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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/823/2019

ATA/1739/2019 du 03.12.2019 ( AMENAG ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/823/2019-AMENAG ATA/1739/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 3 décembre 2019

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

COMMISSION FONCIÈRE AGRICOLE

 



EN FAIT

1) Le 13 novembre 2018 a eu lieu, à l'office de poursuites du canton de Genève, la vente aux enchères publiques de la parcelle n° 1______ de la commune de B______, d'une surface de 2'500 m2, au lieu-dit « C______ ».

a. Selon l'avis publié par l'office des poursuites, le 20 août 2018, cette parcelle n'était pas appropriée pour l'agriculture en raison de sa taille limitée et surtout de sa pente prononcée. Elle était soumise à la loi fédérale sur le droit foncier rural du 4 octobre 1991 (LDFR - RS 211.412.11).

b. Les conditions de vente attiraient expressément l'attention des personnes intéressées sur la LDFR. Le préposé aux enchères devait préciser, lorsque des offres étaient faites, si l'enchérisseur faisait valoir un statut d'exploitant à titre personnel. L'adjudicataire devrait produire une autorisation d'acquérir, subsidiairement consigner le prix de nouvelles enchères et requérir ladite autorisation dans les dix jours suivant l'adjudication. Dans l'hypothèse où l'autorisation était refusée, l'adjudication serait révoquée et de nouvelles enchères seraient organisées. L'adjudicataire précédent et ses cautions seraient tenus de la moins-value sur le prix de la première vente ainsi que de tout autre dommage, la perte d'intérêts étant calculée au taux de 5 %.

2) Lors des enchères, Monsieur A______, indiquant être exploitant agricole à titre personnel, s'est vu adjuger la parcelle pour la somme de CHF 30'500.-.

3) Le 13 novembre 2018, M. A______ a sollicité de la Commission foncière agricole (ci-après : CFA) l'autorisation d'acquérir la parcelle n° 1______. Il a indiqué être retraité.

Dans un courrier d'accompagnement, il a indiqué habiter à D______, avoir un domicile secondaire dans une ancienne ferme à E______ et être propriétaire d'une forêt près de F______.

Il désirait utiliser ce nouveau terrain à titre privé, pour la baignade en été au bord du Rhône, des pique-niques et peut-être planter un verger, ainsi que pêcher dans le Rhône ou inviter des amis.

4) Par décision du 15 janvier 2019, notifiée le 4 février 2019, la CFA a rejeté la requête en autorisation d'acquérir de l'intéressé. Ce dernier n'était pas exploitant à titre personnel.

Le 6 février 2019, l'office des poursuites a révoqué l'adjudication prononcée le 13 novembre 2018 et organisé une nouvelle vente aux enchères.

5) Le 28 février 2019, M. A______ a saisi la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) d'un recours contre la décision de la CFA du 15 janvier 2019.

Il ne désirait par perdre la somme qu'il avait investie et cherchait une solution amiable. Il avait autorisé le voisin direct de la parcelle à y laisser ses moutons, et ce dernier allait l'aider à cultiver le terrain contre rémunération. Il avait aussi contacté « G______ » pour éventuellement replanter des vignes. Il était prêt à prendre des cours d'agriculture à ses frais. Il n'était pas spéculateur, mais avait de bonnes relations avec le milieu rural. Au surplus, il confirmait l'utilisation qu'il entendait faire de ce terrain.

6) Le 1er mai 2019, la CFA a conclu au rejet du recours. La LDFR était applicable, dès lors que la parcelle avait une surface de 2'500 m2. M. A______ n'était pas exploitant à titre personnel et aucun motif de dérogation ne justifiait l'acquisition en question.

7) Le 13 juin 2019, M. A______ a exercé son droit à la réplique. Il ne se sentait pas entendu, et victime d'une discrimination. Il avait acquis la parcelle lors d'enchères publiques, et l'ancien propriétaire n'était pas non plus exploitant. Il avait fait des propositions dans son recours, lesquelles n'avaient pas été traitées.

Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. La LDFR a pour but d'encourager la propriété foncière rurale et, en particulier, de maintenir des entreprises familiales comme fondement d'une population rurale forte et d'une agriculture productive orientée vers une exploitation durable du sol (art. 1 let. f LDFR ; Yves DONZALLAZ, Pratique et jurisprudence du droit foncier rural 1994-1998, p. 192, n° 497 et les références citées).

Elle ne s'applique toutefois pas « aux immeubles de moins de 15 ares pour les vignes, ou de moins de 25 ares pour les autres terrains, qui ne font pas partie d'une entreprise agricole » (art. 2 al. 3 LDTR).

3. L'acquisition d'un immeuble agricole est soumise à autorisation
(art. 61 al. 1 LDFR). En cas d'acquisition d'un immeuble agricole par la voie de la réalisation forcée, l'adjudicataire devra demander l'autorisation d'acquérir ledit immeuble dans les dix jours qui suivent l'adjudication (art. 67 al. 1 LDFR), étant précisé que cette autorisation est toujours traitée postérieurement à l'adjudication dans le cadre de la procédure d'autorisation de l'art. 64 LDFR (ATF
123 III 406 ; ATA/784/2001 du 27 novembre 2001).

4. L'autorisation est accordée s'il n'existe aucun motif de refus
(art. 61 al. 2 LDFR). Le fait pour l'acquéreur de ne pas être exploitant à titre personnel constitue l'un de ces motifs (art. 63 al. 1 let. a LDFR).

Il n'est pas contesté en l'occurrence que le recourant n'est pas exploitant à titre personnel.

5. Si l'acquéreur n'est pas exploitant à titre personnel, il peut néanmoins être autorisé à acquérir un bien immobilier agricole s'il prouve qu'il existe un juste motif au sens de l'article 64 al. 1 LDFR, notamment lorsque :

a)    l'acquisition sert à maintenir l'affermage d'une entreprise affermée en totalité depuis longtemps, à améliorer les structures d'une entreprise affermée ou à créer ou à maintenir un centre de recherches ou un établissement scolaire ;

b)      l'acquéreur dispose d'une autorisation définitive permettant, conformément à l'art. 24 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin l979 (LAT - RS 700), de ne pas utiliser le sol pour l'agriculture ;

c)      l'acquisition a lieu en vue d'une exploitation des ressources du sol permise par le droit de l'aménagement du territoire et que la surface ne contient pas une réserve de matières premières supérieure aux besoins que l'on peut raisonnablement reconnaître à l'entreprise ou n'est pas supérieure à celle dont l'entreprise a besoin comme terrain utilisé en remploi pour une surface située sur le territoire d'exploitation, et ce pour quinze années au plus. Le terrain qui n'est pas utilisé de l'une ou l'autre façon dans les quinze ans à compter de son acquisition doit être aliéné conformément aux dispositions de la présente loi. Il en va de même pour le terrain qui a été remis en culture ;

d)     l'entreprise ou l'immeuble agricole est situé dans une zone à protéger et que l'acquisition se fait conformément au but de la protection ;

e)      l'acquisition permet de conserver un site, une construction ou une installation d'intérêt historique digne de protection, ou un objet relevant de la protection de la nature ;

f)       malgré une offre publique à un prix qui ne soit pas surfait, aucune demande n'a été faite par un exploitant à titre personnel ;

g)      un créancier qui détient un droit de gage sur l'entreprise ou l'immeuble acquiert celui-ci dans une procédure d'exécution forcée.

6. a. En l'espèce, la parcelle ayant une surface de 2'500 m², elle ne fait pas moins de 25 ares et elle est dès lors soumise à la LDFR.

b. D'autre part, le recourant ne se trouve pas dans une situation décrite par l'un des justes motifs d'acquisition rappelé ci-dessus, voire s'en approchant. L'acquisition refusée n'a pas de lien avec une entreprise affermée ou avec une exploitation des ressources du sol. Même si la parcelle en question est située à l'intérieur du périmètre protégé par la loi sur la protection générale des rives du Rhône du 27 janvier 1989 (LPRRhône - L 4 13), l'acquisition par l'intéressé de cette parcelle n'a pas de lien avec le but de protection de ladite loi, ni n'est particulièrement apte à conserver un site ou un objet relevant de la protection de la nature.

De plus, en l'absence notamment d'une offre publique d'achat, rien ne permet d'exclure qu'un exploitant à titre personnel se porterait acquéreur de la parcelle.

7. Au vu de ce qui précède, il n'existe pas de juste motif au sens de
l'art. 64 al. 1 LDFR permettant d'autoriser le recourant à acquérir la parcelle en question. Aucun élément ne permet de revenir sur l'appréciation faite par l'autorité intimée.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

Au vu de l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 février 2019 par Monsieur A______ contre la décision de la Commission foncière agricole du 15 janvier 2019 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, à la Commission foncière agricole, à l'office fédéral de la justice ainsi qu'à l'office des poursuites pour information.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin, Pagan et Verniory, Mme Cuendet, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :