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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3919/2018

ATA/1564/2019 du 23.10.2019 ( ANIM ) , ADMIS

Descripteurs : DROIT D'ÊTRE ENTENDU;POUVOIR D'APPRÉCIATION;LOI FÉDÉRALE SUR LA PROTECTION DES ANIMAUX;CHIEN;MAUVAIS TRAITEMENT(EN GÉNÉRAL);OBJET SÉQUESTRÉ;INTERDICTION DE LA DÉTENTION D'ANIMAUX
Normes : Cst.29.al2; LPA.41; LPA.42.al1; LChiens.16.al1; LChiens.38; LChiens.39.al1.letg; LChiens.39.al1.leto; LPA-CH.1; LPA-CH.3; LPA-CH.23.al1; LPA-CH.24.al1; OPan.16; OPan.70
Résumé : Recours contre la décision de séquestre définitif et d’interdiction de détenir des animaux. La décision est annulée pour violation du droit d’être entendu. La seule audition par la police, notamment concernant les faits de maltraitance sur animaux, ne suffit pas. L’autorité administrative doit entendre elle-même l’administré concernant les faits pertinents et leurs conséquences administratives. Une infraction de peu de gravité à la législation sur la protection des animaux ne justifie pas, en l’absence d’autres éléments démontrant l’incapacité de la personne à détenir des animaux, le prononcé d’une interdiction de détenir ces derniers.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3919/2018-ANIM ATA/1564/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 octobre 2019

en section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Fabio Spirgi, avocat

contre

SERVICE DE LA CONSOMMATION ET DES AFFAIRES VÉTÉRINAIRES

 



EN FAIT

1) a. Monsieur A______, né le ______ 1970 et domicilié au Lignon, est le propriétaire de deux ______, « B______ » un mâle tricolore né le ______ 2008 et « C______ » une femelle blanche et marron née le ______ 2010. Il a également détenu courant 2017 une ______ nommée « D______ ».

b. Monsieur E______est son partenaire enregistré.

2) Durant la période de mars 2013 à juin 2017, M. A______ a été verbalisé une dizaine de fois par la police municipale des communes de la Ville de Genève et de Vernier au motif qu'il ne promenait pas ses chiens en laisse. Le 27 mai 2017 notamment, ses trois chiens divaguaient seuls dans la rue et avaient été emmenés à la fourrière. Il avait expliqué avoir été victime d'une agression.

3) a. Le 1er septembre 2017, la police est intervenue au domicile de M. A______ suite à l'appel d'un voisin. M. A______ ne répondait pas lorsqu'on frappait à la porte et le voisin pensait qu'il s'était enfermé avec ses chiens depuis trois jours. Les agents avaient notamment constaté que les chiens aboyaient et que le logement était insalubre, des traces d'urine et d'excréments étant présents sur le sol. À l'arrivée de la police, l'un des chiens était sorti uriner dans le couloir.

b. Le Service de la consommation et des affaires vétérinaires (ci-après : le SCAV) avait contrôlé, sur place, le 12 septembre 2017 les conditions de détention des animaux suite à l'intervention de la police. Il ressort notamment du rapport que les conditions de détention des chiens étaient conformes à l'ordonnance sur la protection des animaux du 23 avril 2008 (OPAn - RS 455.1) et que l'hygiène de l'appartement était négligée, mais ne péjorait pas la détention d'animaux, les traces d'urine étant dues à l'incontinence de la chienne. De plus, les obligations sanitaires et administratives étaient remplies, à l'exception de la vaccination de « D______ », et les griffes des chiens étaient normalement usées.

c. Le 15 septembre 2017, le SCAV a adressé à M. A______ un courrier valant avertissement lui enjoignant notamment de faire vacciner « D______ » et de leur en apporter la preuve, de respecter à l'avenir les dispositions légales sur la détention de chiens à Genève, ainsi que de tout entreprendre pour, d'une part, maintenir son logement en tout temps dans un état d'hygiène adéquat et d'autre part, faire cesser les aboiements gênants de ses animaux.

d. « D______ » souffrant d'une ataxie spino-cérébrale, elle a dû être euthanasiée le 13 septembre 2017 par le Docteur F______, vétérinaire habituel de M. A______.

4) a. Le 6 septembre 2018, M. A______ a été interpellé par la police suite à leur intervention dans un bus des Transports publics genevois (ci-après : les TPG).

b. Le document « Transmission d'informations » daté du 14 septembre 2018, reçu le 24 septembre 2018 par le SCAV, relate cette intervention.

Désigné par les personnes rassemblées près du bus, M. A______ avait été rejoint par les agents. Ces derniers avaient alors constaté que celui-ci était fortement alcoolisé, très agité, et qu'il n'était accompagné que d'un chien de couleur noire. Comprenant qu'il manquait un chien, ils avaient demandé aux personnes à proximité du bus ce qui s'était passé. Elles avaient expliqué que M. A______ avait frappé le chien de couleur blanche. Deux jeunes filles se seraient alors saisi du chien et étaient sorties du bus en l'emportant. Extrêmement agité et en colère, M. A______ avait tenté de récupérer son chien lorsque les jeunes filles étaient revenues auprès des agents. M. A______ avait alors été interpellé et les chiens, « B______ » et « C______ », avaient été emmenés à la fourrière.

Le document contient l'extrait du procès-verbal d'audition de deux témoins, Mesdames G______et H______. La première a déclaré aux agents que M. A______ avait giflé une première fois l'un de ses chiens qui ne voulait pas se laisser embrasser. Cette situation s'était reproduite une seconde fois. Le chien avait tenté de fuir et avait alors reçu un coup de poing sur la tête. Mme G______avait alors demandé à l'homme de cesser de frapper son chien. Une altercation violente s'en était suivie et un autre homme s'était interposé entre elle et le détenteur du chien. Celui-ci semblait fortement alcoolisé, titubait et était tombé. Il avait été « mis dehors du véhicule » par les autres personnes présentes et il avait tiré la laisse attachée au cou du chien noir et attrapé au cou le chien blanc. Elle ne comprenait pas pourquoi il cherchait ensuite ce chien.

La seconde a déclaré qu'elle était assise avec une amie à l'avant du bus et avait entendu des cris provenant de l'arrière du bus, notamment une jeune fille hurler une phrase dont le sens se rapprochait « d'arrêter de frapper ce pauvre chien ». Elle avait alors vu le chien blanc, semblant apeuré, sur une banquette. Sa vue avait été bouchée car des gens s'étaient levés, puis le chien était venu vers elle. Elle l'avait pris et demandé au chauffeur de s'arrêter et d'appeler la police. Croyant que l'homme avait frappé son chien et ne voulant pas le lui rendre, elle était sortie avec son amie par l'arrière du bus avec le chien alors que l'homme remontait vers l'avant du bus par l'extérieur.

Suite à un problème technique, aucune image de vidéosurveillance du bus n'était disponible. Comme ni l'inspectrice du SCAV, contactée par les agents, ni aucun autre représentant du SCAV n'était disponible, la police avait posé les questions concernant la maltraitance sur animaux à M. A______. Celui-ci avait contesté lors de son audition tous les faits qui lui étaient reprochés, bien qu'ils aient été constatés par plusieurs personnes. Ces faits avaient été relatés à un employé du SCAV le 12 septembre 2018.

5) Le 13 septembre 2018, le SCAV a confirmé à M. A______ le séquestre préventif de « B______ » et « C______ » en application de l'art. 24 al. 1 de la loi fédérale sur la protection des animaux du 16 décembre 2005 (LPA-CH - RS 455). En raison des événements du 6 septembre 2018 et des pièces portées à sa connaissance, notamment les actes violant gravement la législation sur la protection des animaux, une instruction avait été ouverte. La police avait dénoncé au Ministère public les faits de maltraitance sur animaux. Il s'avérait inutile que le SCAV l'entende à nouveau car il avait déjà été auditionné par la police. À réception du rapport de police, une décision administrative serait rendue.

6) Par décision du 10 octobre 2018, le SCAV a :

1.         prononcé le séquestre définitif des chiens ______ « B______ » et « C______ » ;

2.         prononcé à l'encontre de M. A______ une interdiction de détention d'animaux pour une durée de trois ans, y compris d'animaux appartenant à des tiers et/ou détenus de manière provisoire à son domicile ;

3.         informé M. A______ qu'à l'échéance du délai de l'interdiction toute nouvelle détention d'animaux serait soumise pendant une durée de trois années supplémentaires à une autorisation préalable du service ;

4.         informé M. A______ que tous les animaux qu'il détiendrait indûment, à savoir en non-respect de la présente décision, à son nom ou au nom d'autres seraient séquestrés définitivement ;

5.         imputé à M. A______ les frais d'intervention et de décision du service engendrés, ascendant à CHF 300.- ;

6.         imputé à M. A______ tous les frais de transports, la taxe d'entrée administrative, les frais de garde en fourrière ainsi que les soins vétérinaires apportés ;

7.         imputé à M. A______ les frais de recommandé pour l'envoi de la décision du SCAV engendrés, ascendant à CHF 5.30 ;

8.         rappelé que le non-respect de la décision serait traité au sens de l'art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) ;

9.         prononcé l'exécution immédiate de la décision, nonobstant recours.

D'après plusieurs témoignages de personnes présentes lors des faits, M. A______ avait fait subir des mauvais traitements à ses chiens, « en les rudoyant, les molestant, les frappant et les terrorisant par des gestes et des hurlements violents, ce de façon totalement injustifiée » ce qui portait atteinte de manière prolongée à leur bien-être, à leur intégrité corporelle et à leur dignité. Il avait donc violé les art. 26 et 28 de la LPA-CH. M. A______ ne se contrôlait plus lorsqu'il était contrarié, notamment sous l'effet de l'alcool, se montrant agressif. Celui-ci n'avait pas pris conscience de ses actes car il avait nié en bloc les griefs contre lui, malgré les témoignages concordants recueillis par la police. M. A______ avait par ailleurs montré « une singulière persévérance » à ne pas respecter l'obligation de tenir les chiens en laisse dans les localités.

7) Par acte du 9 novembre 2018, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée. Il a conclu principalement à ce que sa nullité soit constatée, à ce que les chiens lui soient restitués et à ce qu'une indemnité de procédure soit mise à la charge de l'État. Il a conclu subsidiairement à l'annulation de la décision.

L'autorité intimée avait rendu sa décision sans lui permettre de s'exprimer quant aux faits reprochés et aux sanctions particulièrement incisives envisagées. Elle s'était fondée essentiellement sur des auditions de témoins auxquelles il n'avait pas pu participer. Elle avait violé son droit d'être entendu de façon particulièrement grave justifiant la constatation de la nullité de la décision, ou pour le moins son annulation.

Il n'avait pas été sanctionné pénalement pour violation de la LPA-CH. Il avait certes enfreint le règlement d'application de la loi sur les chiens du 27 juillet 2011 (RChiens - M 3 45.01) mais cela ne constituait nullement un cas de maltraitance animale ou une incapacité à détenir des chiens au sens de l'art. 23 al. 1 LPA-CH. Le SCAV n'avait par ailleurs pas démontré son incapacité à détenir des animaux et ne disposait pas d'éléments suffisants pour ce faire. Les traces d'insalubrité et désagréments ayant conduit à l'avertissement du 15 septembre 2017 étaient dus à la maladie de la chienne « D______ » qui entraînait des convulsions et une incontinence chronique. Elle était particulièrement malade lors de l'avertissement, dont la prise en compte à l'appui de la sanction administrative était injustifiée. Il ressortait des quarante-trois témoignages qu'il avait recueillis qu'il s'était toujours parfaitement occupé de ses chiens, les sortant régulièrement et leur fournissant des soins et une nourriture bonne pour leur santé. Il avait également produit des courriers et courriels de soutien allant en ce sens de connaissances, amis et professionnels. L'art. 23 al. 1 LPA-CH avait dont été violé.

La décision violait également le principe de la proportionnalité. Il était particulièrement attaché à ses chiens et vivait mal la séparation. Il n'était pas douteux qu'il puisse se prévaloir de l'art. 10 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101). Le séquestre définitif était une atteinte considérable et disproportionnée à sa liberté personnelle. Le SCAV s'était contenté de sa seule présentation des faits du 6 septembre 2018, dont la véracité était contestée, pour justifier sans autre examen le caractère durable de l'incapacité à détenir des animaux. Le SCAV n'avait pas tenu compte des témoignages qu'il avait recueillis, ni de la relation affective particulière qu'il entretenait avec ses chiens. Le SCAV n'avait pas mis en balance la liberté personnelle du recourant et son droit à nouer des attaches affectives avec ses animaux et les sanctions particulièrement incisives infligées, et n'avait pas envisagé une mesure moins incisive.

8) a. Par écriture spontanée, reçue le 4 décembre 2018, de M. E______, accompagné d'un courrier de sa médecin traitant et amie, celui-là proposait que les chiens lui soient restitués.

b. Ces courriers ont été transmis aux parties pour information.

9) Le SCAV a conclu au rejet du recours le 13 décembre 2018. M. A______ avait été auditionné par la police cantonale le 7 septembre 2018 et avait pu s'expliquer sur les faits reprochés qu'il avait formellement contestés dans leur intégralité. À cette même occasion, il avait été informé que ses canidés avaient été déposés à la fourrière pour un séquestre préventif de telle manière que le recourant ne pouvait pas ignorer les intentions du SCAV. Le recourant avait pu prendre connaissance de l'ensemble des documents le concernant, bien que caviardés car l'intérêt privé des témoins était prépondérant, lorsqu'il s'était rendu dans les locaux du SCAV le 5 novembre 2018. Le SCAV s'était fondé sur des éléments de preuve qui avaient forgé sa conviction, dont les déclarations des témoins et du recourant. Le droit d'être entendu du recourant avait par conséquent été parfaitement respecté. À titre superfétatoire, il relevait que la chambre administrative avait le même pouvoir d'examen s'agissant des griefs avancés qui concernaient l'établissement des faits. Le recourant pouvait faire valoir pleinement ses arguments devant elle et produire les pièces nécessaires à sa défense, ainsi que répliquer. Si une violation du droit d'être entendu devait, par impossible, être retenue, elle serait réparée par la présente procédure.

Il apparaissait clairement sur la base de plusieurs témoignages dont il n'y avait pas lieu de douter que le recourant avait fait subir des mauvais traitements à ses chiens. À titre superfétatoire, le SCAV rappelait que le recourant avait été verbalisé à dix reprises entre 2013 et 2017 pour ne pas avoir tenu ses chiens en laisse. Cette manière d'agir ne tenait compte ni de la sécurité de l'animal ni de la société civile et ne respectait donc pas les conditions de détention de l'animal.

La décision était proportionnée. La police était intervenue sur dénonciation de tiers ayant assisté aux maltraitances, et les déclarations de deux des témoins concordaient concernant les emportements violents du recourant. Celui-ci ne se contrôlait plus s'il était contrarié face à ses animaux et se montrait agressif sous l'influence de l'alcool envers les personnes tentant de s'interposer. Trois heures après les faits, le recourant présentait un taux de 1.35 mg/l dans l'haleine, correspondant à plus de trois grammes d'alcool dans le sang. Il paraissait donc fort probable que le recourant ne se souvienne pas des faits. Ainsi, cette consommation d'alcool associée à une prise médicamenteuse rendaient le recourant en totale incapacité objective de détenir des animaux en conformité avec l'esprit de la loi et son message, indépendamment de toute condamnation pénale antérieure. Les maltraitances dénoncées par les témoins et l'état d'excitation décrit dans le rapport de police avaient forgé la ferme conviction du SCAV que les faits reprochés avaient bien été commis par le recourant et que le séquestre était l'unique mesure pour sauvegarder le bien-être, l'intégrité et la santé des canidés.

Au vu des éléments de maltraitance attestés par les nombreux témoignages, les antécédents du recourant en matière de divagation, de non-tenue en laisse et de conditions de détention insalubre, le SCAV n'avait pas d'autres choix que de prononcer l'interdiction de détention d'animaux. Il rappelait à cet égard que lors de l'intervention de police du 31 août 2017 (sic), l'insalubrité n'était pas uniquement due aux incontinences de « D______ » mais également au manque de sorties. La durée de trois ans avait été motivée par la gravité des faits, les manquements à l'hygiène et notamment le comportement agressif du recourant en général. De plus, celui-ci avait été violent avec les personnes impliquées dans l'intervention dans le bus. Pour toutes ces raisons, M. A______ n'était pas capable de détenir convenablement un animal. Il avait reçu un premier avertissement le priant de se conformer aux dispositions légales sur la détention de chiens à Genève.

10) Dans sa réplique, le recourant a persisté dans ses conclusions. Au surplus, il connaissait, par la procédure pénale, l'identité des témoins et le droit de participer à l'audition de ceux-ci découlait de l'art. 42 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10). Il n'avait pas été informé de la demande d'entraide administrative du SCAV concernant les procès-verbaux des auditions de la police. Le fait que la police lui ait indiqué que les chiens avaient été saisis dans l'attente d'une décision du vétérinaire cantonal quant à leur restitution n'avait aucune incidence sur l'obligation de l'autorité intimée d'informer l'administré. Les informations données par la police ne pouvaient pas s'assimiler à l'exercice du droit d'être entendu dans la procédure administrative (ATA/211/2013 du 9 avril 2013 consid. 4.c) et ne constituaient en aucun cas une invitation à se déterminer sur une éventuelle interdiction de détenir des animaux. De plus, la chambre administrative ne pouvait pas revoir l'opportunité d'une décision. Il contestait également les propos dégradants du SCAV le présentant comme une personne atteinte d'alcoolisme durable associant boisson et médicaments et vivant dans un appartement insalubre incompatible avec le
bien-être des animaux. Enfin, dans son rapport du 12 septembre 2017, le SCAV avait reconnu que les conditions de détention des canidés étaient compatibles avec la LPA-CH.

11) Le 23 septembre 2019, la chambre administrative a convoqué une audience de comparution personnelle des parties.

12) Le 1er octobre 2019, le SCAV a informé la chambre administrative que la chienne « C______ » avait subi une ablation d'une masse maligne sur la patte antérieure gauche en décembre 2018. Le 19 septembre 2019, une récidive avait été constatée. Une ablation du doigt était envisagée.

13) Le 3 octobre 2019 s'est tenue une audience de comparution personnelle. Les représentants du SCAV ont versé au dossier un rapport sur l'état de santé de la chienne « C______ », laquelle souffrait désormais d'une insuffisance rénale. Elle n'était stable que sous perfusion et était hospitalisée. Le pronostic était mauvais et une euthanasie devrait être pratiquée très prochainement pour son bien.

M. A______ a versé au dossier une lettre de la Fondation Phénix et des courriers de soutien de deux personnes qu'il avait temporairement hébergées, dont le contenu sera repris en tant que de besoin par la suite, ainsi que le jugement du Tribunal de police du 22 juillet 2019 le concernant. La procédure pénale était terminée. La plaignante, Mme G______, seule témoin directe des faits, ne s'était pas présentée à l'audience devant le Tribunal de police et il n'avait jamais pu être confronté à elle. Il était très affecté d'apprendre l'état de santé de « C______ » et précisait qu'elle avait eu, jusqu'à un an et trois mois, une santé fragile liée aux séparations avec lui et/ou B______. Il était clair pour lui que, si lui et sa chienne étaient séparés, la santé de cette dernière péricliterait. Il n'avait pas eu les moyens de faire recours contre le jugement pénal, l'assistance juridique lui ayant été refusée sur les plans pénal et administratif. Sa situation personnelle et médicale s'était globalement améliorée, sauf au niveau des angoisses en lien avec la situation de ses chiens, la séparation étant très difficile à vivre. Il consommait cinq à six verres d'alcool par jour et n'avait pas le souvenir de black-out. Il n'était pas alcoolique et n'était pas dans le déni. Il avait diminué sa consommation d'alcool et s'était promis d'arrêter le jour où il récupérerait ses chiens. Son dernier séjour à la Métairie remontait à 2014 et était en lien avec des soucis personnels. La signature du procès-verbal valait accord concernant l'apport de la procédure pénale. Il ne vivait plus avec son partenaire, mais celui-ci venait dormir de temps en temps chez lui avec son chien.

D'après les représentants du SCAV, les soigneurs et le vétérinaire n'avaient jamais constaté de stress chez « C______ », notamment grâce au fait que les chiens n'avaient pas été séparés. Ils n'avaient constaté ni amélioration ni péjoration de l'état psychologique des chiens depuis leur arrivée. Ils s'étaient bien adaptés. L'état de « C______ » était à mettre en lien avec une insuffisance rénale et non un quelconque stress. En cas de confirmation de la décision, les chiens seraient disponibles pour l'adoption. Lorsque les chiens étaient à la fourrière, il n'y avait pas de contacts avec le propriétaire pour éviter tout stress. M. A______ s'était rendu à la fourrière au printemps 2019 sans y être autorisé, mais en était parti lorsque cela lui avait été demandé. Le SCAV ne s'adressait pas au vétérinaire de l'animal au moment du séquestre dans les cas de maltraitance, mais uniquement lorsque le séquestre faisait suite à des problèmes de santé de l'animal. Il s'opposait à toute restitution des animaux au vu du jugement du Tribunal de police.

Les parties sollicitaient l'audition de Mme G______.

14) Par courrier du 7 octobre 2019, le SCAV a informé la chambre administrative qu'en raison de l'état de santé de « C______ » une euthanasie avait été prévue le 4 octobre 2019 en présence du recourant. Il n'avait pas été possible d'y procéder en raison de l'état d'agitation émotionnelle de ce dernier. Par ailleurs, l'état de la chienne s'étant légèrement amélioré, son retour à la fourrière était possible. Sa maladie restait incurable et en cas de nouvel épisode d'insuffisance rénale aigüe, il serait procédé à l'intervention hors présence de M. A______.

15) a. La procédure pénale a été apportée à la présente procédure. M. A______ avait fait opposition à l'ordonnance pénale du 15 novembre 2018, puis à celle du 31 janvier 2019. Pour les infractions commises le 6 septembre 2018, le Tribunal de police avait reconnu M. A______, par jugement du 22 juillet 2019, coupable d'injures, d'empêchement d'accomplir un acte officiel et de mauvais traitement infligés aux animaux (art. 26 al. 1 let. a LPA-CH) et avait prononcé une peine pécuniaire de vingt jours-amende dont le montant avait été fixé à CHF 30.-. M. A______ n'avait pas demandé la motivation du jugement.

b. Il ressort de l'audition de M. A______ devant la police que ce dernier avait été appréhendé le 6 septembre 2018. En raison d'une alcoolémie de 1.35 mg/l d'alcool dans l'haleine, il avait été placé « au violon » pour la nuit et avait été auditionné le lendemain. Il avait nié les faits de maltraitance sur sa chienne. Les agents avaient déclaré : « Nous vous informons que vos chiens ont été saisis et sont aujourd'hui dans l'attente d'une décision du vétérinaire cantonal au sujet de leur restitution, sans préjudice d'autre mesure pouvant potentiellement être prise en compte ». Il avait ensuite été libéré.

c. Il ressort du procès-verbal de l'audience devant le Tribunal de police que Mme G______ne s'était pas présentée et que Mme H______ avait maintenu ses déclarations. Le conducteur du bus avait déclaré qu'il avait dû intervenir à l'arrière du bus d'où venaient des cris. Il avait demandé à la jeune fille qui avait le chien dans les bras ce qui se passait et elle lui avait répondu qu'elle avait pris le chien car un « Monsieur » l'avait maltraité. Elles étaient en fait trois jeunes filles. Il leur avait demandé de rendre le chien à son propriétaire mais elles n'avaient pas voulu, disant que le chien allait mal. Il avait contacté sa centrale puis la police.

d. Il ressort des pièces rassemblées sous l'intitulé « Team ______ » (ci-après : le dossier « Team ______ »), contenues dans le dossier du Ministère public, les éléments suivants :

- dans un courriel interne du SCAV du 7 septembre 2018, le vétérinaire cantonal a donné l'instruction d'indiquer à M. A______, s'il se présentait à la fourrière, que ces chiens étaient séquestrés et qu'il serait contacté la semaine suivante pour être entendu ;

- le 10 septembre 2018, M. A______ « suppliait » par courriel le SCAV de lui téléphoner et l'informait des témoignages qu'il avait recueillis ;

- dans un courriel interne du SCAV du 11 septembre 2018, il a été donné l'instruction de contacter M. A______ pour l'informer qu'il n'était pas nécessaire qu'il envoie des témoignages car ils n'apportaient rien au dossier et que le SCAV le recontacterait pour la suite de la procédure. Il ressort d'un courriel produit ultérieurement par le recourant que cette instruction a dûment été transmise ;

- une employée du SCAV a informé le 11 septembre 2018 par courriel le vétérinaire cantonal que M. A______ avait téléphoné. Elle ne lui avait pas dit où se trouvaient les chiens, mais l'avait informé qu'ils étaient sous séquestre provisoire dans l'attente de l'entendre et qu'il serait prochainement contacté pour son droit d'être entendu ;

- le même jour, le SCAV a adressé à la police un courriel, ayant été informé par téléphone de l'intervention du 6 septembre 2018 et ayant décidé du séquestre préventif des chiens. Il a précisé « nous devons entendre M. A______ avant de prendre une décision administrative à son sujet. Pourriez-vous dans cette optique nous transmettre l'extrait de journalier concernant cet événement ou le rapport d'audition par la [police, de M. A______] et des témoins ? » ;

- le 12 septembre 2018, l'agent de police présent lors de l'intervention a relaté cette dernière dans un courriel adressé au SCAV. L'agent précisait que le prévenu avait été entendu le lendemain car il présentait une alcoolémie trop élevé lors de l'appréhension et qu'il avait nié tout mauvais traitement envers ses chiens, malgré les plaintes et témoignages ;

- le 20 septembre 2018, le SCAV a demandé au Ministère public de lui transmettre l'extrait de journalier ou le rapport d'audition de M. A______ et des témoins « afin de ne pas devoir auditionner à nouveau les protagonistes » pour qu'il puisse rendre une décision ;

- par courriel du 27 septembre 2018, le SCAV a informé le Ministère public qu'il annulait sa demande du 20 septembre 2018. Il avait reçu le 24 septembre 2018 le document « Transmission d'informations » ;

- par courriel du 4 décembre 2018, le SCAV a répondu à la demande d'apport de la procédure administrative du Ministère public en ses termes : « [il confirmait] ne pas être en possession des déclarations de M. A______, [il n'avait que] reçu le document "transmission d'informations" ». « Serait-il possible d'obtenir les déclarations de M.  A______ afin de pouvoir aller plus en avant dans le cadre de notre procédure administrative ? En effet, Monsieur n'a pas été réentendu par notre service » ;

- le 4 décembre 2018, le Ministère public a transmis au SCAV les déclarations de M. A______.

16) Une audience d'enquêtes s'est tenue le 16 octobre 2019. Mme G______, bien que dûment convoquée en qualité de témoin, ne s'est pas présentée, ni excusée.

M. A______ a précisé qu'il ne s'était pas opposé lors de la visite à « C______ », et ne s'opposait toujours pas, à l'euthanasie de la chienne. Il souhaitait qu'elle puisse vivre un moment auprès de lui avant. Il avait toujours très bien collaboré avec le Dr F______ et s'engageait à obéir aux consignes qu'il lui donnerait et à le consulter régulièrement si « C______ » lui était rendue. Il en voulait pour preuve l'euthanasie de « D______ » qui avait dû être décidée sur le champ en sa présence. Il produisait une attestation de son ergothérapeute dont le contenu sera repris en tant que de besoin par la suite.

Le SCAV confirmait que « C______ » était de retour à la fourrière. Elle n'était plus sous perfusion, mais toujours sous antibiotiques. Pour le traitement, il fallait se référer au courriel du Dr F______, que le SCAV produisait, avec les dernières analyses de « C______ ». Le SCAV persistait à s'opposer à la restitution compte tenu de la condamnation pénale.

Les pièces pertinentes du dossier pénal (procès-verbal d'audience du Tribunal de police et le dossier « Team ______») ont été remis aux parties. Un délai au lundi 21 octobre 2019 leur était imparti pour d'éventuelles observations, les parties étaient informées que la cause serait ensuite gardée à juger.

17) Le 21 octobre 2019, le recourant a produit, à la demande de la chambre de céans, l'original du courriel que son assistante sociale avait envoyé au SCAV en date du 12 septembre 2018. Celle-là y expliquait accompagner le recourant depuis le 1er avril 2013. Il s'était toujours montré adéquat et très attentionné envers ses chiens. Son partenaire enregistré, qu'elle recevait séparément, ne lui avait jamais fait mention de violences faites aux chiens. Le recourant était en dépression, ses chiens représentant la seule activité qui le maintenait en contact avec l'extérieur. Le recourant n'était pas quelqu'un de violent et n'avait pas pu frapper ses chiens comme l'avaient rapporté les jeunes filles. Cela était impossible car il était trop sensible. Elle était entièrement favorable à ce que les chiens lui soient restitués, il les aimait profondément et ceux-ci l'aidaient à améliorer sa santé.

18) L'autorité intimée a fait part de ses observations. Au vu du comportement violent de M. A______ lors des événements du 6 septembre 2018, et notamment les injures dont il avait été reconnu coupable à l'encontre de Mme G_____, il était compréhensible que cette dernière n'ait pas souhaité, probablement effrayée, se retrouver à nouveau en présence du recourant. Son absence ne devait pas être retenue comme une renonciation à ses déclarations effectuées à la police, qui ne sauraient être mises en doute. Par ailleurs, elle n'avait aucun intérêt à témoigner en défaveur du recourant. Il ressortait de l'audience devant le Tribunal de police que le recourant ne se souvenait pas que son interrogatoire avait été interrompu puis repris le lendemain, alors que son alcoolémie était plus basse qu'au moment des faits. Force était d'admettre qu'il ne se souvenait pas des actes commis le 6 septembre 2018. Les témoignages produits par le recourant, et notamment le courriel de son assistante sociale, qui semblait manifestement ignorer les problèmes d'alcool du recourant, provenaient de personnes qui n'étaient pas présentes lors des faits reprochés et qui ne pouvaient pas attester de ce qui s'était produit. Il rappelait la teneur de l'art. 24 al. 1 let. b aLPA-CH : « [...] aux personnes, qui pour cause [...] d'alcoolisme [...] sont incapables de détenir un animal ». Frapper son chien sous l'influence de l'alcool était un acte de maltraitance et la manifestation évidente d'une inaptitude à détenir des animaux. Dès lors que le recourant n'avait pas recouru contre le jugement pénal, celui-ci était entré en force. Les faits avaient convaincu le juge pénal. Ils devaient être considérés comme admis et la chambre administrative ne pouvait pas s'en écarter. Il était malheureux que l'intéressé n'ait pas recouru car s'il avait été acquitté, la procédure administrative aurait pris fin.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

2) Conformément au souhait des deux parties, les courriers de M. E______et de sa médecin traitant seront écartés de la procédure, ce dernier n'étant pas une partie au sens de l'art. 7 LPA.

3) a. Le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu dans le cadre du prononcé de la décision du 10 octobre 2018.

b. Le droit d'être entendu est une garantie de nature formelle dont la violation entraîne, lorsque sa réparation par l'autorité de recours n'est pas possible, l'annulation de la décision attaquée sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 137 I 195 consid. 2.2 ; 133 III 235 consid. 5.3). Ce moyen doit par conséquent être examiné en premier lieu (ATF 138 I 232 consid. 5.1 ; 137 I 195 consid. 2.2).

Garanti par l'art. 29 al. 2 Cst, le droit d'être entendu comprend le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu'une décision ne soit prise, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d'avoir accès au dossier, de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_656/2016 du 9 février 2017 consid. 3.2 et les références citées ; ATA/917/2016 du 1er novembre 2016 et les arrêts cités).

c. La réparation d'un vice de procédure en instance de recours et, notamment, du droit d'être entendu, n'est possible que lorsque l'autorité dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_556/2017 du 5 juin 2018 consid. 2.1). Elle dépend toutefois de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception. Elle peut cependant se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_556/2017 du 5 juin 2018 consid. 2.1 ; ATA/714/2018 du 10 juillet 2018). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/820/2018 du 14 août 2018 et les arrêts cités ; ATA/599/2014 du 29 juillet 2014 consid. 2c).

d. Le droit d'être entendu est consacré en droit genevois à l'art. 41 LPA, lequel prévoit que les parties ont le droit d'être entendues par l'autorité compétente avant que ne soit prise une décision. De plus, l'art. 42 al. 1 LPA prévoit que les parties ont le droit de participer à l'audition des témoins, à la comparution des personnes ordonnées par l'autorité ainsi qu'aux examens auxquels celle-ci procède.

e. Dans l'ATA/211/2013 du 9 avril 2013 cité par le recourant, la chambre administrative a retenu une violation du droit d'être entendu par l'autorité intimée qui n'avait ni approché, ni invité le recourant à se déterminer sur la question de son renvoi de Suisse et, cas échéant, sur sa situation personnelle. Le recourant avait uniquement été informé par la police, durant son audition dans le cadre de la procédure pénale pendante, du fait qu'il était susceptible de faire l'objet d'une décision de renvoi et avait été invité, toujours par la police, à faire part de ses remarques sur ce sujet, sans que lui soit remis le formulaire relatif à la procédure de renvoi. Or, la procédure pénale au cours de laquelle le prévenu a été entendu par la police n'avait pas pour objet son statut en matière de police des étrangers, si bien qu'une information ou même une interpellation au sujet de son éventuel renvoi ne pouvaient être assimilées à l'exercice du droit d'être entendu dans le cadre de la procédure administrative de renvoi au sens de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

4) a. L'autorité compétente peut prononcer l'interdiction de détenir un animal pour une durée déterminée ou indéterminée à l'encontre d'une personne qui, à réitérées reprises ou gravement, a contrevenu à la LPA-CH ou qui se révèle incapable de détenir ou d'élever un animal pour une autre raison (art. 23 al. 1 let. a et b LPA-CH).

b. À Genève, le SCAV est chargé de l'exécution de LPA-CH (art. 3 al. 1 et
3 du règlement d'application de LPA-CH du 15 juin 2011 - RaLPA - M 3 50.02).

c. À teneur de l'art. 38 al. 1 de la loi sur les chiens du 18 mars 2011 (LChiens - M 3 45), dès réception d'une dénonciation ou d'un constat d'infraction, le département procède à l'instruction du dossier conformément à LPA. À l'issue de la procédure, le département statue et prend, le cas échéant, les mesures prévues par la présente loi (art. 38 al. 3 LChiens). Il peut notamment prononcer le séquestre préventif ou définitif (art. 39 al. 1 let. g LChiens) et l'interdiction de détenir un chien (art. 39 al. 1 let. o LChiens).

5) a. L'administration dispose d'un pouvoir d'appréciation, lorsque la loi lui laisse une certaine marge de manoeuvre, à savoir lorsque l'autorité chargée d'appliquer la loi a le choix entre plusieurs solutions qui sont toutes conformes au droit. On dira qu'en exerçant celui-ci l'autorité statue « en opportunité » (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 166 n. 500). Une liberté d'appréciation peut être conférée à l'administration lorsque la loi indique qu'elle statue « librement » ou lorsqu'elle prévoit que l'autorité « peut » prendre une mesure. Il y a également une liberté d'appréciation lorsque la loi laisse le choix à l'administration entre plusieurs solutions. Par ailleurs, même lorsque la loi n'ouvre pas de choix explicite, il reste une liberté de celui qui doit l'interpréter, surtout lorsque la norme à appliquer comporte des notions juridiques indéterminées. Cette liberté se manifeste, d'une part, dans le sens qui peut être donné à la norme et, d'autre part, dans l'évaluation et la qualification des faits auxquels la norme doit s'appliquer. L'autorité dispose ainsi souvent d'une latitude de jugement dans l'interprétation de la norme et dans la qualification des faits pertinents. Elle jouit dès lors d'une marge de manoeuvre relativement importante (Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 167-168 n. 506-507).

b. Le catalogue des mesures prévues à l'art. 39 al. 1 LChiens concerne tant l'animal que les différents acteurs en interaction avec les chiens. Dans ce cadre, le département dispose d'un large pouvoir d'appréciation dans le choix de la mesure qu'il juge la plus adéquate, tout en étant tenu par les limites du principe de la proportionnalité (PL 10531, op.cit., p. 49) (ATA/1323/2019 du 3 septembre 2019 consid. 2.d).

6) En l'espèce, suite à son interpellation de la veille, le recourant a été auditionné par la police, notamment sur les faits de maltraitance envers ses chiens. La police l'a alors informé que ces derniers avaient été saisis et qu'ils étaient « en l'attente d'une décision du vétérinaire cantonal au sujet de leur restitution, sans préjudice d'autre mesure pouvant potentiellement être pris en compte ». Le recourant a ensuite tenté de contacter le SCAV. Celui-ci lui a d'abord répondu, notamment par un courriel du 11 septembre 2018 et par téléphone le même jour, qu'il serait recontacté pour exercer son droit d'être entendu. Par courrier du 13 septembre 2018, le SCAV l'a toutefois informé qu'il s'avérait inutile qu'il soit entendu, ayant déjà été auditionné par la police.

Contrairement à ce qu'affirme l'autorité intimée, le recourant n'a pas été informé « de telle manière [qu'il] ne pouvait pas ignorer les intentions du SCAV ». Certes, le recourant a été entendu concernant les faits de maltraitance par la police. Toutefois, d'une part, ce ne sont pas les seuls faits sur lesquels se fonde la décision et, d'autre part, la sanction pénale et la sanction administrative relèvent de deux procédures différentes. La procédure pénale, toujours pendante au moment de la prise de décision, n'avait pas pour objet les conséquences administratives d'une violation à la LPA-CH, mais les conséquences pénales de cette violation parmi d'autres. Ainsi, conformément à la jurisprudence précitée (ATA/211/2013), le simple fait que les agents de police l'aient entendu concernant les faits de maltraitance dans la procédure pénale et l'aient informé qu'une décision allait être prise concernant les chiens ne peut être assimilé à l'exercice du droit d'être entendu dans le cadre de la procédure administrative.

De plus, étant rappelé qu'aucune décision pénale n'avait encore été rendue, l'autorité intimée a principalement fondé sa décision sur l'événement du 6 septembre 2018 tel que relaté dans le document « transmission d'informations », soit en particulier sur le témoignage de la seule témoin des faits de maltraitance. « Afin de ne pas devoir auditionner à nouveau les protagonistes », le SCAV n'a pas entendu ce témoin. Il n'a ni communiqué le témoignage au recourant ni invité ce dernier à se déterminer sur celui-ci.

En réalité, l'autorité intimée n'a invité le recourant à se déterminer sur aucun des faits qui lui étaient reprochés, retenant à cet égard que l'audition par la police était suffisante. Or, de cette audition, le SCAV savait uniquement que le recourant contestait les faits qui lui étaient reprochés. En effet, il ressort du document « Team ______» que les déclarations du recourant à la police n'ont été transmises au SCAV que le 4 décembre 2018. De surcroît, le SCAV lui a demandé de ne plus envoyer de témoignages attestant de son comportement envers ses chiens, lui expliquant qu'ils n'étaient pas pertinents, alors que la décision se fondait principalement sur ledit comportement. Ainsi, non seulement le SCAV n'a pas entendu le recourant d'une quelconque façon dans la procédure en cours le concernant, mais il a également rejeté indûment les témoignages qu'il apportait.

En conclusion, le recourant ne pouvait pas s'attendre aux mesures particulièrement lourdes qui ont été prononcées à son encontre sur la seule base des informations données par la police. Il n'a pas été entendu par le SCAV avant la prise de décision, ni même après, et n'a pas pu faire valoir son point de vue. De plus, il n'a pas pu participer à l'administration des preuves. D'une part, parce qu'il n'a pas pu prendre connaissance des faits qui lui étaient reprochés et n'a donc pas pu fournir de preuves quant à ces faits, étant rappelé que les pièces qu'il a voulu apporter ont été écartées d'emblée. D'autre part, parce qu'il n'a pas pu participer à l'audition du seul témoin direct des faits reprochés et qu'il n'a pas été invité à se prononcer sur ce témoignage. Il n'a donc pas pu prendre connaissance de cette pièce et se déterminer à son propos. Par conséquent, il n'a pu exercer aucune des prérogatives que confère le droit d'être entendu avant la prise d'une décision conformément à la loi et à la jurisprudence.

L'autorité intimée a ainsi violé de façon grave le droit d'être entendu du recourant tel que consacré aux art. 41 et 42 al. 1 LPA, auxquels renvoie notamment l'art. 38 al. 1 LChiens, et l'art. 29 al. 2 Cst. Une violation d'autant plus grave au vu de la sévérité des sanctions prononcées à son encontre.

7) a. S'agissant de l'éventuelle réparation de ladite violation, contrairement à ce qu'affirme l'autorité intimée, l'art. 23 al. 1 LPA-CH et l'art. 39 al. 1 LChiens sont rédigés en la forme potestative et laisse à l'autorité, d'une part, le choix de prendre une mesure et, d'autre part, le choix de la mesure. Elle bénéficie donc d'un large pouvoir d'appréciation dont la chambre administrative ne peut revoir que l'abus ou l'excès (art. 61 al. 1 let. a LPA).

b. Malgré la gravité de la violation du droit d'être entendu, un renvoi à l'autorité intimée constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure compte tenu de ce qui suit.

8) a. La LPA-CH vise à protéger la dignité et le bien-être de l'animal (art. 1 LPA-CH). La dignité est constituée par la valeur propre de celui-ci. Elle peut être atteinte notamment lorsque la contrainte qui lui est imposée sans justification lui cause des douleurs ou des maux, ou qu'elle le met dans un état d'anxiété (art. 3 let. a LPA-CH). Le bien-être des animaux est réalisé lorsque leur détention et leur alimentation sont telles que leurs fonctions corporelles et leur comportement ne sont pas perturbés et que leur capacité d'adaptation n'est pas sollicitée de façon excessive (art. 3 let. b ch. 1 LPA-CH), qu'ils ont la possibilité de se comporter conformément à leur espèce dans les limites de leur capacité d'adaptation biologique (art. 3 let. b ch. 2 LPA-CH), qu'ils sont cliniquement sains (art. 3 let. b ch. 3 LPA-CH), que les douleurs, les maux, les dommages et l'anxiété leurs sont épargnés.

b. Toute personne qui s'occupe d'animaux doit tenir compte au mieux de leurs besoins et veiller à leur bien-être (art. 4 al. 1 let. a et b LPA-CH), personne n'ayant le droit de leur causer de façon injustifiée des douleurs, des maux, de les mettre dans un état d'anxiété ou de porter atteinte à leur dignité d'une autre manière (art. 4 al. 2 LPA-CH).

9) a. L'art. 6 al. 1 LPA-CH précise que toute personne qui détient des animaux ou en assume la garde doit, de manière appropriée, les nourrir, en prendre soin, leur garantir l'activité et la liberté de mouvement nécessaires à leur bien-être et, s'il le faut, leur fournir un gîte.

b. Selon l'OPAn, les animaux doivent être détenus de telle façon que leurs fonctions corporelles et leur comportement ne soient pas gênés et que leur faculté d'adaptation ne soit pas sollicitée de manière excessive (art. 3 al. 1 OPAn). L'alimentation et les soins sont appropriés s'ils répondent aux besoins des animaux à la lumière de l'expérience acquise et des connaissances en physiologie, éthologie et hygiène (art. 3 al. 3 OPAn). Les animaux doivent recevoir régulièrement et en quantité suffisante une nourriture leur convenant et de l'eau (art. 4 al.1 ab initio OPAn). Le détenteur d'animaux doit contrôler aussi souvent que nécessaire le bien-être de ceux-ci et l'état des installations (art. 5 al. 1 ab initio OPAn).

10) a. L'OPAn contient des règles relatives à la détention de chiens. Ils doivent avoir tous les jours des contacts avec des êtres humains et si possible avec des congénères (art. 70 al. 1 OPAn). Ils doivent être sortis tous les jours et en fonction de leur besoin de mouvement. Lors de ces sorties, ils doivent aussi, dans la mesure du possible, pouvoir se mouvoir librement sans être tenus en laisse (art. 71 al. 1 OPAn).

b. Il est interdit de maltraiter les animaux, de les négliger ou de les surmener inutilement (art. 16 al. 1 OPAn), soit notamment de donner des coups sur les yeux ou les parties génitales des animaux ainsi que de leur casser ou de leur écraser la queue (art. 16 al. 2 let. b OPAn).

c. Par ailleurs, les moyens utilisés pour corriger le comportement d'un chien doivent être adaptés à la situation (art. 73 al. 2 ab initio OPAn). Les coups de feu, l'utilisation de colliers étrangleurs sans boucle d'arrêt, de colliers à pointes, d'autres moyens auxiliaires munis d'éléments saillants tournés vers l'intérieur et la dureté excessive, par exemple les coups avec des objets durs, sont interdits (art. 73 al. 2 OPAn).

11) a. Au plan cantonal, la LChiens a pour but de régir, en application de la loi fédérale, les conditions d'élevage, d'éducation et de détention des chiens, en vue de garantir le bien-être de ces derniers, d'en réguler le nombre et la détention par foyer et d'assurer la sécurité, la salubrité et la tranquillité publiques, de même que le respect de l'environnement, des cultures agricoles, de la faune et des biens
(art. 1 LChiens).

Il résulte du rapport de la commission de l'environnement et de l'agriculture chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'État sur la LChiens qu'il ne s'agit pas d'une loi sur les chiens, mais sur les détenteurs de chiens. Cette loi est aussi un instrument préventif. Elle traite de l'ensemble des problèmes liés aux chiens, dès l'élevage (MGC 2002-2003/XI A-6561).

b. Selon l'art. 16 al. 1 LChiens, tout détenteur doit satisfaire aux besoins de son chien, conformément aux prescriptions de la LPA-CH, et aux conseils prodigués par l'éleveur, l'éleveur professionnel ou le commerçant, l'éducateur canin et le vétérinaire.

12) a. En application de l'art. 24 al. 1 LPA-CH, l'autorité compétente intervient immédiatement lorsqu'il est constaté que des animaux sont gravement négligés ou que les conditions de détention sont totalement inappropriées en prononçant leur séquestre préventif et en leur fournissant un gîte approprié, aux frais du détenteur. En outre, comme rappelé plus haut, elle peut prononcer l'interdiction de détenir un animal pour une durée déterminée ou indéterminée à l'encontre d'une personne qui, à réitérées reprises ou gravement, a contrevenu à la LPA-CH ou qui se révèle incapable de détenir ou d'élever un animal pour une autre raison (art. 23 al. 1 let. a et b LPA-CH). S'agissant des détenteurs de chiens à titre privé, le droit de prononcer de telles mesures est repris dans le droit cantonal aux art. 39 al. 1 let. g et let. o LChiens.

b. D'après la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'art. 23 al. 1 let. a LPA ne pose pas comme condition qu'il existe un lien de connexité entre les infractions à la LPA-CH, mais prévoit uniquement qu'il y en ait eu plusieurs (arrêt du Tribunal fédéral 2C_74/2019 du 13 mai 2019 consid. 4.3). Une seule infraction pénale à la LPA-CH est toutefois suffisante si elle relève d'une certaine gravité, ce qui avait notamment été le cas de recourants, condamnés à une peine respectivement de trente-cinq jours d'arrêts et de quarante-trois jours d'emprisonnement avec sursis, et à une amende de CHF 10'000.- chacun, qui avaient détenu trente-neuf chats enfermés dans des cages de transport sur une litière formée de leurs excréments mélangés à leur nourriture, dix autres chats et sept chiens vivaient en liberté dans des pièces de l'habitation au milieu de leurs déjections et un chien était attaché seul dans une autre pièce. Les chiens dégageaient une odeur caractéristique de chiens négligés, de même que les chats dont les muscles et articulations étaient ankylosés (arrêt du Tribunal fédéral 2A.431/2002 du 17 septembre 2002).

c. Outre l'incapacité, attestée par un jugement pénal antérieur, de détenir, de faire le commerce ou de traiter des animaux de manière conforme à la loi, l'autre élément déterminant pour prononcer une interdiction de détenir des animaux est l'incapacité objective de détenir des animaux, prévue à l'art. 23 al. 1
let. b LPA-CH, qui peut avoir plusieurs causes liées à la personne du détenteur d'animaux (Message concernant la révision de la loi sur la protection des animaux du 9 décembre 2002, FF 2003 p. 619). Elle est donnée lorsque la personne concernée n'est pas capable de suivre les règles générales de comportement requises ou bafoue les interdictions imposées par la LPA-CH. L'interdiction de détention d'animaux en soi a pour but de garantir ou de rétablir le bien de ces derniers. Contrairement à ce qui prévaut sur le plan pénal, il importe peu que l'intéressé ait commis ou non une faute; il s'agit d'une mesure « restitutorische » qui ne vise pas à punir le détenteur, mais à protéger et à rétablir des conditions correctes de détention du point de vue de la protection des animaux. Une interdiction de détention suppose en principe des violations de la LPA-CH crasses et générant des douleurs aux bêtes (art. 1 en lien avec art. 3 let. a LPA-CH ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_958/2014 du 31 mars 2015 consid. 2.1 ; 2C_378/2012 du 1er novembre 2012 consid. 3.1 ; 2A.431/2002 du 17 septembre 2002 consid. 2.2 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 1198).

L'incapacité de détenir des animaux se révèle lorsque le détenteur se montre irresponsable dans la détention d'animaux domestiques ou lorsque, par son comportement, il démontre qu'il satisfait plus son envie d'être entouré d'animaux qu'il ne se soucie de leurs besoins (GOETSCHEL, Kommentar zum eidgenössischen Tierschutzgesetz, 1986, art. 24 n. 11). En d'autres termes, l'incapacité de détenir des animaux est établie lorsque le détenteur n'est pas capable de respecter les devoirs et interdictions de la LPA-CH. La raison de cette incapacité est d'une importance mineure (GOETSCHEL, Recht und Tierschutz, 1993, p. 273).

13) Le prononcé de mesures du type de celles ordonnées est soumis au respect du principe de la proportionnalité garanti par l'art. 5 al. 2 Cst. qui régit l'ensemble de l'activité étatique. Celui-ci exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ces derniers ne puissent être atteints par une mesure moins incisive. Traditionnellement, le principe de la proportionnalité se compose des règles d'aptitude - qui exigent que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui imposent qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui mettent en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_32/2012 du 7 septembre 2012 consid. 7.1; ATA/846/2012 du 18 décembre 2012 consid. 4b ; ATA/803/2012 du 27 novembre 2012 consid. 8e).

14) À l'instar de ce qui est prévu en matière de répression des infractions relatives à la circulation routière, le droit suisse connaît le système de la double procédure pénale et administrative dans l'application de la LPA-CH : le juge pénal se prononce sur les sanctions pénales (amende, peine pécuniaire, travail d'intérêt général ou peine privative de liberté) prévues par les dispositions pénales de la LPA-CH (art. 26 ss LPA-CH), tandis que les autorités administratives compétentes décident de mesures administratives (notamment séquestre préventif ou interdiction de détenir des animaux) prévues par les art. 23 ss LPA-CH. Une certaine coordination s'impose entre ces deux procédures. La jurisprudence a ainsi établi que, en principe, l'autorité administrative ne peut pas s'écarter des constatations de fait d'un jugement pénal entré en force. La sécurité du droit commande en effet d'éviter que l'indépendance du juge pénal et du juge administratif ne conduise à des jugements opposés, rendus sur la base des mêmes faits. L'autorité administrative ne peut s'écarter du jugement pénal que si elle est en mesure de fonder sa décision sur des constatations de fait inconnues du juge pénal ou qui n'ont pas été prises en considération par celui-ci, s'il existe des preuves nouvelles dont l'appréciation conduit à un autre résultat, si l'appréciation à laquelle s'est livré le juge pénal se heurte clairement aux faits constatés, ou si le juge pénal n'a pas élucidé toutes les questions de droit (ATF 139 II 95 consid. 3.2 p. 101 s. et les références ; ATA/290/2019 du 19 mars 2019 consid. 3a).

15) a. En l'espèce, l'autorité intimée fonde sa décision sur l'art. 23 al. 1 let. b LPA-CH. Elle soutient que le recourant est dans l'incapacité objective de détenir un animal, ayant acquis la conviction que la consommation d'alcool du recourant associée à une prise médicamenteuse le rendait agressif et violent envers ses animaux, que son déni des faits montrait qu'il n'arrivait pas à prendre conscience de ses actes et que ses antécédents démontraient une incapacité à détenir un animal convenablement.

Contrairement à ce que prévoit l'art. 38 al. 1 LChiens, le SCAV n'a procédé à aucune instruction afin d'étayer sa conviction et n'a apporté aucune preuve d'ordre médical allant dans ce sens. Il a fondé son appréciation sur le seul document « Transmission d'informations » relatant les événements du 6 septembre 2018, sur l'avertissement du 15 septembre 2017 et sur les infractions au RChiens. Il s'est ensuite référé à la condamnation pénale du recourant.

Concernant son état de santé, le recourant est notamment suivi par une psychothérapeute de la Fondation Phénix depuis février 2014. Dans un courrier du 30 septembre 2019, celle-ci a indiqué que le suivi du recourant était régulier et qu'il n'avait pas montré de signes en faveur d'abus de médicaments. Les tests hépatiques effectués dans le cadre de son suivi somatique se sont améliorés « de façon nette cette dernière année », ce qui était en faveur d'une diminution de la consommation d'alcool. Elle ajoutait que depuis une année et dans le contexte de la séparation avec les chiens, le recourant décrivait une grande souffrance avec une anxiété envahissante.

b. En ce qui concerne les faits de maltraitance, il sera relevé que, contrairement à ce que retient le SCAV, seule Mme G______a été témoin de ces faits. Elle n'a pas été entendue par le SCAV et ne s'est pas présentée aux audiences devant le Tribunal de police et la chambre administrative. Certes, elle a indiqué que le recourant avait été violent. Il aurait successivement giflé et donné un coup de poing à son chien et l'aurait ensuite soulevé par sa laisse. Toutefois, personne d'autre n'a jamais vu le recourant porter la main sur ses chiens. Par ailleurs, le témoignage de Mme H______, qui fait état de l'état d'agitation du chien, peut être nuancé par le témoignage du conducteur du bus qui, lors de son intervention à l'arrière du bus, a estimé au contraire adéquat que le chien soit restitué à son propriétaire.

Le recourant a produit plus de quarante témoignages, ainsi que des courriels et courriers de soutien. Ils proviennent non seulement de voisins, mais également de professionnels, à l'instar de toiletteurs pour chiens et de vendeurs de magasins spécialisés pour les animaux, ayant été témoins du bon comportement du recourant envers ses chiens. Ils indiquent notamment que les chiens sont « bien traités » et qu'ils n'avaient pu que constater « le bien-être et la bonne éducation des chiens ». L'assistante sociale du recourant, qui le suit depuis six ans, a confirmé n'avoir jamais été témoin de violences envers les chiens, dont elle n'imaginait pas le recourant capable. Elle ajoutait que le recourant était très attentionné envers ses chiens et surtout très attaché à eux. Elle préconisait que les chiens lui soient restitués, ceux-ci étant son seul lien avec l'extérieur et l'aidant à améliorer son état de santé.

Un ami, hébergé temporairement avec le recourant, a fait état des bons soins qu'il apportait à ses chiens et de la relation fusionnelle qui les liait, le recourant « emportant ses chiens partout avec lui et les faisant passer avant tout ». Le recourant a également hébergé durant l'été 2017 et l'été 2018 une femme et son enfant, âgé de quelques mois lors du premier séjour. Celle-ci a indiqué que si elle avait d'abord été inquiète au sujet des poils de chien pour son bébé, elle s'était rendu compte que le recourant entretenait correctement son appartement et l'hygiène de ses chiens. Elle n'avait jamais vu le recourant avoir un comportement agressif ou être ivre. Elle ajoutait qu'il promenait longuement ses chiens et leur fournissait de la nourriture de qualité, se déplaçant jusque dans les magasins spécialisés plutôt que de se fournir dans les supermarchés. Enfin, le recourant est suivi par un ergothérapeute depuis octobre 2017, lequel se déplace à domicile. Il a déclaré que le recourant n'avait jamais eu de gestes déplacés envers ses chiens et qu'au contraire il était très attaché à leur éducation et jouait beaucoup avec eux. Il n'avait par ailleurs remarqué aucun désordre causé par les chiens au domicile du recourant tant au niveau de l'hygiène que de la nourriture des chiens.

Il sera relevé que le SCAV n'a pas constaté chez les chiens un mieux-être à la séparation avec leur propriétaire. Le représentant du SCAV, entendu en audience, a notamment précisé qu'aucune amélioration de l'état psychologique des chiens n'avait été remarquée depuis leur arrivée à la fourrière.

c. En ce qui concerne les événements de septembre 2017, l'autorité intimée soutient dans sa réponse que les insalubrités dans le logement étaient dues, en sus de l'incontinence de la chienne, au manque de sorties des chiens, lesquels n'auraient pas pu bénéficier d'être à l'extérieur depuis trois jours, démontrant l'incapacité du recourant à détenir des animaux. Toutefois, elle a conclu
elle-même dans son rapport du 12 septembre 2017 que les conditions de détention étaient conformes aux prescriptions légales, même si l'hygiène de l'appartement était négligée, et que les griffes des chiens étaient normalement usées. Partant, elle ne saurait se fonder sur ces faits pour en déduire que les chiens étaient insuffisamment sortis et vivaient dans des conditions insalubres. De plus, les témoignages des deux personnes ayant été hébergées par le recourant et de l'ergothérapeute vont également à l'encontre de cette conclusion.

d. Quant aux violations à l'obligation de tenir les chiens en laisse en localité, elles ne sauraient démontrer à elles seules l'incapacité du recourant à détenir des chiens, ne constituant pas des violations de la LPA-CH « crasses et générant des douleurs aux bêtes » au sens de la jurisprudence

e. Au vu de ce qui précède, l'autorité intimée n'a pas établi que le recourant serait incapable de respecter les devoirs et interdictions de la LPA-CH. À cet égard, les différents témoignages recueillis par le recourant tendent à démontrer le contraire.

Au vu de l'absence d'éléments concrets démontrant l'incapacité du recourant à détenir des animaux au sens de la jurisprudence et de la doctrine, la condition de la lettre b de l'art. 23 al. 1 LPA-CH n'était pas satisfaite en l'espèce au moment de la prise de décision.

f. La condamnation pénale du recourant, sur laquelle se base désormais l'autorité intimée, ne change rien à cet égard. En effet, d'après le Message du Conseil fédéral précité, l'incapacité de détenir des animaux peut être attestée par un jugement pénal antérieur, et est dans ce cas analysée sous l'angle de l'art. 23 al. 1 let. a LPA-CH, ou constituer en une incapacité objective pour d'autres raisons liées à la personne du détenteur analysée sous l'angle de l'art. 23 al. 1 let. b LPA-CH.

Le recourant a certes été condamné une peine-pécuniaire de vingt jours-amendes fixés à CHF 30.- pour trois chefs d'accusation, dont pour mauvais traitement infligés aux animaux. Cette condamnation pénale n'est toutefois pas propre à entraîner l'application de l'art. 23 al. 1 let. a LPA, car le recourant n'a été sanctionné qu'une seule fois pour violation à la LPA-CH et pour des faits dont la gravité n'atteint pas le stade exigé par cette disposition au regard de la jurisprudence précitée.

Concernant l'application de l'art. 23 al. 1 let. b LPA-CH, la seule condamnation pénale ne constitue pas la preuve d'une incapacité objective à détenir des animaux, étant rappelé que le recourant est suivi par des professionnels de la santé et par une assistante sociale qui n'ont émis aucun doute quant à sa capacité de détenir des chiens. À nouveau, en l'absence d'autres éléments démontrant une incapacité du recourant au sens de l'art. 23 al. 1 let. b LPA-CH, la condition de cette base légale n'est pas satisfaite.

L'autorité intimée indique dans ses dernières écritures qu'un acquittement aurait suffi à mettre un terme à la procédure administrative. On peut en déduire, qu'en cas d'acquittement, elle n'aurait pas retenu que le recourant était dans l'incapacité objective de détenir des chiens du recourant en application de l'art. 23 al. 1 let. b LPA-CH. Cela montre que l'autorité intimée ne se base que sur le jugement pénal pour fonder sa décision. Comme il est démontré plus haut, celui-ci n'est pas suffisant pour justifier le prononcé d'une mesure en application des art. 23 al. 1 let. a et b LPA-CH. À cet égard, il sera relevé qu'en application de la LPA-CH, certains faits, comme en l'espèce, peuvent justifier une condamnation pénale mais n'atteignent pas la gravité nécessaire pour le prononcé d'une mesure administrative.

Il appert donc qu'aucune des dispositions de la LPA-CH et de son ordonnance d'exécution ne peuvent fonder le prononcé d'une sanction administrative. La décision d'interdiction de détention pour une durée de trois ans, d'obligation d'obtenir une autorisation préalable pour détenir un chien durant les trois années suivantes et de séquestre définitif rendue le 10 octobre 2018 sera annulée et les chiens restitués à M. A______.

16) a. Au vu de ce qui précède, le recours sera admis et aucun émolument de procédure ne sera perçu. Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée au recourant, qui a pris des conclusions dans ce sens, à la charge de l'État de Genève (art. 87 LPA).

b. Les frais de séquestres et les frais y afférents mentionnés dans la décision querellée, y compris les frais de vétérinaire, seront laissés à la charge de l'État de Genève au vu des circonstances particulières du cas d'espèce.

 

* * * * *

 


 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 9 novembre 2018 par Monsieur A______ contre la décision du service de la consommation et des affaires veterinaires du 10 octobre 2018 ;

au fond :

l'admet ;

annule la décision du 10 octobre 2018 du service de la consommation et des affaires vétérinaires ;

ordonne la restitution immédiate au recourant de ses chiens « B______ » et « C______ » ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue au recourant une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à la charge de l'État de Genève ;

laisse les frais mentionnés dans la décision du 10 octobre 2018 du service de la consommation et des affaires vétérinaires à la charge de l'État de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Fabio Spirgi, avocat du recourant, au service de la consommation et des affaires vétérinaires, au Ministère public de la Confédération ainsi qu'à l'office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Pagan et Verniory, juges.


 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :