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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3422/2018

ATA/1482/2019 du 08.10.2019 ( LOGMT ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3422/2018-LOGMT ATA/1482/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 8 octobre 2019

1ère section

 

dans la cause

 

M. A______

contre

OFFICE CANTONAL DU LOGEMENT ET DE LA PLANIFICATION FONCIÈRE

 



EN FAIT

1) Par écrit du 6 octobre 2009, l'office du logement, devenu depuis lors l'office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF ou l'office), a accepté la demande de location formulée par Mme B______ A______ et M. A______ (ci-après : M. A______) pour un logement, sous régime HBM, de 5 pièces au 6ème étage de l'immeuble rue C______ _______ à Genève, avec date d'entrée au 15 octobre 2009, pour un loyer annuel de CHF 31'224.-.

Les deux époux ont occupé cet appartement avec leurs deux fils, nés en 1992 et 1995.

2) Le 17 septembre 2013, l'office a adressé aux époux A______ un avis de situation 2013, retenant un loyer annuel sans charge de CHF 31'224, un barème d'entrée de CHF 156'120.-, un barème de sortie de CHF 273'210.-, un taux légal d'effort de 20 %, une fortune annuelle de CHF 682'867.-, un revenu annuel brut de CHF 155'205.- pour quatre personnes, soit les époux et leurs deux fils, un « revenu LRD » (revenu annuel brut x 0,91) de CHF 141'237.- et, après des déductions forfaitaires de CHF 27'500.-, un « revenu déterminant LGL » de
CHF 113'737.-.

Le 27 août 2014, il a envoyé aux intéressés un avis de situation 2014 retenant les mêmes montants.

Le 28 août 2015, il leur a adressé un avis de situation 2015, retenant un taux légal d'effort de 20 %, une fortune annuelle de CHF 687'916.-, un revenu annuel brut de CHF 202'608.- pour quatre personnes, un « revenu LRD » de
CHF 184'373.- et, après des déductions forfaitaires de CHF 27'500.-, un « revenu déterminant LGL » de CHF 156'873.-.

Dans chacun de ces avis de situation, il était rappelé à Mme B______ A______ et M. A______ qu'ils devaient en tout temps signaler à l'OCLPF une modification de situation, tant dans la composition du groupe de personnes occupant le logement que dans les revenus. À défaut, ils s'exposeraient à devoir restituer des prestations indûment touchées et/ou verser des surtaxes pour des périodes antérieures. En particulier, si les données indiquées dans l'avis s'avéraient inexactes ou incomplètes, notamment quant aux revenus actuels, il leur appartiendrait d'adresser à l'office toutes pièces utiles ainsi qu'une copie dudit avis.

Ces avis de situation n'ont fait l'objet d'aucune réaction de la part des intéressés.

3) Par décision du 20 septembre 2016, l'OCLPF a astreint les époux A______ à lui payer une surtaxe de CHF 11'091.60 par an, CHF 924.30 par mois, pour la période d'application du 1er avril 2016 au 31 mars 2017, sur la base des mêmes montants et nombre de personnes que selon l'avis de situation 2015, mais compte tenu d'un loyer annuel (sans charges) réduit à CHF 21'852.- et un taux d'effort légal porté à 21 %.

Par décision du 16 mars 2017, l'office les a astreints à payer la même surtaxe, sur la base des mêmes éléments que selon la décision du 20 septembre 2016, mais pour la période d'application du 1er avril 2017 au 31 mars 2018.

Ces décisions n'ont pas été contestées par les intéressés.

4) Par décision du 16 mars 2018, l'OCLPF a astreint les époux A______ à lui payer une surtaxe de CHF 3'048.25 par mois pour la période d'application du
1er avril 2018 au 31 mars 2019, sur la base d'un loyer annuel (sans charges) de CHF 21'852.-, un taux légal d'effort de 29 %, une fortune nette totale de
CHF 860'862.-, un revenu annuel « LRDU » de CHF 228'987.- - conformément à l'attestation annuelle 2018 pour le revenu déterminant unifié
(ci-après : RDU) établie le 10 avril 2018 par le centre de compétence du RDU - pour quatre personnes, et, après des déductions forfaitaires de CHF 27'500.-, un « revenu déterminant LGL » de CHF 201'487.-.

Par courrier du 11 mars 2018 et courriel du 9 avril suivant, les époux A______ ont sollicité un entretien avec l'OCLPF et se sont plaints de l'inexactitude de certains éléments retenus dans la décision du 16 mars 2018, en particulier la fortune nette qui s'élevait, selon l'avis de taxation de l'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) 2016, à CHF 695'184.- (au lieu de
CHF 860'862.-) ainsi que le revenu annuel LRDU, ledit avis de taxation retenant un revenu brut de CHF 193'501.-.

Lors d'un entretien téléphonique du 17 avril 2018, l'OCLPF a dit à
M. A______ que sa directive PA/L/025.07 « Pratique administrative de [l'OCLPF] - remises » (ci-après : la directive PA/L/025.07) serait appliquée aux époux pendant un an dès le 1er avril 2018, ce qui ferait baisser la surtaxe à
CHF 1'700.- par mois.

Par décision du 18 avril 2018, l'office, tout en retenant les mêmes éléments de calcul, a abaissé la surtaxe mensuelle à CHF 1'705.-, la directive précitée prévoyant que les locataires qui se trouvaient subitement assujettis à une surtaxe massive à la suite d'une augmentation de leurs revenus pouvaient durant douze mois au maximum se voir appliquer un taux d'effort particulier.

Cette dernière décision n'a pas fait l'objet d'une contestation.

5) Par pli du 20 juin 2018, M. A______ a informé l'OCLPF d'un changement d'adresse pour son épouse et lui-même, leurs deux fils ainsi que
M. D______ A______ - frère de M. A______ qui s'est avéré être domicilié, selon le registre tenu par l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), à la même adresse que les époux A______ depuis le 25 octobre 2009 -, la nouvelle adresse étant à partir du 30 juin 2018, la rue E______ ______ à Genève.

6) Par lettre du 16 juillet 2018, l'office a requis des intéressés, dans un délai au 15 août 2018 et conformément à l'art. 10 al. 1 du « RLGL » (recte : règlement d'exécution de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du
24 août 1992 - RGL - I 4 05.01), la production des avis de taxation de l'ICC des époux pour les années 2016 et 2017, pour les années 2014 à 2017 concernant
M. D______ A______, des fiches de salaire pour les mois de janvier à juin 2018 ainsi que le retour de la déclaration de revenu brut mensuel annexée, dûment remplie, datée et signée.

7) Par pli reçu le 26 juillet 2018, M. A______ a réadressé à l'OCLPF son courrier du 20 juin 2018 avec, en bas, l'ajout manuscrit de « Suite au téléphone du 20 juillet 2018, le dossier a été annulé. Nous sommes en loyer libre / Plus aucune demande / Merci ».

8) Par décision du 8 août 2018, l'OCLPF a astreint les époux A______ au paiement d'une surtaxe rétroactive dès le 1er février 2014 et jusqu'au 30 juin 2018, soit le premier jour suivant la modification intervenue dans leur situation financière, d'une somme totale de CHF 213'148.50, résultant de l'addition de montants sur huit périodes et correspondant à la différence entre la surtaxe rectifiée pour la période entière et les paiements effectués d'avril 2016 à juin 2018. La surtaxe était annulée à compter du 1er juillet 2018.

Cette surtaxe rectificative et rétroactive tenait compte des revenus de
M. D______ A______ durant ladite période. En outre, les intéressés n'avaient pas communiqué en temps utile les modifications intervenues en 2014, 2015, 2016 et 2017 dans les revenus réalisés par le groupe de personnes occupant le logement - dont ceux des fils du couple à hauteur de CHF 5'564.- et
CHF 12'144.- annuellement pour les périodes du 1er février 2017 au 31 mars 2018 et du 1er avril 2018 au 30 juin 2018 -, contrairement au devoir d'information. Or, à teneur des attestations annuelles RDU 2016, 2017, 2018 et 2019 et des pièces versées au dossier, le revenu à retenir en réalité était tel qu'il excédait les normes fixées dans la loi générale sur le logement et la protection des locataires du
4 décembre 1977 (LGL - I 4 05) et son règlement d'exécution.

9) Le 15 août 2018, M. A______ a formé réclamation contre cette décision.

Son frère M. D______ A______, handicapé mental dont il était le curateur, n'avait en réalité jamais habité auprès des époux mais vivait au sein d'une institution spécialisée depuis 2009, comme indiqué dans une attestation d'une fondation du 13 août 2018. Il n'y avait donc pas lieu d'intégrer les revenus de
M. D______ A______ dans les calculs de l'office.

Les revenus de ses fils provenaient d'emplois d'étudiants, réalisés durant leurs études ou leur année sabbatique. Sans en connaître le montant exact, il n'avait pas pensé à les communiquer à l'OCLPF. En tous les cas, il s'agissait de revenus annexes et temporaires. À ce titre, il ne semblait pas pertinent de les reporter sur la dernière période de 2018 contrairement à ce qu'avait fait l'office dans ses calculs.

10) Par décision sur réclamation rendue le 5 septembre 2018 à l'intention des époux A______, l'OCLPF a admis cette réclamation et modifié sa décision initiale du 8 août 2018 dans la mesure qui suit.

M. D______ A______, étant légalement domicilié chez lesdits époux mais n'occupant pas le logement considéré comme montré par les documents produits avec la réclamation, l'office consentait à ne pas prendre en compte celui-là dans le calcul de la surtaxe.

En ne donnant en particulier pas suite aux avis de situation des 17 septembre 2013 et 27 août 2014 faisant état d'un revenu brut total de CHF 155'205.-, les époux A______ n'avaient pas respecté leur devoir d'information. Or, eu égard aux pièces versées au dossier, une différence de près de CHF 40'000.- avec les revenus effectivement réalisés dès l'année 2014 était constatée, ce changement significatif conduisant, en application de la directive PA/L/005.02 « Pratique applicable [l'OCLPF] - modification significative de revenus entraînant un examen rétroactif du droit aux prestations » (ci-après : la directive PA/L/005.02), à la perception d'une surtaxe rétroactive.

Les revenus pris en considération par l'office, en application de la loi sur le revenu déterminant unifié du 19 mai 2005 (LRDU - J 4 06) et du règlement d'exécution de la loi sur le revenu déterminant unifié du 27 août 2014 (RRDU -
J 4 06.01), n'étaient pas contestés, à l'exception de la prise en compte des revenus 2017 des deux enfants pour la période comprise entre le 1er février et 30 juin 2018. Dès lors que ces revenus 2017 découlaient d'emplois d'étudiants, il n'y avait effectivement pas lieu de les reporter en 2018.

Ainsi, c'était une surtaxe rétroactive d'un montant total de CHF 20'848.20, résultant de l'addition de montants sur six périodes, pour la période - entière - du 1er février 2014 et 30 juin 2018, qui était réclamée. En particulier, pour la période du 1er février 2014 au 31 janvier 2015, les surtaxes mensuelles s'élevaient à
CHF 738.65.

11) Par acte expédié le 1er octobre 2018 au greffe de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), M. A______ a formé recours contre cette décision sur réclamation.

Cette décision n'était pas suffisamment motivée.

Des griefs étaient émis quant au fond.

12) Par écriture du 15 octobre 2018, soit dans le délai imparti par la chambre administrative pour indiquer précisément ce à quoi il concluait pour chacune des six périodes énoncées dans la décision sur réclamation attaquée, avec une motivation pour chaque période, M. A______ a motivé son recours pour chacune des six périodes en cause et a conclu à l'annulation de la décision sur réclamation querellée.

En résumé, cette dernière ne respectait pas la procédure de contestation (réclamation puis voies de recours), n'était pas motivée car elle ne permettait pas d'être comprise, ne tenait pas compte des surtaxes qu'il avait payées les dernières années en conformité avec ses revenus, et contenait dans ses conclusions une erreur de calcul manifeste ou une omission incompréhensible (concernant les paiements de surtaxes déjà effectués).

Selon les avis de taxation de l'ICC des époux A______, leur revenu brut pris en compte se montait au total à CHF 203'452.- en 2014 et à
CHF 202'443.- en 2015.

13) Dans sa réponse du 22 novembre 2018, l'OCLPF a conclu au rejet partiel du recours et à la confirmation de l'assujettissement des époux A______ au paiement du montant de CHF 8'863.80 au titre de la surtaxe due pour la période du
1er février 2014 au 31 janvier 2015.

Pour la période du 1er février 2015 au 30 juin 2018, une révision du dossier des époux A______ par une décision de surtaxe rétroactive n'était pas justifiée, car la différence entre les revenus pertinents connus de l'office aux années en cause et les revenus en réalité réalisés était inférieure à CHF 10'000.- et donc non significative au sens de l'art. 9 al. 2 RGL comme indiqué dans la directive PA/L/005.12.

À teneur de l'attestation annuelle 2016 du RDU établie le 6 août 2018 par le centre de compétence du RDU, le RDU total du couple s'élevait en 2014 à
CHF 227'939.- (CHF 205'658.- pour le mari et CHF 22'281.- pour l'épouse).

14) Le recourant n'ayant pas répliqué dans le délai imparti par la chambre administrative, la cause a été gardée à juger.

15) Pour le surplus, les arguments des parties et certains faits seront, en tant que de besoin, repris dans la partie en droit ci-après.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) L'art. 14 RGL prescrit que le locataire qui conteste son assujettissement à la surtaxe ou le montant de celle-ci doit, dans le délai de trente jours dès réception du bordereau qui la fixe, adresser au service compétent une réclamation écrite avec indication des motifs et, s'il y a lieu, dépôt des pièces justificatives. La réclamation n'a pas d'effet suspensif (al. 1). La décision sur réclamation prise par le service compétent peut faire l'objet d'un recours dans les trente jours suivant sa notification. Dans ce cas, le service compétent restitue l'effet suspensif à la réclamation (al. 2). En cas de réclamation ou de recours, le locataire est tenu d'indiquer la somme qu'il reconnaît devoir et l'acquitter au plus tard dans le délai fixé par le bordereau. À défaut, l'autorité saisie peut déclarer la réclamation ou le recours irrecevable (al. 3). Les décisions définitives fixant les surtaxes sont assimilées à des jugements exécutoires, au sens de l'art. 80 de loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite du 11 avril 1889 (LP - RS 281.1 ; al. 4).

3) En l'occurrence, le grief du recourant relatif au non-respect de la procédure de réclamation est sans aucun fondement, puisque la procédure prévue par
l'art. 14 RGL a été suivie par l'intimée, laquelle pouvait parfaitement, conformément à l'art. 50 al. 2 LPA, modifier sa décision initiale, dans un sens qui lui était favorable, dans sa décision sur réclamation, sans rendre une nouvelle décision initiale sujette à réclamation.

4) Le droit d'être entendu, garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend notamment le droit d'obtenir une décision motivée. L'autorité n'est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives, mais doit se prononcer sur celles-ci (ATF 138 I 232 consid. 5.1 ;
137 II 266 consid. 3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_597/2013 du 28 octobre 2013 consid. 5.2 ; 2C_713/2013 du 22 août 2013 consid. 2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, p. 531 n. 1573). Il suffit, du point de vue de la motivation de la décision, que les parties puissent se rendre compte de sa portée à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; 138 I 232 consid. 5.1 ;
136 I 184 consid. 2.2.1).

La réparation d'un vice de procédure en instance de recours et, notamment, du droit d'être entendu, n'est possible que lorsque l'autorité dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure (ATF 138 I 97 consid. 4.16.1 ;
137 I 195 consid. 2.3.2 ; 133 I 201 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_533/2012 du 12 septembre 2013 consid. 2.1 ; ATA/1039/2019 du 18 juin 2019 consid. 4 ; ATA/747/2016 du 6 septembre 2016 consid. 4e et la doctrine citée). Elle dépend toutefois de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception (ATF 126 I 68 consid. 2 et la jurisprudence citée) ; elle peut cependant se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 ; 136 V 117 consid. 4.2.2.2 ; 133 I 201 consid. 2.2 ; ATA/1039/2019 précité consid. 4 ; ATA/666/2015 du
23 juin 2015 consid. 2b et les arrêts cités). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/1039/2019 précité consid. 4 ; ATA/453/2017 du 25 avril 2017 consid. 5c ; ATA/747/2016 précité consid. 4e et les références citées).

5) Dans le cas présent, la décision sur réclamation du 5 septembre 2018 attaquée, comme la décision initiale du 8 août 2018, est motivée de manière circonstanciée.

Certes, elle ne fournit pas, contrairement à la décision initiale, un tableau expliquant de manière précise le calcul de la surtaxe pour chacune des périodes considérées. Toutefois, quoi qu'il en soit, une éventuelle violation du devoir de motivation par l'office, même si elle était retenue, serait réparée, la chambre de céans disposant du même pouvoir d'examen que celui-ci vu le caractère technique, sans marge d'appréciation, des points litigieux. En outre, l'OCLPF a expliqué de manière précise son calcul concernant le seul point demeurant litigieux dans sa réponse au recours et l'intéressé a eu la possibilité de se déterminer à ce sujet par une réplique, ce qu'il n'a pas fait.

Ce grief est donc écarté.

6) a. Il est incontesté que jusqu'au 30 juin 2018, le logement du recourant appartenait à la catégorie 1, immeubles d'habitation bon marché (HBM), mentionnée à l'art. 16 al. 1 let. a LGL.

À teneur de l'al. 2 de cette disposition légale, l'accès à un logement de cette catégorie est déterminé en fonction des conditions relatives aux locataires définies aux art. 30 ss LGL.

b. Aux termes de l'art. 30 LGL, les logements visés à l'art. 16, catégories 1
et 2, sont destinés aux personnes dont le revenu, à la conclusion du bail, n'excède pas le barème d'entrée et dont le revenu, en cours de bail, n'excède pas le barème de sortie (al. 1 1ère phr.). Le barème d'entrée s'obtient en divisant le loyer effectif du logement (à l'exclusion des frais de chauffage et d'eau chaude et du loyer du garage) par le taux d'effort (al. 2). Le taux d'effort est de 20 % entre le 1er avril 2013 et le 1er avril 2015, de 21 % depuis lors, pour l'occupation d'un logement d'une pièce de plus que le nombre de personnes (al. 3 let. a). Les logements situés dans les immeubles visés à l'art. 16, catégories 1 et 2, doivent être impérativement offerts à des candidats locataires dont le revenu déterminant n'excède pas un certain pourcentage du barème d'entrée fixé par le règlement et situé entre 75 % et 95 % du dit barème (al. 4). Le barème de sortie correspond au barème d'entrée multiplié par 1,75 (al. 5).

En vertu de l'art. 31 LGL, le locataire dont le revenu dépasse le barème d'entrée est astreint au paiement d'une surtaxe (al. 1). La surtaxe correspond à la différence entre le loyer théorique et le loyer effectif du logement. La surtaxe, ajoutée au loyer, ne peut en aucun cas entraîner des taux d'effort supérieurs à ceux visés à l'art. 30 LGL (al. 2). Dès que le revenu du locataire dépasse le barème de sortie, le taux d'effort est porté à 28% et le propriétaire de l'immeuble peut être requis par le département chargé d'appliquer la loi de résilier le bail (al. 4). Le locataire dont le revenu dépasse le barème de sortie est avisé par le service compétent de ce dépassement et des conséquences qui en découlent (al. 6).

L'al. 1 de l'art. 31C LGL précise qu'au sens de ladite loi, par revenu, il faut entendre le revenu déterminant résultant de la LRDU, du titulaire du bail, additionné à celui des autres personnes occupant le logement, dont à déduire une somme de CHF 10'000.- pour la première personne, de CHF 7'500.- pour la deuxième personne et de CHF 5'000.- par personne dès la troisième personne occupant le logement (let. a) ; le taux d'effort est le pourcentage minimum du revenu déterminant à consacrer au loyer (let. d). Selon l'al. 2, le Conseil d'État édicte les dispositions d'exécution de la présente loi. Il détermine notamment la période de prise en considération du revenu, les normes d'occupation des logements, les conditions de perception de la surtaxe et celles d'octroi de l'allocation de logement.

À teneur de l'art. 9 RGL - intitulé « période de calcul du revenu déterminant » et se trouvant dans la section 1 relative aux « principe généraux » du chapitre II qui concerne les « conditions relatives aux locataires » -, le RDU actuel doit être pris en considération (al. 1). Il appartient au locataire de justifier sans délai au service compétent toute modification significative de revenu ainsi que tout changement dans la composition du groupe de personnes occupant le logement, survenant en cours de bail (al. 2). En cours de bail, à défaut d'annonce de modification de situation par le locataire, le service compétent peut tenir compte des revenus pris en considération pour l'impôt des années précédentes
(al. 3).

Conformément à l'art. 11 RGL - qui se trouve dans la section 2 afférente à la « surtaxe » du chapitre II -, la période d'application de la surtaxe visée à
l'art. 31C LGL s'étend du 1er avril de chaque année au 31 mars de l'année suivante (al. 1). En cas de modification du loyer autorisé durant cette période, la nouvelle surtaxe est calculée et prend effet le premier jour du mois où le nouveau loyer est exigible (al. 2). En cas de modification de situation, visée à l'art. 9
al. 2 RGL, le service compétent examine la nouvelle situation du locataire dans un délai de trente jours et fixe le nouveau montant de la surtaxe. La nouvelle surtaxe prend effet au plus tôt le premier jour du mois suivant la date de modification de la situation du locataire (al. 3).

Selon l'art. 34C RGL, intitulé « rétroactivité », le service compétent peut requérir du locataire la restitution de surtaxes impayées ou de prestations indûment touchées dans un délai de cinq ans.

7) a. En l'espèce, vu la reconsidération contenue dans la réponse de l'intimé du 22 novembre 2018 au recours, qui ne réclame désormais qu'une surtaxe de
CHF 8'863.80 (soit CHF 738.65 mensuellement) au lieu du montant de
CHF 20'848.20 retenu dans la décision sur réclamation querellée (art. 67
al. 2 LPA), seule ladite surtaxe de CHF 8'863.80 pour la période du 1er février 2014 au 31 janvier 2015 reste litigieuse (art. 67 al. 3 LPA).

b. Pour cette période du 1er février 2014 au 31 janvier 2015, le recourant, dans son recours du 1er octobre 2018 et son complément du 15 octobre 2018, admet ce qui suit : il a à cette époque augmenté son temps travail ; l'avis de situation 2014 n'était pas conforme à sa situation fiscale et ses revenus réels déclarés, qui se montaient à CHF 203'452.-. Selon lui, cela justifie une révision de la situation pour cette période, mais il indique ne pas être en mesure de savoir si une surtaxe devrait lui être facturée et, si oui, pour quel montant, l'office ne mentionnant aucun élément de compréhension. Par ailleurs, une modification du taux légal d'effort est intervenue après le 1er avril 2016 et ses revenus déclarés pour la période encore litigieuse restaient d'après l'intéressé bien inférieurs au barème de sortie fixé à CHF 273'210.-. En conséquence, la surtaxe réclamée pour la période du 1er février 2014 au 31 janvier 2015 doit selon lui être annulée dans l'attente d'une motivation de l'OCLPF.

c. Le dies a quo du 1er février 2014 et la période subséquente d'une année ne sont pas contestés, ni contestables. Ledit dies a quo correspond au premier jour du mois suivant la date de modification de la situation du locataire, selon l'art. 11
al. 3 RGL, l'intimé n'a pas pu faire porter la surtaxe rétroactive à une année antérieure à 2014 compte tenu du délai de l'art. 34C RGL.

Dans sa réponse du 22 novembre 2018, l'office a expliqué de manière précise, et non critiquable, le calcul menant à la surtaxe de CHF 8'863.80 (soit CHF 738.65 mensuellement) pour la période du 1er février 2014 au 31 janvier 2015, qui correspond à ce qu'il a réclamé pour ladite période dans sa décision sur réclamation : le revenu pris en compte est le RDU total du recourant et des autres occupants du logement (art. 31 al. 1 et 2 ainsi que 31C al. 1 let. a LGL), soit
CHF 227'939.-, auquel est soustraite la déduction forfaitaire pour quatre personnes, à savoir CHF 27'500.- (CHF 10'000.- + CHF 7'500.- + CHF 5'000.- + CHF 5'000.- ; art. 31C al. 1 let. a LGL), pour donner le « revenu déterminant LGL » de CHF 200'439.- ; le taux d'effort durant la période considérée s'élève à 20 % (art. 30 al. 3 let. a LGL), ce qui donne un loyer théorique de CHF 40'087.80 (CHF 200'439.- x 20 % ; art. 31C al. 1 let. d LGL) ; la différence entre ce loyer théorique et le loyer effectif à l'époque se chiffre à CHF 8'863.80, montant de la surtaxe réclamée (art. 31 al. 2 1ère phr. LGL) qui, ajoutée au loyer effectif, ne dépasse pas le taux d'effort (art. 31 al. 2 2ème phr. LGL).

Par ailleurs, le barème d'entrée retenu dans les avis de situation 2013, 2014 et 2015, de CHF 156'120.-, n'a pas été contesté par l'intéressé, ni à réception desdits avis, ni dans le cadre de la présente procédure, ce à juste titre, ce montant résultant effectivement de la division du loyer effectif du logement (sans les charges) de CHF 31'224.- par le taux d'effort de 20 % (art. 30 al. 2 LGL). Certes, les revenus des époux intéressés à prendre en compte (art. 31C al. 1 let. a LGL) n'excédaient pas le barème de sortie de CHF 273'210.- (CHF 156'120.- x 1,75 ; art. 30 al. 5 LGL), mais ce fait n'est pas pertinent car il concerne le droit en tant que tel des locataires à habiter le logement HBM (art. 30 al. 1 ainsi 31 al. 4
et 6 LGL). Ce qui est déterminant quant au principe d'une surtaxe est que le revenu au sens de l'art. 31C al. 1 let. a LGL dépasse le barème d'entrée (art. 31
al. 1 LGL). Or tel était le cas pour la période restant litigieuse : le « revenu déterminant LGL » de CHF 200'439.- dépassait le barème d'entrée
CHF 156'120.- à concurrence de CHF 44'229.-. Il n'apparaît pas critiquable que cette différence ait été considérée par l'OCLPF comme significative au sens de l'art. 9 al. 2 RGL, notamment car supérieure à CHF 10'000.- au regard de la directive PA/L/005.02.

d. Les époux intéressés n'ayant pas informé l'office de leur revenu réel en 2014, même tel que déterminé pour l'ICC (en l'occurrence CHF 203'452.-), l'intimé était en droit de leur réclamer rétroactivement la surtaxe impayée dans un délai de cinq ans, conformément à l'art. 34C RGL. Il est précisé qu'aucune surtaxe n'avait été réclamée auparavant par l'office pour la période du 1er février 2014 au 31 janvier 2015 restant litigieuse.

Vu ce qui précède, la décision sur réclamation querellée telle que modifiée par les termes de la réponse de l'intimé au recours est en tous points conforme au droit. La surtaxe de CHF 8'863.80 pour les douze mois du 1er février 2014 au
31 janvier 2015 est due.

Le recours sera ainsi partiellement admis, il sera donné acte à l'OCLPF de ce qu'il astreint le recourant, en tant que représentant du groupe des personnes occupant le logement en cause, au paiement d'une surtaxe de CHF 8'863.80 pour la période du 1er février 2014 au 31 janvier 2015, ladite décision sur réclamation étant confirmée dans cette seule mesure.

8) Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA ; art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03 ; ATA/299/2014 du 29 avril 2014 consid. 9). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée au recourant, qui n'y a pas conclu ni n'a agi par un mandataire ou fait valoir des frais particuliers liés au recours (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 1er octobre 2018 par M. A______ contre la décision sur réclamation de l'office cantonal du logement et de la planification foncière du 5 septembre 2018 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

donne acte à l'office cantonal du logement et de la planification foncière de ce qu'il astreint M. A______, en tant que représentant du groupe des personnes occupant le logement en cause, au paiement d'une surtaxe de CHF 8'863.80 pour la période du 1er février 2014 au 31 janvier 2015 ;

confirme la décision sur réclamation de l'office cantonal du logement et de la planification foncière du 5 septembre 2018 dans cette seule mesure ;

dit qu'il n'est perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à M. A______, ainsi qu'à l'office cantonal du logement et de la planification foncière.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :