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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3419/2019

ATA/1534/2019 du 17.10.2019 ( FORMA ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3419/2019-FORMA ATA/1534/2019

 

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 17 octobre 2019

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Cyril Mizrahi, avocat

contre

UNIVERSITÉ DE GENÈVE

 



Attendu, en fait, que :

1) Madame A______ est titulaire d'un baccalauréat et d'une maîtrise universitaire en mathématiques, obtenus respectivement en 2011 et 2013.

Elle a également obtenu le certificat complémentaire de base en didactique de la discipline et en sciences de l'éducation (ci-après : CCDIDA) en mathématiques.

2) En juillet 2013, Mme A______ a été admise pour la maîtrise universitaire spécialisée en enseignement secondaire (ci-après : MASE) en mathématiques, dispensée par l'institut universitaire pour la formation des enseignants (ci-après : l'IUFE).

Conformément au programme, l'intéressée a effectué un stage en responsabilité d'enseignement dans l'enseignement secondaire durant l'année académique 2013/2014.

Elle a obtenu, lors du deuxième semestre, une des deux attestations de stage requises pour le valider. Elle n'a cependant pas obtenu la deuxième attestation, raison pour laquelle elle a dû effectuer un stage de rattrapage, encadré par une chargée d'enseignement et une formatrice de terrain, l'année académique suivante.

3) Mme A______ a été convoquée à un entretien le 5 mai 2015 par le comité de direction (ci-après : le comité) de l'Université de Genève (ci-après : l'université) aux fins de déterminer si la fiche prévisionnelle rendue était constitutive d'un plagiat.

4) Par décision du 25 juin 2015, le comité a confirmé le plagiat, correspondant à un échec à l'évaluation concernée. Étant donné que Mme A______ avait déjà échoué une première fois à ladite évaluation, soit l'attestation II du stage en responsabilité, la directrice de l'IUFE a prononcé l'élimination de l'intéressée de la formation. Par ailleurs, le comité a saisi le conseil de discipline, conformément à la législation en vigueur.

5) Le 8 juillet 2015, Mme A______ a fait opposition à la décision d'élimination précitée.

6) Le 9 novembre 2015, la commission des oppositions de l'IUFE a préavisé le rejet de l'opposition, la confirmation du plagiat et l'échec en deuxième tentative à l'évaluation II du stage en responsabilité. Elle a également préavisé la confirmation de l'élimination prononcée le 25 juin 2015.

7) Par décision du 18 décembre 2015, le comité a rejeté l'opposition formée par Mme A______ et a confirmé le plagiat, l'échec en deuxième tentative à l'évaluation du stage en responsabilité et par conséquent son élimination de la formation.

Par décision séparée du 22 décembre 2015, la directrice de l'IUFE a rejeté l'opposition et confirmé l'élimination de l'intéressée du cursus de la MASE.

Les décisions étaient déclarées exécutoires nonobstant recours.

8) Le 29 janvier 2016, Mme A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre les décisions précitées, concluant à leur annulation, à la réussite du stage et du module litigieux et à l'obtention du MASE.

9) Par arrêt du 13 septembre 2016 (ATA/771/2016), la chambre administrative a partiellement admis le recours de l'intéressée, a annulé les décisions sur opposition des 18 et 22 décembre 2015 et invité l'université à réévaluer Mme A______ selon les règles en vigueur dans les ateliers de didactique de l'IUFE.

10) Le 19 octobre 2016, Monsieur B______, chargé d'enseignement didactique des mathématiques, a précisé les modalités de la reprise de la formation concernant la pratique de l'enseignement accompagné et analysé (ci-après : le stage).

11) Le 10 mars 2017, à la suite d'un rapport de synthèse du 16 janvier 2017 concluant à un préavis négatif pour l'obtention de l'attestation II en deuxième tentative, de la réception des observations de Mme A______, de la confirmation par le comité le 9 mars 2017 de l'échec définitif au stage, une décision d'élimination a été notifiée à l'intéressée.

12) Le 12 avril 2017, Mme A______ a formé opposition à l'encontre de cette nouvelle décision d'élimination.

13) Par décision du 9 octobre 2017, le comité a rejeté l'opposition de Mme A______.

Dans la même décision, la directrice de l'IUFE a confirmé la décision d'élimination de l'intéressée de la MASE en mathématique du 10 mars 2017.

14) Par acte du 10 novembre 2017, Mme A______ a interjeté recours devant la chambre administrative.

15) Par arrêt du 11 septembre 2018 (ATA/918/2018), la chambre administtrative a admis partiellement le recours.

Lors de la « séance tripartite » du 21 novembre 2016, le jury chargé d'évaluer la recourante n'était pas composé régulièrement. Mme A______ était fondée à soulever ce grief quand bien même aucune décision formelle n'avait été rendue par ce jury, au vu de l'influence déterminante de ce dernier sur les décisions à prendre par l'intimée, formellement compétente.

Le dossier était renvoyé à l'université pour qu'elle procède à nouveau à l'évaluation du stage en responsabilité visant l'obtention de l'attestation II de Mme A______ selon les règles en vigueur durant l'année académique 2014-2015. Pour ce faire, Mme A______ devait être convoquée à un nouvel entretien tripartite durant lequel le jury siègerait dans une composition régulière, à savoir un chargé d'enseignement et une formatrice de terrain.

16) Une séance tripartite a pris place le 12 novembre 2018. Y étaient présentes Mme A______, ainsi que Mesdames C______, chargée d'enseignement en didactique des mathématiques, et D______, formatrice de terrain. Selon le procès-verbal de cette réunion, qui n'a pas été signé par Mme A______, les évaluatrices ont relevé les insuffisances du dossier d'évaluation de Mme A______ ; les valeurs choisies pour les variables didactiques de certaines questions ne permettaient pas de tester efficacement les objectifs fixés, les critères de correction n'avaient toujours pas été clairement explicités et le corrigé contenait une erreur majeure et inacceptable qui avait été répercutée dans l'évaluation des élèves.

En conclusion, à la lumière des comptes rendus d'observation et d'analyse de leçon établis par la formatrice en 2014-2015 et des autres documents pertinents, l'objectif prioritaire de formation (ci-après : OPF) 1 n'était pas atteint ; or il en allait de la capacité à préparer une leçon de manière autonome, soit l'un des gestes professionnels les plus fondamentaux.

17) Par décision du 30 janvier 2019, la directrice de l'IUFE a prononcé l'élimination de Mme A______ de la MASE en mathématiques, pour cause de second échec à l'évaluation de son stage de rattrapage. Une opposition éventuelle n'aurait pas d'effet suspensif.

18) Par décision du 22 juillet 2019, le comité a rejeté l'opposition formée par Mme A______ le 6 mars 2019.

Il n'appartenait pas aux évaluatrices de demander à Mme A______ de produire et de présenter une fiche prévisionnelle en novembre 2018 sur la base d'un nouveau thème. En effet, ce document de préparation de leçon avait déjà été élaboré par Mme A______ en novembre 2016. Le fait que la séance tripartite du 21 novembre 2016 ait été annulée pour cause de composition irrégulière du jury n'impliquait pas de reprendre tout le processus d'évaluation continue mais, au contraire, de finaliser l'évaluation avec un jury régulièrement composé.

Si les formatrices lui avaient demandé un travail supplémentaire sur un thème différent, l'intéressée n'aurait pas manqué de s'en plaindre, les fiches prévisionnelles devant nécessairement se rapporter au contexte précis du stage effectué par l'étudiant, ce qui impliquait que les contenus d'enseignement traités dans la fiche prévisionnelle soient définis en conséquence. En outre, lors de la reprise de sa formation en novembre 2018, Mme A______ n'avait jamais émis le souhait de produire une nouvelle fiche prévisionnelle, mais avait au contraire indiqué lors de la séance du 12 novembre 2018 qu'elle était satisfaite de la fiche produite le 14 novembre 2016, la qualifiant de « cohérente et la meilleure possible ». Les décisions judiciaires de 2016 et 2018 avaient ainsi été correctement interprétées et appliquées.

Enfin, Mme A______ n'évoquait aucune circonstance exceptionnelle permettant à la direction de prévoir une ultime tentative en vertu du statut de l'université.

19) Par acte posté le 16 septembre 2019, Mme A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre la décision sur opposition précitée, concluant préalablement à la restitution de l'effet suspensif au recours, et principalement à l'annulation de la décision sur opposition et à l'octroi de l'attestation litigieuse et à la constatation de la réussite des stages en responsabilité et en accompagnement au secondaire I et II.

Le retrait de l'effet suspensif n'était pas motivé. En outre, il n'y avait aucune urgence à éliminer l'étudiante de son cursus en MASE, d'autant qu'elle avait réussi toutes les autres épreuves. Elle disposait d'un intérêt privé prépondérant à ne pas être considérée comme ayant été éliminée, notamment dans ses recherches d'emploi, avant que la décision judiciaire ne soit rendue.

20) Le 10 octobre 2019, l'IUFE, soit pour lui le service juridique de l'université, a conclu au rejet de la demande de restitution de l'effet suspensif.

Accorder l'effet suspensif reviendrait à autoriser Mme A______ à rester étudiante au sein du cursus de MASE alors qu'elle en a été éliminée en application du règlement d'études pertinent, ce qui serait faire droit de manière provisoire à ses conclusions au fond.

Cela n'aurait de plus aucun sens, dès lors que Mme A______ n'avait aucune autre évaluation prévue à son plan d'études, hormis le stage pratique échoué devant être effectué dans une école secondaire, étant précisé que l'attribution des places de stage était de la seule compétence du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : DIP), l'IUFE n'ayant aucune possibilité matérielle d'organiser un stage sur-le-champ pour Mme A______.

Enfin, la chambre administrative, dans sa jurisprudence, refusait en général de restituer l'effet suspensif ou de prononcer des mesures provisionnelles pour permettre à des étudiants éliminés de leur cursus de poursuivre leurs études.

21) Sur ce, la cause a été gardée à juger sur effet suspensif.

 

 

Considérant en droit que :

1) La compétence pour ordonner la restitution de l'effet suspensif au recours appartient au président ou au vice-président de la chambre administrative ou, en cas d'empêchement de ceux-ci, à un juge (art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 septembre 2017).

2) Aux termes de l'art. 21 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) - loi applicable par renvoi des art. 35 et 37 du règlement relatif à la procédure d'opposition au sein de l'Université de Genève du 16 mars 2009 (RIO-UNIGE) -, l'autorité peut d'office ou sur requête ordonner des mesures provisionnelles en exigeant au besoin des sûretés (al. 1) ; ces mesures sont ordonnées par le président s'il s'agit d'une autorité collégiale ou d'une juridiction administrative (al. 2).

En vertu de l'art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsqu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (al. 3).

3) Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles - au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) - ne sont légitimes que si elles s'avèrent indispensables au maintien d'un état de fait ou à la sauvegarde d'intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/955/2016 du 9 novembre 2016 consid. 4 ; ATA/1244/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2 ; ATA/1110/2015 du 16 octobre 2015 consid. 3). Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu'aboutir abusivement à rendre d'emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités).

Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, 265).

4) En l'espèce, la restitution de l'effet suspensif ne se justifie pas. En effet, l'admettre aurait pour effet d'autoriser la recourante à rester étudiante de l'IUFE alors même que, dans sa situation actuelle, elle ne remplit plus les critères académiques de sélection et de faire ainsi droit, de manière provisoire, à ses conclusions sur le fond, ce qui est en principe prohibé (ATA/1609/2017 du 13 décembre 2017 concernant la recourante ; ATA/448/2016 du 31 mai 2016 consid. 4). Il n'y a en l'occurrence aucune circonstance particulière qui justifierait une exception à cette règle (dans ce sens ATA/90/2012 du 16 février 2012). L'intimée fait pour le reste valoir un intérêt public - légitime - à n'accueillir que des étudiants remplissant les critères académiques de sélection. Cet intérêt prime l'intérêt privé de la recourante à continuer de bénéficier du statut d'étudiante dans le cadre de ses recherches d'emploi.

Cette solution est conforme à la jurisprudence constante de la chambre administrative qui, lorsqu'elle en est requise dans le cadre des recours dont elle est saisie contre des décisions d'élimination, refuse de restituer l'effet suspensif ou de prononcer des mesures provisionnelles autorisant l'étudiant à poursuivre ses études (ATA/1474/2019 du 4 octobre 2019 ; ATA/879/2019 du 13 mai 2019 ; ATA/103/2019 du 30 janvier 2019 ; ATA/1609/2017 précité ; ATA/448/2016 précité ; ATA/74/2015 du 20 janvier 2015).

De surcroît, les arguments de l'intimée quant au peu d'intérêt d'obtenir la restitution de l'effet suspensif du point de vue académique, dès lors que la recourante a passé toutes ses évaluations à l'exception du stage litigieux et d'un second pour lequel une place de stage ne serait pas immédiatement disponible, sont pertinents.

5) La restitution de l'effet suspensif sera donc refusée, le sort des frais de la procédure étant réservé jusqu'à droit jugé au fond.

 

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse de restituer l'effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu'à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Cyril Mizrahi, avocat de la recourante, ainsi qu'à l'Université de Genève.

 

 

La vice-présidente :

 

 

 

F. Krauskopf

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :