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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3166/2018

ATA/1821/2019 du 17.12.2019 ( TAXIS ) , IRRECEVABLE

Recours TF déposé le 03.02.2020, rendu le 07.08.2020, REJETE, 2C_134/2020
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3166/2018-TAXIS ATA/1821/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 décembre 2019

2ème section

 

dans la cause

 

Messieurs A______ et B______
représentés par Me Bénédicte Amsellem-Ossipow, avocate

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR



EN FAIT

1) Feu Monsieur C______ a obtenu le 8 août 2005 un permis de service public l'autorisant à exploiter en qualité d'indépendant un taxi de service public immatriculé GE 1______, lors de l'entrée en vigueur de l'ancienne loi sur les taxis et limousines (transport professionnel de personnes au moyen de voitures automobiles) du 21 janvier 2005 (aLTaxis) en application de l'art. 58 al. 2 let. a aLTaxis.

Il s'est acquitté à cette occasion du montant de CHF 53'000.- à titre de taxe unique (art. 58 al. 3 aLTaxis).

2) Suite au décès de son père le 6 décembre 2014, Monsieur A______ a acquis, par succession, le permis de service public de son père ; il a obtenu, le 11 juillet 2016, une autorisation d'exploiter, en qualité d'indépendant, un taxi de service public immatriculé GE 1______, en application de l'art. 24 aLTaxis.

3) La loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 13 octobre 2016 (LTVTC - H 1 31) est entrée en vigueur le 1er juillet 2017 et a abrogé la LTaxis et son règlement (art. 40 LTVTC et art. 53 du règlement d'exécution de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 21 juin 2017 - RTVTC - H 1 31 01).

4) Le permis de service public a été transformé en une autorisation d'usage accru du domaine public, liée aux plaques d'immatriculation GE 1______. Cette autorisation a été délivrée à l'intéressé le 3 août 2017 par le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) conformément à l'art. 46 al. 1 LTVTC.

5) Le 19 décembre 2017, M. A______ a déposé une requête auprès du PCTN, sollicitant la restitution du montant de la taxe unique de CHF 53'000.-, en vertu de l'art. 46 al. 3 LTVTC.

6) Par décision du 26 juillet 2018, le PCTN a rejeté la demande, relevant que M. A______ avait repris le permis de service public GE 1______ de son père le 22 juin 2016. Il ne bénéficiait ainsi pas d'un droit à la perception d'un montant compensatoire de la taxe unique, faute d'avoir payé cette dernière pour acquérir le permis de service public sous le régime de l'aLTaxis.

7) Par courrier du 8 août 2018, M. A______ a requis la reconsidération de la décision précitée, au motif que feu son père avait, de son vivant, payé une taxe unique pour obtenir le permis de service public qui lui avait ensuite été transmis par dévolution successorale. De ce fait, le droit de percevoir le remboursement d'un montant compensatoire devait lui être également transmis. Il a sollicité le prononcé d'une décision formelle.

8) Par décision du 17 août 2018, adressée uniquement à M. A______, le PCTN a rejeté la demande de reconsidération et, statuant à nouveau, a rendu une nouvelle décision.

Le refus de procéder au versement de CHF 53'000.- était confirmé. En effet, l'intéressé n'avait pas payé personnellement ce montant, il n'avait hérité que du permis de service public et n'était ainsi pas titulaire du droit invoqué. Dans la mesure où la LTVTC ne prévoyait aucune exception à l'art. 46 al. 3 LTVTC pour les permis de service public obtenus par dévolution successorale, sa demande ne pouvait qu'être refusée, faute de remplir les conditions de ladite disposition.

9) Par acte mis à la poste le 14 septembre 2018, MM. A______ et son frère B______ ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant à son annulation et à ce que le PCTN soit reconnu débiteur de la somme de CHF 53'000.- à titre de créance compensatoire à la taxe unique et à ce que leur soit accordée une indemnité équitable pour leurs frais de procédure. Subsidiairement, la cause devait être renvoyée pour nouvelle décision au sens des considérants.

À la mort de leur père, ils étaient devenus potentiellement titulaires de la créance compensatoire due à celui-ci, notamment sur la base des art. 22 al. 3 et 24 al. 2 aLTaxis, sous réserve de l'annulation du permis de service public GE 1______. L'entrée en vigueur de la LTVTC n'avait pas pour effet d'éteindre une créance d'ores et déjà née sous la législation abrogée. L'art. 46 al. 3 LTVTC prescrivait que tout exploitant de taxi ayant payé une taxe unique pour obtenir un permis de service public au sens de l'aLTaxis avait le droit de percevoir un montant compensatoire égal, en valeur nominale, au montant de la taxe unique qu'il avait effectivement payée, déduction faite des éventuels remboursements partiels déjà effectués. En invoquant l'absence d'exception prévue par l'art. 46 al. 3 LTVTC, le PCTN oubliait que la dévolution successorale était régie par le principe de l'universalité de la succession, selon lequel l'ensemble des droits et obligations transmissibles à cause de mort passait aux héritiers du de cujus dès l'ouverture de la succession. Ainsi, le montant compensatoire était dû à ses héritiers. L'art. 46 al. 3 LTVTC était donc applicable aux recourants. Exclure l'application de ces dispositions en leur faveur au motif que leur père aurait payé la taxe unique constituait une violation de la force dérogatoire du droit fédéral, particulièrement choquante car elle revenait à les priver de l'essentiel de la succession de leur père.

10) Dans ses observations du 29 octobre 2018, le PCTN a conclu à l'irrecevabilité du recours interjeté par M. B______ et au rejet de celui de M. A______ et, subsidiairement, à leurs rejets, avec suite de frais. M. B______ n'avait pas été partie à la procédure non contentieuse, de sorte qu'il n'était pas le destinataire de la décision ; il n'avait pas démontré qu'il serait directement touché par elle et aurait un intérêt personnel digne de protection. En effet, la décision était fondée sur la LTVTC, dont le champ d'application visait l'activité de transport professionnel de personnes au moyen, notamment, d'un taxi et l'intéressé, qui n'exerçait pas cette activité, ne pouvait conclure à ce qu'il lui soit reconnu un quelconque droit découlant de cette loi. Enfin, tout laissait penser que la succession avait été clôturée par un mode de partage convenu entre les héritiers, qui s'étaient mis d'accord sur l'acquisition du permis de service public par M. A______. En tout état, l'intérêt de M. B______ n'était plus actuel et il n'avait donc pas la qualité pour recourir.

Feu le père des recourants était décédé le 6 décembre 2014, laissant deux héritiers qui avaient soit la possibilité, pour l'un d'entre eux, d'acquérir le permis de service public en application de l'art. 24 al. 1 aLTaxis, soit de solliciter l'annulation dudit permis et percevoir un montant compensatoire de CHF 40'000.- en application des art. 21 al. 6 et 24 al. 2 aLTaxis. Leur choix s'était porté sur l'acquisition du permis par M. A______ et, de ce fait, les héritiers avaient perdu leur droit de demander ledit montant compensatoire et la qualité de potentiels créanciers. M. A______ ne remplissait pas les conditions de l'art. 46 al. 3 LTVTC, dès lors qu'il n'avait pas lui-même payé la taxe unique pour acquérir le permis de service public. Il ne pouvait pas se prévaloir du droit à percevoir un montant compensatoire, aucune exception n'étant prévue par la loi. Cette disposition n'était pas contraire au droit fédéral puisque l'art. 560 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CCS - RS 210) mentionnait expressément, à son al. 2, que les héritiers étaient saisis, notamment des créances et actions, « le tout sous réserve des exceptions prévues par la loi », ce qui était le cas de l'aLTaxis et de la LTVTC.

11) Dans leur réplique, les recourants ont persisté dans leurs conclusions. M. B______, en sa qualité de membre de l'hoirie de feu son père, avait un intérêt actuel et direct à l'admission du recours. Au fond, ils ont persisté dans leur précédente argumentation. Les dispositions cantonales revenaient à les priver des trois quarts du patrimoine de la succession de feu leur père et le résultat de leur application était injuste, dès lors que la taxe unique était destinée à constituer un fonds visant à l'amélioration sociale de la position de chauffeur de taxi et « non à enrichir l'État ». Ainsi, la décision attaquée était arbitraire et contredisait de manière choquante le sentiment de justice et d'équité.

12. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 

 

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ce point de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Il convient de déterminer si M. B______ a la qualité pour recourir.

a. Conformément à l'art. 60 al. 1 LPA, ont qualité pour recourir les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée (let. a) et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée (let. b).

Les let. a et b de cette disposition doivent se lire en parallèle. Ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s'il était partie à la procédure de première instance (ATA/251/2018 du 20 mars 2018 consid. 2a et les arrêts cités).

Cette notion de l'intérêt digne de protection est identique à celle qui a été développée par le Tribunal fédéral sur la base de l'art. 103 let. a de l'ancienne loi fédérale d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943 (aOJ - RS 173.110) et correspond aux critères exposés à l'art. 89 al. 1 let. c de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), en vigueur depuis le 1er janvier 2007. L'art. 89 al. 1 let. b LTF reprend la condition de l'intérêt direct et concret de manière plus stricte que l'art. 103 aOJ puisqu'il prévoit que le recourant doit être « particulièrement atteint » par l'acte attaqué, le législateur ayant estimé que « la pratique a parfois été trop généreuse dans la reconnaissance de la qualité pour agir de tiers » (ATF 135 II 145 consid. 6.1 ; 133 II 468 consid. 1).

b. Selon la jurisprudence, le recourant doit être touché dans une mesure et une intensité plus grande que la généralité des administrés et l'intérêt invoqué, qui n'est pas nécessairement un intérêt juridiquement protégé mais qui peut être un intérêt de fait, doit se trouver, avec l'objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d'être pris en considération (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 ; 137 II 40 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_837/2013 du 11 avril 2014 consid. 1.1). Il faut donc que le recourant ait un intérêt pratique à l'admission du recours, c'est-à-dire que cette admission soit propre à lui procurer un avantage de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 ; 137 II 30 consid. 2 ; ATA/425/2017 du 11 avril 2017 ; ATA/767/2016 du 13 septembre 2016). Tel n'est pas le cas de ce lui qui n'est atteint que de manière indirecte, médiate, ou encore « par ricochet » (ATA/552/2006 du 17 octobre 2006). Un intérêt seulement indirect à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée n'est donc pas suffisant (ATF 138 V 292 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_665/2013 du 24 mars 2014 consid. 3.1).

« Un intérêt digne de protection existe lorsque deux conditions sont remplies : l'existence d'un rapport de connexité avec l'objet du litige et l'actualité [...] La condition matérielle du lien suffisant avec l'objet du litige est réalisée si l'intérêt présente trois caractéristiques cumulatives : il est personnel direct et spécial. [...] L'intérêt est direct si le recourant se trouve dans un rapport suffisamment étroit avec la décision, ce qui n'est pas le cas de celui qui n'est atteint que de manière indirecte ou médiate. [...] Le lien de connexité est clair lorsque le recourant est l'un des destinataires de la décision. S'il s'agit d'un tiers, il devra démontrer l'existence d'une communauté de fait entre ses intérêts et ceux du destinataire. [...] Enfin, l'exigence de spécialité implique que l'intérêt en cause est distinct de celui des autres membres de la collectivité publique en cause. Tel sera le cas si les recourants sont touchés dans leurs intérêts de fait ou de droit dans une mesure supérieure et avec une intensité supérieure que les autres personnes [...] En second lieu, l'intérêt doit remplir une condition temporelle : être actuel. Il faut que le recours permette d'empêcher l'atteinte de se produire ou de perdurer » (François BELLANGER, La qualité de partie à la procédure administrative in : Les tiers dans la procédure administrative, Journée de droit administratif 2003, Genève 2004, p. 44 et 45 ; ATA/656/2007 du 18 décembre 2007).

c. En l'espèce, l'intéressé n'était pas partie à la procédure non contentieuse devant le PCTN et la décision dont est recours ne lui a pas été adressée. Il n'est pas directement visé par la décision de refus de restitution de la taxe unique, objet de la présente procédure. En effet, cette dernière est fondée sur l'aLTaxis et sur la LTVTC, qui ont pour but la réglementation, notamment, des professions de chauffeur de taxi et la promotion d'un service public efficace et de qualité ainsi que de garantir que l'activité des transporteurs est conforme à diverses exigences, en particulier de la sécurité publique et de l'ordre public ; or, l'intéressé n'est pas chauffeur de taxi et n'est donc pas directement visé par le champ de protection desdites lois et, dans ce sens, ne peut s'en prévaloir pour conclure à un quelconque droit. Il doit ainsi être considéré comme atteint de manière indirecte. En conséquence, faute d'intérêt direct et concret, la qualité pour recourir doit lui être déniée ce qui entraîne l'irrecevabilité de son recours.

Par conséquent, seul le recours de M. A______ (ci-après : le recourant) sera examiné sur le fond.

3) Le 1er juillet 2017 sont entrés en vigueur la LTVTC et le RTVTC qui ont abrogé respectivement la LTaxis et son règlement d'exécution du 4 mai 2005 (RTaxis - H 1 30.01 ; art. 40 LTVTC et 53 RTVTC).

4) Tout exploitant de taxi ou toute entreprise de taxis qui a payé une taxe unique pour obtenir un permis de service public au sens de la loi sur les taxis et limousines, du 21 janvier 2005, a le droit de percevoir un montant compensatoire égal, en valeur nominale, au montant de la taxe unique qu'il a effectivement payée, déduction faite des éventuels remboursements partiels déjà effectués par le département (art. 46 al. 3 LTVTC).

La perception du montant compensatoire aux conditions de l'al. 3 nécessite de la part du requérant le dépôt d'une demande écrite auprès du département, au plus tard dans les trois ans après l'entrée en vigueur de la présente loi, sous peine de péremption. Il appartient au requérant d'apporter tous les éléments de preuve permettant de déterminer la quotité de la taxe unique payée. Le paiement du montant compensatoire s'opère dans un délai de douze mois suivant la date du dépôt de la requête (art. 46 al. 4 LTVTC).

5) L'art. 24 aLTaxis prévoyait à son al. 1 que le conjoint survivant ou un héritier de la première parentèle d'une personne physique titulaire d'un permis de service public devenait titulaire de ce permis, s'il le requérait, pour autant qu'il dispose d'une carte professionnelle au sens des art. 6 ou 8 ou qu'il soit titulaire d'une autorisation d'exploiter un taxi ou une entreprise de taxis au sens des art. 11 ou 12 aLTaxis lors de l'ouverture de la succession.

6) a. La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, le juge recherchera la véritable portée de la norme au regard notamment de la volonté du législateur, telle qu'elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, en particulier de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique ; ATF 140 II 202 consid. 5.1). Appelé à interpréter une loi, le juge ne privilégie aucune de ces méthodes, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique (ATF 139 IV 270 consid. 2.2).

b. Le juge est en principe lié par un texte clair et sans équivoque. Ce principe n'est toutefois pas absolu, dès lors que le texte d'une norme peut ne pas correspondre à son sens véritable. L'autorité qui applique le droit ne peut ainsi s'en écarter que s'il existe des motifs sérieux de penser que sa lettre ne correspond pas en tous points au sens véritable de la disposition visée. De tels motifs sérieux peuvent résulter des travaux préparatoires, du fondement et du but de la prescription en cause, de même que de sa relation avec d'autres dispositions (ATF 138 II 557 consid. 7.1). En dehors du cadre ainsi défini, des considérations fondées sur le droit désirable ne permettent pas de s'écarter du texte clair de la loi, surtout si elle est récente (ATF 118 II 333 consid. 3e). Le juge ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s'il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 142 II 388 consid. 9.6.1). Enfin, si plusieurs interprétations sont admissibles, il faut choisir celle qui est conforme à la Constitution (ATF 144 III 58 consid. 4.1.3.1).

c. S'agissant plus spécialement des travaux préparatoires, bien qu'ils ne soient pas directement déterminants pour l'interprétation et ne lient pas le juge, ils ne sont pas dénués d'intérêt et peuvent s'avérer utiles pour dégager le sens d'une norme. En effet, ils révèlent la volonté du législateur, laquelle demeure, avec les jugements de valeur qui la sous-tendent, un élément décisif dont le juge ne saurait faire abstraction même dans le cadre d'une interprétation téléologique (ATF 119 II 183 consid. 4b ; 117 II 494 consid. 6a ; ATA/213/2017 du 21 février 2017). Les travaux préparatoires ne seront toutefois pris en considération que s'ils donnent une réponse claire à une disposition légale ambiguë et qu'ils ont trouvé expression dans le texte de la loi (ATF 124 III 126 consid. 1b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_939/2011 du 7 août 2012 consid. 4).

7) Une décision est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. À cet égard, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu'elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, si elle a été adoptée sans motif objectif ou en violation d'un droit certain. L'arbitraire ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu'elle serait préférable. Pour qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 138 I 232 consid. 6.2 ; 138 I 49 consid. 7.1 ; 137 I 1 consid. 2.4 ; 136 I 316 consid. 2.2.2). La chambre administrative suit le raisonnement du Tribunal fédéral en la matière (ATA/1189/2017 du 22 août 2017 consid. 4c et les références citées).

Une décision ou un arrêté viole le principe de l'égalité de traitement garanti par l'art. 8 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) lorsqu'il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu'il omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière différente. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. La question de savoir si une distinction juridique repose sur un motif raisonnable peut recevoir une réponse différente selon les époques et suivant les conceptions, idéologies et situations du moment (ATF 142 I 195 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_310/2017 du 14 mai 2018 consid. 6.2).

8) En l'espèce, le litige porte sur la restitution au recourant du montant payé par feu son père, à titre de taxe unique selon l'art. 46 al. 3 LTVTC, dans le cadre d'un permis acquis par succession.

a. Le texte de l'art. 46 al. 3 LTVTC ne mentionne pas la question de la restitution, selon le droit transitoire, du montant payé au titre de la taxe unique en cas d'obtention du permis par succession. En revanche, « l'exploitant de taxi qui a payé une taxe unique pour obtenir un permis de service public » au sens de l'aLTaxis a droit de percevoir un montant compensatoire. Cette disposition est claire et ne laisse pas de marge de manoeuvre à l'autorité. Si les conditions ne sont pas remplies, l'exploitant ne peut percevoir de montant compensatoire tandis que l'autorité doit verser le montant dans le cas contraire.

b. Le recourant n'a pas payé de taxe unique pour obtenir son permis, ayant hérité de celui-ci sur la base de l'art. 24 al. 1 aLTaxis. À teneur des travaux préparatoires, l'art. 46 al. 3 LTVTC visait à assurer l'égalité de traitement entre les titulaires de permis de service public avant l'entrée en vigueur de la loi ainsi que les titulaires de bail à ferme ou les employés d'entreprises de taxi (MGC [En ligne], séance 43 du 13 octobre 2016, à 17h, disponible sur https://ge.ch/grandconseil/m/memorial/seances/010308/43/5/). Le rapport de la commission des transports chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'État sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur (LTVTC) précise d'ailleurs spécifiquement que la LTVTC modifiait le système mis en place « (...) en remboursant les chauffeurs ayant contribué au fonds de taxis, de manière à garantir une égalité de traitement. » (Rapport de la commission des transports chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'État sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur - LTVTC -, PL 11709-A et PL 11710-A, p. 346).

c. Dans un arrêt très récent (ATA/1749/2019 du 3 décembre 2019), la chambre administrative a jugé que la lecture de la loi et des travaux préparatoires ne permettait pas de déduire que l'art. 46 al. 3 LTVTC, qui ne concernait que les chauffeurs ayant payé personnellement la taxe unique, soit applicable aux exploitants ayant obtenu leur permis par succession.

De plus, comme l'a également retenu la jurisprudence susvisée, accorder au recourant la restitution du montant payé par son père, dès lors qu'il a obtenu son permis par succession, gratuitement, ne respecterait pas l'égalité de traitement avec les autres chauffeurs ayant, eux, acquis leur permis à titre onéreux. En effet, cela reviendrait à favoriser les exploitants de taxi ayant obtenu le permis par succession, sans paiement de taxe unique, au détriment des chauffeurs ayant quant à eux obtenu le permis à titre onéreux. Le but de l'art. 46 al. 3 LTVTC ne vise qu'à garantir l'égalité de traitement entre les exploitants de taxi ayant dû payer une taxe unique selon l'aLTaxis et les autres, lors de l'entrée en vigueur de la LTVTC. Les travaux préparatoires précisent bien que dans l'esprit de la loi, cet article ne vise qu'à permettre de « rembourser », lors de l'entrée en vigueur de la LTVTC, les chauffeurs ayant contribué au fonds de taxi selon l'aLTaxis. En effet, la LTVTC modifie intégralement le système mis en place, en supprimant la notion de permis de service public, remplacé par une taxe annuelle et en supprimant également le fonds de taxi (Rapport de la commission des transports chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'État sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur - LTVTC -, PL 11709-A et PL 11710-A, p. 346 ; ATA).

d. Cette interprétation est soutenue par la lecture de l'art. 47 al. 4 LTVTC, qui prévoit que la cession de l'autorisation (que celle-ci ait lieu à titre gracieux ou non) éteint définitivement toute prétention, du cédant comme du cessionnaire, au paiement du montant compensatoire de la taxe unique au sens de la loi sur les taxis et limousines, du 21 janvier 2005.

Le recours sera ainsi rejeté et la décision querellée confirmée.

9) Vu ce qui précède, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge solidaire des recourants, qui succombent (art. 87 al.1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare irrecevable le recours interjeté le 14 septembre 2018 par Monsieur B______ contre la décision du 17 août 2018 du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir ;

déclare recevable le recours interjeté le 14 septembre 2018 par Monsieur A______ contre la décision du 17 août 2018 du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge solidaire de Monsieur A______ et de Monsieur B______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Bénédicte Amsellem-Ossipow, avocate des recourants, ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, Mmes Payot Zen-Ruffinen et Cuendet, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :