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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1171/2018

ATA/1834/2019 du 17.12.2019 sur JTAPI/1250/2018 ( ICCIFD ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1171/2018-ICCIFD ATA/1834/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 décembre 2019

4ème section

 

dans la cause

 

A______ SA
représentée par Berney Associés SA, mandataire

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du
17 décembre 2018 (JTAPI/1250/2018)


EN FAIT

1) Le litige concerne l'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) et l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD) pour les années 2011 et 2012 de A______ SA, société inscrite au registre du commerce de Genève le 19 avril 2010 et ayant pour but statutaire l'achat, la vente, l'exploitation, la location et la construction d'immeubles.

2) A______ SA est propriétaire d'un immeuble locatif, constitué de plusieurs logements, sis au chemin B______ à Genève (ci-après : l'immeuble) et acquis en 2010 pour le prix de CHF 15'500'000.-.

3) Le 6 décembre 2012, A______ SA a remis à l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) sa déclaration fiscale 2011.

Selon le bilan et le compte de profits et pertes 2011 produits en annexe, il ressortait que le bâtiment et le terrain sis au chemin B______ étaient comptabilisés sous la même rubrique de la manière suivante :

Actif immobilisé 31.12.2011 31.12.2010

Immeuble chemin B______ 14'551'570 16'061'336

Fond d'amortissement s/ Immeuble B______ (291'030) -

Frais de constitution 2'250 3'250

Total de l'actif immobilisé 14'262'790 16'163'753

À teneur de la rubrique « Résultat sur immeubles », un appartement avait été vendu en 2011.

Sous la rubrique « c/c Actionnaires postposés » des fonds étrangers, était inscrite une dette de CHF 3'691'352.-.

Selon l'annexe F « Immeubles » de la déclaration fiscale, A______ SA sollicitait un amortissement de CHF 291'030.- sur la valeur comptable de l'immeuble à la fin de l'exercice, laquelle était arrêtée à CHF 14'551'570.- (valeur de l'immeuble 2010 de CHF 16'061'336.- sous déduction de mutations de CHF 1'509'766.- et de l'amortissement).

Dans l'annexe G « Capital propre dissimulé, intérêts non admis et intérêts insuffisants », elle a indiqué que la valeur déterminante de l'immeuble pour l'impôt sur le bénéfice s'élevait à CHF 20'000'000.- en fin d'exercice.

4) Le 3 avril 2013, faisant suite à une demande de renseignements de
l'AFC-GE, A______ SA a remis à cette dernière l'état locatif de l'immeuble au
31 décembre 2011.

5) Par demande de renseignements du 17 septembre 2013, l'AFC-GE a notamment requis de A______ SA le détail du poste « Amortissement immeuble » de CHF 291'030.- avec indication de la méthode d'amortissement utilisée (sur valeur d'acquisition ou résiduelle) et les taux appliqués ainsi que l'identité des personnes physiques ou morales ayant bénéficié des intérêts sur les comptes courants.

6) Le 15 octobre 2013, A______ SA a notamment répondu que l'immeuble était amorti sur cinquante ans de manière linéaire. Le coût d'acquisition s'élevait à CHF 14'551'570.- et l'amortissement à CHF 291'030.-. Les intérêts sur compte courant se rapportaient aux dettes envers ses actionnaires. La valeur comptable de l'appartement aliéné durant l'année 2011 s'élevait à CHF 1'509'766.-.

7) Le 21 octobre 2013, A______ SA a remis à l'AFC-GE sa déclaration fiscale 2012.

Selon le bilan et le compte de profits et pertes 2012 produits en annexe, le bâtiment et le terrain étaient comptabilisés sous la même rubrique de la manière suivante :

Actif immobilisé 31.12.2012 31.12.2011

Immeuble chemin B______ 11'789'021 14'551'570

Fond d'amortissement s/ Immeuble B______ (476'799) (291'030)

Frais de constitution 1'250 2'250

Total de l'actif immobilisé 11'313'472 14'262'790

À teneur de la rubrique « Résultat sur immeubles », un appartement avait été vendu en 2012.

Selon l'annexe F « Immeubles » de la déclaration fiscale, A______ SA sollicitait un amortissement de CHF 235'821.- sur la valeur comptable de l'immeuble à la fin de l'exercice, laquelle était arrêtée à CHF 11'312'222.- (valeur de l'immeuble en début d'exercice de CHF 14'260'540.- sous déduction de mutations de CHF 2'712'497.- et de l'amortissement).

Dans l'annexe G « Capital propre dissimulé, intérêts non admis et intérêts insuffisants », elle a indiqué une valeur déterminante de l'immeuble pour l'impôt sur le bénéfice de CHF 20'000'000.- en début d'exercice.

8) Par bordereaux et avis de taxation ICC et IFD 2011 du 14 novembre 2013, l'AFC-GE a taxé A______ SA.

Elle a notamment procédé à un redressement de CHF 181'893.- au titre d'« amortissement non autorisé par l'usage commercial [...] » sur l'immeuble (correspondant à la valeur déclarée de l'amortissement de CHF 291'030.- sous déduction de la valeur effective à prendre en compte de CHF 109'137.-).
L'AFC-GE relevait que A______ SA avait pratiqué un taux d'amortissement de 2 % sur la valeur d'acquisition de l'immeuble de CHF 14'551'570.-, alors même que selon la notice A 1995 de l'administration fédérale des contributions
(ci-après : AFC-CH) dénommée « amortissements sur les valeurs immobilisées des entreprises commerciales » (ci-après : la notice A 1995), il fallait prendre en compte « un taux d'amortissement de 0,75% sur la valeur d'acquisition (taux sur la valeur d'acquisition des maisons d'habitation de sociétés immobilières et maison d'habitation pour le personnel - sur le bâtiment et le terrain ensemble) ».

L'AFC-GE a également repris les montants de CHF 1'144'761.- au titre du capital propre dissimulé (soit les dettes totales de CHF 14'482'308.- sous déduction de l'endettement admis de CHF 13'337'547.-) et de CHF 78'757.- au titre d'intérêts non admis sur le capital propre dissimulé.

La valeur déterminante de l'immeuble au 31 décembre 2011 pour l'impôt sur le bénéfice était arrêtée à CHF 14'442'433.-.

9) Le 17 décembre 2013, A______ SA a formé une réclamation à l'encontre des bordereaux de taxation précités, concluant à leur annulation et à l'émission de nouveaux bordereaux prenant en compte un amortissement de 2%, la provision contractuelle pour garantie et la valeur vénale déclarée de l'immeuble.

Elle avait acquis, et non pas construit, l'immeuble, de sorte qu'il n'était pas neuf lors de l'achat. Elle avait dû effectuer des travaux de rénovation importants ces dernières années. Ainsi, appliquer un taux d'amortissement de 0,75 % revenait à amortir l'immeuble sur une durée de cent cinquante ans. Or, l'amortissement était usuellement pratiqué sur une durée de cinquante ans. Elle estimait d'ailleurs la durée probable d'utilisation de l'immeuble à environ cinquante ans. Selon le « principe de déterminance », ses choix comptables devaient être respectés par l'AFC-GE, étant précisé que la notice A 1995 était une recommandation et non une directive contraignante. En outre, la durée de vie des immeubles était fixée à cinquante ans par le règlement sur les taux et catégories d'amortissements du
24 février 1999 (D 1 05.03). L'association genevoise des locataires (ci-après : ASLOCA) avait également émis un projet de tableau d'amortissements, détaillant tous les éléments constituant un bien immobilier, dont les durées de vie variaient entre dix et cinquante ans.

L'AFC-GE avait corrigé les valeurs vénales immobilières déclarées dans l'annexe G de la déclaration fiscale, sans motiver les raisons, ce qui avait généré un capital propre dissimulé de CHF 1'144'761.- et une reprise d'intérêts sur le capital propre dissimulé de CHF 78'757.-. Or, les valeurs vénales déclarées dans l'annexe G de la déclaration fiscale 2011 avaient été calculées sur la base du prix de vente d'un appartement en 2011, ramené à la valeur des autres appartements qui demeuraient propriété de A______ SA. La valeur retenue représentait ainsi la valeur vénale de l'immeuble, puisqu'elle faisait référence à un prix pratiqué dans le même quartier et dans le même immeuble.

10) Par bordereaux et avis de taxation ICC et IFD 2012 du 15 janvier 2014, l'AFC-GE a taxé A______ SA.

À teneur des avis de taxation, elle a procédé à un redressement de
CHF 147'403.- au titre d' « amortissement non autorisé par l'usage commercial [...] » sur l'immeuble (soit la valeur déclarée de l'amortissement de
CHF 235'821.- sous déduction de la valeur effective à prendre en compte de
CHF 11'789'021.- x 0,75 %). Elle a précisé que conformément à la notice A 1995, il convenait de prendre en considération un taux d'amortissement de 0.75 % sur la valeur d'acquisition.

11) Le 17 février 2014, A______ SA a formé une réclamation à l'encontre des bordereaux et avis de taxation ICC et IFD 2012, reprenant les arguments de sa réclamation du 18 décembre 2013 élevée à l'encontre de la taxation 2011.

La « valeur comptable » de l'immeuble s'élevait à CHF 11'789'021.- au
31 décembre 2012 et un amortissement de 2 % devait être admis, soit
CHF 235'821.- pour 2012.

12) Par demandes de renseignements des 25 août et 29 septembre 2014,
l'AFC-GE a notamment demandé à A______ SA de lui remettre par écrit la justification de sa méthode pour déterminer la valeur vénale revendiquée des immeubles de CHF 20'000'000.-.

13) Le 14 octobre 2014, A______ SA a indiqué que la valeur vénale des biens immobiliers avait été estimée sur la base du prix de vente d'un lot PPE, représentant 94/1000 de l'immeuble et cédé en 2011 pour CHF 4'300'000.-. Sur cette base, la valorisation de l'immeuble devait être de CHF 46'000'000.-. Cette valorisation était toutefois excessive puisque l'immeuble était estimé sur la base de la vente d'un lot PPE plus onéreux en raison de ses caractéristiques que le reste des lots. La valeur retenue avait alors été arrêtée à CHF 20'000'000.-, en considérant le prix d'acquisition de CHF 15'500'000.-.

14) Par décisions sur réclamation du 1er mars 2018, l'AFC-GE a maintenu les taxations 2011 de A______ SA.

Les terrains, en raison de leur durée de vie illimitée et du fait qu'ils n'étaient pas sujets à usure, n'entraient normalement pas en considération pour des amortissements. Les amortissements étaient ainsi limités aux seules constructions, à l'exclusion des terrains sur lesquels les bâtiments étaient construits. La notice A 1995 prévoyait un taux d'amortissement de 1 % sur de la valeur d'acquisition sur le bâtiment uniquement, équivalent à un amortissement sur cent ans. S'agissant du bâtiment et du terrain ensemble, ce taux était réduit à 0.75 %. Il était considéré que le terrain ne représentait que 0. 25 % de la valeur globale, raison pour laquelle le taux d'amortissement était réduit d'autant. La valeur du terrain, qui n'était pas amortissable, était vraisemblablement supérieure ou égale à celle du bâtiment, lequel avait subi l'usage du temps. Le taux de 0,75 % sur la valeur d'acquisition du bâtiment et du terrain n'était ainsi manifestement pas défavorable. Amortir à un taux de 2 % revenait à amortir le terrain, ce qui n'était pas admissible tant du point de vue économique que fiscal. Non autorisé par l'usage commercial, l'amortissement avait fait l'objet d'un redressement en bénéfice.

S'agissant du capital propre dissimulé et de la reprise d'intérêts relatifs à l'année 2011, un rapport d'estimation avait été effectué par le service des estimations immobilières et des inventaires successoraux de l'AFC-GE afin de contrôler la valeur vénale de l'immeuble pour les années 2011, 2012 et 2013. En tant qu'immeuble de rendement, puisqu'en main d'un même propriétaire ayant plus de deux lots, son évaluation avait été calculée en capitalisant l'état locatif annuel aux taux fixés chaque année par le Conseil d'État. Une valeur vénale de CHF 13'745'000.- avait ainsi été déterminée pour 2011, laquelle était inférieure à la valeur vénale revendiquée de CHF 20'000'000.- qui se basait uniquement sur un prix de vente pratiqué dans l'immeuble. Toutefois, la valeur vénale de
CHF 13'745'000.- était également inférieure à la valeur comptable de ce bien. Par conséquent, la valeur déterminante retenue pour l'impôt sur le bénéfice correspondait à la valeur la plus haute entre la valeur comptable, additionnée de la réserve latente imposée soit CHF 14'442'433.-, et la valeur vénale estimée de CHF 13'745'000.-. Ainsi, les reprises de CHF 1'144'761.- pour le capital propre dissimulé et de CHF 78'757.- pour intérêts sur le capital propre dissimulé étaient maintenues.

15) Par décisions sur réclamation du 1er mars 2018 également relatives à l'ICC et l'IFD 2012, l'AFC-GE a admis la réclamation de la contribuable sur un point qui ne fait plus l'objet du litige et a maintenu la taxation s'agissant de l'amortissement au taux de 0,75 %, reprenant les arguments des décisions sur réclamation concernant l'année 2011.

Selon le relevé de compte joint pour l'IFD, des intérêts moratoires de
CHF 22'138,05 étaient inclus dans le solde en faveur de l'AFC-GE.

16) Par actes distincts du 9 avril 2018, A______ SA a interjeté recours contre les décisions sur réclamation ICC et IFD 2011 et 2012 par-devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), en concluant à leur annulation, à l'émission de nouveaux bordereaux de taxation et à l'annulation des intérêts moratoires calculés sur les éléments repris.

Elle a repris les arguments soulevés dans ses réclamations.

Tant en 2011 qu'en 2012, l'amortissement comptabilisé de 2 % était approprié par rapport à la durée de vie économique de l'immeuble. Le taux de 0,75 % devait en tout état être appliqué au coût d'acquisition. Selon la notice A 1995, le taux à appliquer en pourcent de la valeur comptable était de 1,5 %, ce qui était très proche du taux appliqué par A______ SA, de sorte qu'il ne pouvait être contesté. Plus précisément concernant 2011 et selon un principe comptable général, lorsque la valeur vénale d'un actif était inférieure à la valeur comptable, cette dernière devait être adaptée par le biais d'amortissement et de corrections de valeurs afin de représenter au plus la valeur vénale. Or, même après comptabilisation de l'amortissement contesté par l'AFC-GE, la valeur comptable de l'immeuble était supérieure à sa valeur vénale, de sorte que l'amortissement opéré par A______ SA ne pouvait pas être contesté.

Concernant le capital dissimulé et les intérêts non admis pour 2011, une valeur comptable de l'immeuble de CHF 14'442'433.- avait été retenue par
l'AFC-GE, ce qui avait généré un capital dissimulé de CHF 1'144'761.- et une reprise d'intérêt sur le capital propre dissimulé de CHF 78'757.-. En tout état, le prix des lots cédés en 2012 (CHF 5'970'000.-) démontrait que l'immeuble valait plus que l'estimation de l'AFC-GE en 2011. Si l'on prenait comme valeur vénale 2011 le montant de CHF 18'705'000.- (correspondant à CHF 5'970'000.- de la vente des lots en 2012 + CHF 12'735'000.- correspondant à la valeur vénale fin 2012), ce qui correspondait à la valeur de l'immeuble sur le marché, conformément à ce que prévoyait la circulaire n° 6 de l'AFC-CH du 6 juin 1997 sur le capital propre dissimulé (ci-après : la circulaire n° 6), il n'y avait pas de capital propre dissimulé à fin 2011 et les reprises devaient être annulées.

Finalement, les intérêts moratoires 2011 et 2012 calculés sur les reprises d'impôt effectuées par l'AFC-GE devaient être annulés. Le délai de traitement des dossiers était trop long. L'AFC-GE avait rendu les décisions sur réclamation plus de quatre ans après ses réclamations et n'avait pas donné d'explications suffisantes au sujet des reprises.

Étaient notamment annexés des rapports d'estimation de l'immeuble établis par l'AFC-GE le 7 décembre 2015 et retenant les valeurs vénales de CHF 13'745'000.- en 2011 et CHF 12'735'000.- en 2012.

17) Par réponses des 12 juillet et 14 septembre 2018, l'AFC-GE a conclu au rejet des recours.

Elle a repris l'argumentation développée dans ses décisions sur réclamation s'agissant de l'amortissement de l'immeuble pour les taxations 2011 et 2012 et concernant le capital propre dissimulé et la reprise d'intérêts en 2011.

Les intérêts compensatoires négatifs pouvaient être prélevés par l'AFC-GE. Il appartenait au contribuable d'estimer le montant de ses impôts afin de payer un éventuel solde si celui-ci s'avérait supérieur aux acomptes provisionnels et pour éviter des intérêts financiers. En tout état, le Tribunal fédéral avait confirmé que le contribuable ne pouvait être dispensé de payer des intérêts qu'il aurait pu éviter en payant l'impôt litigieux, puisqu'il aurait été remboursé dans le cas où sa contestation avait été couronnée de succès.

18) Par jugement du 17 décembre 2018, le TAPI a rejeté le recours.

L'application d'un taux d'amortissement de 2 % à la valeur comptable de l'immeuble n'était pas possible dans la mesure où ce taux ne trouvait application que lorsque seule la valeur du bâtiment était prise en compte, ce qui n'était pas le cas en l'espèce puisque les bilans 2011 et 2012 de la contribuable ne faisaient aucune distinction entre le bâtiment et le terrain. Dès lors que la valeur de l'immeuble comprenait le terrain et le bâtiment, c'était le taux d'amortissement de 1,5 % qui devait être appliqué, conformément à la notice A 1995. Ce taux devait être réduit de moitié (soit 0,75 %) lorsqu'il était pratiqué de manière linéaire sur la valeur d'acquisition. Il ressortait du dossier que l'immeuble, acquis en 2010, n'avait pas été amorti cette année-là. La contribuable avait effectué un amortissement erroné de 2 % sur la valeur d'acquisition de CHF 14'551'570.- en 2011 et sur la valeur de CHF 11'791'050.- en 2012. Ainsi, les reprises de l'AFC-GE en 2011 et 2012 ne portaient pas le flanc à la critique, étant rappelé que la contribuable avait elle-même indiqué avoir effectuer un amortissement linéaire sur la valeur d'acquisition du bien immobilier.

Par ailleurs, l'estimation de la valeur vénale de l'immeuble retenue par l'AFC-GE pour la taxation 2011, basée sur la méthode subsidiaire de calcul préconisée par le législateur, ne portait pas le flanc à la critique. Elle était d'ailleurs supérieure à la valeur vénale calculée sur la base de la capitalisation du rendement locatif. Elle correspondait à la réalité du marché et n'était pas arbitraire, contrairement à la valeur estimée par la contribuable qui apparaissait démesurée par rapport au prix d'achat de l'immeuble une année plus tôt. L'estimation proposée par la contribuable, qui n'était d'ailleurs pas basée sur la vente de l'appartement en 2011, aboutissait à une valorisation à CHF 46'000'000.-, ce qui était excessif. L'AFC-GE avait ainsi admis, à bon droit, l'existence de capital propre dissimulé, de même que des intérêts sur ce capital propre dissimulé. La contribuable n'avait pas remis en cause les calculs y relatifs, lesquels apparaissaient au demeurant corrects.

Enfin, l'AFC-GE avait mis plus de trois ans à rendre des décisions sur réclamation, ce qui représentait une durée excessive, même au vu de la complexité du dossier. Cependant, si la contribuable jugeait que l'AFC-GE tardait à rendre ladite décision, il lui appartenait d'interpeller cette autorité pour s'inquiéter de l'avancement de la procédure, de sorte qu'elle ne pouvait soulever ce grief une fois la décision rendue. Elle pouvait s'en dispenser en payant le montant total de l'impôt dû conformément aux bordereaux notifiés, et se faisant rembourser le solde, en cas d'admission de ses réclamations ou de ses recours.

19) Par acte du 18 janvier 2019, A______ SA a interjeté recours contre le jugement précité par-devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) en concluant à son annulation ainsi qu'à celle des décisions sur réclamation de l'AFC-GE du 1er mars 2018 concernant l'ICC et l'IFD 2011 et 2012, et au renvoi de l'affaire à l'AFC-GE afin qu'elle émette de nouveaux bordereaux de taxation ICC et IFD 2011 et 2012 sur la base des éléments déclarés, « en tenant compte des reprises sur les provisions pour garantie ».

Elle a repris intégralement l'argumentation développée devant le TAPI. Le taux d'amortissement qu'elle avait comptabilisé était approprié par rapport à la durée de vie économique de l'immeuble. Il était nettement plus élevé que les taux proposés par l'ASLOCA ou le règlement genevois sur les taux d'amortissement car il portait sur la durée de vie résiduelle de l'immeuble, estimée à cinquante ans, et non pas sur sa durée de vie totale. Elle n'avait pas procédé à un amortissement en 2010 car elle avait acquis l'immeuble à la fin de l'année. La première année d'amortissement, la valeur comptable d'un immeuble correspondait à sa valeur d'acquisition. L'AFC-GE ne pouvait dès lors, sur la base des comptes 2011, conclure que l'amortissement avait été effectué sur la valeur d'acquisition. C'était donc à tort que le taux de 0,75 % avait été retenu. Le taux de 1, 5 % s'appliquait selon la notice A 1995 à la valeur comptable. S'agissant de l'année 2012, l'AFC-GE avait omis de tenir compte de la mutation intervenue en 2012 et de son incidence sur les amortissements comptabilisés l'année précédente sur le lot vendu. Nonobstant ces erreurs comptables, le taux de 0,75 % retenu était dénué de tout sens économique. Le taux d'amortissement de 1 % de la valeur d'acquisition était fondé sur une durée d'utilisation de cent ans. Ce taux était donc approprié pour les nouvelles constructions mais pas en cas d'acquisition de nombreuses années après la construction. L'application d'un taux de 2 % répondait aux critères économiques et comptables généralement admis en Suisse et permettait de tenir compte des besoins futurs de rénovation de l'immeuble en raison de son « âge avancé ».

20) Dans sa réponse du 8 mars 2019, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours, « avec suite d'émoluments », ainsi qu'à la confirmation du jugement querellé, reprenant l'argumentation développée précédemment.

21) Le 8 mai 2019, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

22) Le 26 novembre 2019, la recourante a produit, sur demande de la juge déléguée, le contrat d'achat de l'immeuble du 1er novembre 2010. À teneur de celui-ci, la recourante a acquis l'immeuble pour un prix de CHF 15'500'000.-.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 145 de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige concerne les périodes fiscales 2011 et 2012 tant en matière d'ICC qu'en matière d'IFD. Il convient préalablement d'examiner le droit matériel applicable.

a. De jurisprudence constante, les questions de droit matériel sont résolues en fonction du droit en vigueur lors des périodes fiscales litigieuses (ATA/1100/2019 du 25 juin 2019 consid. 3b et les références citées).

b. Le présent litige concernant les périodes fiscales 2011 et 2012, la cause est ainsi régie par le droit en vigueur durant ces périodes, à savoir respectivement les dispositions de la LIFD, de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14) et celles de la loi sur l'imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 (LIPM -
D 3 15).

Par ailleurs, la question étant traitée de la même manière en droit fédéral et en droit cantonal harmonisé, le présent arrêt traite simultanément des deux impôts, comme l'admet la jurisprudence (ATA/379/2018 du 24 avril 2018 et les références citées).

3) Dans un premier grief relatif à ses taxations 2011 et 2012, la recourante expose que l'amortissement sur l'immeuble devrait être de 2 % par année, en lieu et place du taux de 0, 75 % admis par l'AFC-GE.

4) a. Tant en matière d'IFD que d'ICC, l'impôt sur le bénéfice a pour objet le bénéfice net, tel qu'il découle du compte de pertes et profits établi selon les règles du droit commercial (art. 57 LIFD ; art. 24 LHID ; art. 11 et 12 let. a LIPM ; Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 4ème éd., 2012, p. 224).

Le bénéfice imposable net comprend le solde du compte de résultat, compte tenu du solde reporté de l'exercice précédent ainsi que tous les prélèvements opérés sur le résultat commercial avant le calcul du solde du compte de résultat qui ne servent pas à couvrir des dépenses justifiées par l'usage commercial (art. 58 al. 1 let. a et b LIFD ; art. 24 al. 1 let. a LHID ; art. 12 let. a et e LIPM).

b. En définissant le bénéfice imposable par renvoi au solde du compte de résultat, l'art. 58 al. 1 let. a LIFD énonce le principe de l'autorité du bilan commercial ou de déterminance (« Massgeblichkeitsprinzip »), selon lequel le bilan commercial est déterminant en droit fiscal. Les comptes établis conformément aux règles du droit commercial lient les autorités fiscales, à moins que le droit fiscal ne prévoie des règles correctrices spécifiques. L'autorité peut en revanche s'écarter du bilan remis par le contribuable lorsque des dispositions impératives du droit commercial sont violées ou des normes fiscales correctrices l'exigent (ATF 137 II 353 consid. 6.2 ; 136 II 88 consid. 3.1 ; 119 Ib 111
consid. 2c).

Le droit fiscal et le droit comptable suisses poursuivent en effet des objectifs différents. Le premier recherche une présentation qui fasse ressortir au mieux le résultat effectif et la réelle capacité contributive de l'entreprise, tandis que le second est avant tout orienté sur la protection des créanciers et fortement marqué par le principe de prudence. Dans ce contexte, les règles correctrices fiscales figurant à l'art. 58 al. 1 let. b et c LIFD visent à compenser le fait que le résultat comptable puisse s'éloigner de la réalité économique ; elles assurent une imposition du bénéfice qui tienne compte au mieux de la réelle situation patrimoniale d'une société. Par leur intermédiaire, le droit fiscal cherche à se rapprocher d'un système fondé sur le principe de l'image fidèle (« true and fair »), comme celui prévalant dans les normes de comptabilité internationales
(Pierre-Marie GLAUSER, Apports et impôt sur le bénéfice (ci-après : Apports), 2005, p. 96-97).

Le principe de déterminance déploie aussi un effet contraignant pour le contribuable. En effet, celui-ci est lié par son mode de comptabilisation et seules les écritures ressortant des comptes sont décisives (Robert DANON, in Danielle YERSIN/Yves NOËL (éd.), Commentaire Romand, Impôt fédéral direct, 2017, ad art. 57-58, n. 74). Les écritures comptables effectivement passées doivent être reprises par le droit fiscal et le contribuable ne peut se prévaloir que des écritures qu'il a effectivement enregistrées dans ses comptes, lesquels lui sont d'ailleurs opposables (principe de comptabilisation). Ce dernier principe implique donc que le contribuable est lié par les comptes qu'il a joints à sa déclaration (Pierre-Marie GLAUSER, Apports, 2005, p. 89 ; Pierre-Marie GLAUSER, Goodwill et acquisitions d'entreprises. Une analyse sous l'angle du droit fiscal et comptable, p. 430). Si elle a passé des écritures en faisant usage de sa liberté d'appréciation, lui permettre de les remettre en question reviendrait à tolérer un comportement contradictoire, ce d'autant plus si la modification du bilan est motivée par un souci d'économie fiscale. Celui qui, par exemple pour des raisons fiscales, ne fait pas valoir des charges justifiées, ne peut ultérieurement demander à modifier les comptes (Pierre-Marie GLAUSER, Apports, 2005, p. 91).

5) a. Les amortissements des actifs justifiés par l'usage commercial sont autorisés, à condition que ceux-ci soient comptabilisés ou, à défaut d'une comptabilité tenue selon l'usage commercial, qu'ils apparaissent dans un plan spécial d'amortissements (art. 62 al. 1 LIFD ; art. 10 let. a et 24 al. 4 LHID ;
art. 13 let. c LIPM).

En général, les amortissements sont calculés sur la base de la valeur effective des différents éléments de fortune ou doivent être répartis en fonction de la durée probable d'utilisation de chacun de ces éléments (art. 62 al. 2 LIFD).

b. L'amortissement permet de tenir compte de l'usure progressive ou de la baisse de valeur d'un actif. Il peut s'agir d'immobilisations corporelles (bâtiments, machines, outils et autres installations, etc.) ainsi que d'immobilisations incorporelles (brevets, marques, concessions) parmi lesquelles figure également le goodwill (Robert DANON, in Danielle YERSIN/Yves NOËL, op. cit., ad art. 62 n° 19.

L'amortissement ordinaire devrait correspondre à la dépréciation réelle du bien, qui peut varier d'un exercice à l'autre. Toutefois, la méthode consistant à répartir l'amortissement en fonction de la durée probable de vie de l'actif peut être utilisée pour des raisons de simplification (art. 28 al. 2 LIFD). L'amortissement mathématique peut se présenter sous deux formes : l'amortissement linéaire se calcule sur la valeur d'acquisition ou sur le prix de revient, de sorte que le montant de l'amortissement est constant d'année en année ; l'amortissement dégressif est basé sur la valeur comptable résiduelle. Le montant de l'amortissement sera ainsi plus élevé au cours des premières années d'utilisation (ATF 132 I 175 consid. 2.2 ; Xavier OBERSON, op. cit., p. 174).

Une fois choisie, la méthode d'amortissement doit être strictement conservée pour toute la durée d'utilisation (arrêt du Tribunal fédéral 2A.549/2005 du 16 juin 2006 in StE 2007 B 72.11 n° 14).

Pour les immeubles, comme pour tous les autres actifs, l'amortissement se justifie uniquement si le bien se déprécie avec son usage ou l'écoulement du temps (Jürg B. ALTORFER, Abschreibungen auf Aktiven des Anlagevermögens aus steuerlicher Sicht, n. 4.3.2 p. 78). Un bien qui ne subit aucune dépréciation ne doit pas être amorti, quelle que soit la méthode d'amortissement ; à cet égard, l'usage commercial ne saurait créer ou justifier un droit à l'amortissement en l'absence de moins-value. Tel peut être le cas lorsqu'un immeuble est correctement entretenu. En outre, s'agissant d'immeubles, il n'est pas rare que l'augmentation de la valeur du terrain compense le vieillissement du bâtiment (ATF 132 I 175 consid. 2.3).

En principe, les taux d'amortissement admis sur le plan fiscal sont fixés par les autorités fiscales ; tel est le cas pour l'impôt fédéral direct : l'AFC-CH a publié la notice A 1995 qui indique, notamment, les taux d'amortissement normaux en pour cent de la valeur comptable en fonction des divers types d'immeubles selon qu'ils portent sur le bâtiment uniquement ou sur le bâtiment et le terrain ensemble (arrêts du Tribunal fédéral 2C_810/2017 du 16 août 2018 consid. 7.2.1 ; 2P.211/2005 du 19 juin 2006 consid. 2.2.1 ; Xavier OBERSON, op. cit., p. 174).

c. Selon la notice A 1995, les taux normaux en pour cent de la valeur comptable s'agissant des maisons d'habitation de sociétés immobilières et des maisons d'habitation pour le personnel sont les suivants :

- sur le bâtiment uniquement 2 % ;

- sur le bâtiment et le terrain ensemble 1,5 %.

Ces taux doivent être réduits de moitié lorsque les amortissements sont pratiqués sur la valeur d'acquisition. Le taux le plus élevé pour le bâtiment uniquement ne peut être appliqué que si la valeur comptable résiduelle ou le coût de construction des bâtiments figure séparément à l'actif du bilan. En règle générale, l'amortissement d'un bien-fonds n'est pas admis.

6) Si les directives, circulaires ou instructions émises par l'administration ne peuvent contenir de règles de droit, elles peuvent cependant apporter des précisions quant à certaines notions contenues dans la loi ou quant à la mise en pratique de celle-ci. Sans être lié par elles, le juge peut néanmoins les prendre en considération en vue d'assurer une application uniforme de la loi envers chaque administré. Il ne doit cependant en tenir compte que si elles respectent le sens et le but de la norme applicable (ATF 129 V 205 consid. 3.2 ; 127 V 61 consid. 3a ; 126 V 68 consid. 4b ; 427 consid. 5a ; 121 II 478 consid. 2b et les références). Émise par l'autorité chargée de l'application concrète d'une loi, l'ordonnance administrative est un mode de gestion : elle rend explicite une ligne de conduite, permet d'unifier et de rationaliser la pratique, assure ce faisant aussi l'égalité de traitement et la prévisibilité administrative et facilite le contrôle juridictionnel, puisqu'elle dote le juge de l'instrument nécessaire pour vérifier que l'administration agit selon des critères rationnels, cohérents et continus, et non pas selon une politique du cas par cas (Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/ Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I, 3ème éd., 2012, p. 426-427).

7) S'agissant des déductions autorisées par la loi, leur caractère d'exception à l'impôt doit entraîner une interprétation restrictive de leur nature et de leur étendue (ATA/858/2018 du 21 août 2018 consid. 13b ; ATA/958/2014 du
2 décembre 2014 et les références citées).

8) a. La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d'office (art. 19 LPA). Ce principe n'est pas absolu, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1034/2009 du 28 juillet 2010 consid. 4.2 ; 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 3.3.2 ; ATA/1197/2018 du 6 novembre 2018 consid. 3a).

En matière fiscale, il appartient à l'autorité de démontrer l'existence d'éléments créant ou augmentant la charge fiscale, tandis que le contribuable doit supporter le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation d'impôts. S'agissant de ces derniers, il appartient au contribuable non seulement de les alléguer, mais encore d'en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l'échec de cette preuve, ces règles s'appliquant également à la procédure devant les autorités de recours (ATF 133 II 153 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_89/2014 du 26 novembre 2014 consid. 7.2 ; ATA/1197/2018 précité consid. 3a).

b. En droit fiscal, le principe de la libre appréciation de la preuve s'applique. L'autorité forme librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées, en choisissant entre les preuves contradictoires ou les indices contraires qu'elle a recueillis. Cette liberté d'appréciation, qui doit s'exercer dans le cadre de la loi, n'est limitée que par l'interdiction de l'arbitraire (Xavier OBERSON, op. cit., p. 513 n. 11). Il n'est pas indispensable que la conviction de l'autorité de taxation confine à une certitude absolue qui exclurait toute autre possibilité ; il suffit qu'elle découle de l'expérience de la vie et du bon sens et qu'elle soit basée sur des motifs objectifs (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1201/2012 du 16 mai 2013 consid. 4.5 ; ATA/558/2014 du 17 juillet 2014 ; Xavier OBERSON, op. cit., p. 514 n. 12).

9) En l'occurrence, il n'est pas contesté que la recourante détient un immeuble locatif et que les rubriques « actifs immobilisés » de ses bilans pour les années 2011 et 2012 ne font aucune distinction entre la valeur du terrain et du bâtiment.

Conformément à la notice A 1995, un taux d'amortissement de 1, 5 % et non de 2 % doit effectivement être appliqué lorsque la valeur du terrain et de la construction ne figure pas séparément à l'actif du bilan, ce qui est le cas en l'espèce. Par ailleurs, dès lors que la recourante a clairement indiqué, notamment dans son courrier du 15 octobre 2013, avoir procédé à un amortissement linéaire de son immeuble lequel se calcule sur la valeur d'acquisition , c'est également à juste titre que l'autorité fiscale a réduit le taux appliqué de moitié, c'est-à-dire à 0,75 %.

S'agissant de l'argumentation de la recourante selon laquelle l'application d'un taux de 0,75 % par l'AFC-GE serait dénuée de sens économique dès lors que l'immeuble serait ancien et non une construction nouvelle, elle n'est pas de nature à remettre en cause ce qui précède. La recourante ne prouve ni n'apporte d'élément permettant de considérer que l'immeuble qu'elle détient nécessiterait un amortissement subséquent, celle-ci se contentant d'affirmer qu'il serait « usagé ». Or, comme mentionné par la jurisprudence précitée, il n'est au contraire pas rare que l'augmentation de la valeur du terrain compense le vieillissement du bâtiment. Il sera encore relevé qu'un amortissement vise à tenir compte de la perte de valeur d'un actif qui se déprécie dans le temps. Toutefois, en l'espèce, à teneur des montants annoncés par la recourante comme étant le prix de vente de quelques appartements en 2011 et 2012 (CHF 4'300'000.-, respectivement
CHF 5'970'000.-), il est douteux que celle-ci puisse se prévaloir de bonne foi du fait que son immeuble litigieux aurait réellement perdu de la valeur depuis son acquisition. Ce nonobstant, dès lors que l'autorité a admis le principe de l'amortissement, il ne sera pas revenu sur celui-ci.

La recourante semble également critiquer les montants retenus par l'AFC-GE au titre de prix d'acquisition pour le calcul de l'amortissement admissible.

S'agissant de l'année 2011, la recourante semble reprocher à l'autorité fiscale d'avoir considéré que l'amortissement avait été calculé sur la valeur d'acquisition, en se basant toutefois sur les comptes de l'année 2011, alors que l'immeuble avait été acquis en 2010. Concernant l'année 2012, elle soulève la même problématique, ajoutant que l'autorité aurait également omis de tenir compte de la vente d'appartements survenue en 2012 et de son incidence sur les amortissements comptabilisés l'année précédente sur le lot vendu.

Comme le relève à juste titre la recourante, la première année d'amortissement, la valeur comptable de l'immeuble correspond en principe sa valeur d'acquisition. En l'occurrence, la recourante a acquis l'immeuble litigieux en novembre 2010 pour un prix de CHF 15'500'000.- mais a toutefois comptabilisé ledit immeuble à hauteur de CHF 16'061'336.- dans les actifs de son bilan au 31 décembre 2010. Compte tenu de l'accord des parties sur ce dernier montant, celui-ci sera qualifié de valeur d'acquisition initiale. Comme susmentionné, la recourante a indiqué avoir pratiqué un amortissement linéaire sur son immeuble. Ce faisant, l'amortissement doit être calculé en pour cent de la valeur d'acquisition initiale et se répartit uniformément sur l'ensemble de la durée d'utilisation. Le montant de l'amortissement reste, en principe, constant.

Or, dans le cas d'espèce, compte tenu des ventes d'appartements survenues en 2011, respectivement 2012, il ne peut être reproché à l'autorité intimée de ne pas avoir pris comme base de calcul la valeur d'acquisition initiale de l'immeuble pour fixer les amortissements linéaires admissibles durant les années 2011 et 2012, dès lors que cette valeur ne correspondait plus à la substance de l'immeuble détenue par la recourante. L'autorité n'avait ainsi d'autre choix que d'appliquer un correctif sur la valeur d'acquisition, permettant de tenir compte desdites ventes. Afin de déterminer le prix d'acquisition durant l'année 2011, l'autorité intimée a ainsi soustrait au montant de CHF 16'061'336.- la mutation de CHF 1'509'766.-, pour aboutir à un prix d'acquisition de CHF 14'551'570.-. Ce montant qui permet ainsi de tenir compte de la vente d'une partie des lots de l'immeuble durant l'année 2011 est également admis par la recourante qui l'a qualifié à plusieurs reprises, tant dans ses échanges avec l'AFC-GE que dans ses écritures, de coût d'acquisition pour 2011.

S'agissant en revanche de l'année 2012, l'AFC-GE a considéré que le coût d'acquisition s'élevait à CHF 11'789'021.-, soit le montant figurant dans le bilan au 31 décembre 2012 de la recourante. Cette valeur ne peut être qualifiée de prix d'acquisition servant de base pour l'amortissement linéaire de l'année 2012, mais représente en réalité la valeur comptable (valeur résiduelle) de l'immeuble, laquelle inclut l'amortissement de l'année précédente. Il convient plutôt d'appliquer le même correctif que pour l'année 2011, soit soustraire au prix d'acquisition 2011 (CHF 14'551'570.-) les mutations intervenues en 2012
(CHF 2'712'497.-), ce qui permet d'aboutir à un prix d'acquisition de
CHF 11'839'073.-.

Compte tenu de ce qui précède, c'est à bon droit que l'autorité intimée, suivie par le TAPI, a considéré que l'amortissement admissible devait être réduit, tant pour l'année 2011 que 2012, à 0,75 % de la valeur d'acquisition de l'immeuble, soit CHF 14'551'570.- en 2011. La valeur d'acquisition pour l'année 2012 sera quant à elle ramenée à CHF 11'839'073.-, sur laquelle un amortissement de 0. 75 % sera admis.

10) Dans un second grief, portant uniquement sur sa taxation 2011, la recourante conteste l'existence d'un capital propre dissimulé et sollicite l'annulation des reprises qui en découlent ainsi que de celles liées aux intérêts non admis. Dans ce cadre, elle considère que la méthode utilisée par l'intimée pour estimer la valeur de l'immeuble en 2011 est erronée, dès lors qu'elle ne serait pas représentative de sa valeur vénale.

11) a. L'impôt sur le capital a pour objet la fortune nette, déterminée conformément aux dispositions applicables aux personnes physiques (art. 29 al. 2 let. c LHID ; art. 32 al. 1 LIPM).

b. Selon l'art. 14 al. 1 LHID, la fortune est estimée à la valeur vénale. Toutefois, la valeur de rendement peut être prise en considération de façon appropriée.

c. Dans le canton de Genève, la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08) précise que l'état de la fortune mobilière et immobilière est établi au 31 décembre de l'année pour laquelle l'impôt est dû
(art. 49 al. 1 LIPP). La fortune est estimée, en général, à la valeur vénale (art. 49 al. 2 LIPP).

L'art. 50 al. 1 LIPP établit les principes d'évaluation des immeubles situés dans le canton. La valeur des immeubles locatifs est calculée en capitalisant l'état locatif annuel soit la somme des loyers obtenus des locaux loués et des loyers qui pourraient être obtenus de ceux susceptibles d'être loués, y compris ceux occupés par le propriétaire et sa famille aux taux fixés chaque année par le Conseil d'État, sur proposition d'une commission d'experts, composée paritairement de représentants de l'administration fiscale et de personnes spécialement qualifiées en matière de propriétés immobilières et désignées par le département (art. 50 al. 1 let a LIPP).

12) a. Selon la jurisprudence, l'évaluation des immeubles locatifs sis dans le canton de Genève sur la base du critère de capitalisation de l'état locatif annuel au taux fixé par une commission d'experts est conforme aux exigences posées par l'art. 14 LHID. Le principe de la capitalisation de l'état locatif renvoie à la valeur de rendement, tandis que la prise en considération, pour déterminer le taux de capitalisation applicable, des transactions constatées sur le marché ou, pour les immeubles de logements, de l'âge de ces derniers, se réfère à des critères qui relèvent plus particulièrement de la valeur vénale. Le taux de capitalisation des immeubles locatifs est ainsi calculé, non pas de manière abstraite, mais en fonction des transactions réalisées durant une période donnée (ATF 134 II 207 consid. 3.8 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_442/2012 du 14 décembre 2012
consid. 4.4 ; 2C_316/2010 du 29 juillet 2010 consid. 3.3 ; 2C_820/2008 du 23 avril 2009 consid. 3.3 et 5.2 ; ATA/1634/2019 du 5 novembre 2019 consid. 2c).

b. Ce système ne trouve toutefois application que pour fixer la valeur fiscale d'un immeuble qui n'a pas fait l'objet d'une vente récente. En effet, en raison du principe de droits fédéral et cantonal selon lequel la fortune est estimée à la valeur vénale soit la valeur attribuée à un objet sur le marché des échanges économiques, lors d'un achat ou d'une vente dans des conditions normales , lorsque la valeur vénale d'un élément de fortune est donnée par le résultat d'une transaction ayant eu lieu sur le marché libre, elle devient la valeur fiscale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_442/2012 du 14 décembre 2012 consid. 4.4 ; 2C_316/2010 du 29 juillet 2010 consid. 3.3 ; ATA/670/2014 précité consid. 6b).

c. En revanche, à la différence d'une vente effectivement réalisée, une expertise même effectuée par un cabinet de conseils immobiliers renommé ne peut aboutir qu'à une estimation, laquelle comporte inévitablement des éléments d'appréciation. Dans ces circonstances, lorsque le prix établi par l'expertise diverge de la valeur fiscale, on ne saurait en déduire d'emblée que cette dernière est arbitraire (arrêts du Tribunal fédéral 2C_442/2012 14 décembre 2012
consid. 5.4 ; 2C_820/2008 du 23 avril 2009 consid. 6.3 ; ATA/482/2014 du
24 juin 2014 consid. 3b et 4).

13) En l'espèce, la recourante a acquis l'immeuble litigieux, lequel peut être qualifié d'immeuble locatif, en 2010. Compte tenu de cette acquisition, l'évaluation de l'immeuble pour l'année 2011 ne pouvait être fixée sur la base du critère de capitalisation de l'état locatif annuel, mais bien au regard de la valeur vénale donnée par le résultat de la transaction ayant eu lieu sur le marché libre en 2010. Il convient toutefois d'opérer un correctif sur ce montant, dès lors qu'un appartement a été vendu par la recourante durant l'année 2011. Pour ce faire, l'AFC-GE a pris en compte le prix d'acquisition de l'immeuble, tel qu'il ressortait du bilan au 31 décembre 2010 de la recourante, auquel il a soustrait la mutation intervenue en 2011 (CHF 1'509'766.-), soit un montant de CHF 14'551'570.-. Cette opération ne peut souffrir d'aucune critique, dès lors qu'elle est conforme à la loi et à la jurisprudence précitées.

La recourante a indiqué dans l'annexe G de sa déclaration fiscale 2011 que la « valeur déterminante pour l'impôt sur le bénéfice ou valeur vénale » de l'immeuble s'élevait à CHF 20'000'000.- en fin d'exercice. Elle a expliqué, dans son courrier du 14 octobre 2014 avoir effectué cette estimation en appliquant le résultat de la vente d'un appartement en 2011, représentant 94/1000 de l'immeuble et cédé pour CHF 4'300'000.-, à la valeur des autres appartements de l'immeuble. Elle a toutefois admis que cette estimation, laquelle aboutissait à une valeur totale de l'immeuble de CHF 46'000'000.-, était excessive, raison pour laquelle la valeur retenue avait été arrêtée à CHF 20'000'000.-. Elle n'apporte toutefois aucune explication suffisante permettant de valider cette estimation, artificiellement corrigée pour aboutir à un résultat selon elle admissible. Il sera par ailleurs relevé que cette estimation ne correspond pas à la valeur fiscale ou comptable de l'immeuble, telle qu'indiquée par la recourante elle-même dans son bilan au 31 décembre 2011 et dans l'annexe F de sa déclaration fiscale 2011.

La recourante a par la suite indiqué, dans le cadre de ses recours au TAPI et devant la chambre de céans, que la valeur vénale de son immeuble pour 2011 s'élevait à CHF 18'705'000.-, obtenue en tenant compte de la valeur calculée par le service des estimations immobilières de l'intimée à CHF 12'735'000.- à fin 2012, à laquelle il convenait d'ajouter le prix de vente des lots cédés en 2012, soit CHF 5'970'000.-. Or, à nouveau, la méthode utilisée par la recourante ne saurait être admise. La recourante relève qu'en se basant sur le prix de vente des trois lots cédés en 2012, la valeur réelle de l'immeuble devrait être de CHF 31'446'636.-. Or, à nouveau, ce prix apparaît manifestement excessif par rapport au prix d'achat de l'immeuble pour un montant de CHF 15'500'000.- deux ans plus tôt.

Il ne peut d'ailleurs être reproché à l'autorité intimée de ne pas avoir pris en compte le prix des ventes survenues en 2011 et 2012 pour fixer la valeur de l'immeuble. En effet, les lots vendus ne sont précisément plus ceux détenus par la recourante à la fin des exercices litigieux, de sorte que ces derniers n'ont pas fait l'objet d'une nouvelle transaction sur le marché libre, au sens de la jurisprudence précitée, depuis l'année 2010.

C'est par conséquent à juste titre que l'AFC-GE a procédé à une reprise de CHF 1'144'761.- à titre de capital propre dissimulé, fondée sur une valeur déterminante pour l'impôt sur le bénéfice de CHF 14'442'433.- (CHF 14'551'570.- sous déduction de l'amortissement admis de CHF 10'137.-) et à une reprise de CHF 78'757.- au titre d'intérêts de capital propre dissimulé, dont les montants ne sont en tant que tels pas contestés.

Partant, ce grief sera écarté.

14) Dans un dernier grief, portant tant sur sa taxation 2011 que 2012, la recourante conteste les intérêts moratoires calculés sur le montant des reprises effectuées, qu'elle considère uniquement dus au délai de traitement anormalement long de ses réclamations.

La recourante ne conteste ainsi ni le principe de la perception de ces intérêts, ni leur mode de calcul, ces éléments découlant de la loi, conformément aux
art. 164 LIFD et 20 de la loi relative à la perception et aux garanties des impôts des personnes physiques et des personnes morales du 26 juin 2008 (LPGIP - D 3 18). Elle allègue toutefois que cette situation serait due au retard pris par l'autorité intimée pour rendre ses décisions sur réclamation relatives à l'ICC et l'IFD 2011 et 2012, intervenues plus de quatre ans après ses réclamations.

Il est vrai que l'AFC-GE a manifestement tardé à rendre les décisions sur réclamation précitées. Toutefois, forte de ce constat, il appartenait à la recourante d'interpeller l'intimée pour s'inquiéter de l'avancement de ses taxations, de sorte qu'elle ne peut soulever ce grief dans le cadre de la présente procédure, une fois ses taxations établies.

Par ailleurs, comme relevé par l'autorité précédente, la recourante aurait pu s'éviter de tels intérêts moratoires en s'acquittant du montant total de l'impôt réclamé, dont une partie lui aurait été remboursée en cas d'admission de ses réclamations. Le fait que l'intérêt rémunératoire que lui aurait reversé l'intimée dans une telle hypothèse aurait été inférieur, selon ce qu'elle avance, à l'intérêt de ses dettes contractées pour le paiement de l'impôt est sans incidence sur ce qui précède.

Ce grief sera dès lors également écarté.

15) Au vu de ce qui précède, le recours sera très partiellement admis. Les bordereaux et le jugement du TAPI litigieux seront annulés, en tant qu'ils confirment que l'amortissement durant l'année 2012 doit être calculé sur un prix d'acquisition s'élevant à CHF 11'789'021.-, et confirmés pour le surplus. Le dossier sera renvoyé à l'AFC-GE pour qu'elle établisse des bordereaux et avis de taxation 2012 admettant sur l'immeuble un amortissement de 0.75 % sur le prix d'acquisition fixé à CHF 11'839'073.-.

16) Vu l'issue du litige, un émolument, légèrement réduit, de CHF 2'000.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA), aucun émolument n'étant mis à la charge de l'AFC-GE. Une indemnité de procédure réduite de CHF 300.- sera allouée à la recourante (art. 87 al. 2 LPA), à la charge de l'État de Genève.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 18 janvier 2019 par A______ SA contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 17 décembre 2018 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

met un émolument de CHF 2'000.- à la charge de A______ SA ;

alloue à A______ SA une indemnité de procédure de CHF 300.-, à la charge de l'État de Genève (administration fiscale cantonale) ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Berney & Associés SA, mandataire de A______ SA, à l'administration fiscale cantonale, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'à l'administration fédérale des contributions.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Thélin, Mme Cuendet, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :