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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4148/2018

ATA/1682/2019 du 19.11.2019 ( DELIB ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : COMPÉTENCE;CONDITION DE RECEVABILITÉ;FONCTIONNAIRE;INTERPRÉTATION(SENS GÉNÉRAL);PARTIE À LA PROCÉDURE;DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ;ACTE MATÉRIEL;CONSEIL D'ÉTAT;RÉSULTAT DU VOTE;COMMISSION DU PERSONNEL
Normes : LPA.13.al3; LPA.11.al1; LPA.4; LPA.5; RComPers.15; RComPers.17; RComPers.18; Cst.34.al2; RComPers.28; RComPers.27; RComPers.14; LOJ.132; LPA.62.al1.letc; LPA.64.al2; LFAO.4; LEDP.24.al1
Résumé : Admission partielle d'un recours de deux fonctionnaires agents de détention contre l'arrêté du Conseil d'Etat du 31 octobre 2018 fixant les modalités du second tour de l'élection de la commission du personnel de l'office cantonal de la détention. Publication de l'arrêté postérieure à la date du dépôt des listes. Par conséquent, empêchement de participer au scrutin, et vice de procédure affectant d'autant celui-ci. Recours partiellement admis, annulation de l'arrêté concerné, invalidation du scrutin et renvoi de la cause pour à nouveau organiser le 2ème tour.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4148/2018-DELIB ATA/1682/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 novembre 2019

 

dans la cause

 

Monsieur A______
et
Monsieur
B______
représentés par Me Jacques Roulet, avocat

contre

CONSEIL D'ÉTAT



EN FAIT

1.1) Le 28 août 2018, un avis concernant l'élection de la commission du personnel (ci-après : la commission) de l'office cantonal de la détention
(ci-après : OCD) a paru dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO).

2.2) Par courriel du même jour, les membres du personnel de l'OCD ont reçu un document récapitulatif reprenant les informations citées dans l'avis paru dans la FAO, avis qui figurait également dans l'intranet de l'OCD.

3.3) Monsieur A______, agent de détention (ci-après : AD) à la prison de Champ-Dollon, s'est présenté à l'élection de la commission le 17 septembre 2018, comme Monsieur B______, également agent de détention au sein du même établissement.

Leurs listes ont été déposées auprès de la direction générale de l'OCD, comme le précisaient les modalités de l'élection.

4.4) Le dépouillement des votes s'est déroulé le 23 octobre 2018 au service des votations et élections (ci-après : le SVE). À la suite du dépouillement, il a été constaté qu'un second tour était notamment nécessaire pour pourvoir le deuxième siège pour le groupe des agents de détention de la prison de Champ-Dollon.

5.5) Le 24 octobre 2018, une actualité précisant qu'un second tour était nécessaire pour les représentants de la prison de Champ-Dollon a été publiée sur l'intranet de l'OCD. Un seul candidat avait obtenu la majorité absolue, alors que deux postes de représentants étaient à pourvoir. De même, pour le personnel administratif des établissements, aucun des candidats n'avait obtenu la majorité absolue de sorte qu'un poste restait à pourvoir.

L'actualité précisait les modalités du second tour. Le matériel de vote serait adressé le 5 novembre 2018 par courrier postal aux collaborateurs ayant le droit de vote au sein des deux collèges concernés. Le bulletin de vote devait être retourné au moyen de l'enveloppe-réponse préaffranchie et parvenir au service des votations et élections le mardi 20 novembre 2018 au plus tard. Le dépouillement aurait lieu le mercredi 21 novembre 2018. Les résultats seraient communiqués dans les jours qui suivraient sur l'intranet de l'OCD. Un arrêté du Conseil d'État entérinant les résultats suivrait.

Aucune date concernant le dépôt des listes ne figurait dans cette actualité.

14.6) Le 25 octobre 2019, un courriel a été envoyé aux candidats restants pour les postes à repourvoir. Les modalités du déroulement du second tour y étaient précisées. En particulier, le formulaire était à retirer auprès de la direction des ressources humaines de l'OCD et devait être déposé auprès de la même direction au plus tard le 2 novembre 2018 à 12h00.

7.7) Le 5 novembre 2018, une nouvelle actualité a été publiée sur l'intranet de l'OCD. Cette actualité précisait qu'un deuxième tour restait nécessaire pour le personnel administratif des établissements. En effet, à l'échéance du délai de dépôt des listes pour le deuxième tour, fixé au 2 novembre 2018, les candidatures reçues avaient été les suivantes :

-          Pour les agents de détention de Champ-Dollon (1 représentant), seule la candidature de Madame C______, AD, avait été reçue.

-          Pour le personnel administratif des établissements (1 représentant), les candidatures de Monsieur D______, éducateur social (ci-après : ES) à la Clairière, de Monsieur E______, chef d'économat à Champ-Dollon, et de Madame F______, ES à la Clairière avaient été reçues.

Le nombre de candidatures reçues pour le collège des agents de détention de Champ-Dollon étant égal au nombre de sièges à pourvoir lors de ce 2ème tour, l'élection avait été tacite. Les électeurs de ce collège n'avaient donc pas reçu de matériel de vote puisqu'aucun deuxième tour n'était nécessaire.

8.8) L'arrêté du Conseil d'État, daté du 31 octobre 2018, impartissant aux candidats un délai au 2 novembre 2018 pour présenter leurs candidatures, a été publié le 6 novembre 2018 uniquement, dans la FAO.

Il n'indiquait ni voie ni délai de recours.

9.9) Par acte expédié le 12 novembre 2018, MM. A______ et B______ ont interjeté recours devant la chambre constitutionnelle de la Cour de justice
(ci-après : la chambre constitutionnelle) contre l'arrêté du Conseil d'État relatif au second tour de l'élection de la commission de l'OCD. Ils ont conclu à son annulation, ainsi qu'à la constatation et à la validation des résultats de l'élection selon le système proportionnel, et subsidiairement à l'annulation de l'arrêté et à ce qu'il soit ordonné au Conseil d'État de publier un nouvel arrêté comprenant un délai pour le dépôt des listes échéant à une date ultérieure et raisonnablement éloigné de la publication de l'arrêté. Plus subsidiairement, il fallait annuler l'arrêté et renvoyer la cause au Conseil d'État pour nouvelle décision au sens des considérants.

L'existence d'une telle élection était illicite, tout comme les modalités de celle-ci. Il s'agissait de l'élection d'une commission départementale et elle devait dès lors être organisée selon les modalités du règlement instituant des commissions du personnel au sein de l'administration cantonale du 10 juin 1996 (RComPers - B 5 15.30), au scrutin proportionnel. S'il s'agissait par impossible d'une élection d'une commission du personnel pour une unité administrative, alors le second tour était vicié et ils avaient été illégalement privés de la possibilité de s'y présenter, en raison de la publication du délai pour le dépôt des listes après l'échéance dudit délai.

10.10) Par courrier de couverture du même jour, les recourants ont précisé qu'ils avaient choisi « par sécurité » de déposer deux recours simultanés, tant auprès de la chambre constitutionnelle qu'auprès du Conseil d'État.

11.11) a. Le 15 novembre 2018, la chambre constitutionnelle a imparti un délai au 23 novembre 2018 aux parties pour présenter des observations quant à la compétence de la chambre constitutionnelle pour connaître du recours cité sous référence et de la juridiction administrative à laquelle il y avait lieu de transmettre d'office ledit recours. Elle mentionnait sa décision ACST/23/2018 du 9 novembre 2018, dans laquelle elle s'était déclarée incompétente pour connaître d'un recours dirigé contre un arrêté de constat et de validation du résultat de l'élection de deux membres représentants du personnel au conseil d'administration d'un établissement public autonome. La chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) s'était déclarée compétente dans un tel cas (ATA/997/2019 du 11 juin 2019).

b. Par courrier du 21 novembre 2018, le Conseil d'État a répondu qu'en cas de recours contre les arrêtés qu'il avait rendus, seules les voies de droit ordinaires s'appliquaient, soit le recours auprès de la chambre administrative. Un transfert du recours était suggéré.

c. À la même date, les recourants ont répondu, demandant le transfert d'office du recours à la chambre administrative et se réservant à titre subsidiaire la question d'une éventuelle compétence du Conseil d'État, estimant que la mise en oeuvre d'un échange de vue avec ce dernier demeurait nécessaire. Selon leur lecture de l'art. 28 RComPers, la chambre administrative était prioritairement compétente, mais la compétence du Conseil d'État ne pouvait toutefois être exclue.

12.12) Le 22 novembre 2018, l'OCD a publié dans l'intranet le résultat du 2ème tour de l'élection de la commission.

Cette publication présentait les résultats définitifs de la future commission du personnel de l'OCD. Il était précisé qu'un arrêté du Conseil d'État entérinant les résultats suivrait prochainement.

13.13) Dans sa décision du 26 novembre 2018 (ACST/24/2018), la chambre constitutionnelle s'est déclarée incompétente pour connaître du recours et a transmis d'office la cause à la chambre administrative de la Cour de justice
(ci-après : la chambre administrative).

14) Le 29 novembre 2018, une communication a été publiée sur l'intranet de l'OCD, informant les collaborateurs que l'entrée en fonction de la commission était reportée, en raison du recours contre l'élection. Le Conseil d'État ne pouvait pas prendre acte par arrêté de la constitution de la commission. Celle-ci n'était donc pas constituée.

15.15) Le 31 janvier 2019, l'autorité intimée a répondu au recours et conclu à son irrecevabilité. Subsidiairement, il convenait de le rejeter.

Le recours était irrecevable car tardif, les recourants ayant interjeté recours le 12 novembre 2018 uniquement, alors qu'ils avaient eu connaissance des irrégularités alléguées au plus tard le 26 octobre 2018. Si par impossible le recours était recevable, il n'existait pas de violation de l'art. 14 RComPers. En effet, la commission concernait une unité administrative, ce que l'art. 1 al. 2 RComPers autorisait parfaitement. Le système majoritaire appliqué était conforme à l'art. 14 al. 3 RComPers. L'art. 100 de la loi sur l'exercice des droits politiques du 15 octobre 1982 (LEDP - A 5 05) n'avait pas été violé, dès lors qu'il n'empêchait pas des groupements ayant participé au premier tour de présenter de nouveaux candidats pour le second tour.

16.16) Dans le délai imparti par le juge délégué à l'issue duquel la cause serait gardée à juger, les recourants ont présenté des observations complémentaires, persistant dans leurs conclusions et argumentations précédentes. En vacances lors de la publication intranet, ils n'avaient eu connaissance du délai fixé au 2 novembre 2018 que lors de la publication dans la FAO du 6 novembre 2018, soit trop tardivement pour qu'ils puissent se présenter au second tour.

17.17) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.1) La compétence des autorités est déterminée par la loi et ne peut être créée par accord entre les parties (art. 11 al. 1 LPA). La chambre administrative examine d'office sa compétence (art. 1 al. 2, art. 6 al. 1 let. b et art. 11 al. 2 LPA).

2.2) a. Selon l'art. 132 al. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), et sous réserve des compétences dévolues à la chambre constitutionnelle et à la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, la chambre administrative est l'autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative. Sauf exceptions prévues par la loi, les décisions des autorités et juridictions administratives au sens des art. 4, 4A, 5, 6 al. 1 let. a et e et 57 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) sont en principe attaquables devant elle (art. 132 al. 2 LOJ).

b. Sont considérées comme des décisions au sens de l'art. 4 al. 1 LPA les mesures individuelles et concrètes prises par l'autorité dans les cas d'espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal ou communal et ayant pour objet de créer, de modifier ou d'annuler des droits et des obligations (let. a), de constater l'existence, l'inexistence ou l'étendue de droits, d'obligations ou de faits (let. b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou des obligations (let. c). En droit genevois, la notion de décision est calquée sur le droit fédéral (art. 5 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 - PA - RS 172.021), ce qui est également valable pour les cas limites, ou plus exactement pour les actes dont l'adoption n'ouvre pas de voie de recours (arrêts du Tribunal fédéral 8C_220/2011 du 2 mars 2012 consid. 4.1.2 ; 8C_191/2010 du 12 octobre 2010 consid. 6.1 ; 1C_408/2008 du 16 juillet 2009 consid. 2 ; ATA/155/2012 du 20 mars 2012 et la jurisprudence citée ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, p. 279 ss n. 783 ss).

c. L'art. 5 LPA énumère les autorités administratives dont les décisions sont susceptibles de recours. Parmi celles-ci figure le Conseil d'État (let. a).

d. En l'espèce, le recours a été adressé à la chambre constitutionnelle. Après un échange de vues entre les parties, par décision ACST/24/2018 du 26 novembre 2018, celle-ci s'est déclarée incompétente pour traiter l'affaire et a transmis la cause à la chambre de céans. En tant qu'il constate et valide les résultats du premier tour de cette élection, cet arrêté revêt les caractéristiques d'une décision au sens de l'art. 4 al. 1 let. b LPA, prise par une autorité au sens de
l'art. 5 let. c LPA, fondée sur du droit public cantonal et ayant pour objet de constater l'existence, l'inexistence ou l'étendue de droits, d'obligations ou de faits. En tant que tel, cet arrêté est donc susceptible de recours à la chambre administrative. Il ne figure pas dans la liste des décisions qui sont, par exception, soustraites au contrôle de la chambre de céans (art. 132 al. 7 LOJ), ni n'est astreinte par la loi à une autre voie de recours (art. 132 al. 8 LOJ).

Le recours est dès lors recevable sous cet angle.

3.3) a. Le recours adressé à une autorité incompétente est transmis d'office à la juridiction administrative compétente et le recourant en est averti. L'acte est réputé déposé à la date à laquelle il a été adressé à la première autorité
(art. 64 al. 2 LPA).

b. Le délai de recours est de six jours en matière de votations et d'élections. (art.  62 al. 1 let. c LPA), tandis qu'il est de trente jours pour les autres décisions finales (art. 62 al. 1 let. a LPA). La question de savoir lequel de ces deux délais vaut pour les élections qui ne sont pas des élections populaires, et donc pas soumises au contrôle de la chambre constitutionnelle, souffrira en l'espèce de demeurer ouverte, dès lors que les recourants ont quoi qu'il en soit respecté le délai de six jours, compte tenu de ce qui suit, et ne subissent dès lors aucun préjudice de l'absence de mention du délai de recours dans l'arrêté attaqué.

c. Selon la jurisprudence, en matière d'élections et de votations, le citoyen qui fait valoir une irrégularité dans la préparation d'un scrutin doit former son recours immédiatement, sans attendre le résultat du vote ; s'il omet de le faire alors qu'il en a la possibilité, il s'expose aux risques de la péremption de son droit de recourir. Le délai commence à courir au moment où l'intéressé a connaissance de l'acte préparatoire contesté (ATF 118 Ia 415 consid. 2a).

Dans de tels cas, le délai commence à courir au moment où l'intéressé a connaissance de l'acte préparatoire qu'il critique. Il serait contraire au principe de la bonne foi et à celui de l'économie de procédure démocratique que le recourant attende le résultat du vote pour attaquer les actes antérieurs dont il pourrait, encore avant le vote, faire corriger l'irrégularité alléguée. Si le délai de recours contre l'acte préparatoire n'est pas échu au moment du vote, le citoyen peut encore déposer son recours après le vote, mais avant l'expiration du délai (ATF 118 Ia 415; JdT 1994 I p. 20). Selon les principes précités, le Tribunal administratif dont la jurisprudence est appliquée par la chambre de céans, a ainsi déclaré irrecevable un recours dirigé par un citoyen contre un arrêté du Conseil d'État constatant les résultat d'une votation parce que tous ses griefs étaient dirigés contre l'organisation du scrutin et le principe même de la consultation municipale (ATA/680/2000 du 7 novembre 2000 confirmé par un arrêt du Tribunal fédéral 1P.733/2000 du 14 mai 2001 ; dans le même sens, ATA/997/2019 du 11 juin 2019 ; ATA/456/2011 du 26 juillet 2011 ; ATA/303/2011 du 17 mai 2011).

d. En l'espèce, les recourants ont démontré avoir été en vacances au moment de l'envoi du courriel récapitulant les modalités du second tour et l'autorité intimée n'a produit aucun document démontrant qu'ils auraient eu connaissance de ce courriel ou de sa réception, qu'il s'agisse d'un accusé de réception ou d'autres éléments démontrant que les recourants avaient eu connaissance avant le 6 novembre 2018 de la date du dépôt des listes. Par ailleurs, aucune base légale ne précise que le procédé utilisé par l'autorité constituerait une notification valable du processus électoral. Au contraire, l'art. 27 RComPers précise en effet, à son al. 2, que le Conseil d'État, au vu des procès-verbaux, constate les résultats, valide l'élection et proclame les candidats. Ainsi, même à considérer que la publication, dans l'intranet et par courriel, de la date à laquelle les listes devaient être déposées soit un moyen de notification valable, ce qui semble douteux, les recourants n'en ont de toute manière pas eu connaissance avant le 6 novembre 2018, date de la publication dans la FAO.

Dès lors, le délai de recours a commencé à courir dès que les recourants ont eu connaissance des modalités du second tour, soit dès le 6 novembre 2018, date de la publication dans la FAO de l'arrêté du Conseil d'État.

Cet arrêté, pourtant publié le 6 novembre 2018, fixait au 2 novembre 2018 le dépôt des listes. Partant, les recourants n'ont pas pu déposer leurs listes à temps, la publication étant postérieure à ce délai. Le recours a été interjeté devant la chambre constitutionnelle le 12 novembre 2018. Interjeté en temps utile, le recours est donc recevable sous cet angle également (art. 64 al. 2 LPA).

4.4) Aux termes de l'art. 60 al. 1 let. b LPA, toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée a la qualité pour recourir (art. 60 al. 1 let. b LPA). Le recourant doit être touché dans une mesure et une intensité plus grande que la généralité des administrés, et l'intérêt invoqué - qui n'est pas nécessairement un intérêt juridiquement protégé, mais qui peut être un intérêt de fait - doit se trouver, avec l'objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d'être pris en considération (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 ; 137 II 40 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_152/2012 du 21 mai 2012 consid. 1.2).

En l'espèce, les recourants ont participé au premier tour de l'élection de la commission mais n'ont pas pu participer au second tour, n'ayant pas eu connaissance à temps, selon leurs écritures, du délai fixé au 2 novembre 2018 pour déposer leurs listes. Par conséquent, en tant que candidats dont l'élection n'a pas été constatée et validée par l'arrêté querellé, ils disposent de la qualité pour recourir au sens de la disposition précitée, celle-ci leur permettant de faire contrôler la régularité et la validité du scrutin en cause.

Le recours est également recevable sous cet angle.

5.5) Les parties s'opposent quant à la qualification de la commission. Pour les recourants, il devrait s'agir d'une commission départementale, par conséquent illicite, tandis que le département considère qu'il s'agit d'une commission d'une unité administrative, dont les modalités d'élection sont différentes.

a. L'art. 1 al. 1 RCcomPers prévoit qu'une commission départementale du personnel est instituée à la chancellerie ainsi que dans tous les départements, sauf celui de l'instruction publique et celui des institutions. Des commissions du personnel peuvent en outre être constituées par le conseiller d'État responsable du département, au sein d'unités administratives du département, sur demande des directions intéressées ou du personnel concerné (art. 1 al. 2 RComPers).

b. L'art. 4 RComPers prévoit que les commissions donnent leur avis sur les questions présentant un intérêt général pour le personnel de leur département, soit notamment l'hygiène et la sécurité au travail, les nouvelles technologies, l'aménagement du temps de travail, les mesures d'économie et l'allocation optimale des ressources disponibles, tout autre sujet en rapport avec les activités de services et les conditions de travail (art. 4 al. 2 let. a à e).

c. L'art. 17 RComPers prévoit que le Conseil d'État fixe la date de l'élection des commissions départementales du personnel, celle du dépôt des listes des candidats et celle du dépouillement, tandis que l'art. 18 RComPers prévoit que sous réserve des dispositions du règlement, l'office du personnel de l'État détermine les modalités particulières des élections des commissions du personnel au sein d'unités administrative du département.

d. En l'espèce, les arguments avancés par les recourants ne permettent pas de conclure que la commission serait départementale. En effet, le fait qu'elle soit constituée de 9 membres au lieu de 3 à 5 ne suffit pas à considérer que le département ait souhaité créer une commission départementale. Au contraire, celui-ci peut être suivi quand il précise qu'une commission pour une unité administrative a été créée, que celle-ci est composée de 9 membres à titre d'exception autorisée par le chef du département concerné (art. 8 al. 3 RComPers). Par ailleurs, le retrait et le dépôt des listes, pour le premier comme pour le second tour, devaient être faits à la direction des ressources humaines de l'OCD, soit de manière conforme à l'art. 19 al. 2 RComPers. Un appui du service des votations et élections n'est au demeurant pas prohibé à teneur du RComPers. En outre, les compétences et fonctions au sens de l'art. 4 RComPers de la commission ne concernent que l'office cantonal de la détention, une unité administrative, et non l'intégralité du département concerné.

Par conséquent, conformément à l'art. 14 al. 3 RComPers, les membres des commissions au sein d'unités administratives du département sont élus au système majoritaire. Le mode de scrutin utilisé par l'autorité intimée est ainsi correct. Il n'en va pas de même des modalités de publication du second tour, pour les raisons qui suivent.

6.6) Les modalités ainsi que le résultat du scrutin sont ici contestés. Les recourants n'ont pas pu déposer leurs listes et l'élection a de ce fait été tacite.

a. Selon l'art. 15 RComPers, sous réserve des dispositions suivantes, la LEDP et son règlement d'application (règlement d'application de la loi sur l'exercice des droits politiques du 12 décembre 1994 - REDP - A 5 05.01) s'appliquent par analogie aux élections des commissions du personnel. Il en va ainsi de même des principes développés dans le cadre d'élections populaires.

b. Le recours en matière d'élections et de votations a pour objectif de sauvegarder la liberté de vote garantie par l'art. 34 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) (ATA/772/2012 du 13 novembre 2012 ; Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/
Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. 1, 3ème éd., 2013, p. 303 n. 914). La liberté de vote se décompose en une série de principes parmi lesquels le droit au respect des règles de procédure, soit des modalités de vote, du système électoral et des délais à respecter, ainsi que le droit à la composition exacte du corps électoral, qui oblige l'autorité à vérifier que seuls prennent part aux votations et élections les citoyens qui ont l'exercice des droits politiques et que ceux-ci puissent les exercer (ATA/772/2012 précité ; ATA/769/2011 du 20 décembre 2011 ; Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/
Michel HOTTELIER, op. cit., p. 303 n. 885 et la jurisprudence citée).

Le Tribunal fédéral a déduit de cette disposition constitutionnelle que les procédures électorales devaient être menées de manière à garantir la libre formation de la volonté des électeurs (ATF 130 I 290 consid. 3). Le droit de vote autorise tout électeur à exiger que le résultat d'une votation ou d'une élection ne soit reconnu que s'il est l'expression fidèle et sûre d'une volonté librement exprimée par le corps électoral. Afin notamment de ne pas nuire à la crédibilité du résultat de l'élection, la garantie des droits politiques implique le respect de règles de procédure (ATF 131 I 442 consid. 3.1 et 3.6 ; ATA/41/2008 du 5 février 2008 consid. 6).

c. La violation de ces dispositions procédurales risque d'avoir une influence sur le résultat de la votation ou de l'élection et de porter ainsi atteinte à la liberté de vote. C'est pourquoi la jurisprudence admet qu'une irrégularité de procédure peut obliger l'autorité cantonale à annuler une élection (Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, op. cit., p. 306 n. 922 et la jurisprudence citée)

Toute informalité entachant une procédure électorale ne conduit pas forcément à l'annulation du scrutin. Encore faut-il que l'irrégularité constatée revête une importance déterminante dans la formation de la volonté des électeurs. Selon les termes du Tribunal fédéral, il faut plutôt examiner selon l'ensemble des circonstances, d'un point de vue tant quantitatif que qualitatif, si le résultat de la votation a pu en être influencé. Le recourant n'a pas à établir un lien de causalité entre le vice qui affecte le scrutin et les résultats de ce dernier : il suffit que les irrégularités aient été propres à influencer le résultat du scrutin (ATF 130 I 290 consid. 4 à 6 ; 117 I a 41 consid. 5 b).

7.7) La FAO, organe officiel de publication du gouvernement genevois et de son administration depuis 1753, prévue par une législation spécifique (Loi sur la Feuille d'avis officielle du 29 novembre 2013 - LFAO - B 2 10 et son règlement d'application), précise qu'elle contient tous les avis et actes officiels dont la publication est prévue par la loi (art. 4 al. 1 LFAO) ainsi que tous les autres avis et actes officiels que les autorités souhaitent publier (art. 4 al. 2 LFAO).

8.8) En l'espèce, en raison de la publication le 6 novembre 2018 seulement dans la FAO des modalités concernant le second tour, et en particulier du délai fixé au 2 novembre 2018, antérieur à la publication, les recourants ont été privés de la possibilité de présenter leurs listes. En raison de cette publication tardive, l'élection a été tacite, un seul nom ayant été déposé dans le - court - délai imparti aux collaborateurs pour déposer leurs listes.

L'office du personnel de l'État de Genève n'a pas prévu de modalités particulières pour cette élection, comme par exemple que l'affichage sur l'intranet ou par courriel fasse foi. Tout au long du déroulement du processus d'élection, y compris durant le premier tour, les éléments importants ont été constatés par arrêtés du Conseil d'État. Ainsi, contrairement aux affirmations de l'autorité intimée, l'envoi d'un courriel précisant le déroulement du second tour le 25 octobre 2018 et fixant le délai du dépôt des listes au 2 novembre 2018 ne constitue pas une notification suffisante pour assurer le respect du droit de vote. L'autorité ne peut ainsi être suivie quand elle affirme que la publication des résultats dans la FAO ne constitue pas une condition de validité de l'élection mais est uniquement « faite à bien plaire ». En effet, il ne figure pas dans le RComPers, que pour l'élection d'une commission d'une unité administrative, une publication dans l'intranet ou l'envoi de courriels permettrait de valider les modalités ainsi que les résultats de l'élection. Au contraire, il est précisé que le Conseil d'État, au vu des procès-verbaux, constate les résultats, valide l'élection et proclame les candidats élus à l'expiration du délai de recours (art. 27 al. 2 RComPers).

En outre, le renvoi de l'art. 15 RComPers à la LEDP implique le respect des règles de procédure, soit notamment le respect des délais. La LEDP prévoit d'ailleurs que lors de l'organisation du second tour d'élections populaires, les partis politiques, autres associations ou groupements qui désirent participer à une élection déposent au service des votations et élections, une liste de candidats dans le délai fixé par le Conseil d'État. Ce délai est fixé au plus tard le mardi avant midi, dix-neuf jours avant le dernier jour du scrutin en cas de second tour
(art. 24 al. 1 let. b LEDP).

L'arrêté querellé contient par ailleurs une autre erreur de date qui, sans être déterminante pour le résultat des élections, complique sa compréhension : il est prévu que la date du dépouillement est fixée au mercredi 21 novembre 2018 tandis que l'enveloppe de vote doit parvenir au service des votations et élections au plus tard le mardi 22 novembre 2018.

Dès lors, sans que cela puisse préjuger du résultat final, ce vice dans la publication de l'arrêté dans la FAO, qui fixe un délai déjà dépassé pour participer au second tour des élections, a nécessairement affecté le scrutin et les résultats de ce dernier, tout comme l'erreur dans l'indication de la date limite pour l'envoi des enveloppes de vote. En effet, si une date postérieure au 6 novembre 2018 avait été prévue, les recourants auraient été à même de participer au scrutin et l'élection n'aurait pas été tacite.

Par conséquent, la procédure d'élection était viciée et l'arrêté du Conseil d'État du 31 octobre 2018 sera annulé, tout comme le second tour de l'élection de la commission du personnel de l'office cantonal de la détention pour les représentants du collège des agents de détention de Champ-Dollon. Un nouveau scrutin devra être organisé pour le second tour, uniquement pour ce collège, en conformité avec les prescriptions légales du RComPers et de la LEDP. Une nouvelle date de dépôt des listes devra être fixée à cet effet, postérieure et suffisamment éloignée de la publication dans la FAO du nouvel arrêté du Conseil d'État pour que les collaborateurs souhaitant se présenter à l'élection puissent le faire et leurs électeurs se former un avis éclairé dans un délai adéquat.

9.9) Aucun émolument ne sera perçu et une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée solidairement à MM. A______ et B______, à la charge de l'État de Genève.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 12 novembre 2018 par Messieurs A______ et B______ contre l'arrêté du Conseil d'État du 31 octobre 2018 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule l'arrêté du Conseil d'État du 31 octobre 2018 en ce qui concerne le collège des agents de détention de Champ-Dollon ;

invalide le second tour de l'élection de la commission du personnel de l'office cantonal de la détention en ce qui concerne le collège des agents de détention de Champ-Dollon ;

invite la direction concernée, soit la direction générale de l'office cantonal de la détention, sous la surveillance du département de la sécurité, de l'emploi et de la santé, à organiser un nouveau scrutin (2ème tour) au sens des considérants ;

dit qu'aucun émolument ne sera perçu ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- solidairement à Messieurs A______ et B______, à la charge de l'État de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jacques Roulet, avocat des recourants, ainsi qu'au Conseil d'État.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, MM. Pagan et Verniory, Mme Cuendet, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :