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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1736/2019

ATA/1783/2019 du 10.12.2019 ( EXPLOI ) , IRRECEVABLE

Recours TF déposé le 22.01.2020, rendu le 14.09.2020, REJETE, 2C_83/2020
Descripteurs : CAPACITÉ D'ESTER EN JUSTICE;QUALITÉ POUR RECOURIR;DÉLAI DE RECOURS
Normes : LPA.8; CC.712; LPA.60.al1; LPA.46; LPA.47; LPA.62.al1.leta; LPA.62.al3; LPA.62.al5; LPA.17.al1; LPA.16.al1
Résumé : Recours interjeté en 2019 par une communauté de propriétaires par étages et un copropriétaire individuellement contre l'autorisation d'exploiter un café-restaurant dans l'arcade située au rez-de-chaussée de leur immeuble délivrée par l'autorité intimée en 2016. Absence de capacité d'ester en justice de la communauté de propriétaire par étages. Qualité pour recourir du copropriétaire du lot directement au-dessus du café-restaurant admise. Les recourants, représentés par un avocat et dont l'un est avocat, avaient connaissance de la première autorisation d'exploiter délivrée en 2013 puis devaient au moins soupçonner la délivrance d'une nouvelle autorisation en 2016 avec l'entrée en vigueur de la LRDBHD. Ils ne pouvaient attendre 2019 pour recourir contre l'autorisation d'exploiter délivrée en 2016. Recours tardif. Recours irrecevable.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1736/2019-EXPLOI ATA/1783/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 décembre 2019

 

dans la cause

 

Monsieur A______
et

COMMUNAUTÉ DES COPROPRIÉTAIRES B______
représentés par Me Daniel Peregrina, avocat

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR

et

Monsieur C______

représenté par Me Joël Chevallaz, avocat


EN FAIT

1) La parcelle no 1______, feuillet 2_____ de la commune de Genève-Eaux-Vives abrite un immeuble constitué en propriété par étages, dont l'adresse est le 3______ rue de la D______. L'un des lots du rez-de-chaussée, propriété de la société E______ SA, est loué à F______ Sàrl. Au premier étage, directement au-dessus de ce dernier lot, se trouve un lot appartenant à Monsieur A______, qui y exploite une étude d'avocats.

2) Le 20 août 2013, le service du commerce, devenu depuis lors le service de police du commerce et du travail au noir (ci-après : PCTN), a autorisé Monsieur C______ à exploiter un café-restaurant à l'enseigne « F______ » (ci-après : le café-restaurant), propriété de la société F______ Sàrl, au 4__, rue de la D______.

3) Les 29 août 2014, la communauté des copropriétaires B______ (ci-après : la PPE) s'est plainte auprès du PCTN des nuisances olfactives et sonores dues au café-restaurant, s'est opposée à la continuation de son exploitation et a sollicité sa fermeture pour non-conformité des locaux et pour perturbation de l'ordre, demandes dans lesquelles elle a persisté les 27 novembre 2014 et 22 janvier 2015.

4) Le 9 février 2015, le PCTN a refusé de reconnaître la qualité de partie à la PPE, indiquant notamment que le café-restaurant était dûment autorisé par ses soins.

5) Le 30 mars 2016, la PPE, soit pour elle son conseil, s'est adressée au conseiller d'État en charge du département de la sécurité et de l'économie, devenu depuis lors le département de la sécurité, de l'emploi et de la santé (ci-après : DSES), qui était l'autorité la mieux à même de faire respecter le droit, dès lors que le seul département était compétent pour révoquer une autorisation d'exploiter un établissement public. Elle s'est notamment référée à la nouvelle législation sur la restauration, le débit de boissons, l'hébergement et le divertissement.

6) Le 15 avril 2016, le conseiller d'État en charge du DSES a confirmé à la PPE que le PCTN instruisait sa plainte, sans lui donner plus d'informations, faute de qualité de partie.

7) Le 11 mai 2016, la PPE a demandé au conseiller d'État en charge du DSES de donner les instructions à ses services pour que lui soit reconnue la qualité de partie et, dans la négative, a sollicité une décision sujette à recours.

8) Le 30 mai 2016, le conseiller d'État en charge du DSES a indiqué que le PCTN prendrait les mesures qui s'imposeraient pour le respect de la nouvelle législation sur la restauration, le débit de boissons, l'hébergement et le divertissement.

9) Le 17 juin 2016, M. A______ s'est à son tour adressé au conseiller d'État en charge du DSES, faisant référence à la correspondance intervenue entre ce dernier et la PPE, dont il faisait partie. Aucune autre décision que celle de la fermeture immédiate du café-restaurant ne s'imposait au regard des nouvelles dispositions de la législation sur la restauration, le débit de boissons, l'hébergement et le divertissement.

10) Le 11 juillet 2016, le conseiller d'État en charge du DSES a assuré qu'il veillerait à ce que la législation soit respectée.

11) Par décision du 30 août 2016, le PCTN a autorisé M. C______ à exploiter le café-restaurant, propriété de la société F______ Sàrl, situé au 4___, rue de la D______.

12) Les 6 et 13 octobre 2016, M. A______ a une nouvelle fois sollicité auprès du conseiller d'État en charge du DSES la fermeture immédiate et définitive du café-restaurant en application stricte des dispositions de la nouvelle législation sur la restauration, le débit de boissons, l'hébergement et le divertissement.

13) Le 21 octobre 2016, le conseiller d'État en charge du DSES a souligné être lié par le secret de fonction.

14) Le 15 mai 2017, le conseil de la PPE, désormais également constitué pour M. A______, a sollicité du conseiller d'État en charge du DSES une décision formelle sur la qualité de partie.

15) a. Par décision du 6 juillet 2017, le PCTN a refusé de reconnaître la qualité de partie à la PPE et M. A______ et leur a refusé l'accès au dossier concernant le café-restaurant.

b. Par arrêt du 23 janvier 2018 (ATA/57/2018), la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a déclaré irrecevable le recours de la PPE, faute de capacité d'ester en justice, et rejeté le recours de M. A______.

c. Par arrêt du 7 décembre 2018 (2C_214/2018), le Tribunal fédéral a admis le recours de M. A______ - qui seul avait recouru - contre l'arrêt de la chambre administrative, qu'elle a annulé. La qualité de partie dans le cadre de la procédure d'instruction de la plainte déposée contre le café-restaurant menée par le PCTN devait être reconnue à M. A______.

 

16) Le 12 février 2019, M. A______ a sollicité la notification de toute décision administrative prise par le PCTN pendant les procédures devant la chambre administrative et le Tribunal fédéral et a demandé l'accès au dossier du café-restaurant, qu'il a pu consulter le 20 mars 2019.

17) a. Par acte du 6 mai 2019, M. A______ et la PPE ont recouru auprès de la chambre administrative contre la décision du 30 août 2016, concluant à la production de l'ensemble du dossier relatif à l'exploitation d'un établissement public au rez-de-chaussée du 4__, rue de la D______ et de l'ensemble des rapports, inspections et préavis ayant servi de préalable à la délivrance de l'autorisation litigieuse, à l'annulation de la décision attaquée et à la condamnation du PCTN et tout autre intervenant aux frais de la procédure, y compris une juste indemnité pour leurs frais d'avocat.

En raison du refus d'accès au dossier opposé par le PCTN, ils n'avaient pu prendre connaissance de la décision du 20 août 2013 et de la décision attaquée qu'à l'occasion de la consultation des pièces le 20 mars 2019. La qualité pour agir de M. A______ avait été admise par le Tribunal fédéral. La qualité pour agir de la PPE résultait des inconvénients auxquels elle devait faire face en raison de l'exploitation de l'établissement, notamment au niveau du nettoyage des parties communes. Le recours était recevable.

b. Ils ont notamment versé à la procédure un procès-verbal d'une audience devant la chambre administrative du 4 mars 2015 dans une ancienne cause (A/2837/2013), lors de laquelle M. C______ avait déclaré, en présence d'un représentant de la PPE, être au bénéfice d'une autorisation d'exploiter et indiqué que la patente était affichée dans le café-restaurant.

18) a. Par réponse du 30 août 2019, le PCTN a conclu à l'appel en cause de M. C______, au rejet de la demande de production de l'intégralité du dossier relatif à l'exploitation de l'établissement public située au 4__, rue de la D______, à l'irrecevabilité du recours de la PPE et au rejet du recours.

La chambre administrative avait refusé de reconnaître la qualité pour ester en justice à la PPE, qui n'avait pas recouru contre l'arrêt du 23 janvier 2018, de sorte que cette dernière n'avait pas la qualité pour agir contre la décision litigieuse.

b. Le PCTN a notamment versé à la procédure les plans du café-restaurant visés ne varietur.

19) a. Dans ses observations du 14 octobre 2019, M. C______ a conclu à l'irrecevabilité du recours de la PPE et M. A______, subsidiairement à son rejet, avec suite de frais et dépens.

La qualité de partie avait seule été reconnue à M. A______, en lien avec une procédure d'instruction de plainte ou dénonciation ouverte contre un établissement public, et non en relation avec l'octroi d'une autorisation d'exploiter ledit établissement. M. A______ n'avait jamais requis à obtenir copie de l'autorisation d'exploiter, ni déclaré vouloir recourir contre ladite autorisation, ni sollicité de restitution de délai. Or, avocat de profession et assisté d'un conseil, il ne pouvait ignorer, d'une part, que M. C______ disposait d'une autorisation d'exploiter le café-restaurant, que ce dernier avait logiquement dû solliciter en 2013 lors de la reprise de bail et d'autre part, qu'en tant que voisin immédiat, il disposait de la qualité pour recourir. Il était donc contraire à la bonne foi pour la PPE et M. A______ de soutenir qu'ils auraient découvert, de manière quasiment fortuite, l'existence d'une autorisation d'exploiter un établissement public lors de leur accès au dossier en lien avec leur dénonciation. À suivre leur raisonnement, n'importe quel voisin incommodé par le bruit pourrait recourir a posteriori contre une autorisation d'exploiter un établissement octroyée plusieurs années auparavant. Cette approche contrevenait aux principes de la bonne foi et de la sécurité du droit. Le recours était irrecevable.

b. À l'appui de ses observations, M. C______ a notamment produit une photographie de l'immeuble du 4__, rue de la D______ prise le 2 octobre 2019, ainsi que des procès-verbaux d'une audience du 30 avril 2018 et d'un transport sur place du 25 mars 2019 dans le cadre d'une procédure devant le Tribunal civil opposant E______ SA à la PPE (C13097/2017).

20) Le 22 novembre 2019, la PPE et M. A______ ont persisté dans leur recours.

M. C______ étendait son activité sur une cour, partie commune de la PPE, pour l'exploitation du café-restaurant, en y laissant les clients boire et fumer, respectivement en y ayant installé des tables et des chaises. L'exploitation du café-restaurant posait par ailleurs des problèmes supplémentaires pour le nettoyage de la cour et devant la porte d'entrée de la copropriété. La PPE subissait des inconvénients directs liés à l'exploitation du café-restaurant sur les parties communes.

La décision ne leur était pas opposable, faute de notification. Ils étaient loin d'être restés inactifs, étant allés jusqu'au Tribunal fédéral pour se voir reconnaître la qualité pour agir. La qualité de partie emportait la qualité pour agir. Ils n'avaient aucun moyen ou raison de suspecter l'existence de l'octroi d'une autorisation d'exploiter alors qu'ils avaient fourni au PCTN les éléments démontrant l'irrespect des conditions légales par M. C______. Pour supprimer l'insécurité qui existait effectivement, le PCTN devait publier les autorisations d'exploitation lorsque des tiers pouvaient se voir reconnaître la qualité pour agir.

21) Le 25 novembre 2019, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté devant la juridiction compétente, le recours est de ce point de vue recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

2) L'autorité intimée affirme que la PPE n'aurait pas la capacité d'ester en justice.

a. Aux termes de l'art. 8 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), toute partie qui, à teneur du droit public ou du droit privé, peut agir personnellement ou par un mandataire de son choix a capacité d'ester. La capacité d'ester en justice (« Prozessfähigkeit ») est la faculté de mener soi-même le procès ou de désigner soi-même un mandataire qualifié pour le faire. Elle appartient à toute personne qui a la capacité d'être partie (« Parteifähigkeit »), c'est-à-dire à toute personne qui a la faculté de figurer comme partie dans un procès.

b. Lorsque plusieurs personnes ont la propriété d'un bien-fonds, elles en sont copropriétaires (art. 646 al. 1 du code civil suisse du 10 décembre 1907 - CC - RS 210). À ce titre, chaque copropriétaire a des droits quant au bien-fonds, notamment celui de faire des actes d'administration courants (art. 647a CC), des actes d'administration plus importants (art. 647b CC) et des actes de disposition (art. 648 CC). Le concours de tous les copropriétaires est nécessaire pour les aliénations, constitutions de droits réels ou changements dans la destination de la chose, à moins qu'ils n'aient unanimement établi d'autres règles à cet égard (art. 648 al. 2 CC).

Le législateur fédéral a choisi de traiter la propriété par étages comme un cas particulier de copropriété (Paul-Henri STEINAUER, Les droits réels, tome 1, 5ème éd., 2012, n. 1124a p. 393). La première se distingue de la seconde par le fait qu'elle est, de par la loi, dotée d'une organisation plus forte (art. 712g à 712t CC). En particulier, la communauté formée par les propriétaires d'étages bénéficie, selon l'art. 712l CC, d'une certaine autonomie juridique (Paul-Henri STEINAUER, op. cit., n. 1126 p. 394).

La capacité restreinte de la communauté des copropriétaires d'étages n'existe que pour les questions relevant de la gestion de l'immeuble (Amédéo WERMELINGER, La propriété par étages, Commentaire des articles 712a à 712t CC, 3ème éd., 2015, n. 146 et 160 ad art. 712l). Elle peut agir en justice pour des questions liées à un état de fait concernant les parties communes de l'immeuble et non pas celles qui ne concernent que les parties exclusives de ce dernier (Amédéo WERMELINGER, op. cit., n. 161 ad art. 712l ; Paul-Henri STEINAUER, op. cit., n. 1303 p. 460). La capacité judiciaire de la communauté englobe toutes les procédures, y compris celles de droit public, lorsqu'elles peuvent concerner la gestion de la propriété par étages (Amédéo  WERMELINGER, op. cit., n. 162 ad art. 712l). Cette capacité s'étend aux procédures dans le domaine de l'aménagement du territoire, pour peu que la propriété par étages soit lésée ou concernée ou pour celles relevant de la police des constructions, tel le permis de construire délivré à un voisin (Amédéo WERMELINGER, op. cit., n. 193 et 194 ad art. 712l). La communauté a la capacité d'agir en réparation du dommage causé aux parties communes ou en cessation de trouble en relation avec de telles parties. Il faut cependant qu'elle subisse elle-même le dommage, ce qui n'est pas le cas pour des immissions qui n'atteignent que les propriétaires d'étages dans leur personne, comme des bruits excessifs (Paul-Henri STEINAUER, op. cit., n. 1303a p. 461).

La qualité pour agir a notamment été reconnue à une communauté de copropriétaires d'étages pour contester un changement d'affectation dans les locaux mêmes de la copropriété, la procédure touchant tant les parties communes que les parties exclusives de l'immeuble (ATA/369/2005 du 24 mai 2005 consid. 2d). En revanche, une communauté de copropriétaires s'est vu refuser la qualité pour recourir contre l'autorisation d'exploiter un établissement public dans un lot de la copropriété, dès lors qu'aucune des parties communes n'était touchée par l'autorisation en question (ATA/1300/2015 du 8 décembre 2015 consid. 2).

c. En l'espèce, la chambre administrative a été amenée à constater que la PPE n'avait pas la capacité d'ester en justice pour recourir contre la décision lui refusant la qualité de partie dans la procédure liée à ses plaintes pour nuisances sonores et olfactives, dès lors que les parties communes du bien immobilier n'étaient pas concernées (ATA/57/2018 précité consid. 2c). La PPE n'a pas recouru auprès du Tribunal fédéral contre cet arrêt, de sorte qu'il est entré en force la concernant. Or, si la présente procédure ne concerne pas la surveillance du café-restaurant en tant qu'établissement public comme cela était le cas de la procédure précitée mais concerne une procédure distincte, elle se rapporte néanmoins à l'étape préalable à la surveillance, soit l'autorisation d'exploitation, et donc au même complexe de faits.

La présente procédure ne concerne donc pas plus que la précédente les parties communes - étant précisé que l'autorisation querellée ne porte pas sur l'exploitation d'une éventuelle terrasse et qu'il ressort des plans visés ne varietur, de la photographie de l'immeuble du 2 octobre 2019 et des procès-verbaux d'audience et de transport sur place devant le Tribunal civil figurant au dossier que le café-restaurant est doté d'une entrée distincte de l'immeuble -, de sorte que la PPE n'a pas la qualité pour ester en justice. Son recours doit dès lors être déclaré irrecevable.

3) Il convient d'examiner la qualité pour recourir de M. A______, le Tribunal fédéral ayant tranché la question de sa qualité de partie dans le cadre de la procédure de surveillance du café-restaurant, et non la question de sa qualité pour recourir contre l'autorisation d'exploiter délivrée au café-restaurant.

a. À teneur de l'art. 60 al. 1 let. a et b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée sont titulaires de la qualité pour recourir. Les let. a et b de cette disposition doivent se lire en parallèle. Ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s'il était partie à la procédure de première instance (ATA/1622/2019 du 5 novembre 2019 consid. 2b).

Cette notion de l'intérêt digne de protection est identique à celle qui a été développée par le Tribunal fédéral sur la base de l'art. 103 let. a de l'ancienne loi fédérale d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943 (aOJ) et qui était, jusqu'à son abrogation le 1er janvier 2007, applicable aux juridictions administratives des cantons, conformément à l'art. 98a de la même loi. Elle correspond aux critères exposés à l'art. 89 al. 1 let. c de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005, en vigueur depuis le 1er janvier 2007 (LTF - RS 173.110) que les cantons sont tenus de respecter, en application de la règle d'unité de la procédure qui figure à l'art. 111 al. 1 LTF (ATF 144 I 43 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_170/2018 du 10 juillet 2018 consid. 4.1 ; Message du Conseil fédéral concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale du 28 février 2001, FF 2001 p. 4126 ss et 4146 ss). Selon l'art. 89 al. 1 LTF, a qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a), est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué (let. b) et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (let. c).

Selon la jurisprudence, l'intérêt doit être direct et concret ; en particulier, la partie recourante doit se trouver, avec la décision entreprise, dans un rapport suffisamment étroit, spécial et digne d'être pris en considération. Elle doit être touchée dans une mesure et avec une intensité plus grande que l'ensemble des administrés. En d'autres termes, l'intérêt invoqué, qui n'est pas nécessairement un intérêt juridiquement protégé, mais qui peut être un intérêt de fait, doit se trouver, avec l'objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d'être pris en considération (ATF 143 II 506 consid. 5.1 et les arrêts cités). Le recours d'un particulier formé dans l'intérêt général ou dans l'intérêt d'un tiers est exclu. Cette exigence a été posée de manière à empêcher l'action populaire (ATF 135 II 145 consid. 6.1 ; 133 V 239 consid. 6.3 ; ATA/308/2019 du 26 mars 2019 consid. 3b). Un intérêt purement théorique à la solution d'un problème est de même insuffisant (ATA/308/2019 précité consid. 3b).

b. Dans l'arrêt 2C_214/2018 précité (consid. 4.4), le Tribunal fédéral a rappelé que sous l'empire de l'aOJ, le Tribunal fédéral reconnaissait qu'un voisin pouvait se prévaloir d'un intérêt « juridiquement protégé » l'autorisant à recourir contre la délivrance ou le transfert d'une patente d'auberge, dans la mesure où la législation cantonale obligeait l'autorité compétente à s'assurer que l'exploitation de cet établissement n'incommoderait pas le voisinage (arrêts du Tribunal fédéral P.1480/1979 du 19 décembre 1980 consid. 1c et P.1778/1984 du 15 mars 1985 consid. 1c) et que depuis l'entrée en vigueur de la LTF, le Tribunal fédéral a jugé qu'un voisin pouvait, sur le principe, avoir la qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF contre une autorisation d'exploiter un bar, pour autant qu'il existe un risque que ce voisin soit particulièrement touché par le bruit que produirait l'établissement en question (arrêt du Tribunal fédéral 1C_387/2007 du 25 mars 2008 consid. 3).

Dans un arrêt récent, s'appuyant sur l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_214/2018 précité, la chambre administrative a déclaré recevable un recours contre une autorisation accordée à un bar en vertu de la loi sur la restauration, le débit de boissons, l'hébergement et le divertissement du 19 mars 2015 (LRDBHD - I 2 22) pour organiser une animation avec musique enregistrée dans ledit établissement, durant les heures autorisées de ce dernier, interjeté par des voisins habitant au deuxième étage du même immeuble, lesquels avaient formé une plainte auprès du service de l'air, du bruit et des rayonnements non ionisants (ci-après : SABRA) avant la délivrance de l'autorisation attaquée (ATA/308/2019 précité consid. 4).

c. En l'espèce, le recourant est propriétaire du lot directement au-dessus du café-restaurant et se plaint depuis de nombreuses années des nuisances sonores et olfactives dues à ce dernier. Une éventuelle annulation de la décision délivrant l'autorisation d'exploiter impliquerait la cessation de l'exploitation du café-restaurant au 4__, rue de la D______ et donc la suppression des nuisances alléguées.

Dans ces circonstances, le recourant est touché directement par la décision attaquée et peut se prévaloir d'un intérêt digne de protection, de sorte que la qualité pour recourir doit lui être reconnue.

4) L'intimé affirme que le recours serait tardif.

a. Les décisions doivent être désignées comme telles, motivées et signées, et indiquer les voies et délais de recours (art. 46 al. 1 LPA). Les décisions sont notifiées aux parties, le cas échéant à leur domicile élu auprès de leur mandataire, par écrit (art. 46 al. 2 LPA). Une notification irrégulière ne peut entraîner aucun préjudice pour les parties (art. 47 LPA).

b. Le délai de recours est de trente jours s'il s'agit d'une décision finale (art. 62 al. 1 let. a LPA). Le délai court dès le lendemain de la notification de la décision (art. 62 al. 3 LPA). Toutefois, lorsqu'une personne à qui une décision devait être notifiée ne l'a pas reçue, sans sa faute, le délai de recours court du jour où cette personne a eu connaissance de la décision (art. 62 al. 5 LPA). Les délais commencent à courir le lendemain de leur communication ou de l'événement qui les déclenche (art. 17 al. 1 LPA). Un délai fixé par la loi ne peut être prolongé. Les cas de force majeure sont réservés (art. 16 al. 1 LPA).

c. L'intéressé est tenu de se renseigner sur l'existence et le contenu de la décision dès qu'il peut en soupçonner l'existence, sous peine de se voir opposer l'irrecevabilité d'un éventuel moyen pour cause de tardiveté (ATF 139 IV 228 consid. 1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_309/2018 du 10 septembre 2018 consid. 4.1).

Contrevient évidemment aux règles de la bonne foi celui qui omet de se renseigner pendant plusieurs années (ATF 107 Ia 72 consid. 4a) ; il en va de même pour celui qui reste inactif pendant deux mois (arrêts du Tribunal fédéral 1C_15/2016 du 1er septembre 2016 consid. 2.2 ; 1P.485/1999 du 18 octobre 1999 consid. 4 in SJ 2000 I 118). En revanche, on ne peut reprocher aucun retard à celui qui consulte son dossier auprès de l'autorité quelques jours après avoir eu connaissance de l'existence d'une condamnation pénale (ATF 139 IV 228 consid. 1.3). Sont de même irréprochables celui qui réagit le jour même où il constate le début de travaux dont l'autorisation de les exécuter ne lui a pas été notifiée (arrêt du Tribunal fédéral P.883/1983 du 14 mars 1984 consid. 4, in ZBl 85/1984 p. 425) et celui qui agit dans le mois pour obtenir tous les éléments nécessaires à la sauvegarde de ses droits (ATF 102 Ib 91 consid. 4).

d. Les personnes au bénéfice d'une autorisation d'exploiter délivrée sur la base de l'ancienne législation peuvent poursuivre l'exploitation de leur établissement et offrir les mêmes prestations, à condition qu'elles obtiennent dans les douze mois à compter de l'entrée en vigueur de LRDBHD les éventuelles autorisations complémentaires ou de remplacement nécessaires, leur permettant d'offrir lesdites prestations (art. 70 al. 3 LRDBHD). Le PCTN est autorisé, sur requête et contre paiement de l'émolument forfaitaire visé à l'art. 58 al. 3 du règlement d'exécution de la LRDBHD du 28 octobre 2015 (RRDBHD - I 2 22.01), à donner au public les informations suivantes : existence d'une autorisation en cours de validité (let. a), nom du propriétaire et de l'exploitant titulaire de l'autorisation (let. b), catégorie attribuée à l'établissement (let. c) et nom de l'entreprise et de l'enseigne (let. d ; art. 7 al. 4 RRDBHD).

d. En l'espèce, les recourants affirment n'avoir pu prendre connaissance de la décision attaquée, prononcée le 30 août 2016, que le 20 mars 2019, lors de la consultation du dossier à la suite de l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_214/2018 précité, de sorte qu'ils auraient recouru dans le délai légal de trente jours.

Toutefois, s'il est vrai que l'autorité intimée a refusé de reconnaître aux recourants la qualité de partie, ce refus concernait la procédure de plainte, soit de surveillance du café-restaurant en tant qu'établissement public, et non la procédure d'autorisation d'exploitation du café-restaurant.

Or, il ressort du dossier que les recourants avaient conscience bien avant la consultation du dossier du 20 mars 2019 que le café-restaurant était au bénéfice d'une autorisation d'exploiter.

En effet, dès la première dénonciation figurant au dossier concernant l'exploitation du café-restaurant, du 29 août 2014, la PPE a agi comme une plaignante, faisant valoir des nuisances et demandant la fermeture d'un établissement public. Elle a ainsi sollicité l'intervention des autorités au titre des art. 68 et 69 de l'ancienne loi sur la restauration, le débit de boissons et l'hébergement du 17 décembre 1987 (aLRDBH), portant sur la fermeture pour non-conformité des locaux et la fermeture pour cause de perturbation de l'ordre public. La PPE avait donc vraisemblablement conscience, déjà à ce moment-là, du fait que le café-restaurant était au bénéfice d'une autorisation d'exploiter, mais demandait sa fermeture en raison des nuisances.

Par la suite, le 9 février 2015, l'autorité intimée a expressément indiqué à la PPE que le café-restaurant était dûment autorisé par ses soins, ce qu'a confirmé M. C______ en présence d'un représentant de la PPE lors d'une audience devant la chambre administrative le 4 mars suivant. De plus, le 30 mars 2016, la PPE a souligné s'adresser au conseiller d'État en charge du DSES car ce département était compétent pour révoquer une autorisation d'exploiter.

Au vu de ce qui précède, la PPE avait connaissance, au moins en 2015, de l'existence d'une autorisation d'exploiter le café-restaurant et elle a inscrit ses démarches dans l'optique d'obtenir la révocation de ladite autorisation, et non dans la contestation de la délivrance l'autorisation.

Ces éléments peuvent également être imputés à M. A______, qui fait partie de la PPE et qui a, dès le premier courrier en son nom propre figurant au dossier, également positionné son intervention dans le cadre d'une plainte pour obtenir la fermeture du café-restaurant.

Les recourants avaient par conséquent connaissance, dès 2015 au moins, de l'existence d'une autorisation d'exploiter le café-restaurant, qui était alors celle délivrée en 2013 en vertu de l'aLRDBH.

Par ailleurs, en 2016, les recourants, représentés par un avocat et dont l'un est lui-même avocat, avaient connaissance de l'entrée en vigueur de la nouvelle LRDBHD, à laquelle ils se sont référés dans leurs courriers et que l'autorité a mentionnée dans ses réponses. Ainsi, les recourants ne pouvaient pas ignorer que l'exploitant du café-restaurant devait solliciter et obtenir, dans les douze mois à compter de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, une autorisation de remplacement.

Ils devaient par conséquent au moins soupçonner l'existence d'une nouvelle autorisation d'exploiter dès le 31 décembre 2016.

Or, en dépit de ce qui précède, les recourants ne se sont pas renseignés auprès de l'autorité intimée sur l'existence d'une autorisation d'exploiter le café-restaurant et son contenu, poursuivant uniquement la voie de la plainte pour nuisances, et ceci alors même que l'autorité intimée était expressément autorisée, à teneur du nouveau RRDBHD, à leur fournir des informations sur l'autorisation d'exploiter le café-restaurant.

Dans ces circonstances, les recourants ne pouvaient attendre la consultation du dossier en 2019 pour contester l'autorisation d'exploiter, dont ils n'avaient auparavant jamais remis en cause la délivrance malgré la connaissance de son existence.

Au vu de ce qui précède, le recours de la PPE est non seulement irrecevable en raison de l'absence de capacité d'ester en justice, mais également en raison de sa tardiveté. Par ailleurs, le recours de M. A______, tardif, doit être déclaré irrecevable.

5) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge solidaire des recourants (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à M. C______, à la charge solidaire des recourants (art. 87 al. 2 LPA).

 

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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 6 mai 2019 par Monsieur A______ et la communauté des copropriétaire B______ contre la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 30 août 2016 ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge solidaire de Monsieur A______ et de la communauté des copropriétaire B______ ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à Monsieur C______, à la charge solidaire de Monsieur A______ et de la communauté des copropriétaire B______ ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Daniel Peregrina, avocat des recourants, à Me Joël Chevallaz, avocat de Monsieur C______, ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Thélin, MM. Pagan et Verniory, Mme Cuendet, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. Mazza

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :