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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3417/2019

ATA/1832/2019 du 17.12.2019 sur DITAI/469/2019 ( LCI ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3417/2019-LCI ATA/1832/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 décembre 2019

3ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
B______

représentés par Me Oana Stehle Halaucescu, avocate

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

_________


Recours contre la décision du Tribunal administratif de première instance du 8 octobre 2019 (DITAI/469/2019)



EN FAIT

1) Le 19 novembre 2018, B______ a déposé une demande d'autorisation de construire en procédure accélérée (ci-après : APA) visant à la « reconstruction et à l'aménagement d'un bâtiment existant » sis sur la parcelle no 1______ de la commune de ______, propriété de Monsieur A______. Le mandataire était C______. Monsieur D______ en était la personne de contact.

La demande a été enregistrée sous les références APA 2______.

2) Par décision du 9 juillet 2019, le département du territoire (ci-après : le DT ou le département) a refusé ladite autorisation.

La décision portait sur la construction d'un atelier, avec des murs en limite de propriété, ainsi que sur la modification de certains aménagements extérieurs, dont notamment des places de stationnement.

Les demandes de projet modifié de la direction des autorisations de construire (27 novembre 2018) et de l'office cantonal des transports (3 décembre 2018) ainsi que les demandes de complément de la police du feu (4 décembre 2018) et de l'office cantonal de l'eau (11 décembre 2018) n'avaient pas été suivies d'effets et cela, malgré le rappel qui avait été adressé au mandataire en date du 20 mars 2019.

3) Le 11 septembre 2019, B______ et M. A______ ont interjeté recours contre cette décision devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) concluant principalement à son annulation. Préalablement, l'instruction devait être suspendue jusqu'à droit connu dans une nouvelle autorisation de construire à déposer.

La cause a été enregistrée sous les références A/3417/2019.

4) Par décision du 8 octobre 2019, le TAPI a rejeté la demande de suspension de l'instruction du recours. Aucune nouvelle demande d'autorisation de construire portant sur le même objet n'avait été déposée à ce jour. De surcroît, le dépôt d'une nouvelle demande ne serait pas de nature à influer l'issue de la procédure. Cas échéant, le TAPI pourrait instruire parallèlement les causes si une autorisation de construire portant sur le même objet devait être délivrée alors que la présente cause serait encore pendante.

5) Le 23 octobre 2019, C______ a déposé une demande d'APA pour une « mise en conformité d'un couvert poubelles et boîtes aux lettres ».

Elle a été enregistrée sous les références APA 3______.

6) Par acte du 24 octobre 2019, B______ et M. A______ ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du TAPI du 8 octobre 2019. Ils ont conclu à son annulation. Cela fait, la procédure devait être suspendue jusqu'à droit jugé sur les nouvelles demandes d'autorisation (APA 2_____ et 3______). Subsidiairement, la cause devait être renvoyée au TAPI pour nouvelle décision ordonnant la suspension de la procédure jusqu'à droit jugé sur les deux nouvelles demandes précitées. Préalablement, un délai devait être octroyé aux recourants pour produire le dossier « redéposé» relatif à l'APA 2______.

Le recours était recevable. La condition du « dommage irréparable » de l'art. 57 let. c LPA était remplie. En effet, dans la mesure où les demandes d'APA déposées ou redéposées visaient à obtenir des autorisations, lesquelles devraient rétablir la situation, la procédure A/3417/2019 deviendrait sans objet. Si celle-ci allait sa voie, les frais engendrés par les recourants dans le cadre de ladite procédure ne pourraient pas être réparés. De plus, le principe de l'économie de procédure commandait que la demande de suspension soit admise afin d'éviter à l'autorité de première instance de se pencher sur une question au fond, laquelle deviendrait caduque en cas d'acceptation des demandes APA susmentionnées. En conséquence, l'intérêt économique des recourants ainsi que l'intérêt tiré du principe de l'économie de procédure constituaient un préjudice irréparable. Le recours était recevable.

Au fond, les art. 14 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) avaient été violés. Le sort de la procédure pendante devant le TAPI dépendait entièrement et exclusivement du sort des procédures réservées aux APA 2______ et 3______. L'objet de la procédure était le même. Ainsi, la continuation de l'instruction de la procédure de recours devant le TAPI en parallèle avec l'instruction des dossiers APA laisserait place à une situation incertaine quant à la sécurité du droit. L'autorité de première instance avait abusé de son pouvoir d'appréciation en refusant, sans motif apparent, la suspension de la procédure sollicitée par les recourants.

7) Par courrier du 28 octobre 2019, le DT a sollicité, pour la demande 3______, le dépôt d'une demande en procédure définitive (ci-après : DD). « La zone de fond (zone agricole) a[vait] été appliquée lors de la transformation de la gendarmerie en logements, ce qui avait permis au propriétaire de créer plus de surfaces de logements que ne le permettaient les rapports de surface de la zone 5. Une dérogation au sens de l'art. 24 ss de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700) était nécessaire ».

8) Le 31 octobre 2019 une demande d'APA pour la « construction d'un atelier /dépôt ; mur en limite ramené à 1 mètre » a été déposée.

Elle a été enregistrée sous les références APA 4______.

9) Le 11 novembre 2019, le département a conclu à l'irrecevabilité du recours.

Les constructions projetées dans le cadre des APA 2______ et 3______ n'avaient pas le même objet. La présente procédure n'était pas dépendante de la procédure d'autorisation de construire APA 3_____, ni même ne le serait d'une autre procédure d'autorisation de construire ayant pour objet le même projet que l'APA 2______ qui serait initiée postérieurement au refus du 9 juillet 2019. En effet, toute nouvelle requête déposée pour la parcelle concernée ayant trait au même projet serait enregistrée sous un nouveau numéro et ferait l'objet d'une nouvelle instruction ainsi que d'une nouvelle décision du département. La présente procédure n'empêcherait ainsi pas l'instruction d'une nouvelle requête. Contrairement à ce que soutenaient les recourants, la suspension de la présente procédure consacrerait une violation du principe de célérité. Au fond, le recours devait être rejeté.

10) Par courrier du 18 novembre 2019, le DT a sollicité, pour la demande 4______, le dépôt d'une DD. Les motifs étaient identiques à ceux avancés le 28 octobre 2019.

11) Le 27 novembre 2019, les recourants ont contesté la nécessité d'une DD, tant pour l'APA 3______ que pour la 4______, et sollicité la reconsidération de la position du département, voire à défaut le prononcé d'une décision formelle.

12) Dans le cadre de leur réplique du 28 novembre 2019, les recourants ont persisté dans leurs conclusions.

13) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ -
E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. b LPA).

2) a. Constitue une décision finale au sens de l'art. 90 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) et de l'art. 57 let. a LPA, celle qui met un point final à la procédure, qu'il s'agisse d'une décision sur le fond ou d'une décision qui clôt l'affaire en raison d'un motif tiré des règles de la procédure (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 256 n. 2.2.4.2) ; est en revanche une décision incidente (art. 4 al. 2 LPA) celle qui est prise pendant le cours de la procédure et ne représente qu'une étape vers la décision finale (ATA/613/2017 du 30 mai 2017 et les arrêts cités) ; elle peut avoir pour objet une question formelle ou matérielle, jugée préalablement à la décision finale (ATF 139 V 42 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_567/2016 et 2C_568/2016 du 10 août 2017 consid. 1.3).

b. En l'espèce, la décision entreprise ne met pas fin à la procédure et doit par conséquent être qualifiée de décision incidente.

3) Sont susceptibles d'un recours les décisions incidentes, si elles peuvent causer un préjudice irréparable ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 57 let. c LPA).

4) L'art. 57 let. c LPA a la même teneur que l'art. 93 al. 1 let. a LTF (ATA/12/2018 précité consid. 4).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, un préjudice est irréparable au sens de cette disposition lorsqu'il ne peut être ultérieurement réparé par une décision finale entièrement favorable au recourant (ATF 138 III 46 consid. 1.2 ; 134 III 188 consid. 2.1 et 2.2 ; 133 II 629 consid. 2.3.1). Un intérêt économique ou un intérêt tiré du principe de l'économie de procédure peut constituer un tel préjudice (ATF 135 II 30 ; 134 II 137 ; 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c ; 125 II 613 consid. 2a). Le simple fait d'avoir à subir une procédure et les inconvénients qui y sont liés ne constitue toutefois pas, en soi, un préjudice irréparable (ATF 133 IV 139 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_149/2008 du 12 août 2008 consid. 2.1 ; ATA/12/2018 précité consid. 4). Un dommage de pur fait, tel que la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n'est notamment pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue (ATF 133 II 629 consid. 2.3.1 ; 131 I 57 consid. 1 ; 129 III 107 consid. 1.2.1 ; 127 I 92 consid. 1c ; 126 I 97 consid. 1b). Un préjudice est irréparable lorsqu'il ne peut être ultérieurement réparé par une décision finale entièrement favorable au recourant (ATF 138 III 46 consid. 1.2 ; 134 III 188 consid. 2.1 s. ; 133 II 629 consid. 2.3.1).

La chambre administrative a précisé à plusieurs reprises que l'art. 57
let. c LPA devait être interprété à la lumière de ces principes (ATA/231/2017 du
22 février 2017 ; ATA/385/2016 du 3 mai 2016 ; ATA/64/2014 du 4 février 2014).

Lorsqu'il n'est pas évident que le recourant soit exposé à un préjudice irréparable, il lui incombe d'expliquer dans son recours en quoi il serait exposé à un tel préjudice et de démontrer ainsi que les conditions de recevabilité de son recours sont réunies (ATF 136 IV 92 consid. 4).

5) a. En l'espèce, se pose la question de l'existence d'un préjudice irréparable, première hypothèse de l'art. 57 let. c LPA.

Les recourants allèguent que les frais engendrés par la présente procédure, si elle ne devait pas être suspendue et que les APA doivent par la suite être délivrées, « ne pourraient pas être réparés. »

Conformément à la jurisprudence précitée, la prolongation d'une procédure ou un accroissement des frais de celle-ci n'est pas considéré comme un dommage irréparable.

Par ailleurs, le refus de suspendre la procédure dans l'attente du traitement des autres requêtes APA déposées n'empêche pas une décision finale entièrement favorable au recourant.

b. Les recourants invoquent le principe de l'économie de procédure.

Il est relevé que, lors du prononcé de la décision du TAPI, aucune nouvelle requête n'avait été déposée. La décision était en conséquence fondée.

Deux requêtes ont été déposées après la décision querellée. Toutefois, les parties divergent sur l'objet précis de chacun des trois dossiers d'autorisation, sur la procédure applicable pour chacun d'entre eux et sur l'éventuelle identité de leur objet. Il n'est en conséquence pas établi que la suspension de la présente procédure A/3417/2019 dans l'attente de l'issue des nouvelles demandes d'autorisation déposées par les recourants permettrait qu'en cas d'aboutissement des APA, la présente procédure soit sans objet. L'économie de procédure alléguée n'est pas démontrée.

c. En l'absence de préjudice irréparable et dans la mesure où entrer en matière sur le recours, soit suspendre la présente procédure, ne serait pas susceptible de mettre plus rapidement un terme final à la procédure, tout au contraire, aucune des conditions de recevabilité de l'art. 57 let. c LPA n'est réalisée.

Le recours sera déclaré irrecevable.

6) Vu l'issue du recours, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge des recourants (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 11 septembre 2019 par Monsieur  A______ et B______ contre la décision du Tribunal administratif de première instance du 8 octobre 2019.  ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Monsieur A______ et B______ pris conjointement et solidairement ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Oana Stehle Halaucescu, avocate des recourants ainsi qu'au département du territoire et au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin et Pagan, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :