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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2818/2019

ATA/1791/2019 du 10.12.2019 ( PRISON ) , ADMIS

Descripteurs : ÉTABLISSEMENT PÉNITENTIAIRE;DÉTENTION(INCARCÉRATION);MESURE DISCIPLINAIRE;CONSTATATION DES FAITS;QUALITÉ POUR RECOURIR;INTÉRÊT ACTUEL
Normes : Cst.5.al2; LPA.20; LPA.60.al1.letb; LPA.61.al1.letb; REPSD.35.al1; REPSD.43; REPSD.44; REPSD.46
Résumé : Admission du recours d’un détenu souffrant de problèmes de santé avérés contre une mesure disciplinaire pour avoir refusé de travailler se plaignant de douleurs. L’existence d’une éventuelle incapacité de travail au jour de la sanction justifiant celle-ci ne peut pas être établie à ce jour. Vu l’historique médical du recourant, la question de savoir si et dans quelle mesure il était en incapacité de travailler pour des raisons médicales devait être investiguée avant le prononcé de la sanction.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2818/2019-PRISON ATA/1791/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 décembre 2019

1ère section

 

dans la cause

 

M. A______
représenté par Me Philippe Gorla, avocat

contre

ÉTABLISSEMENT FERMÉ DE B______



EN FAIT

1) M. A______ est incarcéré à l'établissement fermé de B______ (ci-après : B______ ou l'établissement) depuis le 5 juillet 2018. L'exécution de sa peine arrive à échéance le 14 décembre 2019.

2) a. Entre les mois d'août 2018 et août 2019, M. A______ a fait l'objet de
vingt-huit sanctions disciplinaires, dont dix-huit - sans compter la sanction litigieuse - pour refus de travailler.

b. Notamment le 4 avril 2019, il a fait l'objet d'une sanction pour refus de travailler annulée le lendemain sur présentation d'un certificat médical indiquant une incapacité totale de travail pour la durée de la sanction.

3) a. Il a présenté depuis son arrivée plusieurs certificats médicaux attestant d'incapacités de travail totales ou partielles (50 %) pour des périodes pouvant aller jusqu'à deux semaines. M. A______ souffre d'épilepsie et se plaint régulièrement de douleurs à l'épaule droite.

b. Le 25 juin 2019, M. A______ a présenté un certificat médical indiquant une incapacité de travail à 50 % pour la période du 25 juin 2019 au 30 juin 2019, avec une date de reprise du travail au 1er juillet 2019.

4) a. Il a été affecté du 28 mai 2019 au 5 août 2019 à l'atelier intendance.

b. Le 1er juillet 2019, il a demandé à changer d'atelier.

L'atelier intendance n'était pas adapté en raison de son problème au bras droit. Il avait un certificat médical et devait tout le temps être en arrêt de travail.

5) a. Le mardi 2 juillet 2019, M. A______ a fait l'objet d'une sanction pour refus de travailler, consistant en la suppression des activités de formation, de sports, de loisirs et de repas en commun pour une durée de sept jours, soit du 2 juillet 2019 à 14h40 au 9 juillet 2019 à 14h40. La promenade quotidienne d'une durée d'une heure avec la possibilité de téléphoner était maintenue.

b. Selon le rapport d'incident, à 14h40, M. A______, alors en atelier, avait demandé à retourner dans sa cellule car il n'était « pas bien ». Il avait déclaré à l'agent de détention qu'il aimerait voir le médecin. Une note manuscrite précisait en bas du document que le « médical » avait été informé par téléphone.

c. Entendu par écrit à 15h50, après que les motifs de la sanction, soit le refus de travailler, lui ont été exposés oralement, l'intéressé a signé sa déclaration.

Il avait toujours mal à l'épaule. C'était pour cela qu'il avait demandé à être ramené en cellule, car il était toujours en attente de voir son médecin.

d. À 15h55, le sous-chef de l'établissement a signifié à l'intéressé la sanction précitée, exécutoire nonobstant recours. Ce dernier a refusé d'en signer la notification.

6) a. Le jeudi 4 juillet 2019, M. A______ a fait une demande de consultation médicale au travers du formulaire intitulé « demande d'entretien ».

Il essayait sans succès depuis le début de la semaine d'obtenir un rendez-vous avec un médecin pour son épaule. Il avait entamé le 3 juillet 2019 une grève de la faim car il n'était « pas content » que des médicaments lui soient prescrits sans qu'il ait été reçu par un médecin. Il avait si mal qu'il avait été obligé de quitter son poste le mardi et avait été sanctionné pour cela.

b. Le même jour, il a fait l'objet d'une consultation infirmière pour « non observance du traitement » par le service de médecine pénitentiaire des Hôpitaux universitaires genevois (ci-après : HUG), sans que ne soient faites d'observations.

7) Le vendredi 5 juillet 2019, ce même service a reçu M. A______ pour une consultation médicale.

Il ressortait notamment du rapport de consultation que l'intéressé soutenait que les mouvements répétitifs de nettoyage augmentaient ses douleurs à l'épaule. La doctoresse l'avait informé qu'elle ne délivrerait pas d'arrêt de travail a posteriori, provoquant le mécontentement de l'intéressé, et lui avait indiqué l'importance de faire des mouvements et de prendre des médicaments contre la douleur. Le travail lui serait reproposé dès le lundi au lieu de rester en isolement jusqu'au mardi dans l'après-midi. Un contrôle était prévu dans quinze jours. L'intéressé lui ayant fait part de sa demande de changement d'atelier, elle l'avait confronté au fait que cela faisait plusieurs semaines que rien ne convenait en termes de travail.

8) En date du 5 juillet 2019 également, le conseil de M. A______ a adressé un courrier à la direction de B______, se plaignant en substance du fait que M. A______ avait fait l'objet d'une sanction sans examen médical préalable et qu'il n'était pas suivi de manière adéquate pour ses problèmes de santé. Il demandait à nouveau s'il était possible de l'affecter à l'atelier emballage.

9) Par courrier du 11 juillet 2019, l'établissement a répondu à la lettre du conseil de Monsieur A______.

Le « médical » avait été informé de la demande de l'intéressé. Celui-ci avait été vu le 5 juillet 2019 par les médecins qui lui avaient délivré un certificat indiquant une incapacité de travail à 100 % à partir du même jour « qui ne remettait pas en cause les jours précédents ». Pour des raisons de compétences, les questions médicales avaient été transmises au service médical dépendant des HUG. M. A______ serait attribué à l'atelier emballage dès qu'une possibilité se présenterait.

10) Le détenu a été affecté dès le 6 août 2019 à l'atelier emballage.

11) Par acte du 31 juillet 2019, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du 2 juillet 2019, concluant à son annulation et, préalablement, à ce qu'il soit ordonné à l'autorité intimée de produire le certificat médical du 5 juillet 2019.

Son comportement, dû à des douleurs physiques, ne constituait pas une faute. Le motif pour lequel il avait refusé de travailler n'était pas mentionné dans la notification de la sanction litigieuse, ce qui violait son droit d'être entendu. Il avait écrit « en ce sens » à la direction qui « [n'avait] pas démenti sa version ».

Compte tenu du prononcé d'une incapacité totale de travail le 5 juillet 2019, une même incapacité aurait probablement été prononcée dès le 2 juillet 2019 au vu de la persistance des douleurs. La sanction, laquelle avait été maintenue malgré un refus justifié de travailler, n'était pas proportionnée.

L'autorité intimée avait abusé de son pouvoir d'appréciation en ne remettant pas en cause les trois premiers jours de sanction. La capacité de travailler n'était pas établie pour cette période et il n'avait été reçu par un médecin que le 5 juillet 2019 alors qu'il était notoire que les certificats médicaux étaient rarement délivrés avec effet rétroactif.

12) L'autorité intimée a conclu au rejet du recours.

Aucun certificat médical n'avait été délivré le 5 juillet 2019, il s'agissait d'une erreur de plume dans le courrier du 11 juillet 2019. La version des faits du recourant devait donc être rejetée car il n'avait pas fourni la preuve de son incapacité de travail, malgré la consultation du 5 juillet 2019. Au contraire, tout indiquait qu'il était capable de travailler dès le 1er juillet 2019, comme l'attestait le certificat médical du 25 juin 2019. De plus, le recourant savait que, selon la procédure en vigueur dans l'établissement, il devait faire une demande de consultation par écrit. Il avait attendu le 4 juillet 2019 pour le faire.

Le recourant avait été entendu, par écrit, avant la notification de la sanction, comme cela ressortait de celle-ci. Sa déclaration avait été prise en compte puis appréciée ; il n'avait pas de certificat médical le 2 juillet 2019 et n'attendait pas de voir un médecin, puisqu'il n'en avait pas encore formulé la demande.

La sanction était proportionnée et poursuivait un but d'intérêt public. La quotité de la sanction de sept jours de suppression des activités communes était très en deçà du maximum règlementaire et l'heure de promenade, avec la possibilité de téléphoner, avait été maintenue. Le recourant avait déjà été sanctionné, si l'on comptait la sanction querellée, à vingt-neuf reprises, dont
dix-neuf pour refus de travailler, invoquant divers motifs dont des douleurs d'épaule et de dos.

13) a. À l'appui de sa réplique, le recourant a produit le rapport de la consultation du 19 juillet 2019 effectuée auprès des HUG.

Le rapport indiquait que « nous retenons un diagnostic de probable épaule douloureuse instable avec une lésion Slap pouvant apporter des douleurs ». M. A______ était capable de travailler « sur un port de charge limité à quinze kilos » mais avait des amplitudes fonctionnelles pour tous types de travail. Le recourant avait notamment demandé « même si je fais une grève de la faim, je n'ai pas de certificat d'arrêt de travail ? ».

b. Le recourant a persisté dans ses conclusions.

Le rapport de la consultation du 19 juillet 2019 objectivait ses lésions, lesquelles étaient déjà d'actualité avant le 1er juillet 2019, et dont le principal symptôme était la douleur à l'effort, notamment s'agissant de porter des charges.

À la suite de l'appel de l'agent de détention, le service médical de l'établissement était informé dès le 2 juillet 2019 de son souhait d'être ausculté. L'autorité intimée avait préféré attendre la demande écrite selon la procédure de l'établissement, ce qui était un argument chicanier. Il était inopportun de maintenir la sanction jusqu'au 9 juillet 2019 alors qu'il avait dû reprendre le travail dès le 8 juillet 2019. La doctoresse avait occulté la question de la capacité de travail pour la période du 5 au 9 juillet 2019. Il était stupéfiant et douteux que l'autorité intimée se soit trompée sur l'existence du certificat médical.

En violation de son droit d'être entendu, le rapport d'incident ne lui avait pas été transmis et l'autorité intimée n'était pas en mesure de prononcer la sanction avant la consultation médicale.

Il ne contestait pas son obligation de travailler mais soutenait que sa capacité de travail devait être en adéquation avec son état de santé. Il n'existait pas d'intérêt public à réprimer un refus de travailler si cela heurtait le principe de la proportionnalité. Les sanctions précédentes n'étaient pas pertinentes.

14) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable en ces aspects (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du
26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Aux termes de l'art. 60 al. 1 let. b LPA, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée.

Lorsque la sanction a déjà été exécutée, il convient d'examiner s'il subsiste un intérêt digne de protection à l'admission du recours. Un tel intérêt suppose un intérêt actuel à obtenir l'annulation de la décision attaquée. Il est toutefois renoncé à l'exigence d'un tel intérêt lorsque cette condition fait obstacle au contrôle de la légalité d'un acte qui pourrait se reproduire en tout temps, dans des circonstances semblables, et qui, en raison de sa brève durée ou de ses effets limités dans le temps, échapperait ainsi toujours à la censure de l'autorité de recours
(ATF
139 I 206 consid. 1.1 ; ATA/1104/2018 du 16 octobre 2018 consid. 2).

b. En l'espèce, le recourant dispose d'un intérêt digne de protection à recourir contre la sanction. La légalité de celle-ci doit pouvoir faire l'objet d'un contrôle, nonobstant l'absence d'intérêt actuel, quand bien même cette sanction a déjà été exécutée. À cette date, le recourant est toujours détenu dans l'établissement, le terme de sa peine étant fixé au 14 décembre 2019. Il pourrait donc être tenu compte de la sanction contestée en cas de nouveau problème disciplinaire. Le recours conserve ainsi un intérêt actuel (ATA/1104/2018 précité ; ATA/1135/2017 du 2 août 2017).

Le recours est par conséquent recevable.

3) a. Préalablement, le recourant sollicite de la chambre de céans qu'elle ordonne à l'autorité intimée de produire le certificat médical datant du 5 juillet 2019.

b. Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, d'avoir accès au dossier, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 135 I 279 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_585/2014 du 13 février 2015 consid. 4.1).

L'autorité peut toutefois mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 134 I 140 consid. 5.3).

c. En l'espèce, l'existence de ce certificat médical est contestée. L'autorité intimée affirme qu'une erreur de plume s'est glissée dans son courrier du 11 juillet 2019 et qu'aucun certificat médical n'a été délivré à l'issue de la consultation du 5 juillet 2019.

S'agissant de déterminer si un tel certificat médical a réellement été délivré, il sera relevé que le recourant ne soutient pas l'avoir eu en mains, ni d'avoir sollicité des HUG qu'il lui soit transmis.

S'il ressort clairement du rapport de consultation du 5 juillet 2019 que la doctoresse a refusé de délivrer un certificat médical pour la période précédant la consultation, il n'est nullement fait mention qu'un tel certificat ait été délivré ou envisagé pour le futur. De plus, le recourant lui-même fait remarquer que la doctoresse avait occulté la question de la capacité de travail pour la période du 5 au 9 juillet 2019.

À la lecture du rapport de consultation, rien n'indique donc que la doctoresse ait considéré le recourant incapable de travailler et ait envisagé la délivrance d'un certificat médical en ce sens. Au contraire, elle lui a proposé de reprendre le travail le lundi au lieu du mardi après-midi, sachant que la consultation a eu lieu le vendredi, précisant uniquement qu'un contrôle serait effectué quinze jours plus tard.

Il apparaît dès lors que la doctoresse n'a pas délivré de certificat médical. La requête du recourant est par conséquent sans objet.

4) a. Le recourant se plaint sur le plan formel d'une violation de son droit d'être entendu car la notification de la sanction ne mentionnait pas les motifs de son refus de travailler, lesquels étaient uniquement contenus dans le rapport d'incident du 2 juillet 2019, et que celui-ci ne lui a pas été transmis avant le prononcé de la sanction.

b. Il sera renvoyé à ce qui a été détaillé ci-dessus s'agissant des composantes du droit d'être entendu.

Ce droit est une garantie de nature formelle dont la violation entraîne, lorsque sa réparation par l'autorité de recours n'est pas possible, l'annulation de la décision attaquée sans égard aux chances de succès du recours sur le fond
(ATF 137 I 195 consid. 2.2 ; 133 III 235 consid. 5.3). Ce moyen doit par conséquent être examiné en premier lieu (ATF 138 I 232 consid. 5.1 ; 137 I 195 consid. 2.2).

c. La réparation d'un vice de procédure en instance de recours et, notamment, du droit d'être entendu, n'est possible que lorsque l'autorité dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_556/2017 du 5 juin 2018 consid. 2.1). Elle dépend toutefois de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception. Elle peut cependant se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_556/2017 du 5 juin 2018 consid. 2.1 ; ATA/714/2018 du 10 juillet 2018). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/820/2018 du
14 août 2018 et les arrêts cités ; ATA/599/2014 du 29 juillet 2014 consid. 2c).

d. En l'espèce, le recourant a été entendu par écrit avant que la décision lui soit notifiée et après avoir pris connaissance de ce qui lui était reproché, soit le refus de travailler.

Il a ainsi eu l'occasion de se prononcer sur le motif de ce refus, ce qu'il a fait en déclarant avoir demandé à retourner dans sa cellule car il avait mal à l'épaule. La sanction mentionne cette déclaration et y renvoie. Le recourant a ainsi pu exercer son droit d'être entendu.

La question de savoir si l'autorité intimée disposait des éléments nécessaires pour prononcer la sanction avant que le recourant ne soit examiné par un médecin ne relève pas du droit d'être entendu.

Par conséquent, le grief de violation du droit d'être entendu sera écarté.

5) a. Le droit disciplinaire est un ensemble de sanctions dont l'autorité dispose à l'égard d'une collectivité déterminée de personnes, soumises à un statut spécial ou qui, tenues par un régime particulier d'obligations, font l'objet d'une surveillance spéciale. Il s'applique aux divers régimes de rapports de puissance publique, et notamment aux détenus. Le droit disciplinaire se caractérise d'abord par la nature des obligations qu'il sanctionne, la justification en réside dans la nature réglementaire des relations entre l'administration et les intéressés. L'administration dispose d'un éventail de sanctions dont le choix doit respecter le principe de la proportionnalité (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 142 à 145 et la jurisprudence citée).

Les sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu'elles ne sauraient être prononcées en l'absence d'une faute. La notion de faute est admise de manière très large en droit disciplinaire et celle-ci peut être commise consciemment, par négligence ou par inconscience, la négligence n'ayant pas à être prévue dans une disposition expresse pour entraîner la punissabilité de l'auteur (ATA/43/2019 du 15 janvier 2019 ; ATA/1108/2018 du 17 octobre 2018 et les références citées).

b. Les personnes détenues ont l'obligation de respecter les dispositions du règlement relatif aux établissements ouverts ou fermés d'exécution des peines et des sanctions disciplinaires du 25 juillet 2007 (REPSD - F 1 50.08), les instructions du directeur général de l'office cantonal de la détention (ci-après : OCD), ainsi que les ordres du directeur de l'établissement et du personnel pénitentiaire (art. 42 REPSD).

Les personnes condamnées sont astreintes au travail, conformément à l'art. 81 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) (art. 35
al. 1 REPSD).

La personne détenue doit observer une attitude correcte à l'égard du personnel, des autres personnes détenues et des tiers (art. 43 REPSD). Il est notamment interdit de troubler l'ordre ou la tranquillité dans l'établissement ou les environs immédiats (art. 44 let. i REPSD), et d'une façon générale, d'adopter un comportement contraire au but de l'établissement (art. 44 let. j REPSD).

c. Aux termes de l'art. 46 REPSD, si une personne détenue enfreint le REPSD ou contrevient au plan d'exécution de la sanction pénale, une sanction proportionnée à sa faute, ainsi qu'à la nature et à la gravité de l'infraction, lui est infligée (al. 1). Avant le prononcé de la sanction, la personne détenue doit être informée des faits qui lui sont reprochés et être entendue. Elle peut s'exprimer oralement ou par écrit (al. 2).

Selon l'art. 46 al. 3 REPSD, le directeur de l'établissement et son suppléant en son absence sont compétents pour prononcer : un avertissement écrit (let. a), la suppression, complète ou partielle, pour une durée maximum de trois mois, des autorisations de sortie, des loisirs, des visites et de la possibilité de disposer des ressources financières (let. b) ; l'amende jusqu'à CHF 1'000.- (let. c) ; les arrêts pour dix jours au plus (let. d). À teneur de l'art. 46 al. 7 REPSD, le directeur de l'établissement peut déléguer la compétence de prononcer ces sanctions prévues à d'autres membres du personnel gradé de l'établissement. Les modalités de la délégation sont prévues dans un ordre de service.

d. De jurisprudence constante, la chambre de céans accorde généralement valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés (ATA/1339/2018 du 11 décembre 2018 et les arrêts cités), sauf si des éléments permettent de s'en écarter. Dès lors que les agents de détention sont également des fonctionnaires assermentés (art. 7 de la loi sur l'organisation des établissements et le statut du personnel pénitentiaires du 3 novembre 2016 - LOPP - F 1 50), le même raisonnement peut être appliqué aux rapports établis par ces derniers (ATA/36/2019 du 15 janvier 2019 ; ATA/1242/2018 du 20 novembre 2018).

e. Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 Cst., se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public
(ATF 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/735/2013 du 5 novembre 2013 consid. 11).

f. En matière de sanctions disciplinaires, l'autorité dispose d'un large pouvoir d'appréciation ; le pouvoir d'examen de la chambre administrative se limite à l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/1451/2017 du 31 octobre 2017 consid. 4c ; ATA/888/2015 du 19 septembre 2014 consid. 7b).

6) a. En l'espèce, le recourant ne conteste pas avoir demandé à retourner dans sa cellule et, par là, avoir refusé de continuer à travailler dans l'atelier. Il s'agit dès lors de déterminer si le refus de travailler était justifié.

Le recourant n'a pas produit de certificat médical pour la période concernée et il apparaît, comme il a été relevé plus haut, qu'un tel certificat n'a pas été délivré. L'on ne saurait suivre l'argumentation du recourant selon laquelle le rapport de la consultation du 19 juillet 2019 montre que les lésions constatées justifiaient le refus de travailler car il ne prouve en rien qu'en date du 2 juillet 2019 le recourant présentait une incapacité de travail.

Toutefois, s'il est vrai que le recourant a été sanctionné à de multiples reprises pour refus de travailler, il a également subi plusieurs incapacités de travail depuis son incarcération. Ses problèmes de santé sont par ailleurs avérés et connus de l'autorité intimée. Ainsi, au vu de l'historique médical et disciplinaire du recourant, il n'était pas possible pour l'autorité intimée de déterminer si les douleurs invoquées par ce dernier étaient un prétexte ou une réalité et si, le cas échéant, elles entraînaient une incapacité de travail, sans que l'intéressé ne soit examiné par un professionnel de la santé.

De même, l'unique moyen pour le recourant de prouver le bien-fondé de son refus de travailler était de produire un certificat médical attestant d'une incapacité de travail, délivré à l'issue d'une consultation médicale.

Or, le recourant était en l'espèce dans l'impossibilité pratique de faire constater, par lui-même, c'est-à-dire par une consultation à son initiative, une incapacité de travail au jour du prononcé de la sanction. En effet, les médecins, comme il ressort du rapport du 5 juillet 2019, ne délivrent pas de certificat médical a posteriori. La consultation doit donc avoir lieu le jour de la sanction, ce qui était irréalisable en l'espèce au vu de la procédure de demande écrite en vigueur dans l'établissement ainsi que de la particularité des problèmes de santé du recourant exigeant qu'il soit suivi par les HUG.

Cela étant, dans les circonstances particulières du cas d'espèce, une éventuelle incapacité de l'intéressé au jour du prononcé de la sanction ne pouvait pas être exclue.

Dès lors, conformément à l'art. 20 LPA, la question de savoir si et dans quelle mesure le recourant était en incapacité de travailler pour des raisons médicales devait être investiguée avant le prononcé de la sanction, le cas échéant par une évaluation du service médical de l'établissement.

L'existence d'une éventuelle incapacité de travail au jour de la sanction ne pouvant pas être établie à ce jour, il n'est pas démontré que le recourant ait refusé de façon injustifiée de travailler. La sanction prononcée à l'encontre de celui-ci n'était par conséquent pas conforme au droit (art. 61 al. 1 let. b LPA ; ATA/1233/2019 du 13 août 2019 consid. 9).

Vu ce qui précède, il n'est pas nécessaire d'examiner les autres griefs du recourant.

La sanction ayant déjà été exécutée, il n'est matériellement plus possible de l'annuler. La chambre de céans se limitera à constater son caractère illicite (ATA/238/2016 du 15 mars 2016 et les références mentionnées).

7) a. Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA et art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03).

b. Vu son issue, une indemnité de procédure de CHF 1'200.- sera allouée au recourant, lequel a pris des conclusions en ce sens et s'est fait représenter par un mandataire (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 31 juillet 2019 par M. A______ contre la décision de l'établissement fermé de B______ du 2 juillet 2019 ;

au fond :

l'admet;

constate le caractère illicite de la sanction du 2 juillet 2019 de l'établissement fermé de B______ au sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue à M. A______ une indemnité de procédure de CHF 1'200.-, à la charge de l'État de Genève ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du
17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Philippe Gorla, avocat du recourant, ainsi qu'à l'établissement fermé B______.

Siégeant : M. Thélin, président, Mme Krauskopf, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. Mazza

 

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

le greffier :