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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4540/2018

ATA/1657/2019 du 12.11.2019 ( PROF ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : AVOCAT;EXAMEN(FORMATION);STAGE;DÉCISION;COMPÉTENCE
Normes : LPA.4; LPAv.26.al1
Résumé : Irrecevabilité, faute d’acte attaquable, d’un recours déposé par un avocat-stagiaire, engagé depuis le 1er septembre 2018 dans une étude, contre un courrier du département de la sécurité, de l’emploi et de la santé fixant la date de la prestation de serment le 21 novembre 2018, suite à la requête du 19 novembre 2018 et indiquant le 1er novembre 2018 comme date de début de stage. Le département n’est pas chargé par la LPAv de prendre de décision qui fixerait une date de début de stage. En conséquence, il s’agit en l’occurrence d’une communication faite à titre informatif.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4540/2018-PROF ATA/1657/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 12 novembre 2019

 

dans la cause

 

M. A______

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ, DE L'EMPLOI ET DE LA SANTÉ

 



EN FAIT

1) M. A_____, né le _______ 1992, titulaire d'un baccalauréat universitaire en droit obtenu le 4 juillet 2015, d'une maîtrise universitaire en droit obtenue le 8 juillet 2017 ainsi que d'un certificat de spécialisation en matière d'avocature obtenu le 6 juillet 2018, a été engagé par l'étude B_____ AG, à Genève, le 9 septembre 2016 en qualité d'avocat-stagiaire pour une durée de
dix-huit mois dès le 1er septembre 2018.

2) M. A_____ dit s'être enquis des démarches devant être effectuées pour lui permettre de prêter le serment d'avocat stagiaire lors de la session prévue en septembre 2018 auprès du département devenu depuis celui de la sécurité, de l'emploi et de la santé (ci-après : le département). La session étant complète, et ayant dû assumer une charge de travail particulièrement importante au début de son stage, M. A_____ a déposé sa requête de prestation de serment le
13 novembre 2018.

3) Par courrier du 15 novembre 2018, le département a autorisé M. A_____ a participer à la prestation de serment du 21 novembre 2018 et lui a indiqué que son stage d'avocat débutait le 1er jour du mois de sa prestation de serment, soit le 1er novembre 2018.

4) Par arrêté du département du 21 novembre 2018, M. A_____ a été autorisé à prêter le serment professionnel d'avocat en vue de son inscription au registre, ce qu'il a fait lors de la cérémonie à l'issue de laquelle l'arrêté du département lui a été remis. Celui-ci indiquait un début de son stage le
1er novembre 2018.

5) Par acte mis à la poste le 21 décembre 2018, M. A_____ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le courrier du département du 15 novembre 2018, reçu le 20 novembre 2018, en concluant à la constatation de la nullité de la décision du département et cela fait, à ce que le début du stage d'avocat soit fixé au 1er septembre 2018, un nouvel arrêté modifié devant être rendu. Préalablement, l'audition de la secrétaire générale adjointe du département devait être ordonnée ainsi que la production par le département de l'ensemble des requêtes de prestations de serments et arrêtés délivrés du 1er janvier 2016 au 1er décembre 2018.

Le département avait considéré sans motivation aucune que le début de son stage devait être fixé au moment de l'envoi de sa requête et/ou de sa prestation de serment, soit seulement à compter de la date à laquelle il avait la faculté de se présenter devant les tribunaux. Le département n'avait pas tenu compte de la date effective à laquelle il avait commencé son stage d'avocat et ce faisant avait refusé de prendre en considération l'activité même d'avocat stagiaire déployée durant deux mois.

La décision était nulle, le département ne disposait pas de la compétence pour déterminer la date du début du stage d'avocat, ni pour prononcer une éventuelle sanction. De surcroît, la décision ne respectait aucune des prescriptions formelles prévues par la loi.

La décision était illicite, le département avait violé son pouvoir d'appréciation en ne prenant pas en compte les deux mois de stage déjà accomplis. Aucune sanction n'était prévue pour l'avocat stagiaire qui ne prêterait serment qu'après le début de son stage, l'art. 26 al. 1 de la loi sur la profession d'avocat du 26 avril 2002 (LPAv - E 6 10) était en réalité une prescription d'ordre, dont le non-respect n'emportait aucune sanction pour son auteur. Décider sans motif concret ni pertinent que le stage avait débuté au moment de l'envoi de la requête et/ou de la prestation de serment, sans considérer son entrée en fonction effective, revenait à nier l'ensemble des autres aspects nécessaires à sa formation.

La décision violait l'art. 31 al. 2 LPAv, puisque l'exigence du département en vue de la prestation de serment, soit la réussite de l'école d'avocature, n'était pas prévue par la loi.

6) Le 25 février 2019, le département a répondu au recours, concluant à son rejet, se rapportant à justice quant à la recevabilité. Le courrier du 15 novembre 2018 ne constituait pas une décision.

Le 3 novembre 2017, il avait publié sur son site internet les dates de prestations de serment pour les mois de janvier à juin 2018. Puis le 16 janvier 2018, les dates pour le reste de l'année 2018. Beaucoup de demandes ayant été faites pour le mois de septembre 2018 et la capacité d'accueil de la salle étant limitée, il avait été décidé le 10 septembre 2018, d'organiser une nouvelle prestation de serment le 3 octobre 2018. Le 20 septembre 2018, une autre prestation avait été fixée au 10 octobre 2018.

Durant les mois de septembre et octobre 2018, tout avocat stagiaire, téléphonant ou envoyant un courriel ou une requête relative à la prestation de serment était informé du fait que s'il ne pouvait pas prêter serment à la date souhaitée, il le pourrait à la prochaine cérémonie de prestation sans aucune conséquence pour la comptabilisation de ses mois de stage pour autant qu'il ait remis sa requête « dans le mois en cours qui précède la prestation de serment ».

Le recourant avait fait parvenir sa requête par courrier du 13 novembre 2018, fournissant notamment un extrait du registre des poursuites, daté du
30 octobre 2018 ainsi qu'un extrait de son casier judiciaire, daté du 6 novembre 2018. Contrairement à ce qu'il soutenait, le recourant n'avait donc entrepris aucune démarche avant la fin du mois d'octobre 2018 en vue de sa prestation de serment.

7) Dans un délai prolongé à sa demande, le recourant a déposé des observations le 7 mai 2019, persistant dans ses conclusions.

Le courrier constituait une décision, contrairement à l'arrêté qui produisait des effets juridiques distincts. Il n'y avait aucune autre décision contre laquelle il aurait pu recourir.

Il n'aurait de toute façon pas pu prêter serment en septembre 2018 comme l'avait exposé le département, la durée de stage ne devait ainsi pas être raccourcie du fait de l'impossibilité de se présenter.

Seule la production des arrêtés demandés permettrait de constater la pratique du département qui était de faire rétroagir le début du stage au moment de son entrée en fonction sans égard à la date de l'envoi de la requête et/ou la prestation de serment effective. Il devait pouvoir bénéficier de cette pratique.

8) Le 1er octobre 2019, M. A_____ s'est enquis de l'avancement de la procédure qui avait été gardée à juger le 15 mai 2019.

EN DROIT

1) La chambre administrative est l'autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du
26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05). Selon l'art. 132 al. 2 LOJ, le recours est ouvert contre les décisions des autorités et juridictions administratives au sens des art. 4, 4A, 5, 6 al.1 let. a et e, ainsi que l'art. 57 LPA. Sont réservées les exceptions prévues par la loi.

2) Se pose la question de savoir si le courrier du département adressé au recourant le 15 novembre 2018 constitue une décision au sens de l'art. 4 LPA dans la mesure où il indique la date de début de son stage d'avocat-stagiaire.

a. Aux termes de l'art. 4 al. 1 LPA, sont considérées comme des décisions les mesures individuelles et concrètes prises par l'autorité dans les cas d'espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal ou communal et ayant pour objet de créer, de modifier ou d'annuler des droits et des obligations (let. a), de constater l'existence, l'inexistence ou l'étendue de droits, d'obligations ou de faits (let. b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou des obligations (let. c). À teneur de l'art. 4
al. 2 LPA, les décisions incidentes sont également considérées comme des décisions.

b. En droit genevois, la notion de décision est calquée sur le droit fédéral, ce qui est également valable pour les cas limites, ou plus exactement pour les actes dont l'adoption n'ouvre pas de voie de recours. Ainsi, de manière générale, les communications, opinions, recommandations et renseignements ne déploient aucun effet juridique et ne sont pas assimilables à des décisions, de même que les avertissements ou certaines mises en demeure (arrêts du Tribunal fédéral 1C_113/2015 du 18 septembre 2015 consid. 2.2 ; 8C_220/2011 du 2 mars 2012 consid. 4.1.2 in SJ 2013 I 18). Ces dernières peuvent constituer des cas limites et revêtir la qualité de décisions susceptibles de recours, lorsqu'elles apparaissent comme des sanctions conditionnant ultérieurement l'adoption d'une mesure plus restrictive à l'égard du destinataire. Lorsque la mise en demeure ou l'avertissement ne possède pas un tel caractère, il n'est pas sujet à recours (ATA/664/2018 du 26 juin 2018).

c. Une décision tend à modifier une situation juridique préexistante. Il ne suffit pas que l'acte querellé ait des effets juridiques, encore faut-il que celui-ci vise des effets juridiques. Sa caractéristique en tant qu'acte juridique unilatéral tend à modifier la situation juridique de l'administré par la volonté de l'autorité, mais sur la base de et conformément à la loi (ATA/784/2018 du 24 juillet 2018 consid. 2d et les arrêts cités ; Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, p. 320 n. 876).

Pour qu'un acte administratif puisse être qualifié de décision, il doit revêtir un caractère obligatoire pour les administrés en créant ou constatant un rapport juridique concret de manière contraignante. Ce n'est pas la forme de l'acte qui est déterminante, mais son contenu et ses effets (ATA/657/2018 du 26 juin 2018 consid. 3b et les arrêts cités).

Les décisions doivent en principe être désignées comme telles, motivées et signées, et indiquer les voies et délais de recours (art. 46 al. 1 LPA). Elles sont notifiées aux parties, le cas échéant à leur domicile élu auprès de leur mandataire, par écrit (art. 46 al. 2 phr. 1 LPA).

3) En l'espèce, le recourant soutient que le département a fixé à tort, par décision du 15 novembre 2018, le début de son stage d'avocat au 1er novembre 2018, alors que lui-même fixe le début de son stage d'avocat au 1er septembre 2018.

Il convient d'examiner le détail de la procédure applicable au stage d'avocat.

a. Pour obtenir le brevet d'avocat, la LPAv prévoit qu'il faut remplir les conditions cumulatives suivantes : a) avoir effectué des études de droit sanctionnées soit par une licence ou un master délivrés par une université suisse, soit par un diplôme équivalent délivré par une université de l'un des États qui ont conclu avec la Suisse un accord de reconnaissance mutuelle des diplômes ; b) avoir effectué une formation approfondie à la profession d'avocat validée par un examen ; c) avoir accompli un stage ; d) avoir réussi un examen final
(art. 24 LPAv).

Pour se présenter à l'examen final, les trois premières conditions doivent être réalisée par le candidat (art. 33A al. 1 let. a à c LPAv). L'avocat stagiaire dispose d'un délai d'une durée maximale de cinq ans dès sa prestation de serment pour réussir l'examen final. Si à l'expiration de ce délai, l'intéressé n'a pas subi avec succès l'examen final, il peut, pour autant qu'il justifie de justes motifs, obtenir une prolongation de ce délai. La commission du barreau statue à ce sujet (art. 33B LPAv).

b. Pour se présenter à l'examen final, l'avocat stagiaire doit notamment avoir accompli un stage dans une étude d'avocat, d'une durée de dix-huit mois, dans le cas où il a réussi l'examen approfondi avant le début du stage (art. 31 LPAv).

c. Les conditions d'admission au stage, prévues par la LPAv sont au nombre de quatre : l'avocat stagiaire doit remplir les conditions d'admission à la formation approfondie, être au bénéfice d'un engagement auprès d'un maître de stage (art. 26 al. 1 LPAv) et, avant de commencer le stage, l'avocat stagiaire doit prêter serment devant le Conseil d'État et demander son inscription au registre des avocats stagiaires (art. 26 al. 2 LPAv).

d. Le requérant désireux de prêter le serment professionnel prévu par
l'art. 27 LPAv doit présenter au département une requête écrite avec les pièces justificatives établissant qu'il remplit les conditions de l'art. 26 al. 1 LPAv, soit celles concernant l'admission à la formation approfondie et être au bénéfice d'un contrat de stage (art. 10 al. 1 du règlement d'application de la loi sur la profession d'avocat du 7 décembre 2010 - RPAv - E 6 10.01). Le département agissant par délégation du Conseil d'État statue par arrêté sur la requête et autorise le requérant à prêter le serment que reçoit le Conseil d'État (art. 10 al. 2 et 4 RPAv).

e. La loi prévoit que le registre des avocats stagiaires est tenu par la commission du Barreau (art. 28 al. 1 LPAv) laquelle procède à l'inscription si elle constate que les conditions prévues à l'art. 26 LPAv sont remplies (art. 28
al. 2 LPAv).

Il découle de ces dispositions une chronologie concernant notamment les deux dernières conditions d'admission au stage puisque l'inscription au registre des avocats stagiaires ne pourra se faire que si la prestation de serment a eu lieu. Il découle également du texte clair de l'art. 26 al. 2 LPAv que ces deux exigences doivent être remplies avant que l'avocat stagiaire ne commence son stage (ATA/690/2009 du 22 décembre 2009).

Il découle également de ces dispositions que la commission du barreau fixe, de fait, le début du stage au sens de la LPAv, puisqu'elle est chargée par la loi de recevoir les demandes d'inscription au registre, quatrième condition d'admission au stage selon l'art. 26 LPAv ainsi que de procéder à ladite inscription. Cette compétence a déjà été reconnue par la chambre de céans (ATA/690/2009 précité).

En conclusion, s'agissant de la question litigieuse ici, il appert que le département n'est pas chargé par la LPAv de prendre de décision qui fixerait une date de début de stage.

Vu ce qui précède, l'indication qui figure dans le courrier du département du 15 novembre 2018, ne constitue pas une décision au sens de l'art. 4 LPA, laquelle doit régler de manière obligatoire les rapports d'un administré avec l'État, comme rappelé ci-dessus (ATF 141 II 233 consid. 4.1.1 ; 135 II 22 consid. 1.2). Il s'agit, en l'occurrence, d'une communication faite à titre informatif par le département. En effet, la dernière condition pour l'admission au stage au sens de la LPAv, soit l'inscription au registre des avocats stagiaires, qui se fait sur requête à la commission du barreau n'a pas encore eu lieu lorsque le courrier contre lequel le recours a été déposé lui a été envoyé.

Par conséquent, faute d'acte attaquable, le recours est irrecevable.

4) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA) et il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure
(art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 20 décembre 2018 par M. A_____ contre le courrier du département de la sécurité du 15 novembre 2018 ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de M. A_____ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF ; le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

communique le présent arrêt à M. A_____, au département de la sécurité, de l'emploi et de la santé, ainsi qu'à l'Ordre des avocats.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, MM. Thélin, Pagan et Verniory,
Mme Cuendet, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :