Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/4638/2017

ATA/1726/2019 du 26.11.2019 sur JTAPI/36/2019 ( ICCIFD ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 17.01.2020, rendu le 27.04.2021, ADMIS, 2C_60/2020
Descripteurs : OBJET DU LITIGE;IMPÔT À LA SOURCE;TAXATION CONSÉCUTIVE À UNE PROCÉDURE;SUBSTITUTION FISCALE;DÉLAI ABSOLU;PRESCRIPTION;CALCUL DE L'IMPOT;REVENU DÉTERMINANT;BARÈME;SOUSTRACTION D'IMPÔT;FIXATION DE L'AMENDE
Normes : LIFD.137; LIFD.138; LIFD.151; LIFD.152; LIFD.91; LIFD.84; LIFD.85; LIFD.86; LIFD.40; LIFD.175; LISP.21; LISP.23; LHID.49; LHID.53; LHID.15; LHID.56; LPFisc.61; LPFisc.69; OIS.1; Cst.127
Résumé : Admissibilité d’un rappel d’impôt effectué à l’encontre du débiteur de la prestation imposable s’étant acquitté, pour les années 2008 à 2013, d’un montant d’impôt à la source insuffisant. Principe de l’annualisation du revenu pour la détermination du taux de l’impôt en présence de revenus périodiques. Admission très partielle du recours en lien avec la quotité des amendes pour soustraction fiscale infligées.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4638/2017-ICCIFD ATA/1726/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 novembre 2019

4ème section

 

dans la cause

 

A______ SA
représentée par Mes Xavier Oberson et Gregory Clerc, avocats

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 janvier 2019 (JTAPI/36/2019)


EN FAIT

1) A______ SA (ci-après : la société) est une société anonyme inscrite au registre du commerce de Genève, canton dans lequel elle a son siège. Elle a pour but statutaire toutes prestations médicales au chevet du patient.

2) La société emploie des médecins dont la plupart sont domiciliés en France et soumis à l'impôt à la source (ci-après : IS) en Suisse. Les médecins sont payés par la société, sur la base d'une rétribution de 42,25 % des honoraires acquittés par les patients. Dans le cas de patients de passage en Suisse, ceux-ci rétribuent toutefois directement le médecin par un « encaissé sur place » (ci-après : ESP), sans envoi de facture, la société prélevant une retenue forfaitaire de CHF 50.- par consultation à titre de frais administratifs.

3) Entre 2009 et 2014, l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a régulièrement transmis à la société, en tant que débiteur de la prestation imposable (ci-après : DPI), des bordereaux d'IS, à savoir : le 19 mai 2009 pour l'IS 2008 (CHF 348'205.35), le 25 février 2010 pour l'IS 2009 (CHF 441'726.15), le 10 février 2011 pour l'IS 2010 (CHF 379'624.-), le 14 février 2012 pour l'IS 2011 (CHF 369'827.55), le 5 février 2013 pour l'IS 2012 (CHF 385'963.40) et le 11 février 2014 pour l'IS 2013 (CHF 448'091.-).

4) Le 21 octobre 2014, l'AFC-GE a informé la société de l'ouverture d'une procédure en rappel et soustraction d'impôt pour l'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) et l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD) 2004 à 2013.

5) Lors d'un contrôle effectué par l'AFC-GE du 11 au 13 novembre 2014 dans les locaux de la société, il est apparu que celle-ci n'avait pas soumis à l'IS les rétributions des ESP.

6) Par courrier du 5 décembre 2014, l'AFC-GE a informé la société de l'ouverture d'une procédure en rappel et soustraction de l'IS 2004 à 2013.

7) Lors d'un nouveau contrôle effectué par l'AFC-GE dans les locaux de la société les 18 et 19 décembre 2014, il est en outre apparu que les prestations soumises à l'IS avaient été imposées au taux annuel correspondant aux dites prestations.

8) Le 22 janvier 2015, l'AFC-GE a requis de la société de lui indiquer le nombre de jours de travail effectués pour chaque médecin pour les années 2004 à 2013.

9) Le 4 février 2015, la société a transmis à l'AFC-GE le tableau général des jours de consultation des différents médecins pour les années 2006 à 2013.

10) Le 24 mars 2015, les dirigeants de la société ont été reçus dans les locaux de l'AFC-GE.

11) Le 28 avril 2015, la société a fait suite à cet entretien et expliqué à l'AFC-GE les spécificités de sa situation, qui rendaient difficile la détermination du taux d'IS applicable. Les médecins qu'elle employait étaient payés à l'acte et travaillaient sur appel selon des durées variables, certains d'entre eux pouvant travailler deux jours par année, et d'autres plus de 230 jours. Leur taux d'activité dépendait de la fréquence à laquelle ils étaient sollicités et ne pouvait être déterminé à l'avance. D'autres facteurs, variables et imprévisibles, comme les saisons ou les épidémies, venaient en outre influer sur leur travail. Il n'existait pas de salaire annuel, mensuel, semestriel ou quotidien fixe, le mode de rémunération consistant en un pourcentage des honoraires encaissés, calculé en fonction des actes médicaux réalisés. Lorsqu'un patient ne s'acquittait pas de sa facture, elle ne percevait rien et le médecin non plus. Il en résultait un fréquent décalage entre le travail effectué et le montant de la rémunération, les factures qu'elle encaissait dans le mois pouvant concerner plusieurs mois de travail.

En raison de ces particularités, elle prélevait l'IS sur la base du salaire annuel. Pour ce faire, son système informatique effectuait chaque mois une correction du taux pour qu'en fin d'exercice le prélèvement de l'IS corresponde au taux annuel prévu pour la rémunération annuelle globale versée aux médecins concernés, étant précisé que certains médecins exerçaient également une autre activité professionnelle en parallèle, pour une entité de son groupe, une entité tierce ou en tant qu'indépendants en Suisse ou en France. D'ailleurs, la distinction entre les personnes ayant une activité accessoire et celles n'en ayant pas ne figurait pas dans la loi. Dans le premier cas, il appartenait au médecin concerné de l'indiquer et d'entreprendre les démarches nécessaires notamment d'un point de vue fiscal. Ce n'était qu'en 2014 qu'une nouvelle directive en matière d'IS incluait le principe d'annualisation et prévoyait une rubrique dans laquelle l'employé indiquait qu'il exerçait ou non une activité à temps complet, ce qui n'était pas le cas durant les périodes fiscales en cause. Au regard de la spécificité de son cas, elle partait ainsi du principe que les médecins avaient le cas échéant demandé une rectification et que le prélèvement final de l'IS était correct, ce dont elle ne pouvait être tenue pour responsable.

Pour les ESP, l'IS n'était pas prélevé, étant donné que les médecins étaient uniquement payés par les patients de passage, cette manière de procéder ayant été validée par les services de l'assurance-vieillesse et survivants (ci-après : AVS).

12) Par courriel du 29 juin 2015, l'AFC-GE a remis à la société une « ébauche de simulation des éventuels suppléments d'IS pour l'année 2013 », qui mentionnait les noms des collaborateurs concernés, les revenus annualisés pour le taux d'imposition sur la base de 240 jours de travail ainsi que le montant des ESP non déclarés.

13) Les 5 août, 20 et 23 décembre 2016, l'AFC-GE a informé la société de la clôture des procédures en rappel et soustraction pour l'IS 2006 à 2013.

Elle lui a notifié des bordereaux de supplément d'impôt de CHF 273'712.20 (2006), CHF 312'936.70 (2007), CHF 272'450.80 (2008), CHF 344'946.92 (2009), CHF 341'241.15 (2010), CHF 333'070.- (2011), CHF 448'474.94 (2012) et CHF 370'884.75 (2013). Elle a joint à ces bordereaux un tableau récapitulant, par médecin, les reprises, le nombre de jours travaillés, le montant des prestations déclarées ainsi que ce même montant annualisé sur 240 jours.

Elle lui a également notifié des bordereaux d'amende de CHF 91'237.- (2006), CHF 104'312.- (2007), CHF 90'817.- (2008), CHF 114'982.- (2009), CHF 113'747.- (2010), CHF 111'023.- (2011), CHF 149'491.- (2012) et CHF 123'628.- (2013). Pour la fixation de ces montants, il était tenu compte de ses explications, de l'incidence financière de la peine et de sa bonne collaboration, le montant de l'amende correspondant à un tiers de l'impôt soustrait.

14) Les 5 septembre 2016 et 20 janvier 2017, la société a élevé réclamation contre ces bordereaux, concluant à leur annulation.

Elle reprenait ses précédents arguments, précisant que certains de ses médecins exerçaient une autre activité en parallèle, soit pour une entité de son groupe, pour des entités tierces ou en tant qu'indépendants, en Suisse ou à l'étranger, ce dont il n'avait pas été tenu compte. Il était également inexact de prétendre que tous les médecins qu'elle employait travaillaient 240 jours par année, au regard de la spécificité et la pénibilité de la profession de médecin urgentiste, qui requérait de prendre en compte tout au plus 180 jours de travail par année. L'absence de base légale mentionnée dans les décisions litigieuses démontrait leur manque de fondement juridique, ce qui ne pouvait lui être imputé, pas davantage que le manque de clarté du système d'IS.

15) Par décision du 20 octobre 2017, l'AFC-GE a rejeté les réclamations de la société, confirmant les bordereaux de rappel d'impôt et d'amende pour l'IS 2006 à 2013.

Dans la mesure où ils constituaient une partie du revenu de l'activité lucrative dépendante des collaborateurs de la société, les ESP, d'un montant total de CHF 1'392'765.- de 2006 à 2013, devaient être soumis à l'IS, ce qui n'avait pas été le cas.

La société avait prélevé l'IS à des taux annuels correspondant aux prestations versées, quand bien même celles-ci n'avaient été réalisées que durant quelques jours par mois d'activité, de sorte que les taux appliqués s'étaient systématiquement révélés trop faibles, ce qui avait conduit, dans certains cas, à l'absence de tout prélèvement d'IS. S'agissant de revenus périodiques réguliers, ceux-ci auraient dû être convertis sur une année pour la détermination du taux d'imposition, étant précisé que les collaborateurs concernés n'effectuaient pour le compte de la société qu'un nombre de jours de travail limité durant l'année. Conformément à la pratique, il s'agissait de prendre en compte une base de 240 jours de travail par an, les spécificités de la profession ne permettant pas d'aboutir à un nombre inférieur. Étant donné que la société devait procéder aux retenues d'IS de manière adéquate, elle ne pouvait se défausser de sa responsabilité au motif que ses collaborateurs auraient dû lui signaler leurs autres sources de revenus.

Les amendes étaient également justifiées tant dans leur principe que dans leur quotité, dès lors que les organes de la société avaient fait preuve de négligence en omettant de prélever l'IS de manière suffisante, ce dont le montant de l'amende, fixé au minimum légal, tenait compte, ainsi que de leur bonne collaboration et de l'incidence financière de la peine.

16) Le 20 novembre 2017, la société a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant à son annulation ainsi qu'à celle des bordereaux y relatifs.

Elle reprenait les arguments figurant dans ses précédentes écritures, indiquant que l'AFC-GE avait fait fi des particularités de son cas, pourtant déterminantes pour le calcul de l'IS. L'annualisation pratiquée par l'AFC-GE ne reposait sur aucune base légale, les directives applicables jusqu'en 2013 ne la mentionnant pas non plus. Ce n'était que depuis 2014 que ce principe avait été consacré pour le contribuable exerçant plusieurs activités à temps partiel et que la formule y relative contenait une partie spécifique dans laquelle l'employé devait mentionner son taux d'activité et la perception d'un revenu de la part d'un ou de plusieurs employeurs. Ainsi, en l'absence de barème « à l'acte », elle avait prélevé l'IS sur la base du salaire annuel, ce qui permettait de prendre en compte de manière optimale le caractère variable des rémunérations perçues ainsi que des particularités de chaque cas. En tout état de cause, si une annualisation devait être retenue, elle devait se baser non sur 240 jours comme l'avait estimé l'AFC-GE, mais sur 120 jours, eu égard à la statistique fédérale de l'observatoire suisse de la santé, qui attestait que le taux d'activité des médecins de premier recours en médecine privée était de 50 % en cas d'activité dans un cabinet situé à proximité d'un centre universitaire.

La méthode de calcul de l'AFC-GE était en outre arbitraire et contraire à l'égalité de traitement, puisqu'elle avait appliqué, sans distinction, le procédé d'annualisation à tous les médecins, y compris à ceux travaillant exclusivement pour elle.

La décision relative aux ESP était également erronée, dès lors que les médecins étaient payés directement par les patients, de sorte qu'elle n'avait pas à prélever d'IS, une telle pratique ayant été admise par l'AVS.

S'agissant des amendes, elle ne devait pas supporter les conséquences du manque de clarté, voire des faiblesses juridiques du système d'IS, l'AFC-GE n'ayant jamais pu lui indiquer selon quelles modalités exactes devaient s'effectuer les prélèvements. Une éventuelle négligence de la part des médecins qui auraient rempli leurs déclarations de manière incorrecte ne pouvait pas non plus lui être imputée, dès lors qu'il ne lui appartenait pas de remettre en doute la véracité des indications fournies par ses employés ni de procéder à des investigations supplémentaires.

17) Le 26 février 2018, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

S'agissant des ESP, les médecins ne pouvaient être considérés comme indépendants sous l'angle du droit fiscal, de sorte qu'il ne leur appartenait pas d'annoncer leurs revenus à ce titre. Il s'agissait de salaires versés par la société en tant qu'employeur, sur lesquels l'IS devait être perçu.

Au vu des dispositions légales applicables durant les périodes fiscales concernées, des annualisations devaient être effectuées pour déterminer le taux d'imposition applicable. Par ailleurs, dans la mesure où de nombreux médecins travaillaient plus de 120 jours, il ne se justifiait pas de retenir une telle base d'imposition.

18) Le TAPI a convoqué une audience de comparution personnelle des parties, qui s'est tenue le 12 septembre 2018.

a. Selon les représentants de l'AFC-GE, avant l'adoption de la directive de 2014, dans les cas d'emploi à temps partiel, elle ne se posait pas la question de savoir si l'employé travaillait également pour un autre employeur et annualisait systématiquement le taux, l'entrée en vigueur en 2014 de la nouvelle directive n'ayant pas modifié cette situation. Pour les employés à plein temps, les employeurs pouvaient rectifier en fin d'année l'imposition s'agissant du barème à appliquer, annuel ou horaire journalier, ce qui n'était pas le cas des employés à temps partiel. Dès qu'il y avait plus d'un employeur, le taux annualisé était applicable, en considération du fait que l'employeur principal ne pouvait pas connaître les éventuels autres employeurs. Une annualisation du taux évitait en outre qu'en fin d'année un employé ne se retrouve avec une imposition supplémentaire trop importante. En cas de doute, les employeurs la contactaient. S'agissant du risque qu'un patient ne paie pas ou seulement tardivement la facture qui lui était adressée, il était inhérent à toute activité professionnelle.

b. Les représentants de la société ont indiqué que, depuis 2001, la majeure partie de ses médecins étaient domiciliés à l'étranger.

19) Par courrier du 24 septembre 2018, l'AFC-GE a précisé qu'elle n'avait effectué aucune reprise s'agissant des médecins domiciliés à Genève, qui n'étaient pas soumis à l'IS. Entre son courriel du 29 juin 2015 et la clôture de la procédure en rappel et soustraction d'IS s'était écoulé plus d'un an, période durant laquelle la société ne lui avait fait parvenir aucune proposition.

20) Le 10 octobre 2018, la société a indiqué qu'elle avait eu connaissance de deux cas dans lesquels ses médecins, domiciliés à Genève, avaient fait l'objet de reprises. Par ailleurs, il n'était pas acceptable que l'AFC-GE effectue des reprises sur des médecins soumis à l'IS et à son égard, sous peine d'un paiement à double de l'impôt, pour le même revenu. L'AFC-GE n'avait pas non plus indiqué qu'elle rembourserait les contribuables concernés. En outre, l'AFC-GE n'était pas habilitée à ouvrir à son encontre une procédure en rappel d'impôt, qui ne pouvait être dirigée que contre le contribuable, le DPI étant, quant à lui, soumis à la procédure en paiement complémentaire, qui était désormais prescrite pour les années 2006 à 2008.

21) Les 19 novembre et 3 décembre 2018, l'AFC-GE a indiqué que pour les périodes fiscales 2006 et 2007, aucun bordereau n'avait été édité, dès lors qu'elle partait du principe que les listes récapitulatives des contribuables issues de son dossier informatique faisaient office de bordereaux. Les affirmations de la société étaient erronées, dès lors qu'une procédure en rappel et soustraction d'impôt pouvait être ouverte à l'encontre d'un employeur n'ayant pas prélevé l'IS sur le salaire de ses employés ou l'ayant prélevé de manière insuffisante. La prescription n'était ainsi pas acquise, les périodes fiscales litigieuses ayant déjà fait l'objet d'une taxation. Il en allait de même de la prescription des amendes. En outre, la présente procédure concernait uniquement les médecins soumis à l'IS et non ceux soumis au rôle ordinaire, étant précisé que deux procédures en rappel d'impôt ouvertes à l'encontre de médecins portaient sur les ESP, non inclus dans la procédure ouverte à l'encontre de la société.

22) Le 8 janvier 2019, la société a précisé que, dans les relations entre l'AFC-GE et le DPI, il n'existait pas de bordereaux, mais des décomptes. L'AFC-GE ne pouvait ainsi procéder par un rappel d'impôt qu'à l'encontre de taxations, soit dans sa relation avec le seul contribuable, et non la concernant en tant que DPI.

23) Par jugement du 14 janvier 2019, le TAPI a partiellement admis le recours de la société.

Pour l'IS 2006 et 2007, bien que l'AFC-GE ait qualifié la procédure de rappel d'impôt, il s'agissait d'un paiement complémentaire à l'IS insuffisamment perçu, en l'absence de décision fixant le montant de l'impôt préalablement notifiée à la société, pour lequel le délai de prescription, de cinq ans, était échu le 5 décembre 2014. Les bordereaux d'impôt devaient ainsi être annulés pour ces deux années. Il en allait différemment des autres années fiscales, pour lesquelles l'AFC-GE avait notifié à la société des bordereaux d'IS avant l'échéance du délai de prescription du droit de taxer. Il s'agissait dans ce cas d'un rappel d'impôt, dont le délai d'ouverture n'était pas échu et dont le bien-fondé n'était en outre pas contesté.

Les bases légales et réglementaires applicables permettaient de procéder à l'annualisation de revenus périodiques soumis à l'IS pour le calcul du taux d'imposition, que l'employé travaillât ou non à plein temps, le fait qu'avant 2014 les directives étaient muettes à ce sujet n'étant pas déterminant. La spécificité de la profession de médecin urgentiste ne changeait rien au fait que les revenus découlant des consultations se renouvelaient durant les années en cause, même s'il n'était pas possible de définir précisément cette régularité. La rémunération devait ainsi être qualifiée de périodique et être annualisée pour déterminer le taux d'imposition. Pour le calcul du taux, il devait être tenu compte d'une activité à plein temps, au regard du fait que les médecins de premier recours travaillaient plus de quarante-cinq heures par semaine, sur la base d'une durée annuelle de 231 jours correspondant aux jours travaillés par année à Genève. La société n'ayant pas procédé à une telle annualisation, elle avait effectué des retenues d'IS insuffisantes. Il en allait de même des ESP, qui étaient soumis à l'IS en tant que revenu de l'activité salariée, indépendamment de la dénomination du rapport juridique entre le médecin et la société et de l'avis des services de l'AVS, qui ne liait pas l'AFC-GE.

Le fait que l'AFC-GE ait annualisé le revenu de l'ensemble des médecins travaillant pour la société, sans égard à leur taux d'activité, pouvait certes paraître critiquable sous l'angle de l'égalité de traitement. Il n'en demeurait pas moins que les barèmes d'IS étaient limitativement prévus par la réglementation applicable et établis compte tenu d'un revenu horaire, mensuel ou annuel, un système tel que pratiqué par la société étant inconnu. Par nature schématique, les barèmes ne pouvaient prendre en compte la situation individuelle de chaque médecin.

S'agissant des amendes, elles n'étaient prescrites en application ni du nouveau ni de l'ancien droit, celles relatives aux années 2006 et 2007 n'entrant plus en considération. Durant les années en cause, la société avait prélevé des montants d'IS insuffisants, comme précédemment indiqué. Elle ne pouvait se prévaloir du manque de clarté des normes légales et des directives applicables et, en cas de doute, il lui appartenait de contacter l'AFC-GE, ce qu'elle n'apparaissait pas avoir fait. Ses organes avaient ainsi commis une faute, à tout le moins par négligence, qui lui était imputable. La quotité des amendes retenue par l'AFC-GE constituait la sanction minimale incompressible, et était confirmée.

24) Par acte du 15 février 2019, la société a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant principalement à son annulation concernant les rappels d'impôt et les amendes pour l'IS 2008 à 2013 et à l'octroi d'une indemnité de procédure, subsidiairement à la modification des reprises en tenant compte de la base de calcul de 231 jours et à la modification des amendes en tenant compte de celle des reprises.

Elle reprenait ses précédents arguments, précisant que, contrairement à ce qu'avait retenu le TAPI, la période IS 2008 était prescrite, la procédure en rappel d'impôt ne pouvant être dirigée contre le DPI mais uniquement contre le contribuable, ce qu'elle avait du reste indiqué devant les premiers juges, qui avaient à tort considéré qu'elle n'avait pas contesté l'ouverture de la procédure en rappel d'impôt.

Il ne pouvait être question d'annualisation du revenu en considérant simplement qu'il suffisait a posteriori de demander une rectification de l'IS. En cette matière, il fallait au contraire tenir compte des principes constitutionnels, la charge fiscale des non-résidents ne devant pas différer de manière importante de celle des contribuables imposés selon la procédure ordinaire. À cela s'ajoutait qu'aucune disposition légale ne prévoyait une annualisation des revenus périodiques réguliers en cas d'assujettissement de moins d'une année. Une telle annualisation des revenus des médecins soumis à l'IS ayant une activité à temps partiel constituait en outre une inégalité de traitement par rapport à leurs confrères soumis à l'impôt ordinaire. La question de savoir si un médecin exerçait ou non une autre activité relevait de sa sphère privée et n'avait pas à être communiquée à son employeur, à qui il n'appartenait pas de mener des investigations à ce sujet. Subsidiairement, il convenait de retenir non pas 231 jours travaillés, mais bien 120 jours, sur la base de la statistique de l'observatoire suisse de la santé.

Le principe des amendes était contesté, en l'absence de faute commise, dès lors qu'il ne lui appartenait pas de supporter le manque de clarté et les faiblesses juridiques du système d'IS. Subsidiairement, le jugement du TAPI était erroné en tant qu'il maintenait en l'état, sans les corriger, les amendes relatives aux années 2008 à 2013, puisqu'il avait modifié la base de calcul retenue.

25) Le 20 février 2019, le TAPI a transmis son dossier, sans formuler d'observations.

26) Le 22 mars 2019, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Le litige ne portait pas sur le bien-fondé de l'ouverture de la procédure en rappel d'impôt, que la société n'avait pas contestée dans son recours au TAPI, mais évoqué en lien avec la qualité de contribuable dans des échanges ultérieurs d'écritures. En tout état de cause, le contribuable qui était partie à la présente procédure était bien la société, soit le DPI responsable du prélèvement correct de l'IS. Dès lors qu'elle avait notifié en date du 19 mai 2009 le bordereau d'IS 2008, la procédure ouverte le 5 décembre 2014 relevait de la procédure en rappel d'impôt, dont le délai de prescription n'était pas échu.

Les médecins travaillaient selon une grille horaire et une durée de travail convenues, de sorte que les revenus étaient obtenus de manière régulière pendant les périodes concernées ou acquis à intervalles réguliers. Le raisonnement du TAPI était fondé sur la législation en vigueur en matière d'IS, qui permettait de procéder à l'annualisation des revenus périodiques pour le calcul du taux d'imposition, la méthode proposée par la société ne reposant sur aucun fondement.

Une personne physique exerçant plusieurs activités à temps partiel se voyait imposer au rôle ordinaire sur la base du cumul des revenus, qui déterminait le taux, de sorte que dans un tel cas l'annualisation n'avait pas lieu d'être. Aux fins d'assurer le respect du principe de la capacité contributive des personnes imposées à l'IS exerçant plusieurs activités à temps partiel, chacune de ces activités était imposée pour elle-même, sans cumul, et donc annualisée, afin d'obtenir un taux correct. Le principe d'égalité de traitement était ainsi respecté, puisqu'elle opérait une rectification.

Elle se ralliait aux développements et conclusions du TAPI pour le surplus.

27) Le 29 mars 2019, le juge délégué a accordé aux parties un délai au 3 mai 2019 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

28) Dans ses observations du 2 mai 2019, la société a persisté dans les conclusions et termes de son recours.

En alléguant devant le TAPI que le médecin était le contribuable et qu'elle était le DPI, elle avait contesté le bien-fondé de l'ouverture de la procédure en rappel d'impôt à son encontre. Contrairement à ce que prétendait l'AFC-GE, les bordereaux concernaient le contribuable, et non le DPI, qui se voyait remettre un décompte, de sorte que les dispositions en matière de rappel d'impôt ne lui étaient pas applicables.

29) Le 3 mai 2019, l'AFC-GE a indiqué au juge délégué qu'elle n'avait pas d'observations complémentaires à formuler, se réservant néanmoins le droit de dupliquer.

30) Invitée à se déterminer, l'administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH) ne s'est pas prononcée sur le recours.

31) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 145 de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2) a. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 142 I 155 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_626/2019 du 2 juillet 2019 consid. 3). La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer. L'objet d'une procédure administrative ne peut donc pas s'étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. Ainsi, si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/1314/2019 du 3 septembre 2019 consid. 5 et les références citées). Quant à l'autorité de recours, elle n'examine pas les prétentions et les griefs qui n'ont pas fait l'objet du prononcé de l'instance inférieure, sous peine de détourner sa mission de contrôle, de violer la compétence fonctionnelle de cette autorité-ci, d'enfreindre le principe de l'épuisement des voies de droit préalables et, en définitive, de priver les parties d'un degré de juridiction (ATA/1380/2019 du 10 septembre 2019 consid. 3a).

b. En l'espèce, contrairement à ce que soutient la recourante, celle-ci n'a contesté l'ouverture de la procédure en rappel d'impôt ni dans le cadre de ses réclamations devant l'AFC-GE, ni dans le cadre de son acte de recours au TAPI. Elle n'a soulevé ce grief qu'à la suite de la comparution des parties, dans ses déterminations du 10 octobre 2018, en indiquant, dans ce cadre, uniquement que le rappel d'impôt ne lui était pas applicable, de sorte que le paiement complémentaire, seule procédure envisageable, était prescrit pour les années 2006 à 2008. Étant donné que la question des conditions d'ouverture d'une procédure en rappel d'impôt outrepasse l'objet du litige, c'est à juste titre que le TAPI n'a pas procédé à l'examen de celles-ci. Toutefois, dans la mesure où la question de la prescription peut se poser, ce que la chambre de céans doit examiner d'office (ATA/962/2019 du 28 mai 2019 et les références citées), il convient néanmoins, sous cet angle restreint, de déterminer si l'AFC-GE pouvait ouvrir une procédure en rappel d'impôt pour l'année 2008, les années 2006 et 2007, prescrites, n'étant pas concernées par le recours.

3) a. L'art. 137 al. 1 LIFD prévoit que, lorsque le contribuable ou le DPI conteste le principe même ou le montant de la retenue d'impôt, il peut, jusqu'à la fin mars de l'année qui suit l'échéance de la prestation, exiger que l'autorité de taxation rende une décision relative à l'existence et l'étendue de l'assujettissement. Aux termes de l'art. 138 al. 1 LIFD, lorsque le DPI a opéré une retenue insuffisante ou n'en a effectué aucune, l'autorité de taxation l'oblige à s'acquitter de l'impôt qui n'a pas été retenu. Le droit du DPI de se retourner contre le contribuable est réservé. Des dispositions similaires sont prévues par les art. 21 al. 3 et 4 et 23 de la loi sur l'imposition à la source des personnes physiques et morales du 23 septembre 1994 (LISP - D 3 20) et par l'art. 49 de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14).

Ces dispositions doivent être interprétées en ce sens qu'après l'échéance du délai à fin mars, il n'est plus possible de soulever des contestations sur le principe de l'assujettissement fiscal, mais que seule demeure la possibilité de critiquer la somme de la retenue d'impôt et cela soit en faveur du fisc, soit en faveur du contribuable (ATF 144 II 313 consid. 6.2).

Le paiement complémentaire au sens de l'art. 138 LIFD ne suppose pas que les conditions restrictives du rappel d'impôt prévu à l'art. 151 LIFD soient remplies, la seule condition préalable étant que le débiteur de la prestation imposable ait opéré une retenue insuffisante ou n'en ait effectué aucune (Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [éd.], Impôt fédéral direct, Commentaire romand, 2e éd., 2017, p. 1756 n. 2 ad art. 138 LIFD). Dans la mesure où l'autorité n'a pas rendu une décision relative à l'existence et l'étendue de l'assujettissement au sens de l'art. 137 LIFD, elle devra rendre une décision en paiement complémentaire. Toutefois, si la dette d'IS a déjà été établie par l'autorité de taxation entrée en force selon l'art. 137 LIFD, seul un rappel d'impôt peut encore avoir lieu aux conditions de l'art. 151 LIFD (Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [éd.], op. cit., p. 1756 n. 3)

Dans le système de l'IS, la retenue de l'impôt implique une substitution fiscale, le DPI ayant les obligations formelles et matérielles qui sont liées au rapport juridique d'impôt, à la place du contribuable (Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [éd.], op. cit., p. 1743 n. 1 ad art. 136 LIFD). Bien que le DPI ne soit pas le contribuable au sens strict, il le représente néanmoins vis-à-vis des autorités, en étant tenu de payer et de déclarer pour le compte et au nom du contribuable pour lequel il agit. Les litiges prennent naissance dans l'obligation du DPI de retenir l'impôt, et, de son propre chef, d'en verser le montant à l'autorité fiscale, laquelle doit toutefois intervenir parfois dans la procédure en rendant des décisions, notamment lorsque, en violation des prescriptions, la retenue ou le versement de l'IS est omis ou qu'une retenue insuffisante a été effectuée, ou encore en cas de divergences entre le DPI et le contribuable (Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [éd.], op. cit., p. 1749 n. 1 et 2 ad art. 137 LIFD).

b. Le droit d'introduire une procédure de rappel d'impôt s'éteint dix ans après la fin de la période fiscale pour laquelle la taxation n'a pas été effectuée, alors qu'elle aurait dû l'être, ou pour laquelle la taxation entrée en force était incomplète. Le droit de procéder au rappel d'impôt s'éteint quinze ans après la fin de la période fiscale à laquelle il se rapporte (art. 152 al. 1 et 3 LIFD ; art. 53 al. 2 et 3 LHID ; art. 61 al. 1 et 3 LPFisc).

c. En l'espèce, il ressort du dossier que l'autorité intimée a, entre 2009 et 2014, régulièrement transmis à la recourante, en tant que DPI, des bordereaux d'IS, qui doivent être considérés comme une notification de la décision de taxation (ATA/687/2017 du 20 juin 2017 consid. 6b), notamment le 19 mai 2009 pour l'IS 2008. Étant donné qu'il s'agit de décisions au sens de l'art. 137 LIFD, qui sont entrées en force pour ne pas avoir été contestées, un paiement complémentaire n'était ainsi plus envisageable et seul pouvait entrer en ligne de compte un rappel d'impôt en raison des éléments révélés à la suite du contrôle effectué dans les locaux de la recourante du 11 au 13 novembre 2014. En tant que par substitution fiscale le DPI a l'obligation de retenir l'IS et d'en verser le montant à l'autorité fiscale, celle-ci pouvait ainsi ouvrir à son encontre une procédure en rappel d'impôt pour les montants insuffisamment perçus, ce qu'elle a fait par courrier du 5 décembre 2014. Le délai de péremption de dix ans a ainsi été respecté, de même que le délai concernant le droit de procéder au rappel d'impôt, qui n'est ainsi pas prescrit.

4) Ainsi délimité, le litige concerne la méthode de détermination du taux de l'IS pour les années 2008 à 2013, ainsi que les amendes pour soustraction fiscale infligées par l'autorité intimée pour les mêmes périodes fiscales.

5) a. La recourante conteste l'annualisation du revenu pour la détermination du taux d'IS effectué par l'autorité intimée.

b. Selon l'art. 91 LIFD, les travailleurs qui, sans être domiciliés ni en séjour en Suisse, y exercent une activité lucrative dépendante pendant de courtes périodes, durant la semaine ou comme frontaliers, sont soumis à l'IS sur le revenu de leur activité, conformément aux art. 83 à 86 LIFD. L'impôt est calculé sur le revenu brut, qui comprend tous les revenus provenant d'une activité pour le compte d'autrui, y compris les revenus accessoires (art. 84 LIFD). L'AFC-CH établit le barème des retenues d'après les taux de l'IFD et fixe, en accord avec l'autorité cantonale, les taux qui doivent être incorporés dans le barème cantonal au titre de l'IFD (art. 85 al. 1 et 2 LIFD). La retenue comprend par conséquent les impôts fédéral, cantonal et communal, les mêmes modalités de retenue à la source étant imposées aux cantons par les art. 2 al. 1 let. c, 32 à 34 LHID (art. 2 ss LISP). L'IS se substitue à l'IFD perçu selon la procédure ordinaire (art. 99 LIFD) et par conséquent également à l'ICC perçu selon la procédure ordinaire (ATF 136 II 241 consid. 10.3). D'après l'art 86 LIFD, le barème tient compte des frais professionnels (art. 26 LIFD) et des primes et cotisations d'assurances (art. 33 al. 1 let. d, f et g LIFD) sous forme de forfait, ainsi que des charges de famille du contribuable (art. 35 et 36 LIFD).

c. Selon l'art. 209 al. 3 aLIFD, dans sa teneur au moment des périodes fiscales en cause et qui correspond désormais à l'art. 40 al. 3 LIFD, si les conditions d'assujettissement ne sont remplies que durant une partie de la période fiscale, l'impôt est prélevé sur les revenus obtenus durant cette période. Pour les revenus à caractère périodique, le taux de l'impôt se détermine compte tenu d'un revenu calculé sur douze mois ; les revenus à caractère non périodique sont soumis à un impôt annuel entier, mais ne sont pas convertis en un revenu annuel pour le calcul du taux. L'art. 63 al. 3 aLHID (désormais art. 15 al. 3 LHID) avait la même teneur. Sur le plan cantonal, il en va de même de l'art. 62 al. 3 de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), applicable à compter du 1er janvier 2010, et de l'art. 2 al. 4 de l'ancienne loi sur l'imposition dans le temps des personnes physiques du 31 août 2000 (aLIPP-II - D 3 12), applicable jusqu'au 31 janvier 2009.

Les revenus à caractère périodique correspondent à des revenus obtenus à intervalles réguliers (mensuellement, trimestriellement ou semestriellement) au cours de la période fiscale. Les revenus acquis en une seule fois au cours de la période fiscale correspondent en revanche à des revenus à caractère non périodique (Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [éd.], op. cit., p. 912 n. 26 et 30 ad art. 40 LIFD). Si le revenu a influencé la situation économique du contribuable pendant toute la période d'assujettissement, ce revenu aura un caractère périodique ; il sera considéré comme non périodique s'il n'a influencé la situation économique du contribuable que pendant une partie de la période d'assujettissement (Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [éd.], op. cit., p. 913 n. 30 ad art. 40 LIFD). Le salaire mensuel, également celui provenant d'une activité à temps partiel, est un revenu à caractère périodique (Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [éd.], op. cit., p. 913 n. 34 ad art. 40 LIFD).

Dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2013, l'art. 1 al. 3 de l'ordonnance du département fédéral des finances sur l'imposition à la source dans le cadre de l'IFD du 19 octobre 1993 (OIS - RS 642.118.2) traitant des barèmes pour les travailleurs prévoyait que l'AFC-CH établissait les barèmes et les déductions applicables pour la taxation annuelle. Pour déterminer le taux, les revenus périodiques réguliers étaient convertis sur une année.

Dans le système fiscal suisse, l'annualisation des revenus pour fixer le taux de l'impôt se présente comme un principe généralement admis pour l'imposition des revenus à caractère périodique soumis à un taux progressif (ATF 131 II 562 consid. 3.7). La règle de l'annualisation des revenus est destinée à garantir le respect des principes constitutionnels de l'égalité de traitement entre contribuables et de l'imposition selon la capacité économique (art. 127 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101). Le principe de la capacité contributive exige en effet que chaque contribuable participe à la couverture des dépenses publiques compte tenu de sa situation personnelle et en fonction de ses moyens, avec une charge fiscale adaptée à sa substance économique (ATF 131 II 562 consid. 3.7 et les références citées). Dans un cas concernant l'impôt sur le produit des jeux en application de l'ancienne loi fédérale sur les jeux de hasard et les maisons de jeu du 18 décembre 1998 (aLMJ - RS 935.52), le Tribunal fédéral a considéré que l'absence de règle d'annualisation avait valeur de lacune proprement dite que les autorités étaient fondées et tenues de combler dans une perspective d'interprétation conforme à la Cst. Une telle manière de faire n'avait pour effet ni d'étendre la qualité de contribuable, ni de créer de nouvelles matières imposables ou de nouveaux faits générateurs d'imposition, mais visait à compléter les règles relatives à la procédure de taxation et à l'imposition dans le temps. L'impôt sur le produit brut des jeux devait ainsi être prélevé selon les mêmes bases d'imposition pour tous les contribuables, quelle que soit la durée de leur assujettissement (ATF 131 II 562 consid. 3.8).

d. Les barèmes, de même que les déductions sociales, ont pour but d'adapter, de manière schématique, la charge d'impôt à la situation personnelle et économique particulière de chaque catégorie de contribuable, conformément au principe de l'imposition selon la capacité économique de l'art. 127 al. 2 Cst. Ce sont autant d'ajustements légaux de la charge fiscale qui montrent que le législateur a distingué les catégories de contribuables en fonction de leur capacité économique de façon à établir entre elles et, sous cet angle restreint, une certaine égalité de traitement. La réglementation légale en matière de déductions comprend nécessairement un certain schématisme en raison de la multiplicité des situations individuelles à considérer, ce qui est toutefois, de manière générale, compatible avec les principes ancrés à l'art. 127 Cst. Le Tribunal fédéral a retenu à plusieurs reprises qu'il n'était pas réalisable, pour des raisons pratiques, de traiter chaque contribuable de façon exactement identique d'un point de vue mathématique et que, de ce fait, le législateur était autorisé à choisir des solutions schématiques. S'il n'est pas possible de réaliser une égalité absolue, il suffit que la réglementation n'aboutisse pas de façon générale à une charge sensiblement plus lourde ou à une inégalité systématique à l'égard de certaines catégories de contribuables (ATF 141 II 338 consid. 4.5 et les références citées).

6) En l'espèce, contrairement à ce que soutient la recourante, l'annualisation des revenus des médecins travaillant pour son compte en vue du calcul du taux d'imposition de l'IS repose bien sur les bases légales et réglementaires susmentionnées, qui prévoient expressément ce principe, lequel constitue au demeurant une règle généralement admise en droit fiscal suisse, indépendamment d'une activité à plein temps ou à temps partiel. Il importe ainsi peu que, comme l'allègue la recourante, les directives applicables pendant les périodes fiscales litigieuses ne prévoyaient rien à ce sujet.

La recourante ne peut pas non plus être suivie lorsqu'elle se prévaut de l'absence de périodicité des revenus perçus par ses médecins, en raison de leur irrégularité. S'il est vrai que leur rémunération peut être variable en fonction du nombre et de la durée des consultations effectuées dans l'année, il n'en demeure pas moins que les médecins qu'elle a engagés sur la base d'un contrat de travail offrent leurs prestations selon un horaire déterminé d'entente avec la recourante, pour un nombre de jours déterminés par année, une telle situation se renouvelant d'année en année. Ainsi, en tant qu'ils ont été obtenus à intervalles réguliers par les différents médecins qu'elle emploie, sur plusieurs années, les revenus perçus par ceux-ci doivent être qualifiés de périodiques. C'est dès lors à juste titre que l'AFC-GE a procédé à l'annualisation de leur rémunération pour déterminer le taux d'imposition, ce qu'a également confirmé le TAPI.

La recourante conteste le nombre de jours retenus par le TAPI pour procéder à une annualisation, indiquant que seuls 120 jours devaient être retenus, ce qui correspond à une activité à temps partiel, conformément à une étude de l'observatoire suisse de la santé. Une telle argumentation ne repose sur aucun fondement, ce d'autant que la recourante a indiqué que les médecins qu'elle employait avaient également une autre activité pour le compte d'autres entités ou en qualité d'indépendants, de sorte qu'ils n'exerçaient ainsi techniquement pas une activité à temps partiel. En retenant une activité exercée à plein temps pendant 231 jours de travail par année civile sur la base du nombre légal de semaines de vacances par année, du nombre de jours travaillés par semaine et de jours fériés légaux à Genève, le TAPI, dont le raisonnement ne prête pas le flanc à la critique, a ainsi correctement procédé à l'annualisation des revenus des médecins pour la détermination du taux de l'IS, de sorte que le grief de la recourante sera également écarté.

Il en va de même de l'inégalité de traitement et de l'arbitraire invoqués. En particulier, l'AFC-GE n'apparaît pas avoir traité de manière différente les médecins soumis à l'IS, lesquels ont vu leur revenu systématiquement annualisé, comme ses représentants l'ont indiqué devant le TAPI, étant précisé que, d'une part, l'imposition à la source des étrangers non établis repose selon la jurisprudence sur des motifs objectifs (ATF 124 I 247 consid. 6) et, d'autre part, l'établissement de barèmes repose nécessairement sur un certain schématisme qui ne permet pas de prendre en compte chaque particularité, comme la fixation, en l'espèce, du salaire des médecins par rapport à un pourcentage du montant facturé aux patients. Ces griefs seront également écartés, de sorte que le jugement du TAPI sera confirmé sur le point considéré.

7) a. La recourante conteste les amendes infligées par l'autorité intimée pour soustraction d'impôt, arguant qu'aucune faute ne lui serait imputable.

b. Le contribuable qui, intentionnellement ou par négligence, fait en sorte qu'une taxation ne soit pas effectuée alors qu'elle devrait l'être, ou qu'une taxation entrée en force soit incomplète, est puni d'une amende (art. 175 al. 1 LIFD ; art. 56 al. 1 LHID ; art. 69 al. 1 LPFisc).

Pour qu'une soustraction fiscale soit réalisée, trois éléments doivent dès lors être réunis : la soustraction d'un montant d'impôt, la violation d'une obligation légale incombant au contribuable et la faute de ce dernier. Les deux premières conditions sont des éléments constitutifs objectifs de la soustraction fiscale, tandis que la faute en est un élément constitutif subjectif (ATA/1427/2019 du 24 septembre 2019 et la référence citée). Le contribuable agit avec négligence lorsque, par une imprévoyance coupable, il ne se rend pas compte ou ne tient pas compte des conséquences de son acte. L'imprévoyance est coupable quand le contribuable n'a pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle (art. 18 al. 3 du code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_129/2018 du 24 septembre 2018 consid. 9.1).

Lorsqu'une soustraction fiscale est commise par une personne morale, celle-ci est elle-même punissable d'une amende en matière d'IFD et d'ICC (art. 181 al. 1 LIFD ; art. 74 al. 1 LPFisc) et le comportement de ses organes lui est imputable pour examiner les éléments subjectifs de l'infraction (ATA/222/2019 du 5 mars 2019 consid. 9b).

c. La quotité de l'amende est, en général, fixée au montant de l'impôt soustrait. Si la faute est légère, l'amende peut être réduite jusqu'au tiers de ce montant ; si la faute est grave, elle peut au plus être triplée (art. 175 al. 2 LIFD ; art. 56 al. 2 LHID ; art. 69 al. 2 LPFisc). Il convient notamment de réduire le montant de l'amende lorsque le contribuable a agi par négligence, celle-ci devant être considérée comme un cas de faute légère au sens de l'art. 175 LIFD ATA/1427/2019 précité consid. 4a).

d. En l'espèce, c'est à juste titre que le TAPI a retenu que l'action pénale n'était prescrite ni sous l'angle de l'ancien ni sous celui du nouveau droit, ce qui n'est du reste pas litigieux. Il résulte en outre de ce qui précède que les éléments constitutifs objectifs de l'infraction de soustraction d'impôt sont réalisés, puisqu'en ne procédant pas à l'annualisation des rémunérations de ses employés pour la détermination du taux d'IS, la recourante a prélevé un montant d'IS insuffisant pour les années 2008 à 2013, créant ainsi un dommage pour la collectivité.

La recourante se prévaut d'un manque de clarté des dispositions légales applicables, l'AFC-GE n'ayant pas été en mesure de lui expliquer la manière de procéder à la détermination du taux de l'impôt. Outre le fait qu'il ne ressort pas du dossier que tel aurait été le cas, la recourante, en sa qualité d'employeur et de DPI, ne pouvait ignorer le contenu des dispositions légales et réglementaires susmentionnées, applicables pendant les périodes fiscales en cause, indépendamment de l'existence ou non de directives en la matière. Si elle n'était pas certaine de la méthode à utiliser pour le prélèvement de l'IS, il lui appartenait de prendre contact avec l'AFC-GE, comme l'aurait fait tout employeur dans la même situation, et non pas de procéder selon une méthode qui lui était propre. C'est dès lors à juste titre que l'AFC-GE, tout comme le TAPI, a reconnu que ses organes avaient commis une faute, à tout le moins par négligence, qui lui est imputable.

S'agissant enfin de la quotité des amendes infligées, elle correspond au minimum, incompressible, prévu par la loi, de sorte qu'elle sera également confirmée. Toutefois, étant donné que le TAPI a procédé à une correction, en faveur de la recourante, de la base de calcul retenue pour l'IS, sur la base de 231 jours et non de 240 jours comme l'avait fait l'autorité intimée, le montant des amendes doit être adapté en conséquence, de sorte que le recours sera très partiellement admis, sur ce seul point, et le dossier renvoyé à l'AFC-GE pour l'établissement de nouveaux bordereaux d'amende pour l'IS 2008 à 2013.

8) Vu ce qui précède, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe dans une très large mesure (art. 87 al. 1 LPA), et une indemnité de procédure de CHF 500.- lui sera allouée, étant donné qu'elle obtient partiellement gain de cause (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 15 février 2019 par A______ SA contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 janvier 2019 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule le jugement entrepris dans la mesure décrite dans les considérants ;

renvoie le dossier à l'administration fiscale cantonale pour l'établissement de nouveaux bordereaux d'amende pour l'impôt à la source 2008 à 2013 au sens des considérants ;

confirme le jugement entrepris pour le surplus ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de A______ SA ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 500.- à A______ SA, à la charge de l'État de Genève (administration fiscale cantonale) ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Mes Xavier Oberson et Gregory Clerc, avocats de la recourante, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, MM. Pagan et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :