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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4128/2019

ATA/1720/2019 du 26.11.2019 ( PROF ) , IRRECEVABLE

Recours TF déposé le 04.01.2020, rendu le 07.01.2020, IRRECEVABLE, 2C_8/2020
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4128/2019-PROF ATA/1720/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 novembre 2019

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A______

contre

 

COMMISSION DU BARREAU

et

Monsieur B______



EN FAIT

1) Par décision du 26 septembre 2019, la commission du barreau a classé les dénonciations faites par Madame A______ contre Monsieur B______, avocat.

a. Il ressort en substance de cette décision que Mme A______ et son ancien compagnon, à l'époque inscrit au registre des avocats et membre de l'ordre de cette profession, sont opposés dans un lourd et douloureux litige ayant pour sujet leur fille, C______.

M. B______, à l'époque bâtonnier de l'ordre, avait été saisi d'un différend opposant l'ex-compagnon de Mme A______ aux deux conseils de cette dernière. Selon elle, M. B______ avait reçu des plaintes calomnieuses de la part de proches de son ex-compagnon qu'il n'aurait pas dû recueillir, en sa qualité de représentant des avocats et de responsable de leur discipline.

b. Après avoir donné l'occasion à M. B______ de se déterminer, la commission du barreau a retenu que les écritures et les pièces produites ne permettaient pas de déceler le moindre indice de manquement au devoir de sa profession par l'avocat dénoncé.

c. Cette décision a été communiquée à Mme A______.

2) Par acte mis à la poste le 29 octobre 2019 et reçu par la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) le 8 novembre 2019, muni d'un autocollant indiquant que « l'adresse erronée ou imprécise de cet envoi a retardé sa distribution », Mme A______ a déposé un recours contre la décision précitée.

Dans la mesure où ce recours est compréhensible, elle reprochait à M. B______ de ne pas avoir réussi à se faire respecter, d'avoir favorisé son ex-compagnon - que M. B______ connaissait - et d'avoir ainsi nui à sa fille.

Elle concluait, sur le fond et sur mesures provisionnelles, à ce qu'elle-même ainsi que deux témoins soient entendus soit par la commission du barreau, soit par la chambre administrative, après que l'assistance judiciaire lui fut accordée.

3) Ce recours a été transmis, pour information, à la commission du barreau ainsi qu'à M. B______.

 

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces deux points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La chambre de céans examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATA/1021/2016 du 6 décembre 2016 consid. 2).

3) a. Selon l'art. 60 al. 1 LPA, ont qualité pour recourir non seulement les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée (let. a), mais aussi toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée (let. b).

b. La jurisprudence a précisé que les let. a et b de la disposition précitée doivent se lire en parallèle : ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s'il était partie à la procédure de première instance (ATA/253/2013 du 23 avril 2013 consid. 2b et les références citées). L'exemple le plus évident concerne la partie à la procédure qui a obtenu le plein de ses conclusions au stade antérieur de la procédure, et n'est dès lors pas lésée par la décision ou le jugement de première instance (ATA/68/2012 du 31 janvier 2012 consid. 2).

c. L'intérêt à obtenir un jugement favorable doit être personnel, direct, immédiat et actuel (MGC 1984 I 1604 ss ; 1985 III 4373 ss ; ATA/1059/2015 du 6 octobre 2015 consid. 3a).

L'intérêt digne de protection consiste en l'utilité pratique que l'admission du recours apporterait au recourant, en lui évitant de subir un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision attaquée lui occasionnerait (ATF 133 II 249 consid. 1.3.1). L'existence d'un intérêt digne de protection présuppose que la situation de fait ou de droit du recourant puisse être influencée par l'annulation ou la modification de la décision attaquée, ce qu'il lui appartient d'établir (ATF 120 Ib 431 consid. 1).

4) a. La dénonciation est une procédure non contentieuse par laquelle n'importe quel administré peut attirer l'attention d'une autorité hiérarchiquement supérieure sur une situation de fait ou de droit qui justifierait à son avis une intervention de l'État dans l'intérêt public. La dénonciation est possible dans toute matière où l'autorité pourrait intervenir d'office. En principe, l'administré n'a aucun droit à ce que sa dénonciation soit suivie d'effets, car l'autorité saisie peut, après un examen sommaire, décider de la classer sans suite ; le dénonciateur n'a même pas de droit à ce que l'autorité prenne une décision au sujet de sa dénonciation (ATF 133 II 468 consid. 2 ; André GRISEL, Traité de droit administratif, vol. II, 1984, p. 950 ss).

Par conséquent, dans une procédure non contentieuse, la seule qualité de plaignant ou de dénonciateur ne donne pas le droit de recourir contre la décision prise ; le plaignant ou le dénonciateur doit encore pouvoir invoquer un intérêt digne de protection à ce que l'autorité de surveillance intervienne. La jurisprudence a ainsi dénié la qualité pour recourir au plaignant dans le cadre d'une procédure disciplinaire dirigée contre un avocat, considérant que celui-là n'avait pas un intérêt propre et digne de protection à demander une sanction disciplinaire à l'encontre de l'avocat pour une éventuelle violation de ses obligations professionnelles. En effet, la procédure de surveillance disciplinaire des avocats a pour but d'assurer l'exercice correct de la profession par les avocats et de préserver la confiance du public à leur égard, et non de défendre les intérêts privés des particuliers (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 ; 135 II 145 consid. 6.1 ; 133 II 468 consid. 2 ; 132 II 250 consid. 4.4).

Dans les procédures disciplinaires engagées contre des personnes exerçant une profession réglementée, le dénonciateur ou le plaignant n'est donc pas partie à la procédure (ATA/841/2019 du 30 avril 2019 et les références citées).

b. Aux termes de l'art. 48 de la loi sur la profession d'avocat du 26 avril 2002 (LPAv - E 6 10), si la procédure a été ouverte sur une dénonciation, l'auteur de cette dernière est avisé de la suite qui y a été donnée ; il n'a pas accès au dossier ; la commission lui communique la sanction infligée et décide dans chaque cas de la mesure dans laquelle il se justifie de lui donner connaissance des considérants.

c. Selon l'art. 12 let. a de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats du 23 juin 2000 (LLCA - RS 935.61), afférent aux règles professionnelles, l'avocat exerce sa profession avec soin et diligence.

d. En vertu de l'art. 12 let. c LLCA, l'avocat évite tout conflit entre les intérêts de son client et ceux des personnes avec lesquelles il est en relation sur le plan professionnel ou privé.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral modifiée ou précisée en février 2012, l'interdiction de postuler dans un cas concret fondée sur cette disposition légale - à distinguer d'une sanction disciplinaire - ne relève en principe pas du droit disciplinaire, mais du contrôle du pouvoir de postuler de l'avocat (ATF 138 II 162 consid. 2.5.1).

5) En l'espèce, la cause n'a pas pour objet une décision de la commission du barreau portant sur l'existence ou non d'un conflit d'intérêts d'un avocat à l'égard de son mandant ou de sa partie adverse et sur une interdiction qui lui serait signifiée de représenter son client, soit sur une question ayant une incidence directe sur la conduite d'un mandat de représentation en cours conduit par l'avocat concerné. La dénonciation vise uniquement à remettre en question l'intervention de M. B______, en sa qualité de bâtonnier de l'ordre des avocats, dans le cadre du dispositif mis sur pied par cette association pour aplanir les litiges pouvant survenir entre ses membres.

Dès lors, les droits ou obligations de la dénonciatrice, au sens de l'art. 7 LPA, ne pourraient en aucun cas être touchés par les décisions rendues par la commission du barreau à la suite de ladite dénonciation.

Il n'y a donc pas lieu d'entrer en matière sur les reproches formulés par la recourante contre M. B______.

Vu ce qui précède, le recours sera déclaré irrecevable pour défaut de la qualité pour recourir, sans autre acte d'instruction (art. 72 LPA).

6) Malgré l'issue du litige, aucun émolument ne sera mis à la charge de la recourante, laquelle a annoncé avoir déposé une demande d'assistance juridique dont l'issue n'est pas encore connue (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 29 octobre 2019 par Madame A______ contre la décision de la commission du barreau du 26 septembre 2019 ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______, à la commission du barreau, ainsi qu'à Monsieur B______.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :