant de la notion de « chiffre des affaires », elle est définie à l'art. 304 al. 1 LCP, aux termes duquel le chiffre des affaires du contribuable est la somme des prestations brutes qu'il a obtenues pour son propre compte et en son nom, en contrepartie de livraisons ou de mise à disposition de marchandises et de biens, ainsi que de services rendus.

Le Tribunal administratif, puis la chambre de céans, ont eu l'occasion de juger que le chiffre des affaires au sens de l'art. 304 LCP rappelé ci-dessus est une notion beaucoup plus large que le chiffre d'affaires (arrêt du Tribunal administratif du 12 décembre 1984 en la cause Ville de Genève c/ N-82.VG.724 ; ATA/329/1997 du 27 mai 1997 ; ATA/106/2005 du 1er mars 2005 ; ATA/243/2012 du 24 avril 2012 consid. 3). Le chiffre des affaires sert à évaluer la grandeur d'une entreprise sur la base du volume complet de ses rémunérations (ATA/329/1997 précité consid. 5a et les références citées) ou, pour reprendre les termes de l'exposé des motifs de la novelle de 1985 (loi 5'561), du volume de ses affaires (MGC 1984 IV 4947).

b. Sont notamment compris dans le chiffre des affaires (al. 2) : a) les prestations obtenues par le contribuable pour des travaux remis en sous-traitance. Est réservée la facturation directe par le sous-traitant aux clients ; b) la part de son chiffre d'affaires que le contribuable réalise dans un consortium ou une association temporaire ; c) le fermage que le contribuable reçoit lorsqu'une activité exercée dans des locaux lui appartenant est affermée ; d) lors de la cessation de l'activité du contribuable, les montants bruts provenant de la liquidation de ses stocks.

c. En revanche, ne sont pas compris dans le chiffre des affaires, pour autant qu'ils ressortent clairement de la comptabilité (al. 3) : a) les rabais et escomptes accordés aux clients ; b) les impôts à la consommation, tels que la taxe sur la valeur ajoutée, les taxes à l'importation sur les carburants et les combustibles, les impôts spéciaux sur les boissons et sur le tabac, ainsi que le droit des pauvres ; c) les droits de douane ; d) les émoluments administratifs, pour autant qu'ils constituent des frais directs d'exploitation ; e) les bénéfices en capital, sauf s'ils constituent le produit d'une activité lucrative, même accessoire ; f) le produit de la gestion de la fortune privée des personnes physiques ; g) les commissions rétrocédées à des tiers, pour autant que le contribuable en fournisse la justification ; h) la valeur des produits consommés par le contribuable et ses employés ; i) les indemnités d'assurances, sauf celles qui sont acquises en relation avec l'activité lucrative ; j) le produit de la location non meublée de biens immobiliers.

d. Selon le Tribunal fédéral, il résulte de l'interprétation historique de la norme, en particulier des travaux préparatoires relatifs à la TPC, que le législateur cantonal a voulu conférer une portée très large à la notion de « chiffre des affaires » (MGC 1969 I 661 : « Cette notion est nettement plus large que celle de "chiffre d'affaires" »). Celle-ci devait englober « toutes sortes de revenus professionnels, tels que les ventes, les locations, les commissions, les honoraires, etc. ; elle peut même comprendre dans certains cas les remboursements de frais généraux lorsqu'ils conditionnent l'importance de l'entreprise du contribuable » (MGC 1969 I 661 s. ; Claude CLAUDET, La taxe professionnelle communale, RF 1983 pp. 555 ss, 556). L'art. 304 al. 1 LCP comportait par ailleurs, préalablement à sa modification du 21 juin 1985, une seconde phrase précisant entre autres : « Sont notamment considérés comme chiffre des affaires (...) et, en général, tous les produits acquis en relation avec l'activité lucrative » (MGC 1969 I 645). Or, il ressort des travaux parlementaires que cette énumération des éléments faisant partie du chiffre des affaires a par la suite été supprimée à de pures fins de simplification, le législateur genevois ayant en effet estimé qu'ils étaient d'ores et déjà englobés par la nouvelle définition générale présentement en vigueur (MGC 1984 IV 4960 s. ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_552/2012 du 3 décembre 2012 consid. 5).

e. S'agissant de l'expression « pour son propre compte et en son nom » contenue à l'art. 304 al. 1 LCP, elle a été introduite sous cette forme dans la loi 5'661 entrée en vigueur le 1er janvier 1986. L'exposé des motifs de cette novelle indique que « les termes "pour son propre compte et en son nom" s'entendent au sens juridique et impliquent que le contribuable doit être le créancier de la prestation dans son ensemble. Il ne s'agit pas de mettre en évidence la notion économique de la prestation qu'il obtiendrait finalement, soit son bénéfice » (MGC 1984 IV 4961).

4) La TPC est un véritable impôt (arrêt du Tribunal fédéral 2P.9/1994 du 6 juin 1995 consid. 2b in SJ 1996 p. 100, confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 2P.241/2003 du 3 novembre 2004 consid. 2.3 = RF 60/2005 p. 359 ; Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 4ème éd., 2012, p. 307) et non une taxe ou une charge de préférence, mais il est distinct de l'impôt sur le chiffre d'affaires (ATA/655/2014 du 19 août 2014 consid. 4 et les références citées). La TPC fait l'objet du titre III de la LCP (art. 301 ss LCP).

Selon les travaux préparatoires de la novelle de 1969 (loi 3'362), elle est une contribution aux dépenses de la collectivité qui est exigée de toute personne qui exerce une activité lucrative indépendante ou exploite une entreprise commerciale sur le territoire de la commune, quel que soit le bénéfice réalisé, et même en l'absence de tout bénéfice. Ne visant pas à imposer le revenu net, la taxe professionnelle doit toutefois être proportionnée à la dimension des entreprises assujetties. C'est pourquoi il a fallu mettre sur pied tout un système permettant de déterminer l'importance relative des entreprises entre elles (MGC 1969 I 658).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, il s'agit d'un impôt qui frappe l'entreprise en fonction de son importance économique (arrêt du Tribunal fédéral 2C_552/2012 précité consid. 5.6). Il est perçu sur le revenu probable de l'activité déployée, calculé sur la base de coefficients applicables aux chiffres annuels des affaires du contribuable concerné, aux loyers annuels de tous les immeubles qu'il occupe professionnellement et à l'effectif annuel des personnes travaillant dans son entreprise (art. 302 LCP ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_140/2015 du 31 mai 2016 consid. 5). Dans le système de la TPC, l'importance économique de l'entreprise est mesurée à l'aune de plusieurs critères qui permettent ensemble d'affiner et de pondérer la réelle capacité contributive de celle-ci (arrêt du Tribunal fédéral 2C_32/2019 du 25 février 2019 consid. 7.2).

Les contribuables sont classés par l'autorité de taxation dans le groupe professionnel correspondant à leur activité principale ou auquel elle peut être rattachée par analogie (art. 307 al. 1 LCP). Les coefficients prévus pour les groupes professionnels correspondant aux éventuelles activités accessoires des contribuables sont applicables au chiffre des affaires provenant de chacune de ces activités distinctes (art. 307 al. 2 LCP). Les limites des coefficients applicables au chiffre des affaires ainsi que les principes de calcul desdits coefficients sont détaillés aux art. 307A et 307B LCP, les modalités étant fixées par les art. 12A à 13A RDLCP dès lors que l'art. 307B al. 8 LCP prévoit que ces modalités ainsi que les coefficients applicables aux chiffres des affaires des groupes professionnels sont fixés par le Conseil d'État, par voie de règlement.

Ainsi, selon l'art. 12A al. 1 RDLCP, le groupe professionnel 11 comprend les compagnies d'assurances, succursales et agences en régie, avec un coefficient de 1,5 % sur le chiffre des affaires représenté par les primes brutes d'assurance et autres produits.

5) En l'espèce, le TAPI a considéré que le capital épargné auprès de l'assureur-vie ne constituait pas un produit, mais faisait partie de la fortune des assurés, et qu'ainsi les primes d'épargne ne constituaient pas des prestations obtenues par l'assureur pour son propre compte et en son nom au sens de l'art. 304 al. 1 LCP, et ne devaient pas être englobées dans son chiffre des affaires. Le fait que l'art. 12A RDLCP mentionne les primes brutes n'était pas pertinent dans la mesure où un règlement ne saurait englober dans le chiffre des affaires du contribuable un élément que la loi formelle exclurait dudit chiffre des affaires.

Ce raisonnement ne saurait être suivi. En effet, il se fonde sur une approche purement économique des termes « pour son propre compte et en son nom » et ne tient pas compte du système global de la TPC.

Ainsi qu'il résulte de la jurisprudence citée ci-dessus, le chiffre des affaires comprend en principe tous les produits acquis en relation avec l'activité lucrative, ce qui va dans le sens d'une compréhension juridique des termes « pour son propre compte et en son nom », en ce sens que le contribuable est le créancier de la prestation (la prime brute d'assurance-vie) dans son ensemble - comme cela résulte des travaux préparatoires de la loi 5661, et comme l'avait du reste déjà jugé la commission dans la décision citée par le TAPI (DCRI/209/1992 du 10 décembre 1992).

Dans la mesure, en outre, où l'art. 12A RDLCP a été adopté sur délégation visant à fixer les coefficients applicables au chiffre des affaires, et fait donc partie du système global de la TPC permettant de déterminer l'importance relative des entreprises entre elles, on ne saurait purement et simplement écarter sa teneur dans le cadre de l'interprétation de la norme supérieure. Cette teneur, en prévoyant que ce sont les primes brutes qui servent de base de calcul, va au contraire dans le sens précité d'une appréhension du volume global des affaires de l'entreprise et d'une prise en compte de l'ensemble des produits de celle-ci.

Enfin, la comparaison faite par le TAPI avec l'épargne bancaire tombe à faux, dans la mesure où les coefficients de la TPC pour les banques sont différents (et largement supérieurs, à savoir 3,0 ou 4,1, contre 1,5 sur les primes pour les compagnies d'assurances) et se fondent sur d'autres bases de calcul, à savoir les intérêts actifs d'une part et les commissions et autres produits d'autre part.

Dès lors, ce sont bien les primes brutes qui doivent servir à calculer le chiffre des affaires, les primes d'épargne ne devant pas en être écartées. Le recours sera ainsi admis, le jugement attaqué annulé et la décision de la recourante sur réclamation du 8 mars 2018 rétablie.

6) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge de la société, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée, la ville n'y ayant pas conclu et disposant de ses propres services juridiques, qu'elle a du reste mis en oeuvre en l'espèce pour sa défense (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 décembre 2018 par la Ville de Genève, taxe professionnelle communale contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 novembre 2018 ;

au fond :

l'admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 novembre 2018 ;

rétablit la décision sur réclamation du service de la taxe professionnelle communale de la Ville de Genève du 8 mars 2018 ;

met à la charge d'A______ SA un émolument de CHF 1'500.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à la Ville de Genève, service de la taxe professionnelle communale, à Monsieur Christoph Suter, mandataire d'A______ SA, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. Werffeli Bastianelli

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :