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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2764/2019

ATA/1639/2019 du 05.11.2019 ( ICCIFD ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2764/2019-ICCIFD ATA/1639/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 5 novembre 2019

4ème section

 

dans la cause

 

Madame et Monsieur A______

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 



EN FAIT

1) Madame et Monsieur A______ sont contribuables à Genève.

2) Par lettre recommandée du 2 février 2018, l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a ouvert à l'encontre des précités une procédure en rappel et en soustraction d'impôt pour les années 2008 à 2015, pour le motif qu'elle avait eu connaissance de comptes et d'un immeuble qui n'auraient pas été déclarés.

3) Le 20 avril 2018, l'AFC-GE a informé les contribuables de la clôture des procédures en rappel et en soustraction d'impôt. Elle leur a notifié seize bordereaux de rappel d'impôt. S'agissant de l'amende, elle avait tenu compte du fait qu'en ne déclarant ni l'intégralité de leurs relations bancaires, ni leur bien immobilier en Espagne, ils n'avaient pas été taxés sur leur réelle capacité contributive. Compte tenu de leur bonne collaboration, la quotité de l'amende avait été fixée à 0,75 fois le montant des impôts soustraits. L'AFC-GE a notifié à chacun des époux seize bordereaux d'amende, selon lesquels elle avait réparti par moitié entre eux le montant de la pénalité due.

4) Le 16 mai 2018, les époux A______ ont élevé réclamation à l'encontre des bordereaux d'amende, se déclarant prêts à régler les suppléments d'impôts.

Ils n'avaient jamais commis de soustraction intentionnelle. En effet, dès lors que les comptes et l'immeuble espagnols étaient déjà taxés dans cet État, ils n'étaient pas tenus de les déclarer en Suisse. Ils avaient annoncé ces éléments en 2016 en espérant bénéficier d'une « amnistie fiscale ». Ils avaient ainsi agi en toute bonne foi.

5) Par décision du 8 juin 2018, l'AFC-GE a rejeté la réclamation.

La remise par les contribuables de déclarations fiscales non conformes à la vérité et incomplètes constituait un comportement illicite, ayant engendré des taxations insuffisantes. La collectivité publique avait subi une perte financière et des suppléments d'impôts leur avaient été notifiés. L'infraction avait été commise intentionnellement, à tout le moins par dol éventuel. La quotité de l'amende respectait le principe de la proportionnalité.

6) Par acte du 28 juin 2018, les contribuables ont interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) à l'encontre de cette décision. L'AFC-GE leur reprochait d'avoir adopté un comportement illicite. Or, durant les années en cause, ils avaient fait appel à des fiscalistes, qui ne les avaient pas tenus au courant des démarches à suivre. De plus, ils avaient payé les suppléments d'impôts et avaient toujours déclaré l'intégralité de leurs revenus et payé les montants demandés par l'AFC-GE, ainsi que les impôts espagnols. Les suppléments d'impôts grevaient l'épargne de toute leur vie. Le fiscaliste qu'ils avaient consulté en 2017 leur avait ordonné de déclarer les éléments imposables situés en Espagne, afin de profiter de la clémence de l'AFC-GE et d'éviter une dénonciation pénale.

7) Par jugement du 10 janvier 2019, le TAPI a admis partiellement le recours des époux A______ et a renvoyé le dossier à l'AFC-GE pour nouveaux bordereaux d'amende dans le sens des considérants.

Les soustractions s'étaient déroulées durant huit périodes fiscales et avaient porté sur plusieurs éléments imposables, à savoir des comptes bancaires et un immeuble, ce qui constituait des circonstances aggravantes. Au titre de circonstances atténuantes, il y avait lieu de retenir la bonne collaboration dont les époux A______ avaient fait preuve au cours de la procédure de soustraction d'impôt. Au vu des circonstances du cas d'espèce, la quotité des amendes, d'un montant de 0,75 fois les impôts éludés, devait être confirmée.

L'immeuble litigieux était propriété de Mme A______, tandis que les comptes bancaires non déclarés avaient pour titulaire son époux. Eu égard au caractère strictement personnel de la peine, c'était à tort que l'AFC-GE avait réparti par moitié entre les conjoints le montant de l'amende due. Ceux-ci devaient par conséquent être annulés, l'AFC-GE devant notifier de nouveaux bordereaux à chacun des époux, portant uniquement sur leurs propres éléments imposables.

8) Ce jugement, qui a été reçu par les époux A______ le 15 janvier 2019, n'a pas fait l'objet de recours, et est donc entré en force.

9) Le 11 avril 2019, l'AFC-GE a envoyé aux époux A______ des bordereaux d'amende rectifiés.

10) Par courrier du 11 mai 2019 adressé à l'AFC-GE, les époux A______ se sont plaints de ce que les nouveaux bordereaux d'amende étaient inchangés.

11) Le 26 juin 2019, l'AFC-GE a répondu aux époux A______ qu'après revue des bordereaux rectificatifs, le jugement du TAPI avait été correctement appliqué.

Le jugement rendu ne mettait nullement en cause la quotité de l'amende ni son bien-fondé. Seule était concernée la répartition de la peine, l'amende ayant été répartie initialement entre les deux conjoints, alors que le jugement avait corrigé ce point en demandant de fixer le montant séparément pour chaque époux en fonction de ses propres éléments imposables. La modification de cette répartition n'influençait aucunement le montant total de l'amende fiscale infligée pour soustraction.

12) Par acte posté le 24 juillet 2019, les époux A______ ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la « décision » de l'AFC-GE du 26 juin 2019.

À la suite du jugement du TAPI du 10 janvier 2019, ils avaient attendu la taxation définitive de la part de l'AFC-GE, qui ne leur était parvenue que le 11 avril 2019.

Ils avaient par ailleurs reçu un avis important sur les successions en Espagne, qu'ils avaient transmis à l'AFC-GE, laquelle n'en avait pas tenu compte et les avait harcelés pendant des mois en leur envoyant des centaines de documents dont des mises aux poursuites, ainsi que des coups de téléphone.

13) Le 22 août 2019, le juge délégué a imparti aux époux A______ un délai au 13 septembre 2019 pour se déterminer sur la recevabilité de leur recours, la chambre administrative n'étant compétente que pour connaître des jugements du TAPI en matière d'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) et d'impôt fédéral direct (ci-après : IFD).

14) Les époux A______ ne s'étant pas manifestés, les parties ont été informées le 19 septembre 2019 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) La chambre administrative examine d'office sa compétence, qui est déterminée par la loi et ne peut être créée par accord entre les parties (art. 11 al. 1 et 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 LPA - E 5 10 ; ATA/251/2019 du 12 mars 2019 consid. 4a).

Elle est l'autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 132 al. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05). Le recours est ouvert contre les décisions des autorités et juridictions administratives au sens des art. 3, 4A, 5, 6 al. 1 let. a et e, et 57 LPA, sauf exceptions prévues par la loi (art. 132 al. 2 LOJ) ou lorsque le droit fédéral ou une loi cantonale prévoit une autre voie de recours (art. 132 al. 8 LOJ), ou encore lorsque la saisine est prévue dans des lois particulières (art. 132 al. 6 LOJ).

2) Le contentieux fiscal en matière d'ICC est soumis aux dispositions de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc - D 3 17) ainsi qu'à celles de la LPA si les dispositions de la LPFisc n'y dérogent pas (art. 2 al. 2 LPFisc). Pour l'IFD, selon l'art. 5 al. 2 du règlement d'application de diverses dispositions fiscales fédérales du 30 décembre 1958 (RDDFF - D 3 80.04), la procédure est réglée par les articles 140 à 144 de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11).

3) a. Le contribuable peut adresser au département une réclamation écrite contre la décision d'assujettissement ou de taxation, dans les trente jours qui suivent sa notification (art. 39 al. 1 LPFisc). Selon l'art. 49 al. 1 LPFisc, en matière d'ICC le contribuable peut s'opposer à la décision sur réclamation du département en s'adressant, dans les trente jours à compter de la notification de la décision attaquée, au TAPI (art. 63 al. 2 let. e LPA).

b. En matière d'IFD, la procédure de réclamation est instituée par l'art. 132 LIFD. Le TAPI est également l'instance de recours contre les décisions sur réclamation qui sont notifiées au contribuable (art. 5 al. 1 RDDFF). Le recours doit être interjeté dans le délai de trente jours suivant la notification de la décision sur réclamation (art. 140 al. 1 LIFD par renvoi de l'art. 145 LIFD).

c. Pour les deux impôts, la LPFisc institue un recours auprès de la chambre administrative (art. 53 s. LPFisc ; la seconde instance cantonale étant envisagée par l'art. 145 al. 1 LIFD « dans la mesure où le droit cantonal le prévoit », ce qui est le cas).

4) En l'espèce, le TAPI a rendu un jugement le 10 janvier 2019, notifié aux recourants le 15 janvier 2019. En tant que l'acte déposé le 20 juillet 2019 serait un recours contre ledit jugement, il serait à l'évidence tardif et, partant, irrecevable.

Les recourants disent toutefois s'en prendre à la « décision » du 26 juin 2019. Le courrier en cause, bien qu'il confirme les bordereaux d'amende du 11 avril 2019, n'indique toutefois pas être une décision sur réclamation, et ne mentionne ni délai ni voie de recours ; elle suggère par ailleurs - sans le dire expressément - qu'en tant qu'actes d'exécution du jugement du TAPI, définitif, les bordereaux d'amende précités n'étaient plus susceptibles d'opposition ni de recours.

5) a. Lorsqu'une autorité motive le renvoi d'une affaire, ses considérants de droit lient l'autorité inférieure ainsi que les parties, en ce sens que ces dernières ne peuvent plus faire valoir dans un recours contre la nouvelle décision de première instance des moyens qui ont été rejetés dans l'arrêt de renvoi. En raison de l'autorité de la chose jugée, de tels moyens sont irrecevables (ATF 133 III 201 consid. 4 ; 120 V 233 consid. 1a). En revanche, la nouvelle décision de l'autorité inférieure peut faire l'objet d'un recours au motif qu'elle n'est pas conforme aux considérants de l'arrêt de renvoi (arrêts du Tribunal fédéral 2C_422/2017 du 22 mai 2017 consid. 4.1 ; 2C_381/2012 du 6 mai 2012).

b. Dans un arrêt du 21 mai 2019 (ATA/920/2019), la chambre de céans a considéré que lorsque le jugement de renvoi du TAPI ne laissait aucune marge d'appréciation à l'autorité fiscale, les nouvelles décisions rendues par l'AFC-GE à la suite dudit jugement constituaient de simples décisions d'exécution ; celles-ci n'étaient plus susceptibles d'un recours permettant d'examiner le bien-fondé des instructions données par le TAPI, et la réclamation avait ainsi, à juste titre, été déclarée irrecevable (consid. 3 in fine).

c. Il n'empêche que la réclamation des contribuables contre les nouveaux bordereaux avait été traitée comme telle, l'irrecevabilité de la réclamation ayant ainsi pu être contestée devant les instances judiciaires. Or en l'espèce, le courrier des recourants adressé à l'AFC-GE le 11 mai 2019, soit moins de trente jours après la réception des bordereaux, devait être traité comme une réclamation. Cela n'a pas été le cas, étant précisé qu'il n'appartient pas à la chambre de céans d'analyser à ce stade si les arguments soulevés par les recourants étaient recevables ou non au regard des jurisprudences précitées.

En conclusion, le recours sera déclaré irrecevable, mais la cause renvoyée à l'AFC-GE afin qu'elle traite comme telle la réclamation formée par les recourants à l'encontre des bordereaux d'amende du 11 avril 2019.

6) Vu les circonstances d'espèce et malgré l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA), et vu cette issue, il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 24 juillet 2019 par Madame et Monsieur A______ contre le courrier de l'administration fiscale cantonale du 26 juin 2019 ;

renvoie la cause à l'administration fiscale cantonale comme objet de sa compétence ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Madame et Monsieur A______, à l'administration fiscale cantonale ainsi qu'à l'administration fédérale des contributions.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme Cuendet, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :