Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1595/2019

ATA/1558/2019 du 21.10.2019 ( MARPU ) , REFUSE

Recours TF déposé le 21.11.2019, rendu le 17.12.2019, RETIRE, 2D_63/2019
Recours TF déposé le 21.11.2019, 2D_63/2019
Parties : CONNEXXION SARL / HOSPICE GENERAL, CROIX-ROUGE GENEVOISE
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1595/2019-MARPU ATA/1558/2019

 

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 21 octobre 2019

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

CONNEXXION SÀRL
représentée par Me Enis Daci, avocat

contre

HOSPICE GÉNÉRAL
représenté par Me Bertrand Reich, avocat

et

CROIX-ROUGE GENEVOISE

représentée par Me Soile Santamaria, avocate



Vu l'art. 9 al. 1 du règlement de la chambre administrative du 26 septembre 2017 ;

Attendu, en fait, que :

1) a. Le 11 janvier 2019, l'Hospice général (ci-après : l'hospice) a publié un appel d'offres, en procédure ouverte et soumis à l'Accord GATT/OMC du 15 avril 1994 sur les marchés publics (AMP - RS 0.632.231.422 ; ch. 1 et 2.4 du dossier d'appel d'offres), avec délai de dépôt au 22 février 2019 à 17h00, pour les « prestations d'interprétariat en milieu social ».

À teneur du cahier des charges (ch. 2), cet appel d'offres visait la conclusion par l'hospice d'un contrat-cadre régissant les modalités de services d'interprètes en milieu social pour le compte de l'aide aux migrantes et migrants (ci-après : l'AMIG) et de l'action sociale (ci-après : l'ASOC), pour une durée de quatre ans, prolongeable, d'entente entre les parties, une année au maximum.

S'agissant du « délai », la prestation du fournisseur de service devait être effective le 1er juin 2019 (ch. 2.13 du dossier d'appel d'offres et ch. 5 du cahier des charges).

b. Les besoins fonctionnels de l'adjudicateur étaient exposés au ch. 6 du cahier des charges.

Il ferait appel aux interprètes ayant des compétences reconnues et éprouvées dans le domaine du dialogue interculturel dans le cadre des entretiens individuels (situation de trialogue), occasionnellement pour des réunions de réseau et séances collectives (ch. 6.1). La spécialisation des interprètes pourrait être de trois niveaux (a, b et c) afin de garantir des prestations sur le maximum de langues (ch. 6.2).

Les demandes d'interprètes s'effectueraient exclusivement en ligne à travers une plateforme électronique selon les exigences et processus décrits ensuite (ch. 6.3). Sous le titre « système de demande en ligne (critère éliminatoire) », il était indiqué : « La plateforme sera ergonomique, intuitive, d'accès facile et personnalisé pour chaque utilisateur/trice (mot de passe, possibilité pour chaque utilisateur/trice d'avoir accès à l'ensemble de ses commandes, noms des interprètes mis à disposition, etc.). Le prestataire aura la charge de la gestion des identifiants ainsi que sa mise à jour ». Suivaient, sous le titre « Processus de demandes d'interprètes en ligne », plusieurs exigences ; à teneur du point 7, « à l'issue de l'entretien, la plateforme permet aux utilisateurs/trices Hg (NDR : hospice) de valider la tenue et la durée de l'entretien, de signaler l'absence ou le retard de l'interprète ou la non-réalisation de l'entretien avec possibilité de saisir un commentaire » ; selon le point 9, « le système en ligne permet d'échanger en cas de litige entre utilisateurs/trices Hg et le prestataire ».

Comme « obligations minimum du prestataire » (ch. 6.4), le soumissionnaire s'engageait à fournir en principe , dans le délai « minimum » (sic) de 48 heures, les interprètes dans toutes les langues demandées par l'hospice, avec une obligation de résultat, celui-ci pouvant néanmoins solliciter un interprète dans un délai de 24 heures en cas d'urgence.

Pour ce qui était du « reporting et statistiques » (ch. 7), la plateforme devait fournir un reporting sous forme d'une statistique pour chaque utilisateur ou utilisatrice, la hiérarchie et l'administration contenant au moins les indications énoncées ensuite. Un bilan annuel sur l'état de collaboration serait, également, fourni par le prestataire.

c. À teneur du dossier d'appel d'offres (ch. 2.17), les « critères d'évaluation » étaient les suivants :

1. prix, pondéré à 40 %, avec mention de plusieurs « éléments d'appréciation » relatifs à des prix, tarif et forfaits par temps consacré, le premier élément étant la première heure d'interprétariat ;

2. qualité du soumissionnaire, pondéré à 30 %, avec mention des éléments d'appréciation suivants :

- expériences et références

- aspect social (dont la participation du soumissionnaire à l'effort de réinsertion des bénéficiaires de l'hospice), environnemental et certifications

- caractéristiques et organisation ;

3. qualité de l'offre, pondéré à 30 %, avec mention de l'élément d'appréciation suivant :

- adéquation de l'offre au cahier des charges, dont la couverture en interprètes et langues, les formation et compétences des interprètes proposés ainsi que la qualité du système en ligne.

Il était ensuite précisé : « Un critère de sélection peut être divisé en éléments d'appréciation. Si le nombre et l'ordre d'importance des critères sont définitifs et annoncés préalablement, l'adjudicateur se réserve le droit de fixer autant d'éléments d'appréciation qu'il est nécessaire pour départager les candidats, pour autant que ceux-ci tendent uniquement à concrétiser les éléments qui sont inhérents au critère publié, ceci en respectant l'égalité de traitement et le principe de transparence. Les éléments d'appréciation sont en relation directe avec un des critères principaux ».

S'agissant de l'« évaluation des offres », il était entre autres indiqué : « L'adjudication est attribuée à l'offre économiquement la plus avantageuse, à savoir après évaluation qualitative et/ou financière de l'offre, en adéquation avec les critères d'évaluation ».

Selon le ch. 2.18 et conformément au « Guide romand pour les marchés publics » (annexe T1), les notes allaient de 0 à 5 : 0 totalement insuffisant ; 1 insuffisant ;
2 partiellement suffisant ; 3 suffisant ; 4 bon et avantageux ; 5 très intéressant.

2) Le 21 février 2019, l'hospice a reçu l'offre de la Croix-Rouge genevoise, Association cantonale de la Croix-Rouge suisse (ci-après : la CRG), inscrite au registre du commerce depuis le 9 août 2007, dont le but est d'« accomplir, en tout temps, des tâches humanitaires selon les principes fondamentaux de la Croix-Rouge, son activité [s'étendant] en priorité au territoire de la République et canton de Genève », pour une « offre de base montant TTC » de CHF 84.- par heure la première heure.

Le 22 février 2019, il a reçu l'offre de Connexxion Sàrl (ci-après : Connexxion), société à responsabilité limitée sise à Lausanne (VD), inscrite au registre du commerce depuis le 23 janvier 2015 et ayant pour but de « fournir un service de traduction et d'interprétariat à ses clients, la société [pouvant] exercer toute autre activité de service ou autre activité commerciale en rapport direct ou indirect avec son but et en accord avec la loi », pour une « offre de base montant TTC » de CHF 77.- par heure la première heure.

3) A été établi par l'hospice un tableau comparatif de ces offres (ci-après : le tableau comparatif), avec note, score et commentaires pour chaque élément ou sous-élément d'appréciation.

4) Par décisions du 5 avril 2019, l'hospice a informé la CRG et Connexxion séparément de ce qu'il avait adjugé le marché public en cause à la CRG, Connexxion arrivant au
2ème rang.

Était annexée une « analyse multicritères », dont il ressortait que la CRG avait obtenu les notes 4,26 pour le critère du prix contre 4,94 pour Connexxion, 4,27 pour le critère de la qualité du soumissionnaire contre 3,05, et 3,6 pour le critère de la qualité de l'offre contre 3,55, soit, après prise en compte des pondérations, une note finale de 4,06 pour la CRG et 3,96 pour Connexxion.

5) Le 12 avril 2019 a eu lieu, à la demande de Connexxion, une « séance de réponse aux questions sur évaluation AO Interprètes en milieu social », entre le représentant de celle-ci - Monsieur Julien BONNET, associé gérant avec signature individuelle - et ceux de l'hospice, qui a fait l'objet d'un procès-verbal.

6) Par lettre du 15 avril 2019, Connexxion a demandé des informations complémentaires à l'hospice, lequel lui a répondu par courriel du même jour.

7) Par acte expédié le 18 avril 2019 au greffe de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), Connexxion a formé recours contre la décision précitée qui lui avait été notifiée le 9 avril 2019, concluant, « avec suite de frais et dépens », préalablement à l'octroi de l'effet suspensif ainsi qu'à la production par l'hospice de l'ensemble du dossier d'adjudication, en particulier tout document utile permettant de comprendre l'évaluation et la notation de chaque offre, au fond, principalement à l'annulation de la décision d'adjudication du 5 avril 2019, à la constatation que le marché public en cause devait lui être attribué et au renvoi de la cause à l'intimé pour nouvelle décision d'adjudication dans le sens des considérants de l'arrêt, subsidiairement à la constatation du caractère illicite de l'adjudication litigieuse, à l'octroi en sa faveur d'un délai adéquat pour quantifier et motiver sa prétention en réparation de son dommage et à son indemnisation pour le dommage subi.

8) Dans ses observations du 9 mai 2019, l'hospice a conclu au rejet de la demande de restitution de l'effet suspensif et, au fond, du recours dans la mesure de sa recevabilité.

9) Par écriture du même jour, la CRG a pris les mêmes conclusions.

10) Par pli du 23 mai 2019, l'hospice a informé la chambre administrative que jusqu'à droit jugé sur effet suspensif, il conclurait un contrat à titre précaire, renouvelable de mois en mois, avec le prestataire actuel - la CRG - jusqu'à ce que le marché adjugé puisse être contractualisé.

11) Par décision du juge délégué du 25 juillet 2019 faisant suite à plusieurs courriers des parties au sujet de la consultation des pièces - y compris un écrit de la recourante du
24 mai 2019 contenant des arguments au fond -, la chambre administrative décidé que l'entier du document de la CRG « Offre de base - prestations en interprétariat communautaire en milieu social de la Croix-Rouge genevoise » était consultable par Connexxion - laquelle avait produit l'entier de son offre à l'appui de son recours -, que les autres parties caviardées - produites le 21 mai 2019 - de l'offre de la CRG n'étaient pas accessibles à la recourante et que l'entier du tableau comparatif établi par l'hospice était consultable par les soumissionnaires parties.

12) Par observations du 6 septembre 2019, Connexxion a maintenu et développé ses arguments.

13) Par écrit du 6 septembre 2019, la CRG a maintenu sa conclusion de refus de l'effet suspensif au recours.

14) Par détermination du 16 septembre 2019 faisant suite aux observations de Connexxion du 6 septembre 2019, l'hospice a réitéré ses conclusions du 9 mai 2019.

15) Le même jour, la CRG a répliqué sur effet suspensif et a produit un document - partiellement caviardé - émanant d'elle-même et intitulé « Procédure relative à la prévention des conflits et à la protection de la personnalité au travail ».

16) Le 26 septembre 2019, Connexxion a dupliqué sur effet suspensif.

17) Par lettre de la chambre administrative du 1er octobre 2019, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur effet suspensif et mesures provisionnelles.

18) Par courrier du 17 octobre 2019, la chambre administrative a transmis aux parties les écrits spontanés de la CRG du 2 octobre 2019 et de Connexxion du 4 octobre 2019, avec la précision qu'aucun nouveau courrier spontané de la part des parties ne serait accepté.

Considérant, en droit, que :

1) Le recours, interjeté en temps utile devant l'autorité compétente, est recevable de ces points de vue, en application des art. 15 al. 2 de l'Accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 (AIMP - L 6 05), 3 al. 1 de la loi autorisant le Conseil d'État à adhérer à l'accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 (L-AIMP -
L 6 05.0) et 56 al. 1 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 (RMP - L 6 05.01).

2) Aux termes des art. 17 al. 1 AIMP et 58 al. 1 RMP, le recours n'a pas d'effet suspensif. Toutefois, en vertu des art. 17 al. 2 AIMP et 58 al. 2 RMP, l'autorité de recours peut, d'office ou sur demande, restituer cet effet pour autant que le recours paraisse suffisamment fondé et qu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose.

L'examen de la requête suppose une appréciation prima facie du bien-fondé du recours ; le but est alors de refuser l'effet suspensif au recours manifestement dépourvu de chances de succès, dont le résultat ne fait aucun doute ; inversement, un diagnostic positif prépondérant ne suffit pas d'emblée à justifier l'octroi d'une mesure provisoire mais suppose de constater et de pondérer le risque de préjudice (ATA/1581/2017 du 7 décembre 2017 consid. 2, et les arrêts cités ; Benoît BOVAY, Recours, effet suspensif et conclusion du contrat, in Jean-Baptiste ZUFFEREY/Hubert STÖCKLI, Marchés publics 2010, Zurich 2010, pp. 311-341, p. 317 n. 15).

La restitution de l'effet suspensif constitue cependant une exception en matière de marchés publics, et représente une mesure dont les conditions ne peuvent être admises qu'avec restriction (ATA/1581/2017 précité consid. 2, et les arrêts cités).

3) a. L'AIMP a pour objectif l'ouverture des marchés publics, notamment des communes (art. 1 al. 1 AIMP). Il vise à harmoniser les règles de passation des marchés et à transposer les obligations découlant de l'accord GATT/OMC ainsi que de l'accord entre la communauté européenne et la Confédération suisse (art. 1 al. 2 AIMP). Il poursuit plusieurs objectifs, soit assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires (art. 1 al. 3 let. a AIMP), garantir l'égalité de traitement entre ceux-ci et assurer l'impartialité de l'adjudication (art. 1 al. 3 let. b AIMP), assurer la transparence des procédures de passation des marchés (art. 1 al. 3 let. c AIMP) et permettre l'utilisation parcimonieuse des données publiques (art. 1 al. 3 let. d AIMP). Ces principes doivent être respectés, notamment dans la phase de passation des marchés (art. 11 AIMP, notamment let. a et b AIMP).

b. Aux termes de l'art. 24 RMP, l'autorité adjudicatrice choisit des critères objectifs, vérifiables et pertinents par rapport au marché ; elle doit les énoncer clairement et par ordre d'importance au moment de l'appel d'offres.

En vertu de l'art. 43 RMP, l'évaluation des offres dans les procédures visées aux
art. 12 à 14 RMP est faite selon les critères prédéfinis conformément à l'art. 24 RMP et énumérés dans l'avis d'appel d'offres et/ou les documents d'appel d'offres (al. 1). Le résultat de l'évaluation des offres fait l'objet d'un tableau comparatif (al. 2). Le marché est adjugé au soumissionnaire ayant déposé l'offre économiquement la plus avantageuse, c'est-à-dire celle qui présente le meilleur rapport qualité/prix. Outre le prix, les critères suivants peuvent notamment être pris en considération : la qualité, les délais, l'adéquation aux besoins, le service après-vente, l'esthétique, l'organisation, le respect de l'environnement (al. 3).

c. La jurisprudence reconnaît une grande liberté d'appréciation au pouvoir adjudicateur (ATF 125 II 86 consid. 6), l'appréciation de la chambre administrative ne pouvant donc se substituer à celle de ce dernier, seul l'abus ou l'excès de pouvoir d'appréciation devant être sanctionné (ATF 130 I 241 consid. 6.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2P.111/2003 du 21 janvier 2004 consid. 3.3 ; 2P.172/2002 du 10 mars 2003
consid. 3.2). En outre, pour que le recours soit fondé, il faut encore que le résultat, considéré dans son ensemble, constitue un usage abusif ou excessif du pouvoir d'appréciation (décision de la Commission fédérale de recours en matière de marchés publics du 29 juin 1998, publiée in JAAC 1999 p. 136 consid. 3a).

4) a. En l'espèce, après un grief afférent à une violation de son droit d'être entendu du fait d'un manque de motivation de la décision querellée, la recourante a fait valoir initialement, soit dans son acte de recours et avant de disposer des pièces du dossier consultables selon la décision de la chambre de céans du 25 juillet 2019, que les notes attribuées pour les critères 2 et 3 par l'intimé à la CRG seraient arbitraires car ne tenant pas compte des dysfonctionnements de celle-ci ni de l'absence de satisfaction de ses clients utilisateurs pour l'interprétariat puisque ces derniers se voyaient dans l'obligation de faire appel aux services de la recourante alors qu'elle n'était pas le prestataire désigné en première ligne. La propre offre de Connexxion n'aurait pas été notée de manière suffisamment élevée et il n'aurait notamment pas été pris en considération que
M. BONNET bénéficiait d'une expérience solide dans le cadre de l'interprétariat, dans la mesure où il avait occupé la fonction de responsable de service pour la CRG dans ce domaine entre autres.

b. Concernant le critère 1 (« prix »), dans ses observations du 6 septembre 2019, après accès aux pièces du dossier conformément à la décision précitée de la chambre de céans, la recourante estime que l'hospice ne parvient pas à justifier la note de 4,2 attribuée à la CRG pour l'élément d'appréciation - ou sous-critère - qu'est la première heure d'interprétariat. L'intimé rétorque que cette note résulte de l'application de la formule au carré T2 conformément au « Guide romand pour les marchés publics » et de la pondération.

Outre que la question de l'éventuelle tardiveté d'un grief afférent au prix, énoncé à un stade ultérieur au recours, se pose, il semble qu'en l'état les arguments de Connexxion, qui a obtenu la note maximale 5 pour cet élément d'appréciation, reposent essentiellement sur des suspicions et ne contiennent pas de critique précise et concrète de l'application de la formule T2 par l'hospice.

c. Pour ce qui est du critère 2 (« qualité du soumissionnaire »), en particulier des griefs de Connexxion relatifs à l'élément d'appréciation « aspect social (dont la participation du soumissionnaire à l'effort de réinsertion des bénéficiaires de l'hospice), environnemental et certifications », on ne voit prima facie pas en quoi il serait problématique que l'hospice ait pris en compte en faveur de la CRG l'« aide aux devoirs » après avoir mentionné que de nombreux interprètes de celle-ci sont issus de la migration, pour le sous-élément d'appréciation « réinsertion des bénéficiaires Hg », ainsi que la « permaculture » pour le sous-élément d'appréciation « aspect environnemental ». Au demeurant, la recourante n'a pas recouru contre l'appel d'offres (art. 15 al. 1bis let. a AIMP et 55 let. a RMP ; ATA/970/2019 du 4 juin 2019 consid. 6). Par ailleurs, il ne paraît en l'état pas démontré que le fait que le point positif « mise à disposition de
2 psychologues » ait été mentionné en faveur de la CRG alors qu'il émanait de l'offre de Connexxion (p. 15 de son offre), certes erroné, aurait eu un quelconque impact sur la notation du sous-élément d'appréciation « aspect social », ce d'autant moins qu'il n'est qu'un des nombreux commentaires de l'intimé concernant ce sous-élément d'appréciation et que la CRG dispose d'une « procédure relative à la prévention des conflits et à la protection de la personnalité au travail » avec notamment, « à l'externe », la possibilité d'un appel à une personne de confiance (ch. 3.5.2).

Au grief de Connexxion selon lequel l'hospice aurait retenu à tort, dans ses commentaires portant sur l'élément d'appréciation « caractéristique et organisation », que la CRG offrirait ses prestations sept jours sur sept, 24 heures sur 24, celle-ci répond que tel serait bien le cas, comme expressément prévu au ch. 1.3 de son document « Offre de base - prestations en interprétariat communautaire en milieu social de la Croix-Rouge genevoise », la demande d'interprète pouvant être formulée par la plateforme électronique à tout moment ou par le biais du secrétariat durant les heures d'ouverture (de 9h00 à 17h00). Sur la base d'un examen sommaire, on ne voit pas ce qui pourrait mettre en cause cette explication de l'intimée. En outre, s'agissant de ce même élément d'appréciation, la recourante ne paraît prima facie pas démontrer le caractère problématique du fait que l'intimé a mentionné, dans ses commentaires, le « certificat qualité » de ProFormations en faveur de la CRG et portant sur le système de management mis en place par cette dernière dans les domaines des « prestations SEMO » (semestre de motivation) et « Inserres » (programmes d'insertion).

d. S'agissant du critère 3 (« qualité de l'offre »), en particulier de l'élément d'appréciation « couverture en interprètes et langues », le grief de la recourante à teneur duquel il y aurait une contradiction entre le « nombre d'heures moyen par semaine » des interprètes de la CRG, autour de 40 heures selon l'annexe 3 à son offre, et la convention collective de travail sur le personnel employé à l'heure et à la demande qui lie celle-ci à des syndicats (ci-après : la CCT), paraît prima facie dénué d'actualité. En effet, conformément à un avenant demandé en 2018 par les syndicats, préparé en février 2019 et adopté le 5 juillet 2019, le plafond maximal de 14 heures par semaine imposé audit personnel a été abrogé.

e. Toujours concernant l'élément d'appréciation « couverture en interprètes et langues », dans son écriture du 26 septembre 2019, Connexxion fait valoir une contradiction résultant des indications de la CRG dans ladite annexe 3 : pour un « nombre d'heures moyen par semaine » de 3'088 pour les interprètes de niveau de qualification
(cf. ch. 6.2 du cahier des charges) a, 4'324 pour ceux de niveau b et 40 pour celui de niveau c, soit au total 7'452 - étant précisé que le nombre total de demandes de l'hospice sur les quatre derniers trimestres était de 7'495 -, le fait qu'il y ait 127 « interprètes (non dédoublés) » de l'intimée conduirait à un nombre d'heures par semaine pour un interprète de 58,68, ce qui constituerait une violation crasse du droit du travail ou une information fausse. La CRG réplique le 2 octobre 2019 que ce calcul ne tient pas compte du fait que de nombreux interprètes travaillent dans plusieurs langues, le nombre d'heure total de 7'452 devant être confronté au nombre d'interprètes de niveau a de 81, de niveau b de 125 et de
1 de niveau c, soit au total 207, pour un résultat de 36 heures de moyenne de disponibilité - et non de travail effectif - par semaine. La recourante duplique le 4 octobre 2019 que, pour les nombreux interprètes qui parlent deux langues (par exemple le bosniaque et le serbo-croate), cette moyenne de 36 heures hebdomadaires devrait être doublée.

Cela étant, le ch. 6.2 du cahier des charges indique qu'afin de garantir des prestations sur le maximum de langues, « le soumissionnaire complétera l'annexe 3 du cahier des charges en indiquant le nombre d'interprètes par langue qu'il a à sa disposition ainsi que le niveau de qualification (a, b ou c) et le nombre d'heures hebdomadaire moyen (a, b ou c) que ces derniers/ères peuvent lui garantir ». À la fin dudit chiffre, il est précisé en gras que « la couverture des langues souhaitées et la disponibilité des interprètes définies sous annexe 3 seront fortement pondérées lors de l'évaluation ». Toutefois, l'annexe 3 susmentionnée ne paraît prima facie constituer qu'un tableau indicatif, apparemment difficile à remplir par les soumissionnaires - Connexxion n'a pas complété plusieurs cases relatives aux totaux en bas de ce document -, dont l'importance semble devoir être relativisée. L'hospice a en effet principalement relevé dans ses commentaires que « toutes les langues demandées sont couvertes » - l'appréciation qui semble essentielle sur ce point - pour la recourante et l'intimée, auxquelles la même note 4,0 a été attribuée pour cet élément d'appréciation. Au demeurant, aucune information trompeuse ou erronée de la part de la CRG ne paraît en l'état démontrée sur ce point.

f. Pour ce qui est de l'élément d'appréciation « qualité du système en ligne », la CRG a obtenu les notes 2,0 pour le sous-élément ch. 7 du cahier des charges (« qualité du système de reporting »), 2,0 pour le ch. 6.3 point 7 (validation à la suite de l'entretien) et 3,0 pour le ch. 6.3 point 9 (possibilité d'échanger en cas de litige entre utilisateurs et prestataire), contre 4,0, 4,0 et 4,5 pour Connexxion.

Selon la recourante, l'intimée aurait dû recevoir la note 0 pour son système de reporting qui n'existait pas au moment de la soumission, alors qu'elle-même aurait dû obtenir la note maximale 5.

Selon l'intimé, le nouveau système en ligne de la CRG répondait à ses attentes, avec un minimum d'avantages. Si ce système avait été opérationnel et éprouvé au moment de la prise d'effet du marché - le 1er juin 2019 -, il aurait également obtenu la note 4,0, la note 2,0 sanctionnant le fait que le nouveau système n'était pas opérationnel à ce moment-là. Il ressort à cet égard des commentaires de l'hospice dans le tableau comparatif que le nouveau système de reporting de l'intimée correspondra à ses attentes, mais qu'après audition de celle-ci, il s'avère qu'il sera disponible au plus tôt en septembre 2019 et au plus tard en janvier 2020.

En outre, la recourante semble elle-même admettre l'existence d'un système de reporting de l'intimée avant le 1er juin 2019 en alléguant qu'il n'est pas à jour et qu'il présentait en janvier 2019 un retard de plus de six mois. On ne voit cependant pas en l'état sur quoi ces dernières allégations reposeraient. D'après l'intimé, le système de reporting utilisé par la CRG en 2018 était opérationnel et fonctionnait à satisfaction.

Au regard de ces circonstances, sur la base d'un examen sommaire du cas, il ne paraît en l'état pas possible de retenir que l'hospice aurait outrepassé sa liberté d'appréciation en attribuant, pour ce sous-élément d'appréciation, à Connexxion la note 4,0 (« bon et avantageux ») au lieu de 5.0 (« très intéressant »), et à la CRG 2,0 (« partiellement suffisant »).

g. Vu ce qui précède, les griefs invoqués par la recourante ne paraissent prima facie pas suffisamment fondés pour justifier une restitution de l'effet suspensif au recours.

La demande de restitution de l'effet suspensif sera donc rejetée, le sort des frais de la procédure étant réservé jusqu'à droit jugé au fond.

5) Un délai au 14 novembre 2019 sera imparti à Connexxion et à la CRG pour formuler, si elles le souhaitent, des observations finales au fond.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse de restituer l'effet suspensif au recours interjeté le 18 avril 2019 par Connexxion Sàrl contre la décision de l'Hospice général du 5 avril 2019 ;

impartit un délai au 14 novembre 2019 à Connexxion Sàrl et à la Croix-Rouge genevoise, Association cantonale de la Croix-Rouge suisse pour formuler leurs éventuelles observations finales au fond ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu'à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF-RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n'est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

si elle soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les

art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de
l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique la présente décision à Me Enis Daci, avocat de la recourante, Me Bertrand Reich, avocat de l'Hospice général, ainsi qu'à Me Soile Santamaria, avocate de la
Croix-Rouge genevoise.

 

 

La présidente :

 

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :