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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3671/2018

ATA/1638/2019 du 05.11.2019 sur JTAPI/552/2019 ( ICCIFD ) , REJETE

Recours TF déposé le 09.12.2019, rendu le 30.04.2020, REJETE, 2C_1025/2019
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3671/2018-ICCIFD ATA/1638/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 5 novembre 2019

4ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Olivier Metzger, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE
et
ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 17 juin 2019 (JTAPI/552/2019)


EN FAIT

1) Le 12 décembre 2013, la fiduciaire de Monsieur et Madame A______ a transmis à l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) leur déclaration fiscale 2012.

2) Par courrier recommandé du 24 novembre 2017, adressé à cette fiduciaire, le service des titres de l'AFC-GE a, en se référant à l'IFD et l'ICC 2012, informé les contribuables que "le processus de taxation suit son cours". Communiquant sa volonté expresse de procéder à la taxation par le biais de la notification de bordereaux dès qu'elle serait en mesure de les chiffrer, elle indiquait que son courrier constituait un acte interruptif de la prescription en ce qui concernait le droit de procéder aux taxations 2012.

3) Par courrier recommandé du 21 décembre 2017, la fiduciaire a accusé réception de cet envoi et indiqué qu'elle n'avait pas trouvé dans son dossier une quelconque demande de renseignements, convocation dans les bureaux de l'AFC-GE ou taxation provisoire ou définitive, qui pourrait être reconnue comme un acte interruptif de la prescription. Elle indiquait ne pas reconnaître le courrier reçu comme un acte interruptif et estimait que, sans preuve d'un acte réel d'ici au 31 décembre 2017, elle considérait que les impôts 2012 étaient prescrits.

4) Par courriel du 9 mars 2018, le service de la taxation des promoteurs immobiliers de l'AFC-GE a formulé une demande de renseignements pour la période fiscale 2012, laquelle a été réitérée par courrier recommandé du 22 mars 2018.

5) En réponse à ceux-ci, la fiduciaire a communiqué les renseignements demandés le 3 avril 2018, mais maintenu la position exprimée dans son courrier du 21 décembre 2017 quant à la prescription.

6) Le 4 juillet 2018, l'AFC-GE a émis les bordereaux ICC et IFD 2012.

7) Par décisions du 20 septembre 2018, l'AFC-GE a rejeté la réclamation formée par les contribuables.

8) Dans leur recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), ces derniers ont conclu à l'annulation des décisions de taxation, reprenant les arguments déjà exposés.

9) Dans un courrier du 1er novembre 2018, le conseil nouvellement constitué pour les contribuables a précisé que ceux-ci ne vivaient plus en ménage commun, étant séparés depuis plus de deux ans, et que l'épouse était en voyage à l'étranger depuis plusieurs semaines, de sorte qu'il n'avait pas été possible de lui faire signer une procuration.

10) L'AFC-GE a conclu au rejet du recours. Son courrier du 24 novembre 2017 avait valablement interrompu la prescription du droit de taxer.

11) Par jugement du 17 juin 2019, notifié le 24 juin 2019, le TAPI a rejeté le recours.

Il a relevé que le contribuable pouvait agir seul, en représentant son conjoint.

Par ailleurs, se fondant sur la jurisprudence fédérale, il a retenu que de simples communications de l'autorité fiscale annonçant une taxation ultérieure étaient suffisantes pour interrompre le délai de prescription du droit de taxer.

12) Par acte déposé le 22 juillet 2019 auprès de la chambre administrative de la Cour de justice, M. A______ a recouru contre ce jugement, dont il a demandé l'annulation. Il a conclu à ce qu'il soit dit que le droit de procéder à la taxation 2012 était prescrit et qu'il ne pouvait être procédé à une taxation pour cette année fiscale.

Selon une ancienne jurisprudence du Tribunal fédéral, une communication annonçant l'intention de taxer n'était pas susceptible d'interrompre le délai de prescription. Dans l'arrêt plus récent du Tribunal fédéral, cité par le TAPI, l'autorité fiscale, qui avait annoncé une telle intention, avait été pour plusieurs motifs (la contribuable, héritière, ne connaissait pas encore la fortune héritée qui comprenait des sociétés, notamment) dans l'impossibilité d'effectuer la taxation, de sorte que les circonstances justifiaient de considérer l'annonce à venir de la taxation comme un acte interruptif de prescription. Ces circonstances différaient du cas d'espèce. Par ailleurs, suivre le raisonnement tenu par l'AFC-GE reviendrait à vider de leur portée les dispositions légales régissant la prescription. En effet, quelle que soit sa négligence à procéder à la taxation, elle pourrait reporter le délai de prescription à sa guise. En outre, seule une mesure d'instruction de l'autorité fiscale constituait un acte interruptif de la prescription, tel par exemple le courrier du 9 mars 2018 requérant des renseignements de la part des contribuables.

13) L'AFC-GE a conclu au rejet du recours, exposant qu'aucun argument nouveau n'était plaidé.

14) Dans sa réplique, le contribuable a relevé qu'il n'avait pas soutenu que le devoir de diligence de l'autorité fiscale l'obligeait à statuer dans les cinq ans suivant l'année fiscale en cause. Ce qu'il faisait valoir était que seul lorsque des circonstances indépendantes de sa volonté l'avaient empêché de procéder dans le délai de prescription à la taxation, le fisc pouvait, par un simple courrier annonçant une taxation à venir, interrompre la prescription.

15) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17).

2) Seule est litigieuse la question de savoir si le courrier du 24 novembre 2017 de l'AFC-GE a valablement interrompu la prescription du droit de taxer les contribuables pour l'année fiscale 2012.

a. Aux termes de l'art. 120 al. 1 première phrase de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11), le droit de procéder à la taxation se prescrit par cinq ans à compter de la fin de la période fiscale. La prescription ne court cependant pas ou est suspendue pendant les procédures de réclamation, de recours ou de révision (art. 120 al. 2 let. a LIFD). Par ailleurs, un nouveau délai de prescription commence à courir lorsque l'autorité prend une mesure tendant à fixer ou faire valoir la créance d'impôt et en informe le contribuable ou une personne solidairement responsable avec lui du paiement de l'impôt (art. 120 al. 3 let. a LIFD). La prescription du droit de procéder à la taxation est acquise dans tous les cas quinze ans après la fin de la période fiscale (art. 120 al. 4 LIFD). 

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, toutes les mesures des autorités tendant à la fixation de la prétention fiscale et portées à la connaissance du contribuable, de mêmes que de simples lettres ou injonctions, interrompent le délai de prescription. La notion d'acte tendant au recouvrement de la créance peut même comprendre des communications officielles qui n'annoncent qu'une taxation ultérieure et dont le but se limite précisément à interrompre le cours de la prescription (ATF 139 I 64 consid. 3.3 ; 137 I 273 consid. 3.4.3 ; 126 II 1 consid. 2c ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_810/2017 du 16 août 2018 consid. 4.1 et 4.2 ; 2C_1098/2014 du 1er décembre 2015 consid. 5.1).

b. La réglementation en droit cantonal est identique à la LIFD. En particulier, l'art. 22 al. 3 let. a LPFisc relatif à l'interruption du délai de prescription, a la même teneur que l'art. 120 al. 3 let. a LIFD.

La loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14) ne contient pas de disposition particulière relative à l'interruption de la prescription. L'art. 47 al. 1 LHID retient uniquement que le droit de taxer se prescrit par cinq ans à compter de la fin de la période fiscale; en cas de suspension ou d'interruption de la prescription, celle-ci est acquise dans tous les cas quinze ans après la fin de la période fiscale.  

c. En l'espèce, le délai de prescription de cinq ans du droit de taxer les contribuables a commencé à courir le 1er janvier 2013. Il arrivait, ainsi, à échéance le 1er janvier 2018.

Le contenu du courrier du 24 novembre 2017 de l'autorité fiscale n'est pas contesté. Celle-ci informait les contribuables de ce que la procédure de taxation suivait son cours, qu'elle leur faisait connaître sa « volonté expresse de procéder à la fixation de [ses] prétentions fiscales ICC et IFD 2012 » dès qu'elle serait en mesure de les chiffrer et que son courrier constituait « formellement un acte interruptif de prescription » en ce qui concernait le droit de procéder aux taxations 2012.

Cette communication ne prête pas à interprétation. Elle indique clairement que l'autorité fiscale entendait faire valoir les prétentions fiscales 2012 de l'État à l'encontre des contribuables et précisait expressément que son courrier valait acte interruptif de prescription. De telles indications sont, au regard de la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, suffisantes pour constituer un acte interrompant valablement le délai de prescription du droit de procéder à la taxation. Contrairement à ce que soutient le recourant, les exigences posées par la jurisprudence à l'acte interruptif de prescription n'incluent pas que l'autorité fiscale aurait été empêchée pour des raisons indépendantes de sa volonté de procéder à la taxation en cause. Ce qui est déterminant est l'expression de la volonté claire de celle-ci qu'elle entend faire valoir le droit de procéder à la taxation. Tel a bien été le cas en l'espèce.

Le délai de prescription du droit de procéder à la taxation des contribuables pour l'année 2012 ayant valablement été interrompu par le courrier du 24 novembre 2017 de l'AFC-GE, ledit délai a à nouveau commencé à courrier le lendemain de cette communication. La décision de taxation étant intervenue le 4 juillet 2018, soit bien avant l'échéance du délai de cinq ans, qui avait recommencé à courir le 25 novembre 2017, le droit de procéder à la taxation 2012 n'était pas prescrit.

Le recours, qui ne porte que sur la question de la prescription, est donc mal fondé et sera, par conséquent, rejeté.

3) Vu l'issue du litige, l'émolument de CHF 700.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al.1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 22 juillet 2019 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 17 juin 2019 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 700.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Olivier Metzger, avocat du recourant, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance,

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme Cuendet, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le la greffière :