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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1595/2019

ATA/1812/2019 du 17.12.2019 ( MARPU ) , REJETE

Recours TF déposé le 13.01.2020, rendu le 20.11.2020, ADMIS, 2D_63/2019, 2D_6/2020
Recours TF déposé le 21.11.2019, rendu le 16.01.2020, ADMIS, 2D_63/2019, 2D_6/2020
Parties : CONNEXXION SARL / HOSPICE GENERAL, CROIX-ROUGE GENEVOISE
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1595/2019-MARPU ATA/1812/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 décembre 2019

 

dans la cause

 

CONNEXXION SÀRL
représentée par Me Enis Daci, avocat

contre

HOSPICE GÉNÉRAL
représenté par Me Bertrand Reich, avocat

et

CROIX-ROUGE GENEVOISE, ASSOCIATION CANTONALE DE LA
CROIX-ROUGE SUISSE

représentée par Me Soile Santamaria, avocate



EN FAIT

1) a. Le 11 janvier 2019, l'Hospice général (ci-après : l'hospice) a publié un appel d'offres, en procédure ouverte et soumis à l'Accord GATT/OMC du
15 avril 1994 sur les marchés publics (AMP - RS 0.632.231.422 ; ch. 1 et 2.4 du dossier d'appel d'offres), avec délai de dépôt au 22 février 2019 à 17h00, pour les « prestations d'interprétariat en milieu social ».

À teneur du cahier des charges (ch. 2), cet appel d'offres visait la conclusion par l'hospice d'un contrat-cadre régissant les modalités de services d'interprètes en milieu social pour le compte de l'aide aux migrantes et migrants (ci-après : AMIG) et de l'action sociale (ci-après : ASOC), pour une durée de quatre ans, prolongeable, d'entente entre les parties, une année au maximum.

S'agissant du « délai », la prestation du fournisseur de service devait être effective le 1er juin 2019 (ch. 2.13 du dossier d'appel d'offres et ch. 5 du cahier des charges).

b. Pour ce qui était du « périmètre de l'appel d'offres » à teneur du ch. 4 du cahier des charges, la réponse audit appel comprenait :

« 1. Une offre de base intégrant la description complète des prestations en interprétariat en milieu social.

Le soumissionnaire justifiera, développera et documentera (NDR : souligné) dans son offre sa capacité à répondre aux exigences du présent cahier des charges.

2. Une offre détaillée de son système en ligne (plateforme informatique de gestion des demandes de reporting) selon point 6.3 du présent cahier des charges (critère éliminatoire [NDR : en gras et souligné]).

3. Le bordereau de prix (annexe 1) dûment rempli.

4. La liste des langues (annexe 3) dûment renseignée ».

Les besoins fonctionnels de l'adjudicateur étaient exposés au ch. 6 du cahier des charges.

Il ferait appel aux interprètes ayant des compétences reconnues et éprouvées dans le domaine du dialogue interculturel dans le cadre des entretiens individuels (situation de trialogue), occasionnellement pour des réunions de réseau et séances collectives (ch. 6.1). La spécialisation des interprètes pourrait être de trois niveaux (a, b et c) afin de garantir des prestations sur le maximum de langues (ch. 6.2).

Les demandes d'interprètes s'effectueraient exclusivement en ligne à travers une plateforme électronique selon les exigences et processus décrits ensuite
(ch. 6.3). Sous le titre « système de demande en ligne (critère éliminatoire) », il était indiqué : « La plateforme sera ergonomique, intuitive, d'accès facile et personnalisé pour chaque utilisateur/trice (mot de passe, possibilité pour chaque utilisateur/trice d'avoir accès à l'ensemble de ses commandes, noms des interprètes mis à disposition, etc.). Le prestataire aura la charge de la gestion des identifiants ainsi que sa mise à jour ». Suivaient, sous le titre « Processus de demandes d'interprètes en ligne », plusieurs exigences ; à teneur du point 7, « à l'issue de l'entretien, la plateforme permet aux utilisateurs/trices Hg (NDR : hospice) de valider la tenue et la durée de l'entretien, de signaler l'absence ou le retard de l'interprète ou la non-réalisation de l'entretien avec possibilité de saisir un commentaire » ; selon le point 9, « le système en ligne permet d'échanger en cas de litige entre utilisateurs/trices Hg et le prestataire ».

Comme « obligations minimum du prestataire » (ch. 6.4), le soumissionnaire s'engageait à fournir en principe, dans le délai « minimum » (sic) de 48 h, les interprètes dans toutes les langues demandées par l'hospice, avec une obligation de résultat, celui-ci pouvant néanmoins solliciter un interprète dans un délai de 24 h en cas d'urgence.

S'agissant de l'horaire de travail (ch. 9), le prestataire fournirait ses prestations de 8h00 à 18h00, du lundi au vendredi, douze mois par an. Dans des cas particuliers et sur demande expresse de l'hospice, certaines demandes d'interprétariat pourraient être réalisées durant le week-end et/ou en dehors de l'horaire défini ci-dessus, avec des montants horaires spécifiques.

Pour ce qui était du « reporting et statistiques » (ch. 7), la plateforme devait fournir un reporting sous forme d'une statistique pour chaque utilisateur ou utilisatrice, la hiérarchie et l'administration contenant au moins les indications énoncées ensuite. Un bilan annuel sur l'état de collaboration serait, également, fourni par le prestataire.

c. À teneur du dossier d'appel d'offres (ch. 2.17), les « critères d'évaluation » étaient les suivants :

1. prix, pondéré à 40 %, avec mention de plusieurs « éléments d'appréciation » - ou sous-critères - relatifs à des prix, tarif et forfaits par temps consacré, le premier élément étant la première heure d'interprétariat ;

2. qualité du soumissionnaire, pondéré à 30 %, avec mention des éléments d'appréciation suivants :

- expériences et références

- aspect social (dont la participation du soumissionnaire à l'effort de réinsertion des bénéficiaires de l'hospice), environnemental et certifications

- caractéristiques et organisation ;

3. qualité de l'offre, pondéré à 30 %, avec mention de l'élément d'appréciation suivant :

- adéquation de l'offre au cahier des charges, dont la couverture en interprètes et langues, les formation et compétences des interprètes proposés ainsi que la qualité du système en ligne.

Il était ensuite précisé : « Un critère de sélection peut être divisé en éléments d'appréciation. Si le nombre et l'ordre d'importance des critères sont définitifs et annoncés préalablement, l'adjudicateur se réserve le droit de fixer autant d'éléments d'appréciation qu'il est nécessaire pour départager les candidats, pour autant que ceux-ci tendent uniquement à concrétiser les éléments qui sont inhérents au critère publié, ceci en respectant l'égalité de traitement et le principe de transparence. Les éléments d'appréciation sont en relation directe avec un des critères principaux ».

S'agissant de l'« évaluation des offres », il était entre autres indiqué :
« L'adjudication est attribuée à l'offre économiquement la plus avantageuse, à savoir après évaluation qualitative et/ou financière de l'offre, en adéquation avec les critères d'évaluation ».

Selon le ch. 2.18 et conformément au « Guide romand pour les marchés publics » (annexe T1), les notes allaient de 0 à 5 : 0 totalement insuffisant ;
1 insuffisant ; 2 partiellement suffisant ; 3 suffisant ; 4 bon et avantageux ; 5 très intéressant.

2) Le 21 février 2019, l'hospice a reçu l'offre de la Croix-Rouge genevoise, Association cantonale de la Croix-Rouge suisse (ci-après : CRG), inscrite au registre du commerce depuis le 9 août 2007, dont le but est d'« accomplir, en tout temps, des tâches humanitaires selon les principes fondamentaux de la
Croix-Rouge, son activité [s'étendant] en priorité au territoire de la République et canton de Genève », pour une « offre de base montant TTC » de CHF 84.- par heure la première heure.

Le 22 février 2019, il a reçu l'offre de Connexxion Sàrl (ci-après : Connexxion), société à responsabilité limitée sise à Lausanne (VD), inscrite au registre du commerce depuis le 23 janvier 2015 et ayant pour but de « fournir un service de traduction et d'interprétariat à ses clients, la société [pouvant] exercer toute autre activité de service ou autre activité commerciale en rapport direct ou indirect avec son but et en accord avec la loi », pour une « offre de base montant TTC » de CHF 77.- par heure la première heure.

3) A été établi par l'hospice un tableau comparatif de ces offres (ci-après : le tableau comparatif), avec note, score et commentaires pour chaque élément ou sous-élément d'appréciation.

4) Par décisions du 5 avril 2019, l'hospice a informé la CRG et Connexxion séparément de ce qu'il avait adjugé le marché public en cause à la CRG, Connexxion arrivant au 2ème rang.

Était annexée une « analyse multicritères », dont il ressortait que la CRG avait obtenu les notes 4,26 pour le critère du prix contre 4,94 pour Connexxion, 4,27 pour le critère de la qualité du soumissionnaire contre 3,05, et 3,6 pour le critère de la qualité de l'offre contre 3,55, soit, après prise en compte des pondérations, une note finale de 4,06 pour la CRG et 3,96 pour Connexxion.

5) Le 12 avril 2019 a eu lieu, à la demande de Connexxion, une « séance de réponse aux questions sur évaluation AO Interprètes en milieu social », entre le représentant de celle-ci - Monsieur Julien BONNET, associé gérant avec signature individuelle -, qui était en particulier surpris par la note 3,05 attribuée à sa société pour le critère qualité du soumissionnaire, et les représentants de l'hospice, qui a fait l'objet d'un procès-verbal. Lesdits représentants ont répondu à plusieurs questions de M. BONNET.

6) Par lettre du 15 avril 2019, Connexxion a demandé des informations complémentaires à l'hospice, lequel lui a répondu par courriel du même jour.

7) Par acte expédié le 18 avril 2019 au greffe de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), Connexxion a formé recours contre la décision précitée qui lui avait été notifiée le 9 avril 2019, concluant, « avec suite de frais et dépens », préalablement à l'octroi de l'effet suspensif ainsi qu'à la production par l'hospice de l'ensemble du dossier d'adjudication, en particulier tout document utile permettant de comprendre l'évaluation et la notation de chaque offre, au fond, principalement à l'annulation de la décision d'adjudication du 5 avril 2019, à la constatation que le marché public en cause devait lui être attribué et au renvoi de la cause à l'intimé pour nouvelle décision d'adjudication dans le sens des considérants de l'arrêt, subsidiairement à la constatation du caractère illicite de l'adjudication litigieuse, à l'octroi en sa faveur d'un délai adéquat pour quantifier et motiver sa prétention en réparation de son dommage ainsi qu'à son indemnisation pour le dommage subi.

8) Par pli du 24 avril 2019, le juge délégué de la chambre administrative a fait interdiction à l'hospice et à la CRG de conclure le contrat d'exécution de l'offre jusqu'à droit jugé sur la requête en restitution de l'effet suspensif.

9) Dans ses observations du 9 mai 2019, l'hospice a conclu au rejet de la demande de restitution de l'effet suspensif et, au fond, du recours dans la mesure de sa recevabilité.

10) Par écriture du même jour, la CRG a pris les mêmes conclusions.

11) Par pli du 23 mai 2019, l'hospice a informé la chambre administrative que jusqu'à droit jugé sur effet suspensif, il conclurait un contrat à titre précaire, renouvelable de mois en mois, avec le prestataire actuel - la CRG -, jusqu'à ce que le marché adjugé puisse être contractualisé.

12) Par décision du juge délégué du 25 juillet 2019 - non frappée d'un recours - faisant suite à plusieurs courriers des parties au sujet de la consultation des pièces - y compris un écrit de la recourante du 24 mai 2019 contenant des arguments au fond -, la chambre administrative a décidé que l'entier du document de la CRG
« Offre de base - prestations en interprétariat communautaire en milieu social de la Croix-Rouge genevoise » était consultable par Connexxion - laquelle avait produit l'entier de son offre à l'appui de son recours -, que les autres parties caviardées - produites le 21 mai 2019 - de l'offre de la CRG n'étaient pas accessibles à la recourante et que l'entier du tableau comparatif établi par l'hospice était consultable par les soumissionnaires parties.

13) Par observations du 6 septembre 2019, Connexxion a maintenu et développé ses arguments.

14) Par écrit du 6 septembre 2019, la CRG a maintenu sa conclusion de refus de l'effet suspensif au recours.

15) Par détermination du 16 septembre 2019 faisant suite aux observations de Connexxion du 6 septembre 2019, l'hospice a réitéré ses conclusions du 9 mai 2019.

16) Le même jour, la CRG a répliqué sur effet suspensif et a produit un document - partiellement caviardé - émanant d'elle-même et intitulé « Procédure relative à la prévention des conflits et à la protection de la personnalité au travail ».

17) Le 26 septembre 2019, Connexxion a dupliqué sur effet suspensif.

18) Par courrier du 17 octobre 2019, la chambre administrative a transmis aux parties les écrits spontanés de la CRG du 2 octobre 2019 et de Connexxion du
4 octobre 2019, avec la précision qu'aucun nouveau courrier spontané de la part des parties ne serait accepté.

19) Par décision du 21 octobre 2019, la présidence de la chambre administrative a refusé de restituer l'effet suspensif au recours, a imparti un délai à Connexxion et à la CRG pour formuler leurs éventuelles observations finales au fond, et a réservé le sort des frais de la procédure jusqu'à droit jugé au fond.

20) Par observations finales au fond du 14 novembre 2019, Connexxion a persisté dans les conclusions de son recours et a sollicité, à titre subsidiaire, une indemnité de CHF 360'591.- en réparation de son dommage subi, montant à mettre encore à jour à la date du prononcé de l'arrêt à rendre.

21) Le même jour, la CRG s'est référée à ses écritures émises sur effet suspensif, qui avaient abordé en détail le fond du litige.

22) Par ordonnances des 22 novembre et 4 décembre 2019 (2D_63/2019), le Tribunal fédéral a accordé l'effet suspensif au recours constitutionnel subsidiaire formé le 21 novembre 2019 devant lui par Connexxion contre la décision du
21 octobre 2019 de la présidence de la chambre administrative, en ce sens que l'hospice n'était autorisé à conclure qu'un contrat à titre précaire, renouvelable de mois en mois, avec le prestataire actuel, la CRG, jusqu'à droit connu sur ledit recours constitutionnel subsidiaire.

23) Par lettre du 29 novembre 2019, l'hospice a informé la chambre administrative que le contrat d'exécution de l'offre avait été signé le 14 novembre 2019 entre la CRG et lui-même, ce qu'a confirmé la CRG le 2 décembre 2019.

24) Par écrit du 5 décembre 2019, Connexxion a sollicité la suspension de la présente procédure jusqu'à droit jugé par le Tribunal fédéral dans le cadre de la cause 2D_63/2019 et, en fonction du résultat du litige devant la Haute Cour, la permission aux parties d'augmenter, respectivement de confirmer leurs conclusions.

25) Par pli du 6 décembre 2019, la chambre administrative a informé les parties que la cause était gardée à juger sur la demande de suspension et au fond, avec la précision que des écritures spontanées de la part des parties ne seraient pas admises.

26) Le 10 décembre 2019, la chambre administrative a retourné à Connexxion l'écriture du 6 décembre 2019, avec les pièces annexées, qu'elle lui avait adressée spontanément, et qui concernait la question de la conclusion du contrat d'exécution d'offre.

27) Pour le surplus, les arguments des parties et certains éléments de fait seront, en tant que de besoin, repris dans la partie en droit ci-après.

 

 

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 15 al. 1, al. 1bis let. e et al. 2 de l'accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 - AIMP - L 6 05 ; art. 3 al. 1 de la loi du
12 juin 1997 autorisant le Conseil d'État à adhérer à l'AIMP - L-AIMP -
L 6 05.0 ; art. 55 let. e et 56 al. 1 RMP ; art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

2) Le Tribunal fédéral est saisi d'un recours de Connexxion contre une décision de la chambre de céans statuant sur le seul effet suspensif, sur la base d'un examen sommaire, prima facie, de la cause (2D_63/2019), et non d'un examen approfondi au fond, le sort de la présente cause au fond ne dépendant pas de la solution retenue par l'arrêt que rendrait le Tribunal fédéral sur ledit recours. Partant, une suspension de la présente procédure, en application de l'art. 14 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), ne se justifie pas.

3) a. Le droit d'être entendu, garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend notamment le droit d'obtenir une décision motivée. L'autorité n'est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives, mais doit se prononcer sur celles-ci (ATF 138 I 232 consid. 5.1 ;
137 II 266 consid. 3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_597/2013 du 28 octobre 2013 consid. 5.2 ; 2C_713/2013 du 22 août 2013 consid. 2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, p. 531 n. 1573). Il suffit, du point de vue de la motivation de la décision, que les parties puissent se rendre compte de sa portée à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; 138 I 232 consid. 5.1 ;
136 I 184 consid. 2.2.1).

La réparation d'un vice de procédure en instance de recours et, notamment, du droit d'être entendu, n'est possible que lorsque l'autorité dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure (ATF 138 I 97 consid. 4.16.1 ;
137 I 195 consid. 2.3.2 ; 133 I 201 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_533/2012 du 12 septembre 2013 consid. 2.1 ; ATA/1039/2019 du 18 juin 2019 consid. 4 ; ATA/747/2016 du 6 septembre 2016 consid. 4e et la doctrine citée). Elle dépend toutefois de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception (ATF 126 I 68 consid. 2 et la jurisprudence citée) ; elle peut cependant se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 ; 136 V 117 consid. 4.2.2.2 ; 133 I 201 consid. 2.2 ; ATA/1039/2019 précité consid. 4 ; ATA/666/2015 du 23 juin 2015 consid. 2b et les arrêts cités). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/1039/2019 précité consid. 4 ; ATA/453/2017 du 25 avril 2017 consid. 5c ; ATA/747/2016 précité consid. 4e et les références citées).

b. En matière de marchés publics, l'obligation de motiver tirée du droit d'être entendu se manifeste par le devoir qu'a l'autorité d'indiquer au soumissionnaire évincé les raisons du rejet de son offre. Ce principe est concrétisé par les art. 13 let. h AIMP et 45 RMP, qui prévoient que les décisions d'adjudication sont sommairement motivées (ATA/1716/2019 du 26 novembre 2019 consid. 4b ; ATA/994/2019 du 5 juin 2019 consid. 4a ; ATA/492/2018 du 22 mai 2018
consid. 6b).

Selon la doctrine, les règles spéciales applicables en matière d'adjudication de marché prévoient que l'autorité peut, dans un premier temps, procéder à une notification individuelle, voire par publication, accompagnée d'une motivation sommaire ; sur requête du soumissionnaire évincé, l'autorité doit lui fournir des renseignements supplémentaires relatifs notamment aux raisons principales du rejet de son offre ainsi qu'aux caractéristiques et avantages de l'offre retenue. L'ensemble de ces explications de l'autorité (fournies le cas échéant en deux étapes) doit être pris en considération pour s'assurer qu'elles sont conformes, ou non, aux exigences découlant du droit d'être entendu ; de surcroît, la pratique admet assez généreusement la réparation d'une motivation insuffisante dans la procédure de recours subséquente (Étienne POLTIER, Droit des marchés publics, 2014, p. 250 n. 392).

4) En l'occurrence, la décision d'adjudication notifiée à la recourante était accompagnée d'une « analyse multicritères » des offres qui permettait de comprendre que celle-ci était arrivée au second rang, en fonction d'une attribution de notes par critères.

Ensuite, lors d'une séance du 12 avril 2019, les représentants de l'intimé ont répondu à plusieurs questions du représentant de la recourante. Puis, par courriel du 15 avril 2019, l'hospice a répondu aux questions 1 à 3 posées par la lettre du même jour de Connexion et relatives au respect par la CRG de trois conditions du marché, en indiquant que seule l'absence de plateforme était un critère éliminatoire et que la qualité de la plateforme de l'adjudicataire avait été analysée et notée ; il a, en réponse à la question de la recourante afférente à la notation pour le critère « qualité de l'offre » concernant le point « couverture en interprètes et langues », exposé, certes de manière générale, la signification des notes.

Compte tenu de la jurisprudence précitée et notamment du fait que le recours a été interjeté très rapidement après le courriel de l'intimé précité, soit trois jours plus tard, et même si Connexxion n'a pas reçu avant son recours les notes pour les éléments d'appréciations des deux soumissionnaires qu'elle avait demandées dans sa lettre, le droit de celle-ci à obtenir des explications sur les raisons du rejet de son offre a été satisfait.

Aucune violation du droit d'être entendu sous forme de manque de motivation de la décision attaquée ne saurait donc être retenue.

Par surabondance, même s'il avait été retenu, un tel vice aurait été réparé, la recourante ayant pu faire valoir ses griefs sur la base d'un dossier complet selon la décision sur consultation des pièces du 25 juillet 2019.

5) a. L'AIMP a pour objectif l'ouverture des marchés publics, notamment des communes (art. 1 al. 1 AIMP). Il vise à harmoniser les règles de passation des marchés et à transposer les obligations découlant de l'accord GATT/OMC ainsi que de l'accord entre la communauté européenne et la Confédération suisse (art. 1 al. 2 AIMP). Il poursuit plusieurs objectifs, soit assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires (art. 1 al. 3 let. a AIMP), garantir l'égalité de traitement entre ceux-ci et assurer l'impartialité de l'adjudication (art. 1 al. 3 let. b AIMP), assurer la transparence des procédures de passation des marchés (art. 1 al. 3
let. c AIMP) et permettre l'utilisation parcimonieuse des données publiques (art. 1 al. 3 let. d AIMP). Ces principes doivent être respectés, notamment dans la phase de passation des marchés (art. 11 AIMP, notamment let. a et b AIMP).

b. Aux termes de l'art. 24 RMP, l'autorité adjudicatrice choisit des critères objectifs, vérifiables et pertinents par rapport au marché ; elle doit les énoncer clairement et par ordre d'importance au moment de l'appel d'offres.

Selon la jurisprudence en rapport avec le principe de la transparence, garanti par les art. 1 al. 3 let. c AIMP et 24 RMP, une simple grille d'évaluation ou d'autres aides destinées à noter les différents critères et éléments d'appréciation utilisés (telles une échelle de notes, une matrice de calcul, etc.) ne doivent pas nécessairement être portées par avance à la connaissance des soumissionnaires, sous réserve d'abus ou d'excès du pouvoir d'appréciation (ATF 130 I 241
consid. 5.1 ; ATA/1717/2019 du 26 novembre 2019 consid. 8d ; ATA/492/2018 précité consid. 10d et les références citées).

c. À teneur de l'art. 42 al. 1 RMP, l'offre est écartée d'office lorsque le soumissionnaire, notamment : a rendu une offre tardive, incomplète ou
non-conforme aux exigences ou au cahier des charges (let. a) ; ne répond pas ou plus aux conditions pour être admis à soumissionner (let. b) ; a fourni de faux renseignements (let. c). Selon l'al. 3, les offres écartées ne sont pas évaluées. L'autorité adjudicatrice rend une décision d'exclusion motivée, notifiée par courrier à l'intéressé, avec mention des voies de recours.

Le droit des marchés publics est formaliste. L'autorité adjudicatrice doit procéder à l'examen de la recevabilité des offres et à leur évaluation dans le respect de ce formalisme, qui permet de protéger notamment le principe d'intangibilité des offres remises et le respect du principe d'égalité de traitement entre soumissionnaires garanti par l'art. 16 al. 2 RMP (ATA/1300/2018 du
4 décembre 2018 consid. 3b ; ATA/1446/2017 du 31 octobre 2017 ; ATA/490/2017 du 2 mai 2017 et les références citées). Toutefois, l'interdiction du formalisme excessif, tirée de l'art. 29 Cst., interdit d'exclure une offre présentant une informalité de peu de gravité ou affectée d'un vice qui ne compromet pas sérieusement l'objectif visé par la prescription formelle violée (arrêts du Tribunal fédéral 2C_197/2010 du 30 avril 2010 consid. 6.1 ; 2D_50/2009 du 25 février 2010 consid. 2.4). À cet égard, l'autorité adjudicatrice dispose d'un certain pouvoir d'appréciation quant au degré de sévérité dont elle désire faire preuve dans le traitement des offres (ATA/1300/2018 précité consid. 3b ; ATA/490/2017 précité ; ATA/175/2016 du 23 février 2016). L'interdiction du formalisme excessif n'oblige cependant pas le pouvoir adjudicateur à interpeller un soumissionnaire en présence d'une offre défaillante (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2010 du 30 avril 2010 consid. 6.5). Ces principes valent notamment pour la phase d'examen de la recevabilité des soumissions, lors de laquelle l'autorité adjudicatrice examine si les offres présentées remplissent les conditions formelles pour participer à la procédure d'évaluation et il est exclu d'autoriser un soumissionnaire à modifier la présentation de son offre, à y apporter des compléments ou à transmettre de nouveaux documents (ATA/1300/2018 précité consid. 3b ; ATA/1446/2017 précité ; ATA/490/2017 précité).

L'épuration des offres consiste en un examen approfondi des indications techniques et des chiffres figurant dans les offres, afin de rendre les offres objectivement comparables entre elles. Elle constitue un préalable à la phase d'évaluation des offres sur la base des critères d'adjudication. Si l'offre proposée n'est pas conforme aux conditions de l'appel d'offres, elle sera exclue comme non conforme à l'objet du marché (ATA/1717/2019 du 26 novembre 2019
consid. 11c ; ATA/490/2017 du 2 mai 2017 ; ATA/1216/2015 du 10 novembre 2015 et les références citées).

d. En vertu de l'art. 43 RMP, l'évaluation des offres dans les procédures visées aux art. 12 à 14 RMP est faite selon les critères prédéfinis conformément à
l'art. 24 RMP et énumérés dans l'avis d'appel d'offres et/ou les documents d'appel d'offres (al. 1). Le résultat de l'évaluation des offres fait l'objet d'un tableau comparatif (al. 2). Le marché est adjugé au soumissionnaire ayant déposé l'offre économiquement la plus avantageuse, c'est-à-dire celle qui présente le meilleur rapport qualité/prix. Outre le prix, les critères suivants peuvent notamment être pris en considération : la qualité, les délais, l'adéquation aux besoins, le service après-vente, l'esthétique, l'organisation, le respect de l'environnement (al. 3).

e. La jurisprudence reconnaît une grande liberté d'appréciation au pouvoir adjudicateur (ATF 125 II 86 consid. 6), l'appréciation de la chambre administrative ne pouvant donc se substituer à celle de ce dernier, seul l'abus ou l'excès de pouvoir d'appréciation devant être sanctionné (ATF 130 I 241
consid. 6.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2P.111/2003 du 21 janvier 2004
consid. 3.3 ; 2P.172/2002 du 10 mars 2003 consid. 3.2). En outre, pour que le recours soit fondé, il faut encore que le résultat, considéré dans son ensemble, constitue un usage abusif ou excessif du pouvoir d'appréciation (décision de la Commission fédérale de recours en matière de marchés publics du 29 juin 1998, publiée in JAAC 1999 p. 136 consid. 3a).

6) En l'espèce, concernant le critère 1 (« prix »), dans ses observations du
6 septembre 2019, après accès aux pièces du dossier conformément à la décision précitée de la chambre de céans, la recourante estime que l'hospice ne parvient pas à justifier la note de 4,2 attribuée à la CRG pour l'élément d'appréciation - ou sous-critère - qu'est la première heure d'interprétariat, son prix pour ladite heure étant inférieur de CHF 7.- TTC à celui de l'intimée. L'intimé rétorque que cette note résulte de l'application de la formule au carré T2 conformément au « Guide romand pour les marchés publics » et de la pondération. Dans ses observations du 26 septembre 2019, Connexxion ne conteste « pour l'heure » pas cette formule utilisée par l'hospice, ajoutant qu'il appartiendrait à la chambre administrative de vérifier si la formule avait été appliquée pour chacun des prix des soumissionnaires. Dans ses observations finales du 14 novembre 2019, elle ne mentionne plus la question du prix.

Outre que la question de l'éventuelle tardiveté d'un grief afférent au prix, énoncé à un stade ultérieur au recours, se pose, il apparaît que Connexxion, qui a obtenu la note maximale 5,0 pour cet élément d'appréciation, ne conteste plus la note attribuée à la CRG et n'a pas non plus remis en cause le calcul effectué par l'intimé. Il sied de relever que cet élément d'appréciation (la première heure d'interprétariat) a été pondéré par l'hospice, dans son tableau comparatif, à 30, contre des pondérations de 1 à 3 pour les six autres éléments d'appréciation. Indépendamment de l'application de la formule au carré T2 conformément au
« Guide romand pour les marchés publics », il n'apparaît pas défavorable à la recourante que pour une différence de prix d'un peu moins de 10 % concernant la première heure d'interprétariat, la note de la CRG soit inférieure de 16 % à la sienne. Par ailleurs, après vérification, aucun élément ne permet de remettre en cause les notes attribuées pour les six autres éléments d'appréciation.

Ce grief, si tant est qu'il soit recevable et encore d'actualité, est écarté.

7) a. S'agissant du critère 3 (« qualité de l'offre »), en particulier de l'élément d'appréciation « couverture en interprètes et langues », le grief de la recourante à teneur duquel il y aurait une contradiction entre le « nombre d'heures moyen par semaine » des interprètes de la CRG, autour de 40 h selon l'annexe 3 à son offre - 38 h pour les interprètes de niveau a (3'088 / 81), 34 h 30 pour ceux de niveau b (4'324 / 125) et 40 h pour le seul de niveau c -, et la convention collective de travail sur le personnel employé à l'heure et à la demande qui lie celle-ci à des syndicats (ci-après : CCT), est dénué d'actualité. En effet, conformément à un avenant demandé en 2018 par les syndicats, préparé en février 2019 et adopté le
5 juillet 2019 - soit très peu de temps après la date à laquelle la prestation de l'adjudicataire devait être effective s'il n'y avait pas eu le recours de
Connexxion -, le plafond maximal de 14 h de travail par semaine imposé audit personnel a été abrogé.

Au demeurant, à teneur du « Rapport d'évaluation du dispositif d'interprétariat communautaire de la Croix-Rouge genevoise » établi en mars 2013 par l'Institut de hautes études en administration publique (ci-après : IDHEAP), produit par la recourante, ladite limite de 14 h par semaine avait autrefois été instaurée afin que les interprètes continuent d'exercer une autre activité pour ne pas se retrouver dans une situation précaire en cas d'éventuelle diminution de la demande, et elle n'était pas entièrement respectée (p. 26 s.).

b. Toujours concernant l'élément d'appréciation « couverture en interprètes et langues », dans son écriture du 26 septembre 2019, Connexxion fait valoir une contradiction résultant des indications de la CRG dans ladite annexe 3 : pour un
« nombre d'heures moyen par semaine » de 3'088 pour les interprètes de niveau de qualification (cf. ch. 6.2 du cahier des charges) a, 4'324 pour ceux de niveau b et 40 pour celui de niveau c, soit au total 7'452 - étant précisé que le nombre total de demandes de l'hospice sur les quatre derniers trimestres était de 7'495 -, le fait qu'il y ait 127 « interprètes (non dédoublés) » de l'intimée conduirait à un nombre d'heures par semaine pour un interprète de 58,68, ce qui constituerait une violation crasse du droit du travail ou une information fausse. La CRG réplique le 2 octobre 2019 que ce calcul ne tient pas compte du fait que de nombreux interprètes travaillent dans plusieurs langues, le nombre d'heures total de 7'452 devant être confronté au nombre d'interprètes de niveau a de 81, de niveau b de 125 et de 1 de niveau c, soit au total 207, pour un résultat de 36 h de moyenne de disponibilité - et non de travail effectif - par semaine. La recourante duplique le
4 octobre 2019 que, pour les nombreux interprètes qui parlent deux langues (par exemple le bosniaque et le serbo-croate), cette moyenne de 36 h hebdomadaires devrait être doublée.

Le ch. 6.2 du cahier des charges indique qu'afin de garantir des prestations sur le maximum de langues, « le soumissionnaire complétera l'annexe 3 du cahier des charges en indiquant le nombre d'interprètes par langue qu'il a à sa disposition ainsi que le niveau de qualification (a, b ou c) et le nombre d'heures hebdomadaire moyen (a, b ou c) que ces derniers/ères peuvent lui garantir ». À la fin dudit chiffre, il est précisé en gras que « la couverture des langues souhaitées et la disponibilité des interprètes définies sous annexe 3 seront fortement pondérées lors de l'évaluation ».

Cela étant, comme le précise l'hospice dans son écriture du 16 septembre 2019, ladite annexe 3 indique les heures de disponibilité des interprètes et non leurs heures de travail effectif. Partant, les griefs de la recourante en lien avec l'art. 42 al. 1 let. a, b et c RMP, selon lesquels lesdites indications montreraient une violation par l'intimée des dispositions impératives du droit du travail et de la CCT au moment du dépôt de son offre et de la décision d'adjudication et ne correspondraient pas à la réalité, tombent à faux, y compris quant au fait que le travail des interprètes au service de la CRG serait « accessoire ». À cet égard, celle-ci a indiqué dans sa réponse du 9 mai 2019 que, faisant suite à un courriel de l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail (OCIRT) du 13 juillet 2018, elle a renoncé, dans son système en ligne, à la réservation directe et immédiate des interprètes, permettant ainsi à ces derniers d'accepter ou refuser une prestation, en fonction de leur disponibilité effective.

Au demeurant, l'annexe 3 susmentionnée apparaît comme un tableau indicatif, apparemment difficile à remplir par les soumissionnaires - Connexxion n'a pas complété plusieurs cases relatives aux totaux en bas de ce document -. À cet égard, l'hospice a principalement relevé dans ses commentaires que « toutes les langues demandées sont couvertes » - l'appréciation qui apparaît essentielle sur ce point - pour la recourante et l'intimée, auxquelles la même note 4,0 a été attribuée pour cet élément d'appréciation.

Enfin, comme cela ressort notamment des considérations qui précèdent, la recourante ne démontre aucunement que la CRG ne respecterait pas le droit du travail impératif et la CCT et, partant, violerait les conditions de l'art. 20 RMP (intitulé « respect des conditions de travail locales »). L'existence d'un différend en 2016 entre des syndicats et l'intimée n'implique pas des violations notables desdites règles.

c. Pour ce qui est de l'élément d'appréciation « qualité du système en ligne », la CRG a obtenu les notes 2,0 pour le sous-élément ch. 7 du cahier des charges (« qualité du système de reporting »), 2,0 pour le ch. 6.3 point 7 (validation à la suite de l'entretien) et 3,0 pour le ch. 6.3 point 9 (possibilité d'échanger en cas de litige entre utilisateurs et prestataire), contre 4,0, 4,0 et 4,5 pour Connexxion.

Selon la recourante, l'intimée aurait dû recevoir la note 0 pour son système de reporting qui n'existait pas au moment de la soumission, alors qu'elle-même aurait dû obtenir la note maximale 5.

D'après l'intimé, le nouveau système en ligne de la CRG répondait à ses attentes, avec un minimum d'avantages. Si ce système avait été opérationnel et éprouvé au moment de la prise d'effet du marché - le 1er juin 2019 -, il aurait également obtenu la note 4,0, la note 2,0 sanctionnant le fait que le nouveau système n'était pas opérationnel à ce moment-là. Il ressort à cet égard des commentaires de l'hospice dans le tableau comparatif que le nouveau système de reporting de l'intimée correspondra à ses attentes, mais qu'après audition de
celle-ci, il s'avère qu'il sera disponible au plus tôt en septembre 2019 et au plus tard en janvier 2020.

Au surplus, la recourante, dans son écriture du 6 septembre 2019, admet elle-même l'existence d'un système de reporting de l'intimée avant le 1er juin 2019 en alléguant qu'il n'est pas à jour et qu'il présentait en janvier 2019 un retard de plus de six mois. On ne voit cependant pas sur quoi ces dernières allégations reposeraient. D'après l'intimé, le système de reporting utilisé par la CRG en 2018 était opérationnel et fonctionnait à satisfaction.

Il résulte de ce qui précède qu'avant la mise en oeuvre d'un nouveau système de reporting, l'intimée dispose de son système utilisé jusqu'à présent.

Par ailleurs, la preuve d'un retard de plus de six mois en janvier 2019 quant à ce système ne peut pas être déduite de l'absence de statistiques mentionnées par l'hospice dans ses documents d'appel d'offres pour les deux derniers trimestres de 2018.

Au regard de ces circonstances, il n'y a pas lieu de retenir que l'hospice aurait outrepassé sa liberté d'appréciation en attribuant, pour le sous-élément d'appréciation « qualité du système de reporting », à Connexxion la note 4,0
(« bon et avantageux ») au lieu de 5,0 (« très intéressant »), et à la CRG 2,0
(« partiellement suffisant »).

d. Pour le reste, c'est de manière non démontrée que Connexxion a, dans son recours, fait valoir des dysfonctionnements du système d'interprétariat de l'intimée et l'absence de satisfaction de ses clients utilisateurs pour l'interprétariat puisque ces derniers se verraient selon elle dans l'obligation de faire appel à ses services alors qu'elle n'était pas le prestataire désigné en première ligne. La recourante n'a du reste pas confirmé ce grief après accès aux parties non confidentielles de l'offre de la CRG, qui comprennent ses références.

e. N'apparaît pas précis et concret le grief selon lequel l'offre de Connexxion n'aurait pas été notée de manière suffisamment élevée, qu'il n'aurait notamment pas été pris en considération que M. BONNET bénéficiait d'une expérience solide dans le cadre de l'interprétariat, dans la mesure où il avait occupé la fonction de responsable de service pour la CRG dans ce domaine entre autres et que l'hospice aurait eu un parti pris contre elle, en lui attribuant notamment la note 2,5 « à plusieurs reprises », en réalité pour trois éléments d'appréciation.

f. En définitive, les griefs de la recourante afférents au critère 3 (« qualité de l'offre ») sont infondés.

8) a. Pour ce qui est du critère 2 (« qualité du soumissionnaire »), en particulier des griefs de Connexxion relatifs à l'élément d'appréciation « aspect social (dont la participation du soumissionnaire à l'effort de réinsertion des bénéficiaires de l'hospice), environnemental et certifications », on ne voit pas en quoi il serait problématique que l'hospice ait pris en compte en faveur de la CRG l'« aide aux devoirs » après avoir mentionné que de nombreux interprètes de celle-ci sont issus de la migration, pour le sous-élément d'appréciation « réinsertion des bénéficiaires Hg », ainsi que la « permaculture » pour le sous-élément d'appréciation « aspect environnemental ».

Au demeurant, la recourante n'a pas recouru contre l'appel d'offres (art. 15 al. 1bis let. a AIMP et 55 let. a RMP ; ATA/970/2019 du 4 juin 2019 consid. 6).

Par ailleurs, le fait, certes erroné, que, pour le sous-critère « aspect social », le point positif « mise à disposition de deux psychologues » ait été mentionné en faveur de la CRG alors qu'il émanait de l'offre de Connexxion (p. 15 de son offre) n'apparaît pas avoir eu un impact sur la notation du sous-élément d'appréciation « aspect social », ce d'autant moins qu'il n'est qu'un des nombreux commentaires de l'intimé concernant ce sous-élément d'appréciation et que la CRG dispose d'une « procédure relative à la prévention des conflits et à la protection de la personnalité au travail » (annexe g du formulaire 1), avec notamment, « à l'externe », la possibilité d'un appel à une personne de confiance (ch. 3.5.2 de cette annexe).

Enfin, c'est en vain que la recourante a soutenu que l'intimé aurait surpondéré l'« aspect social » à son détriment, en violation des principes de l'égalité de traitement (art. 1 al. 3 let. b AIMP) et de la transparence (art. al. 3
let. c AIMP). En effet, à teneur du tableau comparatif, dans le critère 2, l'« aspect social » reçoit une pondération de 4, contre 18 pour les « expériences et références », 3 pour la « réinsertion des bénéficiaires Hg », 3 pour l'« aspect environnemental » et 2 pour les « caractéristique et organisation ».

b. Au grief de Connexxion selon lequel l'hospice aurait retenu à tort, dans ses commentaires portant sur l'élément d'appréciation « caractéristique et organisation », que la CRG offrirait ses prestations sept jours sur sept, 24 h sur 24, celle-ci répond que tel serait bien le cas, comme expressément prévu au ch. 1.3 de son document « Offre de base - prestations en interprétariat communautaire en milieu social de la Croix-Rouge genevoise », la demande d'interprète pouvant être formulée par la plateforme électronique à tout moment ou par le biais du secrétariat durant les heures d'ouverture (de 9h00 à 17h00). Rien ne permet de mettre en cause cette explication de l'intimée et le respect par celle-ci des conditions du cahier des charges, en particulier les ch. 6.4 et 9.

En outre, s'agissant de ce même élément d'appréciation, la recourante ne démontre pas le caractère problématique du fait que l'intimé a mentionné, dans ses commentaires, le « certificat qualité » (AOMAS) de ProFormations en faveur de la CRG et portant sur le système de management mis en place par cette dernière dans les domaines des « prestations SEMO » (semestre de motivation) et « Inserres » (programmes d'insertion), en plus du « certificat qualité » EDUQA de ProFormations et du label de qualité ZEWO.

c. Les griefs de Connexxion relatifs au critère 2 (« qualité du
soumissionnaire ») sont rejetés.

9) Vu ce qui précède, la décision querellée est conforme au droit et le recours sera rejeté dans la mesure où il est recevable.

10) Vu l'issue du litige et compte tenu du prononcé de décision sur effet suspensif ainsi que de l'ampleur du travail requis, un émolument de CHF 1'700.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'700.- sera allouée à l'intimée, qui y a conclu, à la charge de la recourante (art. 87 al. 2 LPA). En revanche, aucune indemnité de procédure ne sera allouée à l'hospice - qui y a également conclu -, car il dispose d'un service juridique et est donc apte à procéder par lui-même (ATA/970/2019 du 4 juin 2019 consid. 10).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, dans la mesure où il est recevable, le recours interjeté le 18 avril 2019 par Connexxion Sàrl contre la décision de l'Hospice général du 5 avril 2019 ;

met à la charge de Connexxion Sàrl un émolument de CHF 1'700.- ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'700.- à la Croix-Rouge genevoise, Association cantonale de la Croix-Rouge suisse, à la charge de Connexxion Sàrl ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure à l'Hospice général ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n'est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

s'il soulève une question juridique de principe ;

- sinon, par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Enis Daci, avocat de la recourante, à Me Soile Santamaria, avocate de l'intimée, à Me Bertrand Reich, avocat de l'Hospice général, à la commission fédérale de la concurrence (COMCO), ainsi que, pour information, au Tribunal fédéral.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Thélin, Mme Krauskopf,
M. Pagan, Mme Cuendet, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :