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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2413/2019

ATA/1685/2019 du 19.11.2019 ( MARPU ) , ADMIS

Descripteurs : MARCHÉS PUBLICS;ADJUDICATION(MARCHÉS PUBLICS);APPEL D'OFFRES(MARCHÉS PUBLICS);PROCÉDURE D'ADJUDICATION;PRINCIPE DE LA TRANSPARENCE(EN GÉNÉRAL);ÉGALITÉ DE TRAITEMENT;SOUMISSIONNAIRE;POUVOIR D'APPRÉCIATION;DROIT D'ÊTRE ENTENDU
Normes : Cst.29.al2; AIMP.1.al3; AIMP.11.leta; AIMP.11.letb; AIMP.13.leth; RMP.12; RMP.16; RMP.24; RMP.43; RMP.45.al1
Parties : SERBECO SA / SERVICES INDUSTRIELS DE GENEVE, TRANSVOIRIE SA
Résumé : L’autorité adjudicatrice, dont la décision d’adjudication avait été annulée pour violation du droit d’être entendu parce qu’elle n’avait pas répondu aux questions valablement posées par un soumissionnaire, ne pouvait pas modifier la présentation d’un critère en répondant à ces questions, quand bien même les soumissionnaires avaient eu la possibilité d’adapter leurs offres en conséquences. En l’espèce, ce procédé violait les principes d’égalité de traitement et de transparence. La recourante, qui aurait obtenu une note plus élevée que les autres soumissionnaires, si le critère n’avait pas été modifié et s’il avait été correctement appliqué, se voit adjuger le marché.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2413/2019-MARPU ATA/1685/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 novembre 2019

 

dans la cause

 

SERBECO SA
représentée par Me Pierre Gabus, avocat

contre

SERVICES INDUSTRIELS DE GENÈVE

et

TRANSVOIRIE SA



EN FAIT

1) Serbeco SA (ci-après : Serbeco) est une société anonyme de droit suisse inscrite au registre du commerce (ci-après : RC) du canton de Genève, ayant son siège à Confignon, et qui a pour but statutaire la gestion, le traitement et la valorisation de déchets, la collecte et le transport de déchets, le financement, la construction et l'exploitation d'installation de valorisation de déchets, de manière respectueuse pour l'environnement et dans un objectif de développement durable, ainsi que toute autre activité analogue.

2) a. Le 27 février 2018, les Services industriels de Genève (ci-après : SIG) ont soumis le marché du « transport de bennes des déchets des sites d'épuration des eaux » (ci-après : STEP) à l'usine d'incinération des Cheneviers à une procédure d'appel d'offres en procédure ouverte. Le marché devait commencer le 30 avril 2018, pour douze mois. Le contrat était renouvelable deux fois douze mois.

Les critères de pondération annoncés étaient les suivants : prix (70 %), organisation, compétence et expérience (20 %) et « références, trois minimum, de moins de cinq ans dont la réalisation est terminée de la taille et du domaine équivalent » (10 %). La formulation de ce dernier critère fait l'objet du présent litige.

b. Le barème des notes, correspondant à l'Annexe T1 du Guide romand pour les marchés publics (ci-après : le Guide romand), était reproduit dans le dossier d'appel d'offres.

3) a. Serbeco a, valablement, posé trois questions :

- est-ce qu'une visite des différentes STEP est prévue ? (ci-après : question 1) ;

- il n'y a pas l'annexe Q8 pour les références dans votre dossier, sous quelle forme devons-nous la rendre ? (ci-après : question 2) ;

- « Références de moins de cinq ans dont la réalisation est terminée de la taille et du domaine équivalent » : ce qui veut dire que des mandats équivalents et en cours sont exclus ? Pouvez-vous préciser ce point ? (ci-après : question 3).

b. Les SIG n'ont pas répondu.

 

 

4) Trois entités ont soumissionné dans les délais:

-     Serbeco pour CHF 57'267.- comme offre de base ;

-     Transvoirie SA (ci-après : Transvoirie) pour CHF 57'724.70 comme offre de base ;

-     M. DUCRET SA pour CHF 63'560.- comme offre de base.

5) Par un courrier non daté, reçu le 11 avril 2018 par Serbeco, les SIG l'ont informée qu'ils avaient adjugé le marché à Transvoirie pour le montant de CHF 57'724.70 hors TVA.

Il ressortait du tableau récapitulatif les notes suivantes :

Critères

Serbeco

Transvoirie

M. Ducret SA

Prix

5

350 pts

4.92

344.47 pts

4.06

284.12 pts

Organisation

3.33

66.60 pts

4.04

80.80 pts

2.21

44.20 pts

Références

3

30 pts

3

30 pts

0

0 pts

Rang

2

446.6 pts

1

455.27 pts

3

328.32 pts

6) a. Serbeco a interjeté recours, enregistré sous cause A/1294/2018, contre cette décision le 20 avril 2018 auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Elle relevait notamment que son droit d'être entendue avait été violé par l'absence de réponse aux questions posées et l'absence de suite donnée à ses demandes d'entretien en vue d'obtenir des explications quant aux résultats.

b. Dans leur réponse sur effet suspensif du 3 mai 2018, les SIG ont déclaré que leur réponse à la question 3 aurait été la suivante : « La formulation du critère était claire. Les références de moins de cinq ans dont la réalisation est terminée (en gras et souligné dans le texte). Par conséquent, les mandats équivalents en cours sont exclus ». Ils précisaient qu'il n'avait pas été répondu aux questions de la recourante à la suite d'une mauvaise manipulation informatique d'un collaborateur des SIG et s'en excusaient. Les réponses aux trois questions n'auraient rien changé quant au contenu de l'offre de la recourante. Dans une écriture subséquente du 20 juillet 2018, les SIG ont ajouté que le texte de l'appel d'offres avait été compris par la recourante car les références qu'elle avait produites était pertinentes et respectaient le critère d'adjudication.

c. Par décision du 21 août 2018 (ATA/841/2018), la chambre administrative a admis partiellement le recours formé par Serbeco, a annulé la décision querellée et renvoyé la cause au pouvoir adjudicataire au sens des considérants.

En ne répondant pas aux questions, posées selon les formes voulues et dans le délai imparti par le soumissionnaire, l'autorité intimée avait violé l'art. 29 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007
(RMP - L 6 05.01) et le droit d'être entendue de la recourante.

Il n'appartenait pas à l'autorité de recours de déterminer a posteriori quelle influence auraient eu les réponses aux questions si elles avaient été données. Elle relevait tout au plus « [qu'il pouvait] être constaté que la troisième question [question 3] portait sur les références, notamment sur la problématique de mandats "en cours ou terminés". Or, l'adjudicataire [n'avait] donné que trois références, soit le nombre minimum requis. Sur les trois, la première [faisait] état, sous "période du marché" de "marché annuel" sans autre précision. La deuxième entreprise [mentionnait] "2013 - 2018". En conséquence, la réponse, notamment à la question 3, était pertinente ». 

7) Le 23 janvier 2019, les SIG ont adressé aux trois soumissionnaires un courrier les informant de la suite de la procédure.

Les SIG répondaient à la question 3 : « Les mandats équivalents et en cours seront considérés comme des références partiellement suffisantes, mais ne seront pas exclues car ces références existent, mais répondent partiellement à ce qui est prévu par le critère d'adjudication relatif aux références ». Ils impartissaient un délai au 1er février 2019 aux soumissionnaires pour apporter un complément ou une modification de leurs offres au niveau des références.

8) a. Serbeco a transmis aux SIG une nouvelle liste de leurs références, reprenant les cinq références présentées initialement, complétée par trois références concernant des « mandats en cours ».

Serbeco précisait que les SIG n'avaient répondu qu'à la question 3. Elle se référait donc pour les deux autres questions aux réponses apportées durant la procédure devant la chambre administrative. Elle relevait que la réponse concernant les références de « mandats en cours » avait changé depuis cette procédure et était en contradiction avec le texte de l'appel d'offres. Les SIG auraient dû écarter l'offre de Transvoirie qui ne respectait pas les critères de l'appel d'offres et encore moins leur permettre de la compléter.

b. Les autres soumissionnaires n'ont pas modifié ou complété leurs offres.

c. Les SIG, par courrier du 12 mars 2019 adressé aux trois soumissionnaires, ont répondu « à bien plaire » aux questions 1 et 2. Aucune visite des sites n'était prévue et l'annexe Q8 du Guide romand sur les marchés publics n'étant pas mentionnée dans l'offre, la forme des références était libre.

9) Par décision du 12 juin 2019, les SIG ont adjugé le marché à Transvoirie. Il ressortait du tableau récapitulatif les notes suivantes :

Critères

Serbeco

Transvoirie

M. Ducret SA

Prix

5

350 pts

4.92

344.47 pts

4.06

284.12 pts

Organisation

3.33

66.60 pts

4.04

80.80 pts

2.21

44.20 pts

Références

3

30 pts

2.66

26.60 pts

0

0 pts

Rang

2

446.6 pts

1

451.87 pts

3

328.32 pts

Les SIG précisaient à l'intention de Serbeco, qu'afin de ne pas la pénaliser dans l'évaluation en effectuant la moyenne des huit références proposées, ils n'avaient pas pris en compte les références 5 à 8, jugées partiellement suffisantes et obtenant la note de 2, et avaient privilégié les quatre premières références obtenant la note de 3.

10) Par acte du 24 juin 2019, Serbeco a formé recours contre la décision d'adjudication des SIG du 12 juin 2019 auprès de la chambre administrative. Elle a conclu, principalement, à l'annulation de la décision et à ce que le marché lui soit adjugé et, subsidiairement, à l'octroi d'une indemnité à hauteur du chiffre d'affaires du marché, soit trois fois CHF 57'727.70 pour un total de CHF 173'174.10 hors TVA. Elle a préalablement conclu à l'octroi de l'effet suspensif, à l'apport de la procédure A/1294/2018, à ce qu'il soit ordonné aux SIG de produire le détail des sous-critères utilisés, l'attribution des notes y relatives, pour le critère des « références » et celui de « l'organisation, compétence et expérience », ainsi qu'à l'audition des parties.

L'explication concernant la notation des références était incompréhensible : dans la procédure A/1294/2018, les SIG avaient d'abord prétendu que les mandats « en cours » étaient exclus. Ensuite, ils avaient informé les soumissionnaires que les mandats « en cours » seraient inclus, pour au final ne pas tenir compte des mandats « en cours » présentés par Serbeco pour « ne pas la pénaliser » et lui attribuer la même note que précédemment. La motivation des SIG ne permettait pas de comprendre la note attribuée ni quelle méthode d'évaluation avait été utilisée. Les SIG avaient ainsi violé le droit d'être entendu, ainsi que les art. 13 let. h de l'accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 (AIMP - L 6 05) et 45 al. 1 RMP concernant la motivation de la décision.

Les SIG avaient tenu compte de sous-critères déterminants non communiqués aux soumissionnaires. Ils avaient modifié en cours de procédure et après le dépôt des offres l'appréciation des critères relatifs aux références, excluant d'abord les mandats « en cours » puis en les incluant, et en définitive n'en tenant pas compte dans l'attribution des notes. L'évaluation du critère des références était incompréhensible. Les SIG avaient ainsi violé les principes de transparence et d'égalité de traitement entre les soumissionnaires.

Les SIG avaient également abusé, de manière arbitraire, de leur pouvoir d'appréciation dans l'évaluation du critère des références par leur comportement contradictoire. Ils n'avaient pas pris en compte les nouvelles références proposées car elles auraient péjoré la note. Pourtant, à la lumière de la réponse donnée à la question 3 posée par Serbeco, sa note n'aurait pu être qu'améliorée pour avoir proposé davantage de références.

Les SIG avaient également abusé de leur pouvoir d'appréciation dans l'évaluation du critère « organisation, compétence et expérience ».

Pour le surplus, l'offre de Transvoirie aurait dû être écartée au regard de la réponse des SIG donnée lors de la procédure A/1294/2018, soit que seuls les mandats équivalents et terminés seraient pris en compte, car ses références ne remplissaient pas les critères de l'appel d'offre. Transvoirie n'avait proposé qu'une référence concernant un mandat terminé, les références proposées ne correspondaient pas à un domaine équivalent à celui du marché de STEP, l'une des références portait sur un marché attribué à une société soeur du groupe dont Transvoirie faisait partie et une autre référence se référait à un marché attribué à un consortium dont Serbeco faisait aussi partie. De plus, le changement de position concernant les mandats « en cours » portait à croire que les SIG avaient artificiellement cherché à adjuger le marché par tous les moyens à Transvoirie.

Le recours apparaissant pour ces raisons en tous points fondé, l'effet suspensif devait être restitué, aucun intérêt public ou privé ne s'y opposant.

11) Par courrier du 5 juillet 2019, Transvoirie a informé la chambre administrative qu'elle n'entendait pas participer à la procédure.

12) Les SIG ont conclu au rejet de la demande d'effet suspensif et du recours. La recourante ne pouvait pas se plaindre d'une violation du droit d'être entendu car ils avaient répondu à ses questions et avaient accompagné leur décision d'une motivation détaillée.

Ils avaient, à la suite de l'arrêt du 21 août 2018 (ATA/841/2018), répondu à la question concernant les références. Ces dernières n'avaient été évaluées que sur la base de cette réponse qui était claire dans sa formulation. La recourante était consciente objectivement que les références portant sur des mandats « en cours » seraient considérées comme partiellement suffisantes et qu'elles ne pouvaient pas améliorer sa note. Les observations faites dans la précédente procédure étaient sans pertinence. Le principe de transparence avait été respecté.

Concernant le principe d'égalité de traitement, ils relevaient que s'ils l'avaient strictement appliqué, Serbeco n'aurait obtenu qu'une moyenne de 2,5, quatre de ses références valant une note de 3 car portant sur des mandats terminés et correspondant au périmètre du marché, et les autres valant une note de 2 car portant sur des mandats « en cours » ou ne correspondant pas au périmètre du marché. Ils estimaient en opportunité qu'une application stricte de la méthode d'évaluation ne permettait pas une comparaison équitable des références, la recourante en ayant fourni plus que l'adjudicataire. Par ailleurs, Transvoirie avait présenté deux références concernant des mandats terminés correspondant au périmètre du marché et une référence portant sur un mandat en cours et avait par conséquent obtenu la note de 2,66. Les quatre premières références de la recourante et les trois références proposées par l'adjudicataire étaient similaires.

D'après le Rapport d'adjudication de juin 2019 concernant le Marché de services - transport de bennes de déchets de STEP (ci-après : le rapport d'adjudication), la recourante n'avait pas obtenu le marché en raison de l'absence de certaines certifications. Ils détaillaient les éléments d'appréciation pris en compte dans l'évaluation du critère « organisation, compétence et expérience » sur la base des annexes Q3, Q5 et Q6. L'offre de l'adjudicataire était supérieure quant à ce critère, tandis que l'offre de la recourante était supérieure au niveau du prix et des références.

13) La recourante a persisté dans ses conclusions. Les SIG avaient admis dans leurs observations avoir modifié le critère d'évaluation en précisant que les observations issues de la procédure A/1294/2018 n'étaient pas pertinentes. Or, la modification des critères après le dépôt des offres était contraire au principe de la transparence. Un représentant des SIG devait être entendu sur ce point. Les SIG violaient l'autorité de chose jugée l'arrêt de la chambre administrative. Celle-ci avait ordonné la reprise de la procédure dans le respect du droit des marchés publics et n'avait pas autorisé les SIG à modifier leurs critères d'évaluation alors que la procédure d'adjudication était toujours en cours. De plus, la modification du critère était en contradiction avec le contenu de l'offre. La chambre administrative ne devait se fonder que sur la première réponse à la question 3 apportée lors de la procédure A/1294/2018.

Les SIG n'avaient pas tenu compte des défauts des références de Transvoirie, explicités dans l'acte de son recours, ce qui constituait un abus de leur pouvoir d'appréciation. Tandis que les références de Serbeco étaient toutes conformes, d'une part à l'appel d'offre et d'autre part au nouveau critère modifié par les SIG, sa note devrait donc être supérieure à celle initialement obtenue. C'est pourquoi il était nécessaire que les SIG produisent les sous-critères utilisés, ou que l'un de ses représentants soit entendu sur la question.

Pour le surplus, la recourante avait fourni toutes les explications utiles démontrant que, malgré l'absence de certifications, elle possédait tous les critères requis et demandait à ce que l'un de ses représentant soit entendu sur ce sujet.

14) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 AIMP ; art. 15 al. 1, 1bis let. e et 2 AIMP; art. 55 let. e et 56 al. 1 RMP).

2) a. La recourante a préalablement conclu à l'apport de la procédure A/1294/2018, la production par les SIG du détail des sous-critères utilisés pour les critères « références » et « organisation, compétence et expérience » ainsi que les notes attribuées y relative. Elle a également conclu à l'audition des parties.

b. Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, d'avoir accès au dossier, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 135 I 279 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_585/2014 du 13 février 2015 consid. 4.1). Le droit de faire administrer des preuves découlant du droit d'être entendu n'empêche pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction, lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 134 I 140 consid. 5.3).

De plus, le droit d'être entendu ne peut être exercé que sur les éléments qui sont déterminants pour décider de l'issue du litige (ATF 135 I 279 consid. 2.3 ; 132 V 368 consid. 3.1). L'autorité de décision peut donc se livrer à une appréciation anticipée de la pertinence du fait à prouver et de l'utilité du moyen de preuve offert et, sur cette base, refuser de l'administrer. Ce refus ne viole le droit d'être entendu que si l'appréciation à laquelle elle a ainsi procédé est entachée d'arbitraire (art. 9 Cst. ; ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 136 I 229 consid. 5.3).

c. En l'espèce, la chambre administrative possède le dossier complet de la procédure A/1294/2018, laquelle a déjà opposé les mêmes parties devant elle. Les parties y ont eu accès lors de la procédure en question et lors de la présente procédure auprès du greffe de la chambre administrative. Il a donc été fait droit à la requête d'apport de la procédure A/1294/2018.

L'autorité intimée a produit le rapport d'adjudication du marché, lequel détaille les éléments pris en compte dans la notation des différents critères, et a de plus explicité l'évaluation de ceux-ci dans sa réponse. Aucun élément ne permet de retenir que l'autorité intimée ait utilisé des sous-critères qui ne seraient pas mentionnés dans le rapport d'adjudication. Compte tenu de ces éléments et de ceux qui suivent, la requête en production des sous-critères n'apparaît pas pertinente.

Les parties ont pu exprimer par écrit leur argumentation de manière circonstanciée et ont pu produire les pièces pertinentes à l'appui de leur position. La chambre administrative dispose ainsi d'un dossier complet lui permettant de se prononcer sur les griefs soulevés par la recourante en toute connaissance de cause. Il ne sera dès lors pas donné suite aux requêtes d'audition des parties.

3) Sur le plan formel, la recourante reproche à l'autorité intimée une violation de son droit d'être entendu, la décision n'étant pas suffisamment motivée et les explications fournies « incompréhensibles ».

a. Le droit d'être entendu comprend le droit d'obtenir une décision motivée. L'autorité n'est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives, mais doit se prononcer sur celles-ci (ATF 138 I 232 consid. 5.1 ; 137 II 266 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_597/2013 du 28 octobre 2013 consid. 5.2 2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, p. 531 n. 1573). Il suffit, du point de vue de la motivation de la décision, que les parties puissent se rendre compte de sa portée à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; 138 I 232 consid. 5.1 ; 136 I 184 consid. 2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_832/2016 du 12 juin 2017 consid. 4.1).

En matière de marchés publics, cette obligation se manifeste par le devoir qu'a l'autorité d'indiquer au soumissionnaire évincé les raisons du rejet de son offre (Jean-Baptiste ZUFFEREY/Corinne MAILLARD/Nicolas MICHEL, Le droit des marchés publics, 2002, p. 256). Ce principe est concrétisé par les art. 13 let. h AIMP et 45 al. 1 RMP (ATA/492/2018 du 22 mai 2018 consid. 6b). Selon la doctrine, les règles spéciales applicables en matière d'adjudication de marché prévoient que l'autorité peut, dans un premier temps, procéder à une notification individuelle, voire par publication, accompagnée d'une motivation sommaire ; sur requête du soumissionnaire évincé, l'autorité doit lui fournir des renseignements supplémentaires relatifs notamment aux raisons principales du rejet de son offre ainsi qu'aux caractéristiques et avantages de l'offre retenue. L'ensemble de ces explications de l'autorité (fournies le cas échéant en deux étapes) doit être pris en considération pour s'assurer qu'elles sont conformes, ou non, aux exigences découlant du droit d'être entendu ; de surcroît, la pratique admet assez généreusement la réparation d'une motivation insuffisante dans la procédure de recours subséquente (Étienne POLTIER, Droit des marchés publics, 2014, p. 250 n. 392).

b. En l'espèce, la décision d'adjudication était accompagnée du tableau des résultats, lequel répertoriait les notes obtenues pour chaque critère par les trois soumissionnaires, ainsi que leur note globale, plaçant la recourante au second rang. Par ailleurs, l'autorité intimée a ajouté à l'intention de la recourante un paragraphe destiné à lui expliquer la façon dont le critère « références » avait été évalué la concernant.

De plus, la recourante a obtenu des explications détaillées sur l'évaluation, de la part du pouvoir adjudicateur dans le cadre de la réponse de celui-ci, et le rapport d'adjudication a été produit dans la présente procédure.

Au vu de la jurisprudence précitée spécifique aux marchés publics, le droit de la recourante à obtenir des explications sur les raisons du rejet de son offre a été satisfait. Même si la recourante considère les explications de l'autorité intimée incompréhensibles, elle a pu se rendre compte de la portée de la décision à son égard et recourir en toute connaissance de cause. Aucune violation de son droit d'être entendue sous forme de manque de motivation de la décision attaquée ne saurait donc être retenue.

4) a. L'AIMP poursuit plusieurs objectifs, soit assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires (art. 1 al. 3 let. a AIMP), garantir l'égalité de traitement entre ceux-ci et assurer l'impartialité de l'adjudication (art. 1 al. 3 let. b AIMP), assurer la transparence des procédures de passation des marchés (art. 1 al. 3
let. c AIMP) et permettre l'utilisation parcimonieuse des deniers publics (art. 1
al. 3 let. d AIMP). Ces principes doivent être respectés, notamment dans la phase de passation des marchés (art. 11 AIMP, notamment let. a et b AIMP).

b. Le respect de l'égalité de traitement entre soumissionnaires (art. 1 al. 2 let. b et 11 let. a AIMP ; 16 RMP) oblige l'autorité adjudicatrice à traiter de manière égale les soumissionnaires tout au long du déroulement formel de la procédure (ATA/123/2011 du 1er mars 2011 ; ATA/626/2009 du 1er décembre 2009 ; ATA/884/2004 du 26 octobre 2004 ; Jean-Baptiste ZUFFEREY/Corinne MAILLARD/Nicolas MICHEL, op. cit, p. 109 ; Benoît BOVAY, La non-discrimination en droit des marchés publics in RDAF 2004, p. 241). La juridiction de céans a déjà eu l'occasion de rappeler le caractère formaliste du droit des marchés publics qu'impose le respect de ce principe (ATA/150/2009 du 14 mars 2009 ; ATA/10/2009 du 13 janvier 2009).

c. Selon la jurisprudence, le principe de la transparence est le principe cardinal et incontournable des marchés publics. Il limite le large pouvoir d'appréciation dont dispose le pouvoir adjudicateur (RDAF 2001 I 403). Il permet d'assurer la mise en oeuvre du principe de concurrence, lequel permet la comparaison des prestations et de choisir ainsi l'offre garantissant un rapport optimal entre le prix et la prestation (ATF 130 I 241 consid. 5.1 ; ATF 125 II 86 consid. 7c in RDAF 2002 I 543 ; ATA/952/2014 du 2 décembre 2014 consid. 5b), ainsi que le contrôle de l'impartialité de la procédure d'adjudication, autre principe qui doit être respecté (Étienne POLTIER, op. cit., p. 163, n. 264). Le principe de transparence exige que le pouvoir adjudicateur se conforme dans la suite de la procédure aux conditions qu'il a préalablement annoncées, il se rapproche dans cet aspect du principe de la bonne foi, qui prohibe les comportements contradictoires de l'autorité (art. 9 Cst.), et du principe de la non-discrimination, car s'il s'écarte des « règles du jeu » qu'il a fixées, il adopte un comportement qui se rapproche d'une manipulation, typiquement discriminatoire, du résultat du marché (Étienne POLTIER, op. cit., p. 161, n. 259).

d. Comme la chambre administrative l'a rappelé à plusieurs reprises, le droit des marchés publics est formaliste. L'autorité adjudicatrice doit procéder à l'examen de la recevabilité des offres et à leur évaluation dans le respect de ce formalisme (ATA/794/2018 du 7 août 2018 consid. 3b et les références citées), qui permet de protéger notamment le principe d'intangibilité des offres remises et le respect du principe d'égalité de traitement entre soumissionnaires. Ces principes imposent ainsi de n'apprécier les offres que sur la base du dossier remis, un soumissionnaire n'étant pas habilité à modifier la présentation de son offre, à y apporter des compléments ou à transmettre de nouveaux documents après l'échéance du délai (ATA/914/2018 du 11 septembre 2018 consid. 6a ; ATA/150/2018 du 20 février 2018 consid. 3b et les références citées), ce qui découle de l'art. 11 let. c AIMP qui proscrit les négociations entre l'entité adjudicatrice et les soumissionnaires (ATA/616/2018 du 18 juin 2018 consid. 3d).

5) a. Les offres sont évaluées en fonction des critères d'aptitude et des critères d'adjudication (art. 12 RMP). L'autorité adjudicatrice choisit des critères objectifs, vérifiables et pertinents par rapport au marché. Elle doit les énoncer clairement et par ordre d'importance au moment de l'appel d'offres (art. 24 RMP). Ainsi, en vertu de l'art. 43 RMP, l'évaluation est faite selon les critères prédéfinis conformément à l'art. 24 RMP et énumérés dans l'avis d'appel d'offres et/ou les documents d'appel d'offres (al. 1) ; le résultat de l'évaluation des offres fait l'objet d'un tableau comparatif (al. 2) ; le marché est adjugé au soumissionnaire ayant déposé l'offre économiquement la plus avantageuse, c'est-à-dire celle qui présente le meilleur rapport qualité/prix ; outre le prix, les critères suivants peuvent notamment être pris en considération : la qualité, les délais, l'adéquation aux besoins, le service après-vente, l'esthétique, l'organisation, le respect de l'environnement (al. 3) ; l'adjudication de biens largement standardisés peut intervenir selon le critère du prix le plus bas (al. 4).

b. Le principe de la transparence garanti par les art. 1 al. 3 let. c AIMP et 24 RMP exige du pouvoir adjudicateur qu'il énumère par avance et dans l'ordre d'importance tous les critères d'adjudication qui seront pris en considération lors de l'évaluation des soumissions, en spécifiant clairement l'importance relative qu'il entend accorder à chacun d'eux. Ceux-ci doivent être objectifs, vérifiables et pertinents par rapport au marché. Le principe de la transparence interdit de modifier de manière essentielle, après le dépôt des offres, la présentation des critères. Il n'exige toutefois pas, en principe, la communication préalable d'éléments d'appréciation ou de catégories, tels des sous-critères, qui tendent uniquement à concrétiser le critère publié, à moins que ceux-ci ne sortent de ce qui est communément observé pour définir le critère principal auquel ils se rapportent ou que l'adjudicateur ne leur accorde une importance prépondérante et leur confère un rôle équivalent à celui d'un critère publié. De la même manière, une simple grille d'évaluation ou d'autres aides destinées à noter les différents critères et éléments d'appréciation utilisés (telles une échelle de notes, une matrice de calcul, etc.) ne doivent pas nécessairement être portées par avance à la connaissance des soumissionnaires, sous réserve d'abus ou d'excès du pouvoir d'appréciation (ATF 130 I 241 consid. 5.1 ; ATA/695/2015 du 30 juin 2015 ; ATA/368/2015 du 21 avril 2015 ; ATA/972/2014 du 9 décembre 2014).

c. Le pouvoir adjudicateur dispose d'une grande liberté d'appréciation dans le choix et l'évaluation des critères d'aptitude et d'adjudication, celui-là étant libre de spécifier ses besoins en tenant compte de la solution qu'il désire (ATF 137 II 313 consid. 3.4 in JdT 2012 I p. 28 s.). Une fois les critères d'aptitude et d'adjudication arrêtés dans l'appel d'offres ou les documents d'appel d'offres, le pouvoir adjudicateur doit en règle générale s'y tenir. En vertu des principes de la transparence et de l'égalité de traitement, il ne saurait les modifier ultérieurement. S'il ignore des critères dûment fixés, en modifie la portée ou la pondération ou encore s'il en ajoute de nouveaux, le pouvoir adjudicateur agit de manière contraire au droit des marchés publics (ATAF 2019 IV/1 consid. 3.3 ; décision incidente du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] B-4637/2016 du 19 octobre 2016 consid. 6.4; arrêts du TAF B-4958/2013 du 30 avril 2014 consid. 2.5.2; B-891/2009 du 5 novembre 2009 consid. 3.4).

d. Les soumissionnaires peuvent en principe s'attendre à ce que le pouvoir adjudicateur interprète les critères d'aptitude et d'adjudication selon leur sens commun. S'il n'entend pas leur donner une telle interprétation, les critères concernés devront être en conséquence définis de manière aussi détaillée que possible dans les documents d'appel d'offres afin que les soumissionnaires puissent connaître les exigences que leur offre doit satisfaire (ATAF 2011/58 consid. 13.2.1). Les critères d'adjudication et d'aptitude doivent ainsi être interprétés au regard du principe de la confiance; la volonté subjective du pouvoir adjudicateur importe peu (ATAF 2019 IV/1 consid. 3.3 ; ATF 141 II 14 consid. 7.1; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1101/2012 du 24 janvier 2013 consid. 2.4.1).

6) Bien que les références puissent constituer un critère d'aptitude, ou de qualification (arrêt du TAF B-7208/2014 du 13 mars 2016 consid. 3.1), elles sont utilisées dans le cas d'espèce comme critère d'adjudication, ce qui est admissible (ATF 139 II 489 consid. 2.2.4 = JdT 2014 I 84, 88), et explique qu'elles aient fait l'objet d'une notation (ATA/1413/2019 du 24 septembre 2019 consid. 5.a). La non-réalisation d'un critère d'adjudication n'est pas éliminatoire, mais peut être compensée par la pondération avec d'autres critères d'adjudication (ATF 139 II 489 consid. 2.2.1 et 2.2.4).

7) a. En l'espèce, la recourante se plaint d'une violation du principe de transparence car l'autorité intimée aurait modifié le critère d'adjudication « références », après le dépôt des offres, par son courrier du 23 janvier 2019.

À des fins de clarté, les références portant sur des mandats dont la réalisation est terminée seront désignées par le terme « références terminées », tandis que les références portant sur des mandats dont la réalisation est en cours, le seront par le terme « références en cours ».

De plus, il sera précisé que, si la décision d'adjudication du 11 avril 2018 a été annulée, la chambre administrative n'a pas ordonné à l'autorité intimée d'entreprendre une nouvelle procédure, mais de reprendre celle entreprise en respectant le droit des marchés publics.

b. Dans l'appel d'offres, le critère « références » était décrit comme suit : « Références (3 minimum) de moins de cinq ans dont la réalisation est terminée de la taille et du domaine équivalent ».

Dans ses écritures durant la procédure A/1294/2018, l'autorité intimée a soutenu que les références en cours étaient exclues, le texte de l'appel d'offres étant clair à ce sujet. Sans autres indications que le barème des notes du Guide romand quant à l'évaluation de ce critère, il convient d'en déduire, selon le principe de la confiance, que, d'une part, seules pouvaient être présentées des références terminées et que, d'autre part, la notation du critère dépendrait à la fois du nombre de références proposées, une note suffisante supposant la présentation de trois références terminées, et de leurs particularités, c'est-à-dire si elles présentaient un avantage particulier par rapport à celles des autres soumissionnaires.

Ainsi, les offres ne pouvaient pas contenir de références en cours et, dans tous les cas, ces dernières ne devaient pas être prises en compte dans l'évaluation du critère.

c. Par son courrier du 23 janvier 2019, l'autorité intimée, répondant à la question 3, a précisé que « les mandats équivalents et en cours seront considérés comme des références partiellement suffisantes, mais ne seront pas exclues car ces références existent, mais répondent partiellement à ce qui est prévu par le critère d'adjudication relatif aux références ».

Ainsi, non seulement les offres pouvaient désormais contenir des références en cours, mais celles-ci étaient aussi prises en compte dans l'évaluation du critère.

L'autorité intimée a donc modifié la présentation du critère « références » en tant qu'elle a modifié le contenu admissible des offres et les éléments pris en considération dans l'évaluation du critère.

d. Elle a ensuite imparti un délai équivalent à tous les soumissionnaires afin qu'ils adaptent leurs offres en conséquence. Ce procédé ne saurait toutefois justifier la modification du critère d'adjudication en l'espèce et il viole de surcroît le principe d'intangibilité des offres.

En effet, sous le couvert d'apporter une réponse à la question de la recourante, l'autorité intimée a modifié le critère d'adjudication en le rendant moins restrictif et en laissant aux soumissionnaires la possibilité de compléter leurs offres. Elle a ainsi avantagé doublement les soumissionnaires qui n'avaient pas présenté le nombre requis de références terminées : d'une part, en leur octroyant la possibilité d'ajouter de telles références à leurs offres et, d'autre part, en leur permettant d'obtenir une meilleure note pour ce critère par l'inclusion des références en cours dans la pondération, dans l'hypothèse où ils ne disposeraient pas du nombre suffisant de références terminées. Ainsi, l'adjudicataire, qui n'avait pas présenté le nombre requis de références terminées, s'est vu avantager, et par la modification du critère, et par la possibilité de compléter son offre.

De surcroît, alors que l'autorité intimée avait affirmé dans ses écritures du 3 mai 2018 que seules les références terminées seraient prises en compte et que la chambre de céans avait relevé dans son ATA/841/2018 que celle-là avait, à tort, pris en compte et évalué les références en cours présentées par l'adjudicataire, l'autorité adjudicatrice a persisté à vouloir évaluer ces références en modifiant le critère. Ce faisant, elle a radicalement changé de position, concernant la même procédure d'adjudication, entre la première et la seconde procédure judiciaire. Ce comportement viole le principe de transparence et de bonne foi qui prohibent les comportements contradictoires de l'autorité.

Le comportement de l'autorité intimée se rapproche ainsi d'une manipulation discriminatoire du marché, contraire aux principes de la transparence, de l'égalité de traitement et de non-discrimination, qui doivent être respectés tout au long de la procédure de passation de marché (art. 11 AIMP).

8) a. La recourante reproche également à l'autorité intimée un abus de son pouvoir d'appréciation dans l'appréciation du critère « référence ».

b. En matière d'évaluation des offres, la jurisprudence reconnaît une grande liberté d'appréciation au pouvoir adjudicateur (ATF 125 II 86 consid. 6 ; ATA/851/2014 du 4 novembre 2014 consid. 9b ; ATA/20/2014 du 14 janvier 2014 consid. 11). L'appréciation de la chambre administrative ne saurait donc se substituer à celle de ce dernier. Seul l'abus ou l'excès du pouvoir d'appréciation doit être sanctionné (ATF 130 I 241 consid. 6.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2P.111/2003 du 21 janvier 2004 consid. 3.3 ; 2P.172/2002 du 10 mars 2003 consid. 3.2 ; RDAF 1999 I p. 301 ; ATA/851/2014 précité consid. 9b ; ATA/20/2014 précité consid. 11). En outre, pour que le recours soit fondé, il faut encore que le résultat, considéré dans son ensemble, constitue un usage abusif ou excessif du pouvoir d'appréciation (JAAC 1999 p. 143 ; ATA/851/2014 précité consid. 9b ; ATA/20/2014 précité consid. 11).

c. Il y a abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité, tout en restant dans les limites du pouvoir d'appréciation qui est le sien, se fonde sur les considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables ou viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2 et les références citées).

d. Une décision est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. À cet égard, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu'elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, si elle a été adoptée sans motif objectif ou en violation d'un droit certain. L'arbitraire ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu'elle serait préférable. Pour qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 138 I 232 consid. 6.2 ; 138 I 49 consid. 7.1 ; 137 I 1 consid. 2.4 ; 136 I 316 consid. 2.2.2). La chambre administrative suit le raisonnement du Tribunal fédéral en la matière (ATA/1189/2017 du 22 août 2017 consid. 4c et les références citées).

9) a. L'autorité intimée a procédé à l'évaluation du critère « références », précisé par le courrier du 23 janvier 2019, en deux étapes.

b. Dans la première étape, elle a attribué une note à chacune des références proposées. L'autorité intimée explique dans sa réponse, et cela ressort également du rapport d'adjudication, que les quatre premières références de la recourante correspondaient au critère et ont obtenu la note de 3. Les autres références de la recourante ont obtenu la note de 2, car portant sur des mandats « en cours » ou sur des marchés non équivalents. Quant à l'adjudicataire, deux de ses références correspondaient au critère et ont obtenu la note de 3. La dernière portait sur un mandat « en cours » et a obtenu la note de 2.

Si l'autorité intimée a ainsi mentionné la note obtenue par chacune des références proposées par les soumissionnaires, elle n'a apporté aucune explication, que ce soit dans le rapport d'adjudication ou dans ses écritures, quant aux raisons qui l'ont conduite à octroyer ces notes.

Elle a attribué la note de 3 (suffisant) à chacune des références terminées apportées par les deux soumissionnaires, lesquelles étaient, à teneur de ses écritures, toutes similaires. Or, leur contenu et leur présentation n'étaient pas identiques.

À titre d'exemple, trois des références proposées par la recourante portaient sur des mandats effectués sur l'un des sites concernés par l'appel d'offres et dont l'ampleur était équivalente ou supérieure à celle du marché litigieux. Tandis que les deux références terminées proposées par l'adjudicataire ne mentionnaient pas l'ampleur des services effectués, uniquement le prix du marché, et ne portaient pas sur les mêmes sites que ceux de l'appel d'offres.

L'autorité intimée n'explique pas de quelle manière ces différences ont été prises en compte et en quoi elles justifiaient l'octroi de la même note à chacune des références. Elle s'est bornée à examiner si les références correspondaient au périmètre du marché, sans préciser en quoi, et si elles étaient terminées. L'autorité intimée ne pouvait donc pas, sans abuser de son pouvoir d'appréciation, qualifier ces références de similaires et leur attribuer la même note, sans avoir au préalable examiné si celles-ci présentaient ou non des avantages particuliers.

c. Dans la seconde étape, l'autorité intimée a fait la moyenne des notes obtenues par chacune des références. La recourante a obtenu la note de 3, car l'autorité intimée n'a pas pris en compte les références en cours proposées, et l'adjudicataire la note de 2,66. Toutefois, cette méthode d'évaluation viole les principes de transparence et d'égalité de traitement.

En premier lieu, la recourante ne pouvait légitimement pas déduire de la modification du critère que la présentation de références en cours, alors qu'elle proposait par ailleurs le nombre requis de références terminées, péjorerait sa note. En effet, bien que l'autorité intimée ait précisé considérer les références en cours comme partiellement suffisantes, elle a également affirmé que ces références « existaient », raison pour laquelle elles n'étaient pas exclues. Elle admet par conséquent qu'elles démontraient une expérience complémentaire, dont l'ajout, en toute logique, ne pouvait qu'améliorer la note de la recourante.

Si l'autorité intimée avait voulu donner un autre sens à la modification du critère, cela aurait dû figurer clairement dans son énoncé. Elle a ainsi violé le principe de transparence en évaluant le critère d'une façon qui n'était pas prévisible pour les soumissionnaires.

En second lieu, la méthode utilisée ne tient pas compte du caractère quantitatif du critère, ce qui conduit à un résultat choquant. En effet, la recourante aurait dû obtenir une moyenne de 2,5, ayant obtenu la note de 3 pour quatre références et la note de 2 pour les quatre autres (3+3+3+3+2+2+2+2 = 20/8 = 2,5), et l'adjudicataire une moyenne de 2,66, ayant obtenu la note de 3 pour deux références et la note de 2 pour la troisième (3+3+2 = 10/3 = 2,66).

Cette méthode d'évaluation viole ainsi le principe d'égalité de traitement car le soumissionnaire présentant le plus de références correspondant à la fois au critère initial et au critère modifié obtiendrait une note, d'une part, insuffisante (en-dessous de 3) et, d'autre part, moins élevée que le soumissionnaire qui n'a présenté que le nombre minimum requis de références.

L'autorité intimée, consciente de cela, a décidé ne pas tenir compte des références en cours de la recourante. Ce faisant, elle a violé encore une fois le principe de transparence, en tant qu'elle s'est écartée du critère qu'elle avait modifié, et le principe d'égalité de traitement, en tant qu'elle a évalué différemment ce critère pour les deux soumissionnaires.

Par conséquent, l'autorité intimée, qui a violé les principes régissant la passation des marchés public dans l'évaluation du critère « références », a ainsi abusé de son pouvoir d'appréciation.

10) a. Au vu de ce qui précède, il n'est pas nécessaire d'examiner les autres griefs de la recourante.

b. Le recours sera admis et la décision d'adjudication du 12 juin 2019 sera annulée.

En l'absence d'une méthode de pondération dûment annoncée aux soumissionnaires et conforme aux exigences légales, qui permettrait d'apprécier les caractéristiques tant quantitatives que qualitatives du critère « références », il doit être retenu qu'avant que celui-ci ne soit indûment modifié, l'adjudicataire aurait dû obtenir une note au maximum partiellement suffisante, soit tout au plus la note de 2 pour un total de 20 pts, car il n'avait pas présenté le nombre requis de références terminées, et la recourante une note au minimum suffisante, soit égale ou supérieure à 3 pour un total de 30 pts, ayant présenté plus de trois références terminées. Ainsi, l'adjudicataire aurait obtenu au maximum 445.27 pts (344.47 + 80.80 + 20) et la recourante au minimum 446.6 pts (350 + 66.60 + 30), la plaçant dans tous les cas en première position.

La chambre administrative, faisant usage du pouvoir de réforme conféré par l'art. 69 al. 3 de la loi sur la procédure administrative 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), adjugera ainsi le marché à la recourante. En effet, toute autre décision, notamment un renvoi à l'intimée, se heurterait au principe d'économie de procédure ainsi qu'à celui de célérité, lesquels doivent être pris en compte en matière de marchés publics (ATA/1089/2018 du 16 octobre 2018 consid. 10 et références citées ; ATA/947/2016 du 8 novembre 2016 consid. 6 ; ATA/51/2015 du 13 janvier 2015 consid. 18).

11) Le présent arrêt rend sans objet les demandes de restitution de l'effet suspensif.

12) Vu l'issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée à la recourante qui y a conclu, à la charge des SIG (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 24 juin 2019 par Serbeco SA contre la décision des services industriels de Genève du 12 juin 2019 ;

au fond :

l'admet ;

annule la décision des services industriels de Genève du 12 juin 2019 ;

adjuge à Serbeco SA le marché public « transport de bennes des déchets des sites d'épuration des eaux » à l'usine d'incinération des Cheneviers ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à la charge des Services industriels de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n'est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

s'il soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pierre Gabus, avocat de la recourante, aux Services industriels de Genève, à Transvoirie SA, ainsi qu'à la commission de la concurrence (COMCO).

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, MM. Pagan et Verniory, Mme Cuendet, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :