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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3061/2019

ATA/1480/2019 du 08.10.2019 ( FPUBL ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3061/2019-FPUBL ATA/1480/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 8 octobre 2019

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Jacques-Alain Bron, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ, DE L'EMPLOI ET DE LA SANTÉ

 



EN FAIT

1) Par décision du 7 août 2019, déclarée exécutoire nonobstant recours, le conseiller d'État en charge du département de la sécurité, de l'emploi et de la santé (ci-après : DSES) a ouvert une procédure de reclassement concernant Madame A______, surveillante pénitentiaire.

2) Par acte déposé le lundi 26 août 2019, Mme A______ a, par l'intermédiaire d'un avocat, interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant préalablement à la restitution de l'effet suspensif au recours et, principalement à l'annulation de la décision et à la constatation de l'absence de motif fondé de résiliation des rapports de service (recours enregistré sous numéro de cause A/3061/2019).

3) Le même jour, accusant réception du recours précité, la chambre administrative a, par plis recommandé et simple, imparti à la recourante un délai au jeudi 5 septembre 2019 pour verser une avance de frais d'un montant de CHF 800.-, dont une partie visait spécifiquement à couvrir les frais de la procédure sur effet suspensif. Si la somme n'était pas payée dans le délai, le recours serait déclaré irrecevable.

4) Le 10 septembre 2019, le DSES a répondu sur effet suspensif.

5) Le 12 septembre 2019, l'avocat de la recourante a écrit à la chambre administrative. La demande d'avance de frais avait été réceptionnée le 28 août 2019 par un confrère, lui-même étant alors en vacances.

Le délai n'avait pas été respecté. Il avait procédé lui-même au paiement le 11 septembre 2019 et sollicitait la restitution du délai de paiement de l'avance de frais. Ce délai de cinq jours ouvrables était insuffisant au regard de l'art. 86 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10). La chambre administrative avait retenu qu'un délai d'une semaine restant au justiciable après l'expiration du délai de garde de sept jours à la poste était insuffisant et justifiait une restitution. Ce devait être à plus forte raison le cas lorsque le délai était imparti par courrier à un mandataire qui devait lui-même le transmettre à son client pour paiement ou demander une avance correspondante.

En l'espèce, les vacances du mandataire et de la recourante s'étaient chevauchées, ce qui avait perturbé les communications.

6) Le même jour, soit le 12 septembre 2019, la recourante a déposé un nouveau recours contre la même décision, en plaidant qu'il ne s'agissait pas d'une décision incidente mais finale, et que le délai pour recourir n'était donc pas de dix mais de trente jours (recours enregistré sous numéro de cause A/3331/2019).

7) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 al. 3 et 62 al. 1 let. b LPA).

2) a. L'exigence de l'avance de frais et les conséquences juridiques en cas de non-paiement de celle-ci relèvent du droit de procédure cantonal. Par conséquent, les cantons sont libres, dans le respect des garanties constitutionnelles, d'organiser cette matière à leur guise (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1022/2012 du 25 mars 2013 consid. 5.1 ; ATA/1262/2017 du 5 septembre 2017 consid. 2a et les références citées).

b. En vertu de l'art. 86 LPA, la juridiction invite le recourant à faire une avance ou à fournir des sûretés destinées à couvrir les frais de procédure et les émoluments présumables ; elle fixe à cet effet un délai suffisant (al. 1) ; si l'avance n'est pas faite dans le délai imparti, la juridiction déclare le recours irrecevable (al. 2).

Les juridictions administratives disposent d'une grande liberté d'organiser la mise en pratique de cette disposition et peuvent donc opter pour une communication des délais de paiement par pli recommandé (ATA/83/2018 du 30 janvier 2018 consid. 3a ; ATA/1477/2017 du 14 novembre 2017 consid. 3b ; ATA/1207/2017 du 22 août 2017 consid. 2b et les références citées). La référence au « délai suffisant » de l'art. 86 al. 1 LPA laisse une certaine marge d'appréciation à l'autorité judiciaire saisie (ATA/216/2018 du 6 mars 2018 consid. 3a ; ATA/1477/2017 précité consid. 3b ; ATA/1262/2017 précité consid. 2b et les références citées).

c. Aux termes de l'art. 16 LPA, un délai fixé par la loi ne peut être prolongé ; les cas de force majeure sont réservés (al. 1) ; le délai imparti par l'autorité peut être prolongé pour des motifs fondés si la partie en fait la demande avant son expiration (al. 2) ; la restitution pour inobservation d'un délai imparti par l'autorité peut être accordée si le requérant ou son mandataire a été empêché sans sa faute d'agir dans le délai fixé ; la demande motivée doit être présentée dans les dix jours à compter de celui où l'empêchement a cessé (al. 3).

d. À rigueur de texte, l'art. 86 LPA ne laisse aucune place à des circonstances extraordinaires qui justifieraient que l'avance de frais n'intervienne pas dans le délai imparti (ATA/216/2018 précité consid. 3a). Toutefois, selon la jurisprudence, il convient d'appliquer par analogie la notion de cas de force majeure de l'art. 16 al. 1 LPA afin d'examiner si l'intéressé a été empêché sans sa faute de verser l'avance de frais dans le délai fixé (ATA/636/2017 du 6 juin 2017 consid. 4b et les références citées). Tombent sous cette notion les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d'activité de l'intéressé et qui s'imposent à lui de façon irrésistible (ATA/1262/2017 précité consid. 4 et les références citées).

e. A été considéré comme un cas de force majeure donnant lieu à restitution de délai celui d'un recourant qui se voyait impartir, par pli recommandé, un délai de quinze jours pour s'acquitter d'une avance de frais alors que le délai de garde pour retirer le pli en question était de sept jours, de sorte qu'il ne restait qu'une semaine au justiciable pour s'exécuter (ATA/477/2009 du 20 septembre 2009 consid. 5). Dans ce dernier cas, qui concernait une décision de retrait de permis de conduire, le recours ne contenait pas de conclusions sur effet suspensif ou mesures provisionnelles ; le délai de quinze jours comprenait en outre le week-end pascal, et l'organe qui avait fixé les délais computait ceux-ci de manière peu orthodoxe.

f. Le formalisme excessif, prohibé par l'art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (ATF 135 I 6 consid. 2.1 ; 134 II 244 consid. 2.4.2 ; 130 V 177 consid. 5.4.1 ; 128 II 139 consid. 2a ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_734/2012 du 25 mars 2013 consid. 3.1 ; 2C_133/2009 du 24 juillet 2009 consid. 2.1 ; ATA/617/2017 du 30 mai 2017 consid. 5a).

De manière générale, la sanction du non-respect d'un délai de procédure n'est pas constitutive de formalisme excessif, une stricte application des règles relatives aux délais étant justifiée par des motifs d'égalité de traitement et par un intérêt public lié à une bonne administration de la justice et à la sécurité du droit (ATF 104 Ia 4 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_86/2010 du 4 octobre 2010 consid. 3.3).

Il n'y a pas de rigueur excessive à ne pas entrer en matière sur un recours lorsque, conformément au droit de procédure applicable, la recevabilité de celui-ci est subordonnée au versement d'une avance de frais dans un délai déterminé. Il faut cependant que son auteur ait été averti de façon appropriée du montant à verser, du délai imparti pour le paiement et des conséquences de l'inobservation de ce délai (ATF 104 Ia 105 consid. 5 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_734/2012 précité consid. 3.1 ; 2C_645/2008 du 24 juin 2009 consid. 2.2 ; 2C_250/2009 du 2 juin 2009 consid. 5.1). La gravité des conséquences d'un retard dans le paiement de l'avance sur la situation du recourant n'est pas pertinente (arrêts du Tribunal fédéral 2C_703/2009 du 21 septembre 2010 consid. 4.4.2 ; 2C_645/2008 précité consid. 2.2 ; 2C_450/2008 du 1er juillet 2008 consid. 2.3.4).

g. Selon la jurisprudence, le moment déterminant pour constater l'observation ou l'inobservation du délai est celui auquel la somme a été versée en faveur de l'autorité à la Poste suisse (que ce soit au guichet d'un bureau de poste ou lors d'un transfert depuis l'étranger) ou celui auquel l'ordre de paiement en faveur de l'autorité a été débité du compte postal ou bancaire du recourant ou de son mandataire (ATF 139 III 364 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_884/2017 du 22 février 2018 consid. 3.1.1 et les arrêts cités ; ATA/1170/2019 du 19 juillet 2019 consid. 3b).

3) En l'espèce, l'avance de frais a été payée avec retard.

La demande d'avance de frais, envoyée par plis recommandé et simple, précisait clairement les conséquences attachées au non-paiement de l'avance de frais, et le délai fixé était sans équivoque, ce que ne conteste pas la recourante.

Celle-ci se plaint en revanche d'un délai insuffisant, invoquant l'ATA/477/2009 déjà cité. Or les circonstances de ce dernier et celles du cas d'espèce diffèrent sur plusieurs points. Le plus notable est que la recourante concluait à la restitution de l'effet suspensif à son recours, ce qui suppose l'urgence de la situation (elle avait du reste introduit son recours dans le délai de dix jours de l'art. 62 al. 1 let. b LPA) ainsi que la prise rapide de mesures par la chambre administrative - qui dans ces cas écourte donc le délai habituel d'un mois environ pour payer l'avance de frais pour le réduire à quinze jours, avec envoi d'emblée d'un pli recommandé. En outre, quand bien même le dernier jour du délai tombait sur un jour férié genevois, la période de paiement de l'avance de frais ne se recoupait pas avec une période de suspension des délais légaux comme dans l'ATA/477/2009, ni même du reste avec une période de vacances scolaires, lesquelles venaient justement de s'achever au moment de l'envoi de la demande.

Le délai imparti doit donc être tenu pour suffisant au sens de l'art. 86 al. 1 LPA et de la jurisprudence fédérale sur le formalisme excessif, étant précisé que le mandataire de la recourante aurait pu en demander la prolongation conformément à l'art 16 al. 2 LPA.

L'intéressée ne fait par ailleurs valoir aucun cas de force majeure qui l'aurait empêchée de s'acquitter de l'avance de frais en temps utile. Le fait que la recourante et son avocat aient pris tous deux des vacances à cette période, lesquelles se chevauchaient, ne saurait à l'évidence constituer un tel cas de rigueur, étant rappelé que selon la jurisprudence, une personne qui introduit un recours doit s'attendre à recevoir des communications du tribunal (ATF 139 IV 228 consid. 1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_285/2019 du 28 août 2019, dans lequel le Tribunal fédéral a lui-même donné un délai de quinze jours pour payer l'avance de frais).

Dans ces circonstances, le recours doit être déclaré irrecevable pour défaut de paiement de l'avance de frais dans le délai imparti.

4) Au vu des circonstances d'espèce, aucun émolument ne sera mis à la charge de la recourante bien qu'elle succombe (art. 87 al. 1 LPA). Vu l'issue du litige, il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 26 août 2019 par Madame A______ contre la décision du département de la sécurité, de l'emploi et de la santé du 7 août 2019 ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jacques-Alain Bron, avocat de la recourante ainsi qu'au département de la sécurité, de l'emploi et de la santé.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, MM. Pagan et Verniory, Mmes Payot Zen-Ruffinen et Cuendet, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :