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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3606/2019

ATA/1537/2019 du 18.10.2019 ( FORMA ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3606/2019-FORMA ATA/1537/2019

 

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 18 octobre 2019

sur mesures provisionnelles

 

dans la cause

 

Madame A______

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE

 



Attendu, en fait, que :

1) Madame A______, née le ______ 2000, est hémiplégique de naissance et souffre d'épilepsie.

2) En août 2016, elle a commencé un cursus secondaire à l'école de culture générale (ci-après : ECG) B______, bénéficiant vu son handicap d'un aménagement lui permettant d'effectuer la première année en deux ans.

3) À l'issue de la deuxième année, en juin 2018, elle n'a pas été promue, ayant une moyenne générale de 4,1 mais quatre disciplines insuffisantes et un écart négatif par rapport à la moyenne de 3,3.

4) En août 2018, Mme A______ a intégré une première année d'apprentissage d'employée de commerce, profil B, voie plein temps à l'école de commerce (ci-après : EC) C______.

5) En janvier 2019, à l'issue du premier semestre, Mme A______ était en situation de non-promotion, avec une moyenne « école » de 4,3, un écart négatif de 1,5 (sur un maximum de 2), deux disciplines insuffisantes (soit le maximum admissible) et un total du domaine d'enseignement spécifique de 15,5 (au lieu des 16 requis). Elle a ainsi bénéficié d'une promotion par dérogation au deuxième semestre.

6) À l'issue du second semestre, la situation de promotion de Mme A______ n'a pas été testée, mais elle ne remplissait pas les conditions de promotion, avec une moyenne « école » de 4,0, un écart négatif de 3,0, deux disciplines insuffisantes (soit le maximum admissible) et un total du domaine d'enseignement spécifique de 11.

7) Le 3 juin 2019, un entretien s'est tenu au sujet de Mme A______, en sa présence, entre ses parents et la direction de l'EC C______.

8) Par décision du 28 juin 2019, la direction de l'EC C______ n'a accordé à Mme A______ ni promotion par dérogation ni redoublement.

9) Le 16 juillet 2019, Mme A______ a recouru contre cette décision auprès de la direction générale de l'enseignement secondaire II (ci-après : DGES II).

10) Par décision du 26 août 2019, la DGES II a rejeté le recours.

S'il était indéniable que le handicap de Mme A______ avait eu un impact négatif sur sa scolarité, ses faiblesses dans les branches spécifiques à la matière commerciale, à savoir la gestion et l'information-communication-administration (ci-après : ICA), laissaient transparaître une erreur d'orientation.

Par ailleurs, certains besoins spécifiques liés au handicap de Mme A______ n'avaient pas été communiqués à l'école, si bien que l'on ne pouvait pas reprocher à cette dernière l'absence d'aménagements sur ces points.

11) Par acte posté le 29 septembre 2019, Mme A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision sur recours précitée, concluant préalablement à être autorisée à suivre la première année d'apprentissage pendant la durée de la procédure, et principalement à la réformation de la décision attaquée et à être autorisée à redoubler sa première année d'apprentissage.

L'année scolaire ayant commencé, et eu égard à son intérêt privé prépondérant à poursuivre sa formation, elle demandait à pouvoir suivre les enseignements de la première année pendant la durée de la procédure, sans quoi il lui serait très difficile d'intégrer une classe en cours d'année en cas d'admission de son recours.

12) Le 8 octobre 2019, la DGES II a conclu au rejet de la demande de mesures provisionnelles.

Mme A______ ne satisfaisait pas aux normes de promotion ni de promotion par dérogation. L'autoriser à réintégrer l'école par voie de mesures provisionnelles reviendrait à lui attribuer de manière provisoire ses conclusions au fond, ce qui était contraire à la jurisprudence.

13) Sur ce, la cause a été gardée à juger sur mesures provisionnelles.

Considérant, en droit, que :

1) La compétence pour ordonner la restitution de l'effet suspensif au recours appartient au président ou au vice-président de la chambre administrative ou, en cas d'empêchement de ceux-ci, à un juge (art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 septembre 2017).

2) Aux termes de l'art. 21 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), l'autorité peut d'office ou sur requête ordonner des mesures provisionnelles en exigeant au besoin des sûretés (al. 1) ; ces mesures sont ordonnées par le président s'il s'agit d'une autorité collégiale ou d'une juridiction administrative (al. 2).

En vertu de l'art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsqu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (al. 3).

3) Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles - au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) - ne sont légitimes que si elles s'avèrent indispensables au maintien d'un état de fait ou à la sauvegarde d'intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/1514/2019 du 14 octobre 2019 consid. 5 ; ATA/1467/2019 du 2 octobre 2019 consid. 4 ; ATA/1430/2019 du 26 septembre 2019). Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu'aboutir abusivement à rendre d'emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités).

Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, 265).

4) Par ailleurs, l'effet suspensif ne peut être restitué lorsque le recours est dirigé contre une décision à contenu négatif ; la fonction de l'effet suspensif est de maintenir un régime juridique prévalant avant la décision contestée (ATF 127 II 132 ; 126 V 407 ; 116 Ib 344).

5) En l'espèce, la décision attaquée refuse tant la promotion que le redoublement par dérogation. Il s'agit donc d'une décision négative, et c'est ainsi à juste titre que la recourante sollicite l'octroi de mesures provisionnelles.

Admettre sa demande aurait néanmoins pour effet de l'autoriser à rester étudiante de l'EC C______ alors même qu'elle n'en remplit pas les critères de promotion ni de redoublement, fût-ce par dérogation ; et donc de faire ainsi droit, de manière provisoire, à ses conclusions sur le fond, ce qui est en principe prohibé (ATA/1609/2017 du 13 décembre 2017 ; ATA/448/2016 du 31 mai 2016 consid. 4). Il n'y a en l'occurrence aucune circonstance particulière qui justifierait une exception à cette règle, car quand bien même la recourante se prévaut de sa situation de handicap à cet égard, seule l'instruction au fond du recours permettra de déterminer si celle-ci pourrait justifier le non-respect des règles ordinaires de promotion et de redoublement.

Cette solution est du reste conforme à la jurisprudence constante de la chambre administrative qui, lorsqu'elle en est requise dans le cadre des recours dont elle est saisie contre des décisions d'élimination, refuse de restituer l'effet suspensif ou de prononcer des mesures provisionnelles autorisant l'étudiant à poursuivre ses études (ATA/1474/2019 du 4 octobre 2019 ; ATA/879/2019 du 13 mai 2019 ; ATA/103/2019 du 30 janvier 2019 ; ATA/1609/2017 précité ; ATA/448/2016 précité ; ATA/74/2015 du 20 janvier 2015).

6) La restitution de l'effet suspensif sera donc refusée, le sort des frais de la procédure étant réservé jusqu'à droit jugé au fond.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette la demande de mesures provisionnelles ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu'à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______ ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

 

 

La vice-présidente :

 

 

 

F. Krauskopf

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :