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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3111/2019

ATA/1687/2019 du 19.11.2019 ( PROC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3111/2019-PROC ATA/1687/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 novembre 2019

 

dans la cause

 

Mme A______
représentée par Me Damien Bonvallat, avocat

contre

COMMISSION DE SURVEILLANCE DES PROFESSIONS DE LA SANTÉ ET DES DROITS DES PATIENTS

et

COUR DE JUSTICE - CHAMBRE ADMINISTRATIVE

 



EN FAIT

1) Par acte expédié le 29 août 2017 au greffe de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), enregistré sous le n° de cause A/3570/2017, M. B______, professeur en médecine, a formé recours contre la décision de la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients (ci-après : CSPSDP ou la commission) du 28 juin 2017 lui infligeant un avertissement à la suite d'une plainte déposée par Mme A______, ancienne patiente, le 4 août 2011.

Cette procédure a fait l'objet d'audiences de comparution personnelle et d'enquêtes les 5 juin 2018, 2 octobre 2018, 4 décembre 2018 et 8 février 2019, ainsi que de plusieurs écritures des parties, y compris de Mme A______.

2) Par lettre du 24 juillet 2019, la commission a informé la chambre administrative qu'elle avait réexaminé cette cause et décidé de retirer sa décision du 28 juin 2017 ainsi que de renvoyer la cause à la sous-commission, de sorte que le recours était devenu a priori sans objet.

3) Par arrêt du 13 août 2019 (ATA/1248/2019), la chambre administrative, considérant que la cause avait perdu tout objet, a rayé la cause du rôle, alloué une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à M. B______ à la charge de l'État de Genève et une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à Mme A______ à la charge également de l'État de Genève, et dit qu'il n'était pas perçu d'émolument.

4) Le 28 août 2019, Mme A______ a formé réclamation contre cette décision en ce qu'elle ne lui allouait qu'une indemnité de procédure de CHF 1'500.-, à la charge de l'État de Genève, et a conclu à ce que l'indemnité allouée soit portée à
CHF 7'500.-, correspondant à la moitié des honoraires facturés selon la « note de frais et honoraires intermédiaire / finale (activité du 25.09.2017 au 29.07.2019) » pour CHF 14'285.30 toutes taxes comprises (TTC) établie le même jour par son avocat.

La procédure avait nécessité de très nombreuses heures de travail comme cela ressortait de sa note d'honoraires (33h10). À elles seules, les audiences avaient totalisé plus de 14h30 d'audition et avaient nécessité plusieurs heures de préparation vu l'abondance des pièces produites par le recourant et la « technicité » du sujet, sans compter les échanges d'écritures et l'examen du dossier produit par l'hôpital dans lequel les faits reprochés à M. B______ - communication interne et externe insuffisante au sujet du suivi de la patiente, manquement dans la tenue du dossier médical de celle-ci concernant les interventions et contrôles qu'il avait lui-même pratiqués, violation de son devoir d'information à son égard - s'étaient déroulés.

5) Dans ses observations du 2 octobre 2019, la CSPSDP a conclu au rejet de cette réclamation dans la mesure de sa recevabilité.

L'indemnité de procédure de CHF 1'500.- allouée correspondait à la fourchette supérieure allouée usuellement par la chambre administrative. L'objet du litige n'était pas particulièrement complexe. Les audiences avaient notamment porté sur l'audition de la réclamante et de son fils, à la demande de celle-ci.

Lorsqu'elle avait retiré sa décision, les chances qu'il soit fait droit aux conclusions de la patiente, respectivement à ce que M. B______ soit entièrement débouté étaient faibles, ce sans préjuger de l'issue du litige dont l'instruction était actuellement en cours auprès de la commission.

6) Par réplique du 28 octobre 2019, Mme A______ a persisté dans les conclusions de sa réclamation.

7) Sur quoi, les parties ont été informées le 29 octobre 2019 que la cause était gardée à juger.

8) Dans le cadre de la présente procédure de réclamation, M. B______ a reçu les écritures de Mme A______ et de la commission ainsi que les communications de la chambre administrative, mais ne s'est pas manifesté.

EN DROIT

1) En vertu de l'art. 87 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), la juridiction administrative - qui statue sur les frais de procédure, indemnités et émoluments dans les limites établies par règlement du Conseil d'État et conformément au principe de la proportionnalité (art. 87 al. 1 et 3 LPA ;
ATA/1484/2017 du 14 novembre 2017 et les références citées) - peut, sur requête, allouer à la partie ayant entièrement ou partiellement gain de cause, une indemnité pour les frais indispensables causés par le recours.

À teneur de l'art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la juridiction peut allouer à une partie pour les frais indispensables occasionnés par la procédure, y compris les honoraires éventuels d'un mandataire, une indemnité de CHF 200.- à CHF 10'000.-.

Selon l'art. 87 al. 4 LPA, les frais de procédure, émoluments et indemnités arrêtés par la juridiction administrative peuvent faire l'objet d'une réclamation dans le délai de trente jours dès la notification de la décision ; les dispositions des art. 50 à 52 LPA sont pour le surplus applicables.

2) Adressée en temps utile à la chambre administrative, la réclamation est recevable.

3) Il appartient à la chambre de céans, dans l'arrêt portant uniquement sur la question de l'indemnité de procédure, de justifier le montant alloué, de manière à permettre aux parties de comprendre les raisons conduisant au prononcé sur réclamation (arrêt du Tribunal fédéral 2D_35/2016 du 21 avril 2017 consid. 3).

Il en découle que l'absence de motivation, dans l'arrêt au fond qui fait l'objet de la réclamation, au sujet du montant de l'indemnité de procédure allouée à une partie ne saurait constituer une violation de son droit d'être entendu, l'essentiel étant que l'arrêt sur réclamation soit suffisamment motivé, même de manière succincte.

4) La juridiction saisie dispose d'un large pouvoir d'appréciation également quant à la quotité de l'indemnité allouée et, de jurisprudence constante, celle-ci ne constitue qu'une participation aux honoraires d'avocat (ATA/1361/2019 du
10 septembre 2019 ; ATA/334/2018 du 10 avril 2018 ; ATA/1484/2017 du
14 novembre 2017), ce qui résulte aussi, implicitement, de l'art. 6 RFPA dès lors que ce dernier plafonne l'indemnité à CHF 10'000.-. Enfin, la garantie de la propriété (art. 26 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101) n'impose nullement une pleine compensation du coût de la défense de la partie victorieuse (arrêt du Tribunal fédéral 2C_152/2010 du 24 août 2010 ; ATA/1361/2019 précité).

Le Tribunal fédéral exige un minimum de corrélation entre les dépens - l'indemnité de procédure - alloués et les frais indispensables causés par le recours (art. 87 al. 2 LPA), étant précisé qu'il n'est pas nécessaire de couvrir l'intégralité des honoraires d'avocat. Si la juridiction administrative jouit d'un pouvoir d'appréciation étendu quant à l'allocation d'une indemnité de procédure, cela ne signifie pas qu'elle soit entièrement libre en la matière. La fixation de l'indemnité de procédure implique une appréciation consciencieuse des critères qui découlent de l'esprit et du but de la réglementation légale. Elle s'effectue en fonction des circonstances particulières de chaque cas d'espèce, tenant compte notamment de la nature et de l'importance de la cause, du temps utile que l'avocat lui a consacré, de la qualité de son travail, du nombre d'audiences auxquelles il a pris part, des opérations effectuées et du résultat obtenu (arrêt du Tribunal fédéral 2D_35/2016 précité consid. 3, annulant l'ATA/769/2016 du 13 septembre 2016).

5) En l'espèce, par son avocat, la réclamante a, dans la cause A/3570/2017, présenté à la chambre de céans une réponse au recours de dix pages et une réplique de quatre pages qui contenaient en grande majorité des éléments factuels, l'argumentation juridique étant relativement courte. Le reste de ses écritures portaient pour l'essentiel sur des questions d'ordre formel et étaient plus courtes. À cela se sont ajoutées quatre audiences, avec l'audition de trois témoins en tout.

Ce litige a présenté une certaine complexité, l'instruction portant en grande partie sur l'organisation et les relations entre les membres du personnel (médecins, infirmiers, personnel administratif) au sein du service de l'hôpital dans lequel avait oeuvré M. B______ ainsi que sur la question du consentement de Mme A______ aux actes chirurgicaux effectués et au traitement prodigués par celui-là et du respect du devoir d'information du médecin.

D'un point de vue chronologique, c'est après qu'il se fût avéré, selon une lettre d'une représentante de l'hôpital du 24 juin 2019, que le dossier médical existant de Mme A______ était manifestement incomplet, y compris concernant les fiches de consentement, que la commission a retiré sa décision querellée. Ce retrait ne va, en tant que tel et à ce stade, pas dans le sens des conclusions de la patiente, qui concluait au fond à la constatation par M. B______ d'une violation de son devoir de diligence et à la confirmation de l'avertissement prononcé à son encontre par la CSPSDP.

Certes, comme le fait valoir la réclamante à titre comparatif, la chambre administrative a par exemple confirmé l'octroi d'une indemnité de procédure de CHF 1'000.- dans une cause, ne présentant pas une grande complexité, dans le cadre de laquelle avaient été rédigés par les réclamantes, dans la procédure au fond, l'acte de recours, seule écriture dans la procédure, composé de treize pages en tout ainsi que deux courriers simples d'une page chacun et une écriture de deux pages, pour sept heures d'activité de l'avocat au total (ATA/912/2018 du
11 septembre 2018).

Cela étant, au regard de l'ensemble des circonstances particulières, notamment du fait que la chambre de céans, dans sa pratique actuelle, alloue relativement peu fréquemment des indemnités de procédure d'un montant supérieur à CHF 2'500.- et que le retrait de la décision de la commission n'a pas constitué en tant que tel une issue favorable à la réclamante, l'indemnité de procédure de CHF 1'500.- allouée apparaît proportionnée.

La réclamation sera en conséquence rejetée.

6) Compte tenu des circonstances particulières, aucun émolument ne sera perçu dans la présente cause (ATA/1478/2019 du 8 octobre 2019 consid. 6 ; ATA/1185/2018 du 6 novembre 2018 consid. 8). De même, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable la réclamation sur indemnité de procédure formée le 28 août 2019 par Mme A______ contre l'arrêt de la chambre administrative de la Cour de justice du 13 août 2019 ;

au fond :

la rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure dans la présente cause ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Damien Bonvallat, avocat de la réclamante, à la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients, ainsi qu'à Me Michel Bergmann, avocat de M. B______, pour information.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, MM. Pagan et Verniory, Mme Cuendet, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :