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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2929/2019

ATA/1597/2019 du 29.10.2019 ( PRISON ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2929/2019-PRISON ATA/1597/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 29 octobre 2019

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

PRISON DE CHAMP-DOLLON



EN FAIT

1) Monsieur A______ est détenu à la prison de Champ-Dollon depuis le 26 mai 2019. Sa détention prendra fin le 11 décembre 2019.

2) À la suite d'une alarme détenu ayant retenti le 27 juillet 2019 à 20h48, les agents de détentions s'étaient rendus dans la cellule en question et avaient constaté que M. A______ et son codétenu se battaient. Ce dernier présentant des hématomes sur le dos, les agents l'avaient conduit au service médical. Sur décision du gardien chef, M. A______ avait été placé, à 21h25, en cellule forte.

3) L'incident étant survenu après les horaires ordinaires d'activité de la prison, M. A______ a été entendu le lendemain à 8h50, à la suite de quoi, une sanction de trois jours de cellule forte a été prononcée à son encontre - comme à l'encontre de son codétenu - pour violence physique exercée sur un détenu et trouble à l'ordre de l'établissement.

4) Par acte expédié le 9 août 2019, mais reçu seulement le 15 août 2019 à la chambre administrative de la Cour de justice, M. A______ a recouru contre cette sanction. Il avait été « mis au cachot » sans sa faute. C'était son codétenu qui l'avait provoqué. Il regrettait beaucoup ce qui était arrivé. La sanction était disproportionnée.

5) La direction de la prison a conclu au rejet du recours.

6) Le recourant n'ayant pas exercé son droit à la réplique dans le délai imparti, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

Bien que la sanction de trois jours de cellule forte ait été exécutée, le recourant conserve un intérêt actuel à l'examen de la légalité de celle-ci, dès lors qu'il pourrait être tenu compte de la sanction contestée en cas de nouveau problème disciplinaire. Le recours conserve donc un intérêt actuel (ATA/1246/2019 du 13 août 2019 consid. 1c ; ATA/220/2019 du 5 mars 2019 consid. 2 ; ATA/1104/2018 du 16 octobre 2018 consid. 2).

Le recours est ainsi recevable.

2) Le recourant ne conteste pas les faits qui lui sont reprochés, mais fait valoir que la sanction est trop sévère, ayant été provoqué par son codétenu.

a. Le statut des personnes incarcérées à la prison est régi par le règlement sur le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérées du 30 septembre 1985 (RRIP - F 1 50.04 ; art. 1 al. 3 de la loi sur l'organisation et le personnel de la prison du 21 juin 1984 - LOPP - F 1 50). Un détenu doit en toutes circonstances adopter une attitude correcte à l'égard du personnel de la prison, des autres personnes incarcérées et des tiers (art. 44 RRIP). Il lui est, notamment, interdit, d'une façon générale, de troubler l'ordre et la tranquillité de l'établissement (art. 45 let. h RRIP).

b. Si un détenu enfreint le RRIP, une sanction proportionnée à sa faute, ainsi qu'à la nature et à la gravité de l'infraction, lui est infligée (art. 47 al. 1 RRIP). Avant le prononcé de la sanction, le détenu doit être informé des faits qui lui sont reprochés et être entendu (art. 47 al. 2 RRIP). À teneur de l'art. 47 al. 3 RRIP, le directeur ou, en son absence, son suppléant sont compétents pour prononcer, notamment, le placement en cellule forte pour dix jours au plus (let. g). Le directeur peut déléguer ces compétences à un membre du personnel gradé, notamment le gardien chef et le gardien chef adjoint (ATA/1631/2017 du 19 décembre 2017 consid. 3).

La jurisprudence de la chambre de céans admet qu'en cas d'incident nécessitant une sanction se produisant après les horaires ordinaires d'activité de la prison, soit après 18h00, l'exercice du droit d'être entendu puisse s'exercer de manière un peu différée, soit, comme en l'occurrence le lendemain matin à la première heure, ceci en raison des besoins du service, notamment dans les cas où l'autorité décisionnaire est le directeur ou un autre membre gradé du personnel, dont le nombre est restreint dès le soir (ATA/500/2017 du 2 mai 2017 consid. 6a).

c. Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public
(ATF 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c).

d. En matière de sanctions disciplinaires, l'autorité dispose d'un large pouvoir d'appréciation ; le pouvoir d'examen de la chambre administrative se limite à l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/1451/2017 du 31 octobre 2017 consid. 4c ; ATA/888/2015 du 19 septembre 2014 consid. 7b).

e. Dans sa jurisprudence, la chambre de céans a confirmé une sanction de trois jours de cellule forte d'un détenu à la suite de la découverte d'un rasoir modifié en arme lors de la fouille complète d'une cellule (ATA/264/2017 du 7 mars 2017 consid. 5). Ont également été jugées proportionnées des sanctions de cinq jours de cellule forte pour la détention d'un téléphone portable pour un détenu qui avait des antécédents disciplinaires (ATA/183/2013 du 19 mars 2013) et des sanctions d'arrêts de deux, voire trois jours de cellule forte pour des menaces d'intensité diverse (ATA/136/2019 du 12 février 2019) et trouble à l'ordre de l'établissement, refus d'obtempérer et attitude incorrecte envers des tiers, dans un cas où le détenu avait dit « viens là si tu n'as pas peur, t'as qu'à venir » à un codétenu, l'invitant sans équivoque à une confrontation physique (ATA/405/2019 du 9 avril 2019).

3) En l'espèce, les faits, non contestés, reprochés au recourant, à savoir de s'être battu avec un codétenu, justifient une sanction. En effet, il s'agit d'un comportement contraire au RRIP, à savoir qu'il a adopté une attitude incorrecte à l'égard d'une autre personne incarcérée (art. 44 RRIP) et a troublé l'ordre et la tranquillité de l'établissement (art. 45 let. h RRIP). La question de savoir si son codétenu l'avait « provoqué », comme il le soutient, n'est pas déterminante. En effet, quand bien même tel aurait été le cas, cela ne justifiait en aucun cas qu'il s'en prenne physiquement à lui. La sanction est donc fondée dans son principe.

Reste à examiner si la sanction consistant en trois jours de cellule forte est proportionnée. Le manquement est grave. Outre le fait qu'il contrevient à des règles élémentaires de comportement, il y a lieu de relever que le contexte d'une prison commande le strict respect du règlement, afin que l'ordre et la sécurité soient assurés au sein de l'établissement. Dans ces conditions et compte tenu du pouvoir d'appréciation limité de la chambre administrative, le gardien chef adjoint de la prison n'a ni abusé ni excédé son pouvoir d'appréciation en prononçant le placement du recourant en cellule forte pour trois jours. La sanction est apte à atteindre le but visé, nécessaire et proportionnée au sens étroit.

Mal fondé, le recours sera donc rejeté.

4) Au vu de la nature du litige et de son issue, il ne sera pas perçu d'émolument ni alloué d'indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 9 août 2019 par Monsieur A______ contre la décision rendue par la prison de Champ-Dollon le 28 juillet 2019 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______ ainsi qu'à la prison de Champ-Dollon.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, Mmes Payot Zen-Ruffinen et Cuendet, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le la greffière :