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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4589/2015

ATA/1671/2019 du 12.11.2019 sur JTAPI/313/2019 ( ICCIFD ) , ADMIS

Descripteurs : DROIT FISCAL;SOUSTRACTION D'IMPÔT;TENTATIVE(EN GÉNÉRAL);PROCÉDURE DE TAXATION;DÉLAI ABSOLU;PRESCRIPTION
Normes : LIFD.175; LIFD.176; LIFD.184; LHID.56; LPFisc.70
Résumé : En raison de l’indépendance des procédures administrative et pénale, la prescription absolue du droit de taxer ne peut avoir d’incidence sur l’infraction de tentative de soustraction d’impôt. Admission du recours.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4589/2015-ICCIFD ATA/1671/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 12 novembre 2019

4ème section

 

dans la cause

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

contre

Madame et Monsieur A______
représentés par Me Mathieu Simona, avocat

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 3 avril 2019 (JTAPI/313/2019)


EN FAIT

1) Dans leurs déclarations fiscales pour les années 2002 à 2012, Madame et Monsieur A______ (ci-après : les époux A______) ont notamment fait valoir des charges de famille pour quatre proches de Mme A______ vivant au Pérou, ainsi que des déductions qui y étaient liées (frais liés aux handicaps de proches nécessiteux et déductions pour les primes d'assurance-vie et intérêts d'épargne). Pour chacune de ces années, ils ont produit un « chèque à court terme ».

2) L'imposition des années fiscales 2002 à 2004 des époux A______ a fait l'objet de contestations, qui ont donné lieu à un arrêt de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) du 6 décembre 2011 (ATA/745/2011), puis à un arrêt du Tribunal fédéral du 25 juillet 2012 (2C_111/2012).

3) Entre septembre et novembre 2011, l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a notifié aux époux A______ leurs bordereaux de taxation pour l'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) ainsi que pour l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD) 2005 à 2009, à l'encontre desquels les intéressés ont élevé réclamation, rejetée par l'autorité fiscale s'agissant des déductions des montants versés à leurs proches au Pérou, les chèques produits ne pouvant être considérés comme des preuves.

4) Le 16 décembre 2013, l'AFC-GE a informé les époux A______ de l'ouverture d'une procédure en tentative de soustraction fiscale pour les années 2002 à 2012. Sur la base de leurs déclarations fiscales, de leurs courriers et des documents qu'ils lui avaient transmis, elle avait constaté qu'ils se prévalaient de nombreuses déductions de manière indue et que les chèques fournis comme preuve de versement à la famille péruvienne pouvaient être de nature douteuse, les invitant à se déterminer à ce propos.

5) Le 26 avril 2014, les époux A______ ont expliqué à l'AFC-GE qu'ils avaient remis, lors de leurs voyages au Pérou, des sommes en espèces à leurs proches. Ils n'avaient pas fait usage des chèques annexés à leurs déclarations d'impôt, qui avaient uniquement été produits à titre informatif.

6) Par bordereaux des 19 et 24 novembre 2014, l'AFC-GE a notifié aux époux A______ leurs taxations rectificatives pour l'ICC et l'IFD 2002 à 2004 et leurs taxations pour l'ICC et l'IFD 2010 à 2012. Les déductions des charges de famille pour leurs proches au Pérou n'étaient pas admises, dès lors que les chèques produits ne pouvaient être considérés comme des preuves du versement desdits montants.

7) Le 8 décembre 2014, l'AFC-GE a notifié aux époux A______ les bordereaux d'amende ICC et IFD 2002 à 2012.

Par l'entremise de faux chèques, ils avaient intentionnellement tenté d'obtenir, durant de très nombreuses années, une imposition privilégiée en déduisant des charges indues. La quotité de l'amende était fixée aux deux tiers des droits éludés, montant auquel avait été ajouté un facteur d'aggravation d'un quart pour tenir compte de la répétition et du caractère pénal des actes. Les amendes correspondaient ainsi aux cinq sixièmes des droits éludés, soit :

Année

ICC

IFD

2002

CHF 5'083.-

CHF 1'426.-

2003

CHF 2'468.-

CHF 633.-

2004

CHF 2'530.-

CHF 686.-

2005

CHF 2'628.-

CHF 1'134.-

2006

CHF 2'618.-

CHF 1'316.-

2007

CHF 2'575.-

CHF 1'372.-

2008

CHF 3'177.-

CHF 1'710.-

2009

CHF 3'377.-

CHF 1'440.-

2010

CHF 4'795.-

CHF 776.-

2011

CHF 4'460.-

CHF 860.-

2012

CHF 5'066.-

CHF 609.-

8) Le 19 décembre 2014, les époux A______ ont élevé réclamation contre les bordereaux d'impôt ICC et IFD 2002 à 2004 et 2010 à 2012 et d'amende ICC et IFD 2002 à 2012, rejetée par l'AFC-GE les 13 et 20 juillet 2015 s'agissant des charges de famille et des amendes.

9) S'en sont ensuivies les procédures judiciaires suivantes :

a. Par jugement du 12 octobre 2015, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a rejeté le recours des époux A______ interjeté contre la décision sur réclamation de l'AFC-GE concernant l'ICC et l'IFD 2005 à 2009 s'agissant des charges de famille alléguées. Ce jugement a été confirmé par arrêts de la chambre administrative du 9 mai 2017 (ATA/522/2017) puis du Tribunal fédéral du 23 février 2018 (2C_582/2017).

b. À la suite du recours des époux A______ du 13 août 2015, enregistré sous cause n° A/2776/2015, interjeté contre les décisions des 13 et 20 juillet 2015 (ICC et IFD 2002 à 2004 et 2010 à 2011 et amendes ICC et IFD 2002 à 2012), le TAPI, par jugement du 29 janvier 2018, a prononcé la disjonction de la cause sous les causes n° A/2776/2015 et A/4589/2015 et ouvert la cause n° A/4589/2015 concernant les amendes ICC et IFD 2002 à 2012 exclusivement. Il a partiellement admis le recours et notamment annulé, pour cause de prescription, les bordereaux de taxation ICC et IFD 2002. Il a rejeté le recours pour le surplus, niant que les proches des époux A______ au Pérou constituent des charges de famille.

Par arrêt du 25 septembre 2018 (ATA/1001/2018) rendu dans la cause n° A/2776/2015, la chambre administrative a rejeté le recours des époux, les déductions liées aux montants versés à leurs proches au Pérou, seul objet du litige, ne pouvant être admises. Cet arrêt a été confirmé par le Tribunal fédéral le 4 décembre 2018 (2C_974/2018).

10) Après avoir été suspendue, la cause n° A/4589/2015 a été reprise le 8 février 2019.

11) Le 1er mars 2019, les époux A______ ont conclu à l'annulation des bordereaux d'amende pour l'ICC et l'IFD 2002 à 2012.

Ils avaient établi, pièces à l'appui, avoir transféré de l'argent à leurs proches au Pérou, de sorte qu'il ne se justifiait pas de les sanctionner pour avoir essayé de faire valoir des déductions fiscales qui ne leur avaient été refusées qu'en raison d'exigences élevées en matière de preuve. Les chèques qu'ils avaient produits ne l'avaient pas été pour tromper l'AFC-GE, mais seulement pour fournir une trace écrite de versements effectués de main à main. La quotité des amendes, qui représentait une somme considérable, ne prenait pas non plus en compte leur situation financière et personnelle. En tout état de cause, la taxation pour l'année 2002 était prescrite, de sorte que les amendes pour cette année devaient être annulées pour cette raison déjà.

12) Le 4 mars 2019, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours. Les conditions objectives et subjectives de la soustraction étaient réalisées, dès lors que les époux A______ avaient intentionnellement violé leur devoir de remplir leurs déclarations fiscales de manière conforme à la vérité et complète, en faisant valoir des déductions indues justifiées par des chèques falsifiés, avec pour conséquence une perte pour la collectivité. La quotité de l'amende correspondait au montant des impôts soustraits, à laquelle s'ajoutait un facteur d'aggravation d'un quart pour tenir compte de la répétition dans la durée des agissements des époux A______ et du caractère pénal de leurs actes. L'amende avait été fixée aux cinq sixièmes des droits éludés, s'agissant d'une tentative.

13) Par jugement du 3 avril 2019, notifié à l'AFC-GE le 8 avril 2019, le TAPI a partiellement admis le recours et renvoyé le dossier à l'autorité fiscale pour nouvelle décision de taxation au sens des considérants.

Plusieurs juridictions avaient constaté que les déclarations d'impôt 2002 à 2012 des époux A______ étaient inexactes, puisqu'elles mentionnaient des déductions infondées, qu'ils avaient justifiées au moyen de faux chèques, en toute connaissance de cause. Les éléments objectifs et subjectifs de la tentative de soustraction étaient ainsi réalisés. La quotité de l'amende fixée par l'AFC-GE s'inscrivait dans le cadre de la loi et respectait le principe de proportionnalité, étant précisé qu'elle tenait compte de la situation personnelle et financière des intéressés. Ceux-ci ne se trouvaient ainsi pas dans des difficultés financières et dans l'impossibilité de régler des amendes d'un montant total de CHF 45'000.- hors intérêts. Les amendes devaient ainsi être confirmées, sous réserve des amendes relatives à l'année fiscale 2002, lesquelles devaient être annulées en raison du fait que les bordereaux de taxation ICC et IFD 2002 avaient eux-mêmes été annulés pour cause de prescription.

14) Par acte du 8 mai 2019, l'AFC-GE a recouru auprès de la chambre administrative contre ce jugement, concluant à son annulation en tant qu'il annulait les amendes ICC et IFD 2002.

C'était à tort que le TAPI avait considéré, sans autre développement, que la prescription du droit de taxer conduisait automatiquement à l'annulation des amendes infligées pour tentative de soustraction fiscale, pour lesquelles la prescription de la poursuite pénale n'était pas atteinte et n'avait commencé à courir qu'à compter du jugement du TAPI du 29 janvier 2018, qui avait définitivement mis fin à la procédure de taxation 2002. Le raisonnement du TAPI consistait ainsi à ajouter une condition de punissabilité non prévue par la loi, qui n'exigeait pas la réalisation d'une perte financière pour la collectivité s'agissant d'une infraction tentée seulement.

Quant à la quotité de l'amende, le même raisonnement devait être suivi tant pour l'ICC et l'IFD 2002 que pour les années fiscales 2003 à 2012.

15) Le 15 mai 2019, le TAPI a transmis son dossier, sans formuler d'observations.

16) Par lettre du 28 juin 2019, les époux A______ ont conclu au rejet du recours, se référant aux considérants du jugement entrepris.

17) Le 23 juillet 2019, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 30 août 2019 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

18) Aucune des parties ne s'est déterminée à l'issue du délai imparti.

19) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17).

2) Seule demeure litigieuse à ce stade la question de savoir si le TAPI était fondé à annuler l'amende pour tentative de soustraction fiscale pour l'ICC et l'IFD 2002 infligée par l'autorité recourante aux intimés en raison de la péremption du droit de taxer l'année fiscale en cause.

3) a. Selon l'art. 176 al. 1 de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11 ; art. 56 al. 2 de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 - LHID - RS 642.14 ; art. 70 al. 1 et 2 LPFisc), celui qui tente de se soustraire à l'impôt sera puni d'une amende. La tentative de soustraction au sens de cette disposition se situe entre les actes préparatoires d'une soustraction, qui ne sont pas punissables, et la soustraction consommée au sens de l'art. 175 LIFD, qui l'est. Sur le plan objectif, le comportement illicite réprimé par la tentative de soustraction fiscale correspond à celui de l'infraction de soustraction consommée. Il faut ainsi une soustraction (tentée) d'un montant d'impôt, en violation d'une obligation légale incombant au contribuable, une faute de ce dernier, ainsi qu'un lien de causalité entre le comportement illicite et la perte fiscale subie (qui a failli être subie) par la collectivité. Sur le plan subjectif, la tentative de soustraction suppose, contrairement à la soustraction consommée, qui peut être commise par négligence, un agissement intentionnel de l'auteur. Celui-ci doit avoir agi avec conscience et volonté, le dol éventuel étant suffisant (arrêt du Tribunal fédéral 2C_553/2018 du 17 juin 2019 consid. 4.2 et les références citées).

Pour qu'il y ait tentative, l'autorité de taxation doit découvrir que les renseignements fournis sont inexacts avant que la décision de taxation ne soit entrée en force, car, ensuite, la soustraction est consommée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_78/2019 du 20 septembre 2019 consid. 6.1 et les références citées).

b. L'amende est fixée aux deux tiers de la peine qui serait infligée si la soustraction avait été commise intentionnellement et consommée (art. 176 al. 2 LIFD ; art. 56 al. 2 LHID ; art. 70 al. 2 LPFisc). En cas de soustraction consommée, l'amende est, en règle générale, fixée au montant de l'impôt soustrait. Si la faute est légère, l'amende peut être réduite jusqu'au tiers de ce montant ; si la faute est grave, elle peut au plus être triplée (art. 175 al. 2 LIFD ; art. 56 al. 1 LHID ; art. 69 al. 2 LPFisc).

c. En matière d'IFD, l'art. 184 al. 1 let. a LIFD, dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2017, prévoit notamment que, en cas de tentative de soustraction d'impôt, la poursuite pénale se prescrit par six ans à compter de la clôture définitive de la procédure au cours de laquelle la tentative de soustraction a été commise. Sous l'ancien droit, le délai de prescription était de huit ans (art. 184 al. 1 let. a aLIFD, dans sa version en vigueur jusqu'au 31 décembre 2016, et art. 333 al. 6 let. b CP). Conformément au principe de la lex mitior exprimé à l'art. 205f LIFD, le nouveau droit de la prescription est applicable aux infractions commises au cours de périodes fiscales précédant l'entrée en vigueur de la modification du 26 septembre 2014, s'il est plus favorable que le droit en vigueur au cours de ces périodes fiscales (arrêt du Tribunal fédéral 2C_78/2019 précité consid. 5.1 et les références citées). Ces considérations sont transposables à l'ICC (art. 58 al. 1 aLHID ; art. 58 al. 1, 72 s et 78f LHID ; art. 77 LPFisc ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_444/2018 du 31 mai 2019 consid. 4.2.3).

Une tentative de soustraction ne peut être établie et le montant de l'impôt soustrait ne peut être chiffré avant que la décision arrêtant définitivement la taxation n'entre en force. La poursuite de l'infraction peut et doit donc être introduite pendant la procédure de taxation, mais elle ne peut être clôturée au plus tôt qu'avec l'entrée en force de la décision définitive, soit à la clôture définitive de la procédure de taxation. En cas de litige, cette procédure sera prolongée par celles de réclamation et de recours devant la commission cantonale de recours au sens des art. 140 ss LIFD, le cas échéant devant une seconde instance cantonale en application de l'art. 145 LIFD, et le Tribunal fédéral (art. 146 LIFD). Ainsi, la prescription de la tentative de soustraction ne peut commencer à courir avant la clôture définitive des procédures précitées, celles-ci étant pour leur part soumises à la prescription du droit de taxer (art. 120 LIFD), de sorte que le point de départ de la prescription de la poursuite de la tentative de soustraction peut être plus ou moins retardé selon la durée ce celles-ci (arrêts du Tribunal fédéral 2C_416/2013 du 5 novembre 2013 consid. 7.2 non publié de l'ATF 140 I 68 ; 2A.719/2004 du 11 mai 2005 consid. 4).

Par ailleurs, selon la circulaire n° 21 de l'AFC-CH du 7 avril 1995 sur le droit de rappel d'impôt et le droit pénal fiscal dans la LIFD (ci-après : la circulaire n° 21), étant donné que l'amende pour tentative de soustraction se calcule essentiellement par rapport au montant d'impôt que l'on a tenté de soustraire, elle ne peut être fixée qu'après l'entrée en force de la taxation en question, ce qu'exprime du reste la réglementation de la prescription de la poursuite pénale y relative. L'amende doit être fixée par décision séparée et elle est échue avec son entrée en force (circulaire n° 21, p. 23).

4) a. En l'espèce, le TAPI, après avoir admis que les éléments constitutifs objectifs et subjectifs de l'infraction de tentative de soustraction d'impôt pour les années contestées étaient réunis et considéré que la quotité des amendes infligées en lien avec cette infraction avait été correctement fixée, ce qui n'est du reste pas contesté, a confirmé celles-ci, sous réserve des amendes relatives à l'année fiscale 2002, au motif que les bordereaux de taxation ICC et IFD 2002 avaient eux-mêmes été annulés pour cause de prescription.

b. Un tel raisonnement ne peut toutefois être suivi, la prescription de la taxation ne devant avoir aucun impact sur la procédure pénale. En effet, outre le fait que les dispositions des art. 175 ss LIFD sont distinctes de la procédure de taxation en raison de leur caractère pénal, il ne ressort ni de l'art. 175 LIFD, ni de l'art. 176 LIFD que la poursuite pénale de l'infraction de soustraction d'impôt respectivement consommée et tentée serait subordonnée à l'absence de prescription de la taxation ordinaire. Au contraire, le préjudice visé par l'art. 175 LIFD peut non seulement être réalisé lorsque la décision de taxation entre en force, mais également en l'absence de toute taxation, lorsque le droit de procéder à la taxation est prescrit (Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN, Commentaire romand de la loi sur l'impôt fédéral direct, 2e éd., 2017, n. 13 p. 1987 ad art. 175 LIFD).

S'agissant de l'infraction de soustraction tentée, conclure à une autre solution aboutirait à laisser l'art. 176 LIFD lettre morte, dès lors qu'il suffirait au contribuable de prolonger indûment la procédure de taxation jusqu'à sa péremption pour qu'il ne soit plus inquiété du point de vue pénal, étant précisé que la poursuite de l'infraction, même si elle doit être introduite pendant la procédure de taxation, ne peut être clôturée au plus tôt qu'avec l'entrée en force de la décision définitive. Le délai de prescription de l'action pénale de l'art. 184 al. 1 let. a LIFD serait également sans effet si le raisonnement du TAPI devait être suivi, puisqu'en cas de prescription absolue de la taxation, il ne pourrait jamais commencer à courir, ce qui serait également propice à l'insécurité juridique.

c. C'est avant l'entrée en force de la taxation des intimés pour l'année 2002 que l'autorité recourante s'est rendue compte des fausses déclarations des intéressés en lien avec les déductions pour l'entretien de leurs proches au Pérou, l'autorité ayant alors ouvert une procédure pénale en soustraction d'impôt à leur encontre. Par jugement du 29 janvier 2018 dans la cause n° A/2776/2015, le TAPI a statué sur la procédure et annulé, pour cause de prescription absolue, les bordereaux de taxation ICC et IFD 2002, ce qui n'a pas été contesté par la suite et a ainsi acquis force de chose jugée. C'est dès lors au plus tôt à ce moment-là que la prescription de l'infraction de tentative de soustraction fiscale a commencé à courir, étant donné que ce jugement a, sur ce point, définitivement scellé le sort de la procédure de taxation de l'année considérée, même si elle s'est soldée par la prescription du droit de taxer l'exercice fiscal 2002. En tout état de cause, en application tant de l'ancien que du nouveau droit, le délai de prescription de l'infraction visée à l'art. 176 LIFD n'est pas échu.

d. S'agissant de droit fiscal harmonisé, le même raisonnement doit être suivi en matière d'ICC.

e. Il s'ensuit que le recours sera admis et le jugement entrepris annulé en tant qu'il annule les amendes pour l'ICC et l'IFD 2002, dont la quotité n'a pas été contestée et qui sont, comme l'a retenu le TAPI, conformes aux dispositions légales applicables et en adéquation avec la faute des intimés.

5) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge des intimés, qui ont pris des conclusions et succombent (art. 87 al. 1 LPA). Malgré cette issue, aucune indemnité de procédure ne sera allouée, l'autorité recourante disposant de son propre service juridique (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 9 mai 2019 par l'administration fiscale cantonale contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 3 avril 2019 ;

au fond :

l'admet ;

annule le jugement susmentionné au sens des considérants ;

rétablit les bordereaux d'amende de Madame et Monsieur A______ pour l'ICC et l'IFD 2002 ;

confirme le jugement entrepris pour le surplus ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de Madame et Monsieur A______, pris conjointement et solidairement ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à l'administration fiscale cantonale, à Me Mathieu Simona, avocat des intimés, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme Cuendet, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :