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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3457/2019

ATA/1692/2019 du 19.11.2019 sur DITAI/457/2019 ( PE ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3457/2019-PE ATA/1692/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 novembre 2019

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Agrippino Renda, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________

 


Recours contre la décision du Tribunal administratif de première instance du 1er octobre 2019 (DITAI/457/2019)


EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1975, est ressortissant de Tunisie.

2) Arrivé en Suisse le 29 mars 2002, il a épousé Madame B______, ressortissante suisse, le 27 mai 2002.

Leur fils C______ est né le ______ 2002.

3) Suite à son mariage, M. A______ a été mis au bénéfice d'une autorisation de séjour

4) Le divorce du couple a été prononcé le 15 mai 2008. Les droits parentaux ont été attribués à la mère, le père bénéficiant d'un droit de visite sur son enfant.

5) Le 23 avril 2012, M. A______ a sollicité le renouvellement de son autorisation de séjour, régulièrement renouvelée jusqu'au 26 mai 2012.

6) M. A______ a été écroué le 27 décembre 2012 à la prison de
Champ-Dollon pour agression.

7) Par arrêt du 9 août 2016, communiqué à l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) le 4 avril 2018, la chambre pénale d'appel et de révision (ci-après : la chambre pénale d'appel) a condamné M. A______ à une peine privative de liberté de trois ans pour lésions corporelles graves, dit que la partie de la peine à exécuter était de dix-huit mois et l'a mis au bénéfice du sursis partiel pour le surplus.

Il ressort notamment de cet arrêt que M. A______ s'en était violemment pris à l'intégrité corporelle d'un inconnu le 23 décembre 2012, comportement qui avait eu des conséquences dramatiques pour la victime qui garderait d'importantes séquelles à vie.

8) Par décision du 22 juin 2019, exécutoire nonobstant recours, l'OCPM a refusé de renouveler l'autorisation de séjour de M. A______ et a prononcé son renvoi en lui impartissant un délai au 31 juillet 2019 pour quitter la Suisse.

9) Par jugement du 27 septembre 2019 (JTAPI/859/2019), le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a déclaré sans objet le recours A/2667/2019 interjeté le 12 juillet 2019 par M. A______ contre cette décision, que l'OCPM avait annulée pour des motifs liés au respect du droit d'être entendu.

10) Par décision du 26 août 2019, déclarée exécutoire nonobstant recours, l'OCPM a refusé de renouveler l'autorisation de séjour de M. A______ et a prononcé son renvoi en lui impartissant un délai au 30 octobre 2019 pour quitter la Suisse.

11) Par acte du 18 septembre 2019, M. A______ a recouru contre cette décision auprès du TAPI. Il a conclu à son annulation et à l'octroi d'une autorisation d'établissement, subsidiairement au renouvellement de son autorisation de séjour. Il a préalablement conclu à la restitution de l'effet suspensif, à l'octroi d'un délai pour compléter son recours et produire des pièces, à la comparution personnelle des parties et à l'audition de témoins.

12) Par courrier du 20 septembre 2019, le TAPI a octroyé à l'OCPM un délai au 30 septembre 2019 pour se déterminer sur la requête de restitution de l'effet suspensif et transmettre son dossier en prêt, et au 19 novembre 2019 pour communiquer ses observations.

Par courrier du même jour, le TAPI a accordé à l'intéressé un délai au 4 octobre 2019 pour compléter son recours.

13) Par décision du 1er octobre 2019, le TAPI a rejeté la demande d'effet suspensif et de mesures provisionnelles au recours formée par M. A______.

Il a communiqué ladite décision à M. A______ le 1er octobre 2019, accompagnée des observations sur effet suspensif du 26 septembre 2019 de l'OCPM.

14) Par acte du 15 octobre 2019, M. A______ a interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du 1er octobre 2019.

En rendant sa décision le 1er octobre 2019, le TAPI avait violé son droit d'être entendu puisqu'il lui avait accordé un délai au 4 octobre 2019 pour compléter son recours.

Par ailleurs, le recourant avait formé, le 30 septembre 2019, une requête de récusation à l'encontre du magistrat en charge du dossier. Le juge concerné avait néanmoins prononcé la décision.

Enfin, l'OCPM était saisi d'une demande de renouvellement d'autorisation de séjour depuis le 26 mai 2012. Le recourant vivait en Suisse de manière légale dans l'attente de la décision de l'autorité administrative. La pesée des intérêts imposait de restituer l'effet suspensif au recours au vu de son séjour de seize ans en Suisse et du fait que son fils vivait à Genève. Le recourant était arrivé en Suisse le 29 mars 2002 et, exception faite des faits du 23 décembre 2012, il n'avait jamais eu maille à partir avec la justice. L'autorité pénale n'avait d'ailleurs pas prononcé d'expulsion judiciaire.

15) Par observations du 23 octobre 2019, le magistrat du TAPI a relevé que la décision du 1er octobre 2019 avait été rendue avant qu'il ne soit informé de la demande de récusation formée à son encontre, reçue par la vice-présidente du TAPI le 2 octobre 2019.

Le délai au 4 octobre 2019 accordé au recourant concernait la possibilité de compléter le recours sur le fond et non dans le cadre des mesures provisionnelles.

16) L'OCPM a conclu au rejet du recours. Il s'en rapportait à justice sur les questions de violation du droit d'être entendu. Pour le surplus, l'autorité intimée avait attendu l'arrêt du Tribunal fédéral, rendu le 23 mars 2018, dans la cause pénale avant de se déterminer sur le renouvellement de l'autorisation de séjour du recourant. L'intérêt public à l'exécution immédiate de la décision l'emportait sur l'intérêt privé du recourant à demeurer en Suisse jusqu'à l'issue de la procédure dès lors qu'il n'avait pas démontré avoir des relations étroites et effectives avec son fils en Suisse, qu'il était marié et père de deux enfants en Tunisie où il avait également des liens familiaux étroits.

17) Dans sa réplique, le recourant a souligné qu'il avait des liens étroits avec son fils. Il a produit copie de versements, auprès du service cantonal d'avance et de recouvrement des pensions alimentaires, de montants au titre de contributions à l'entretien de celui-ci. Il développait les raisons pour lesquelles son intérêt privé primait l'intérêt public et produisait de nouvelles pièces. Le jugement était arbitraire.

18) Sur ce les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la décision du TAPI de refuser la demande du recourant en restitution de l'effet suspensif au recours devant le TAPI et les mesures provisionnelles.

3) Dans un grief de nature formelle qu'il convient d'analyser en premier, le recourant reproche au magistrat du TAPI d'avoir statué alors qu'une demande de récusation était dirigée à son encontre.

Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'au moment de statuer, le 1er octobre 2019, le magistrat ignorait la demande de récusation formée à son encontre, reçue par la juridiction le 2 octobre 2019. Mal fondé pour ce seul motif déjà, ce grief sera écarté.

4) Le recourant reproche au TAPI une violation de son droit d'être entendu pour avoir statué le 1er octobre 2019 avant l'échéance du délai qui lui avait été fixé pour compléter son recours.

a. Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu'une décision ne soit prise (ATF 138 II 252 consid. 2.2). Le droit d'être entendu est une garantie de nature formelle dont la violation entraîne, lorsque sa réparation par l'autorité de recours n'est pas possible, l'annulation de la décision attaquée (ATF 137 I 195 consid. 2.2 ; 133 III 235 consid. 5.3). La réparation en instance de recours de la violation du droit d'être entendu n'est possible que lorsque l'autorité dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure (ATF 138 I 97 consid. 4.16.1 ; 137 I 195 consid. 2.3.2 ; 133 I 201 consid. 2.2).

b. Il est exact que la décision a été prise par le TAPI avant que le recourant ait pu compléter son recours. Le magistrat indique que le complément devait porter sur le fond du litige. Toutefois, rien ne le précise. La demande de pouvoir compléter son recours, formulée par le recourant, n'est pas limitée au fond. Le courrier du TAPI fixant le délai au 4 octobre 2019 ne fait pas mention d'un complément limité au fond. En l'absence de détermination claire du TAPI, le grief du recourant est fondé.

Par ailleurs, la transmission par le TAPI de la détermination de l'OCPM sur la demande de restitution de l'effet suspensif s'est faite en même temps que l'envoi de la décision querellée. Le recourant a ainsi été privé de l'invitation à une éventuelle réplique ou de l'information de ce que la cause était gardée à juger sur effet suspensif, ce qui lui aurait permis de répliquer spontanément s'il l'avait souhaité. Ce faisant, le TAPI doit se voir reprocher d'avoir violé le droit d'être entendu du recourant sur ce point-là aussi, situation que la chambre de céans avait déjà eu l'occasion de relever (ATA/1003/2019 du 11 juin 2019 consid. 4).

Dans le cas précité, la chambre de céans avait toutefois considéré que ce vice avait été réparé dans la procédure de recours devant la chambre de céans, dès lors que le recourant avait pu se déterminer dans celle-ci sur tous les arguments de l'autorité intimée et avait, en outre, eu l'occasion de s'exprimer en audience de comparution personnelle, d'une part. D'autre part, la chambre de céans disposait du même pouvoir d'examen que le TAPI. En outre, un renvoi de la cause à ce dernier en raison de la violation du droit d'être entendu du recourant n'aurait constitué qu'une simple formalité.

En l'espèce, cette violation du droit d'être entendu est, en comparaison du cas précité, aggravée par l'absence de prise en compte par le TAPI de l'éventuel complément au recours pourtant autorisé. Il aurait été loisible au TAPI de transmettre immédiatement la détermination sur effet suspensif de l'autorité intimée au recourant en faisant coïncider le délai pour une éventuelle réplique sur effet suspensif et mesures provisionnelles avec le délai d'ores et déjà fixé pour le complément au recours le 4 octobre 2019. La brièveté du délai était fondée s'agissant d'une éventuelle réplique sur mesures provisionnelles.

Même sans fixer de délai pour une éventuelle réplique mais en gardant l'affaire à juger sur mesures provisionnelles, rien n'indiquait que le TAPI n'attendrait pas le complément au recours - que le recourant devait produire le 4 octobre 2019, soit quatre jours seulement après la décision querellée - avant de rendre la décision sur effet suspensif.

En décidant le 1er octobre de ne pas faire droit à la requête de restitution d'effet suspensif et de mesures provisionnelles du recourant, sans lui communiquer au préalable la détermination de l'autorité intimée et sans attendre le complément au recours, le TAPI a violé le droit d'être entendu du recourant sans que cette violation puisse être réparée par la chambre de céans.

La décision sera annulée et la cause renvoyée au TAPI pour nouvelle décision en respectant le droit d'être entendu du recourant.

5) Le recourant obtenant partiellement gain de cause, il n'y a pas lieu à perception d'un émolument (art. 87 al.1 LPA) et une indemnité réduite de procédure de CHF 400.- lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 15 octobre 2019 par Monsieur A______ contre la décision du Tribunal administratif de première instance du 1er octobre 2019 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule la décision précitée ;

renvoie le dossier au Tribunal administratif de première instance pour nouvelle décision sur effet suspensif et mesures provisionnelles ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue à Monsieur A______ une indemnité de procédure de CHF 400.-, à la charge de l'État de Genève ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Agrippino Renda, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le

 

la greffière :

 

 

 

 

 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

...

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

...

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l'entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l'admission provisoire,

4. l'expulsion fondée sur l'art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d'admission,

6. la prolongation d'une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d'emploi du titulaire d'une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d'asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l'objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

...

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

...

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l'objet d'aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.