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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1803/2018

ATA/1725/2019 du 26.11.2019 sur JTAPI/115/2019 ( LCI ) , ADMIS

Descripteurs : PERMIS DE CONSTRUIRE;ACTION POPULAIRE;QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR;INTÉRÊT DIGNE DE PROTECTION
Normes : LPA.60.al1.leta; LPA.60.al1.letb
Parties : MERCIER Roland / DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC, SCHNEIDER Jacqueline, JEAN-PIERRE HIRT ET JACQUELINE SCHNEIDER
Résumé : Admission du recours contre une décision du TAPI au motif que le recourant en tant que voisin direct sera touché plus que quiconque par l'autorisation de construire. Il a un intérêt digne de protection ne s'apparentant pas à une action populaire.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1803/2018-LCI ATA/1725/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 novembre 2019

3ème section

 

dans la cause

 

Monsieur Roland MERCIER
représenté par Me Andreas Fabjan, avocat

contre

 

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 

et

 

Madame Jacqueline SCHNEIDER et JEAN PIERRE HIRT SÀRL

représentées par Me Dominique Burger, avocate

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 février 2019 (JTAPI/115/2019)


EN FAIT

1) Madame Jacqueline SCHNEIDER est propriétaire de la parcelle n° 4'306, feuille 9, à l'adresse 15A route du Camp à Plan-les-Ouates (ci-après : la commune).

Le degré de sensibilité II a été attribué à cette parcelle, située en cinquième zone de construction et sur laquelle est érigée une maison d'habitation. L'accès à la parcelle, depuis la route du Camp, se fait par un chemin privé d'une longueur de 43 m pour une largeur de 3,5 m (mesures effectuées sur le système d'information du territoire genevois [SITG]).

2) Monsieur Roland MERCIER, domicilié 11B route du Camp, est propriétaire de la parcelle voisine n° 4308, feuille 9, de la commune.

3) Ces parcelles, comprises dans un périmètre identifié dans le plan directeur cantonal 2030 adopté le 20 septembre 2013 par le Grand Conseil genevois et approuvé par le Conseil fédéral le 29 avril 2015 (ci-après : le PDCn 2030) comme étant destinées à être densifiées par modification de zone, se sont vu appliquer le régime selon lequel aucune dérogation à l'art. 59 al. 4 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI -L 5 05) ne sera délivrée (carte du programme de densification des quartiers de villas état au 27 juillet 2017 ; https://www.ge.ch/document/carte-du-programme-densification-quartiers-villas).

4) Le 21 mars 2017, Jean-Pierre Hirt Sàrl (ci-après : la Sàrl) a déposé auprès du département de l'aménagement, du logement et de l'énergie devenu le département du territoire (ci-après : DT ou le département) une demande d'autorisation de construire portant sur la construction d'une habitation contiguë à deux logements (25.8 % ; haute performance énergétique [HPE]), avec couverts à voiture et réduits (DD 110197), sur la parcelle n° 4'306.

Cette demande était signée par Monsieur Jean Pierre HIRT, architecte et associé-gérant de la Sàrl, au bénéfice d'une procuration signée par Mme SCHNEIDER, laquelle lui donnait « tous pouvoirs et procuration pour signer toutes pièces et documents nécessaires au dépôt de la demande en autorisation définitive de construire (...) sur la parcelle 4306 (...) ».

5) Dans le cadre de l'instruction de cette demande, les préavis suivants ont notamment été délivrés :

- favorable, le 10 avril 2017, de la direction de la planification directrice cantonale et régionale (ci-après : SPI) qui a relevé que « la requête est située dans un périmètre concerné par le « programme de densification des quartiers villas » dans lequel l'art. 59 al. 4 LCI n'est pas appliqué » ;

- favorable sous conditions, le 11 avril 2017, de la direction générale du génie civil (ci-après : DGGC) qui a relevé, s'agissant d'une construction située dans une zone exposée au bruit routier, qu'il appartenait au propriétaire de prendre toutes les dispositions utiles pour respecter l'ordonnance sur la protection contre le bruit du 15 décembre 1986 (OPB - RS 814.41) et en particulier ses art. 31 et 34. Il était demandé que le service de protection contre le bruit et les rayonnements non ionisants (ci-après : SABRA) préavise le dossier afin de s'assurer que ces dispositions soient respectées ;

- favorable, le 16 août 2017, de l'inspection de la construction, proposant un indice d'utilisation du sol (ci-après : IUS) de 25 % pour la maison existante et de 25,8 % pour l'habitat groupé projeté ;

- favorable, le 2 octobre 2017, de la commune. Ce préavis faisait suite à un premier préavis du 9 mai 2017 demandant une modification du projet ;

- favorable sans observation, le 30 octobre 2017, de la direction générale des transports (ci-après : DGT) ;

- favorable sans observation, le 23 janvier 2018, de la commission d'architecture (ci-après : CA), après avoir demandé et obtenu plusieurs modifications du projet (préavis des 11 avril, 5 septembre et 30 novembre 2017) ;

- favorable, le 9 mars 2018, du SABRA, lequel, après avoir rappelé les valeurs à respecter en zone 5 avec un DS II, a considéré qu'il n'y avait pas de source de bruit routier, ferroviaire ou aérien à proximité susceptible de générer un dépassement de ces valeurs limites et indiqué que les exigences minimales de la norme SIA 181 (2006) devaient être respectées (art. 32 OPB).

6) Le 25 avril 2018, le département a délivré la décision globale d'autorisation de construire sollicitée, laquelle a été publiée dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du même jour.

7) Par acte du 25 mai 2018, M. MERCIER a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) concluant à son annulation avec suite de frais et dépens.

Propriétaire de la parcelle contiguë à celle concernée par l'autorisation querellée, la qualité pour recourir devait lui être reconnue. À cela s'ajoutait que l'admission des griefs tirés du droit des constructions qu'il faisait valoir aurait une influence sur sa situation concrète.

Le département n'avait par ailleurs pas pris en considération les objectifs imposés par le PDCn 2030 pour le périmètre concerné, selon lesquels ce dernier devrait être densifié par modification de zone (fiche n° A03). Les prescriptions relatives à l'équipement du terrain n'étaient pas acquises, vu l'étroitesse du chemin d'accès à la parcelle et le département n'avait enfin, à tort, pas pris en considération les nuisances sonores liées à la proximité de la zone industrielle et artisanale limitrophe, à l'échangeur de l'autoroute de contournement, ainsi qu'à la route du Camp, auxquelles les habitations projetées seraient exposées.

8) Mme SCHNEIDER et la Sàrl (ci-après : les intimées) ont répondu au recours le 25 juin 2018, concluant à son rejet et à la confirmation de la décision querellée, sous suite de frais et dépens.

Il était douteux que M. MERCIER, intéressé à acheter la surface concernée par l'autorisation de construire litigieuse pour ses fils, dispose de la qualité pour recourir.

Le PDCn n'obligeant pour le surplus que les autorités et non les particuliers, M. MERCIER ne saurait s'en prévaloir pour s'opposer à l'autorisation querellée. Il ressortait en tout état d'un courrier du 18 mai 2016 du Conseil administratif de la commune que les limites des zones réservées avaient été redessinées et que les zones précédemment qualifiées de « réservées » sur Plan-les-Ouates n'existaient plus et avaient été requalifiées en secteur de non-application de l'art. 59 al. 4 LCI.

S'agissant du grief tiré de la violation des prescriptions relatives à l'équipement du terrain, l'autorisation litigieuse ne portait, pour rappel, que sur la construction d'une habitation de deux logements, mitoyenne à la villa existante de Mme SCHNEIDER. L'augmentation du trafic serait négligeable et, si certes le chemin d'accès depuis la route du Camp était étroit, le croisement de véhicules était possible. M. MERCIER, qui n'utilisait pas ce chemin pour accéder à sa parcelle, ne souffrirait personnellement d'aucune gêne, étant rappelé que les préavis des services concernés avaient été favorables. L'autorisation de construire prévoyait enfin que les conditions figurant dans les préavis devaient être strictement respectées et faisaient partie intégrante de l'autorisation globale.

9) Dans ses observations du 19 juillet 2019, le département a conclu au rejet du recours de M. MERCIER et à la confirmation de sa décision du 25 avril 2018, relevant que la qualité pour recourir de l'intéressé était douteuse, au vu des griefs soulevés.

M. MERCIER lui reprochait de n'avoir pas respecté le PDCn 2030 et d'avoir abusé de son pouvoir d'appréciation en décidant de ne pas faire application de l'art. 13B al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30) lors de sa prise de décision. Or, d'une part, le PDCn 2030 ne produisait aucun effet direct à l'égard des particuliers et, d'autre part, il relevait de son pouvoir d'appréciation de décider de la mise en oeuvre ou non de l'art. 13B al. 2 LaLAT, étant rappelé qu'en l'espèce il avait finalement été décidé de ne pas classer le périmètre dans lequel était située la parcelle litigieuse en zone réservée mais de privilégier la non-application de l'art. 59 al. 4 LCI. Le grief de violation de l'art. 19 al. 1 LAT, si tant était qu'il fut recevable, devait également être rejeté, les conditions posées par cette disposition étant manifestement respectées. En rendant un préavis favorable sans réserve, la DGT confirmait que le chemin d'accès pourrait absorber l'accroissement de trafic généré par le projet. Le croisement de plusieurs véhicules sur ce chemin - qui ne desservait que trois parcelles - apparaissait également tout à fait réalisable.

Le grief tiré du non-respect des dispositions sur la protection contre le bruit était enfin irrecevable dans la mesure où M. MERCIER ne se plaignait pas de nuisances sonores qui seraient induites par la nouvelle construction. Quoi qu'il en soit, le SABRA avait considéré qu'il n'y avait pas de source de bruit à proximité, susceptible de générer un dépassement des valeurs limites d'immission.

10) Le 14 septembre 2018, M. MERCIER a répliqué. Sa qualité pour recourir devait être reconnue dès lors que sa situation de voisin serait fondamentalement modifiée en cas d'admission du recours puisque le projet ne serait pas réalisé.

Le département agissait de manière contradictoire en manifestant son intention de déclasser le périmètre englobant la parcelle de Mme SCHNEIDER pour finalement autoriser le projet, violant ainsi les principes de la légalité, de l'égalité de traitement, de la bonne foi et de la proportionnalité. Ce dernier principe était en particulier violé dès lors que la non application de l'art. 59 al. 4 LCI n'était pas apte à atteindre l'objectif visé par le PDCn 2030.

S'agissant de l'équipement du terrain, un transport sur place permettrait de constater qu'un croisement était impossible sur le chemin d'accès à la parcelle de l'intimée depuis la route du Camp, ce qui impliquerait que l'un des conducteurs recule sur la voie publique, avec les dangers en découlant pour la circulation. Une telle configuration n'était pas acceptable pour une habitation de trois logements compte tenu de l'augmentation des allées et venues et des croisements qui en résulteraient immanquablement. Le SABRA n'avait enfin pas pris en considération le fait que la parcelle était directement adjacente à une zone industrielle qui, par essence, accueillait des entreprises susceptibles de causer des nuisances sonores.

11) Dans leur duplique du 27 septembre 2018, les intimées ont persisté dans leurs observations relevant pour le surplus que M. MERCIER ne prétendait pas avoir fait l'objet d'un traitement distinct qui pourrait le fonder à se plaindre d'une violation du principe de l'égalité de traitement et précisant que le chemin d'accès depuis la route du Camp, rectiligne, d'une largeur de 3,5 m et d'une longueur de 44 m, permettait aisément les manoeuvres, respectivement de voir les véhicules qui y pénétraient. Le respect de l'OPB ne concernait enfin que les habitations projetées et seuls des entrepôts (Caritas et Bignens Vins) étaient installés à proximité.

12) Le département a également dupliqué, le 18 octobre 2018, relevant en substance que M. MERCIER n'avait toujours pas démontré être touché plus que quiconque par la réalisation des constructions projetées. Il a, pour le surplus, rappelé que l'autorisation portait sur un projet avec un IUS de 25,8 % et que, dès lors, l'art. 59 al. 4 LCI n'entrait pas en ligne de compte, que les normes de l'association suisse des professionnels de la route et des transports (VSS) ne liaient pas les autorités.

13) Par jugement du 7 février 2019, le TAPI a déclaré le recours irrecevable.

M. MERCIER ne disposait pas de la qualité pour recourir. En effet, bien qu'il soit un voisin direct, au vu de la proximité des parcelles, l'intéressé ne prouvait pas qu'il était touché plus que la majorité des riverains et n'exposait aucun avantage pratique à l'admission du recours.

Les objectifs imposés par le PDCn 2030 n'étaient pas opposables aux particuliers et ne pouvaient pas fonder l'annulation d'une autorisation de construire. S'agissant de l'étroitesse du chemin d'accès à la parcelle de Mme SCHNEIDER et des dangers découlant de l'intersection avec la route du Camp, M. MERCIER n'empruntait pas ledit chemin et n'utilisait pas la route du Camp d'une manière plus significative le distinguant des autres habitants du quartier. Il ne serait donc pas spécialement atteint si un tel danger se réalisait. Enfin, les nuisances sonores dont il se plaignait s'apparentaient à une action populaire car il s'agissait d'une situation constitutive de nuisances par des tiers pour des tiers.

Quand bien même les griefs seraient recevables, le TAPI n'avait pas à substituer sa propre appréciation à celle de l'autorité intimée, qui s'était elle-même reposée sur les préavis favorables des instances compétentes, composées de spécialistes disposant des compétences utiles pour évaluer la situation.

14) Par acte du 13 mars 2019, M. MERCIER a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Il a conclu à l'annulation du jugement précité, à ce que le recours soit déclaré recevable et le dossier renvoyé au TAPI pour nouvelle décision. Subsidiairement, à l'annulation de l'autorisation de construire délivrée.

Il possédait la qualité pour recourir car, outre le fait qu'il était un voisin direct, il était touché dans une plus large mesure que les autres riverains. En effet, les deux villas seraient visibles depuis sa parcelle. Elles induiraient une forte modification de l'aspect général de la zone et donneraient directement sur la terrasse et le jardin situés à l'arrière de la maison du recourant. Cela engendrerait une perte de vue et d'intimité qui auraient des conséquences négatives sur la valeur de la villa.

Sur le fond, le recourant rappelait brièvement les griefs invoqués en première instance.

15) Le 18 mars 2019, le TAPI a renoncé à formuler des observations.

16) Par acte du 12 avril 2019, les intimés ont conclu au rejet du recours.

Le recourant ne faisait valoir aucune disposition susceptible d'avoir une incidence sur sa situation de fait ou de droit. Toutes les dispositions qu'il invoquait n'indiquaient aucun intérêt personnel à l'annulation de l'autorisation de construire. Même si M. MERCIER était un voisin direct, il n'utilisait pas le chemin d'accès à la propriété de Mme SCHNEIDER. Au surplus, le respect des conditions de l'OPB ne concernait que les habitations qui y seraient construites et le recourant n'était pas concerné à cet égard.

La perte de valeur de sa villa était un argument sans fondement car la construction d'une villa de deux logements serait plus basse que celle de Mme SCHNEIDER qui serait maintenue sur cette parcelle. Enfin, l'argument concernant le fait que la densité de la zone concernée n'était pas respectée était contradictoire.

17) Par acte du 15 avril 2019, le département a déposé des observations, concluant au rejet du recours.

Les griefs invoqués par le recourant ne permettaient pas de démontrer qu'il serait touché dans une mesure et une intensité plus grande que la généralité des administrés ou qu'il subirait un préjudice quelconque de l'autorisation de construire délivrée.

18) Le 20 mai 2019, le recourant a répliqué. Il indiquait que les désavantages invoqués dus à l'autorisation de construire n'étaient pas seulement hypothétiques mais absolument certains. Par ailleurs, l'analyse devait se porter sur son intérêt pratique à recourir afin de déterminer sa qualité pour agir et non sur les griefs invoqués au fond. L'intéressé serait particulièrement touché par les constructions à venir, il avait donc un intérêt personnel et pratique à recourir.

19) Le 15 octobre 2019, les intimées ont informé la chambre administrative que Mme SCHNEIDER se trouvait dans une situation économique difficile car elle attendait l'entrée en force de l'autorisation de construire pour pouvoir vendre la partie de sa parcelle.

20) Ensuite de quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur le bien fondé du jugement du TAPI déniant à un voisin la qualité pour recourir contre une autorisation de construire portant sur la construction d'une habitation contiguë à deux logements, avec couverts à voiture et réduits.

3) a. À teneur de l'art. 60 let. a et b LPA, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée, sont titulaires de la qualité pour recourir (ATA/186/2019 du 26 février 2019 ; ATA/1159/2018 du 30 octobre 2018 ; ATA/661/2018 du 26 juin 2018). La chambre administrative a déjà jugé que les let. a et b de la disposition précitée doivent se lire en parallèle : ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s'il était partie à la procédure de première instance (ATA/799/2018 du 7 août 2018 et l'arrêt cité ; Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, p. 184 n. 698).

b. Cette notion de l'intérêt digne de protection est identique à celle qui a été développée par le Tribunal fédéral sur la base de l'art. 103 let. a de la loi fédérale d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943 (OJ - RS 173.110) et qui était, jusqu'à son abrogation le 1er janvier 2007, applicable aux juridictions administratives des cantons, conformément à l'art. 98a de la même loi. Elle correspond aux critères exposés à l'art. 89 al. 1 let. c de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005, en vigueur depuis le 1er janvier 2007 (LTF - RS 173.110) que les cantons sont tenus de respecter, en application de la règle d'unité de la procédure qui figure à l'art. 111 al. 1 LTF (ATF 144 I 43 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_170/2018 du 10 juillet 2018 consid. 4.1 ; Message du Conseil fédéral concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale du 28 février 2001, FF 2001 p. 4126 ss et 4146 ss). Selon l'art. 89 al. 1 LTF, a qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a), est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué (let. b) et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (let. c).

L'intérêt digne de protection implique que le recourant soit touché de manière directe, concrète et dans une mesure et avec une intensité plus grandes que la généralité des administrés, répondant ainsi à l'exigence d'être particulièrement atteint par la décision. L'intérêt invoqué, qui peut être un intérêt de fait, doit se trouver dans un rapport étroit, spécial et digne d'être pris en considération avec l'objet de la contestation (arrêts du Tribunal fédéral 1C_56/2015 consid. 3.1 ; 1C_152/2012 consid. 2.1 ; ATA/1218/2015 du 10 novembre 2015 ; François BELLANGER/Thierry TANQUEREL ; Le contention administratif ; éd. 2013, pp. 115-116). Le lien de connexité est clair lorsque le recourant est l'un des destinataires de la décision. Si le recourant est un tiers, il devra démontrer l'existence d'une communauté de fait entre ses intérêts et ceux du destinataire. Par exemple, le voisin d'un fonds pourra recourir si la décision concernant ce fonds lui cause un préjudice réel, car il est suffisamment proche de celui-ci pour risquer de subir les nuisances alléguées (François BELLANGER/Thierry TANQUEREL ; op. cit., pp. 115-116).

c. En matière de droit des constructions, le voisin direct de la construction ou de l'installation litigieuse a en principe la qualité pour recourir (ATF 139 II 499 consid. 2.2 ; arrêt 1C_382/2017 du 16 mai 2018 consid. 1.2.1). La proximité avec l'objet du litige ne suffit néanmoins pas à elle seule à conférer au voisin la qualité pour recourir (pour un aperçu de la jurisprudence rendue à cet égard, cf. notamment arrêt 1C_2/2010 du 23 mars 2010 consid. 4 et les références citées). Le critère de la distance constitue certes un indice essentiel, mais il n'est pas à lui seul déterminant ; s'il est certain ou très vraisemblable que l'installation ou la construction litigieuse sera à l'origine d'immissions - bruit, poussières, vibrations, lumière, fumée - atteignant spécialement les voisins, même situés à une certaine distance, ceux-ci peuvent avoir la qualité pour recourir (ATF 140 II 214 consid. 2.3 ; 136 II 281 consid. 2.3.1 ; arrêt 1C_27/2018 du 6 avril 2018 consid. 1.1). En bref, le voisin est admis à recourir lorsqu'il est atteint de manière certaine ou du moins avec une probabilité suffisante par la gêne que la décision peut occasionner (ATF 140 II 214 consid. 2.3). Il doit retirer un avantage pratique de l'annulation ou de la modification de l'arrêt contesté qui permette d'admettre qu'il est touché dans un intérêt personnel se distinguant nettement de l'intérêt général des autres habitants de la collectivité concernée de manière à exclure l'action populaire (ATF 137 II 30 consid. 2.2.3 et 2.3 ; 133 II 249 consid. 1.3.1).

La qualité pour recourir est en principe donnée lorsque le recours émane du propriétaire d'un terrain directement voisin de la construction ou de l'installation litigieuse (ATF 137 II 30 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_822/2013 du 4 janvier 2014 consid. 2.2 ; ATA/659/2018 du 26 juin 2018 ; concernant une personne qui va devenir voisine de la construction litigieuse : ATA/450/2008 du 2 septembre 2008 ; Laurent PFEIFFER, op. cit, p. 92).

Est considéré comme voisin immédiat celui dont le terrain jouxte celui du constructeur, se situe en face de lui, séparé par exemple par une route ou un chemin, ou se trouve à une distance relativement faible de l'immeuble sur lequel il y aura la construction ou l'installation litigieuse (Piermarco ZEN-RUFFINEN, La qualité pour recourir des tiers dans la gestion de l'espace in Les tiers dans la procédure administrative, Genève, 2004, p. 176 et les références citées). Ces conditions peuvent aussi être réalisées en l'absence de voisinage direct, quand une distance relativement faible sépare l'immeuble des recourants de l'installation litigieuse (ATF 121 II 171 174 ; ATA/713/2011 du 22 novembre 2011). La qualité pour recourir a ainsi été admise pour des distances variant entre 25 et 150 m (ATA/1218/2015 précité ; ATA/66/2012 du 31 janvier 2012 et la jurisprudence citée).

4) En l'espèce, le projet autorisé prévoit comme nouvelle construction une villa comprenant deux logements, avec couverts à voiture et réduits. Ces installations se trouveront à hauteur de la terrasse et du jardin situés à l'arrière de la maison de l'intéressé.

Le recourant, propriétaire et voisin direct de la parcelle sur laquelle vont être érigées les constructions litigieuses, sera directement touché et plus que quiconque par l'autorisation de construire. Il a donc un intérêt digne de protection au sens de la jurisprudence susmentionnée. Les risques qu'il invoque apparaissent, au vu des nouvelles constructions envisagées, suffisamment vraisemblables pour admettre sa qualité pour recourir. Pour ces motifs, son recours ne peut s'apparenter à une action populaire. Au demeurant, il a participé à la procédure devant l'autorité précédente.

Par conséquent, la qualité pour recourir doit être reconnue au recourant. Le jugement du TAPI qui refuse d'entrer en matière sur son recours est ainsi contraire au droit.

5) Pour ces motifs, le recours sera admis, et la qualité pour recourir reconnue à l'intéressé. Le jugement du 7 février 2019 sera ainsi annulé et la cause renvoyée au TAPI afin qu'il traite le fond du litige.

6) Vu l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée au recourant, à la charge de Jean Pierre Hirt Sàrl et de Mme SCHNEIDER, pris conjointement et solidairement pour moitié et de l'État de Genève (Pouvoir judiciaire), pour l'autre moitié (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 mars 2019 par Monsieur Roland MERCIER contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 février 2019 ;

au fond :

l'admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 février 2019 ;

renvoie la cause au Tribunal administratif de première instance pour nouvelle décision au sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue une indemnité de CHF 1'000.- à Monsieur Roland MERCIER, pour moitié à la charge de Jean Pierre Hirt Sàrl et de Madame Jacqueline SCHNEIDER pris conjointement et solidairement et pour l'autre moitié à la charge de l'État de Genève (Pouvoir judiciaire) ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Andreas Fabjan, avocat du recourant, à Me Dominique Burger, avocate des intimés, au département du territoire-oac, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin et Pagan, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :