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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1984/2018

ATA/1492/2019 du 08.10.2019 sur JTAPI/868/2018 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1984/2018-PE ATA/1492/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 8 octobre 2019

2ème section

 

dans la cause

 

Madame A______

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 septembre 2018 (JTAPI/868/2018)


EN FAIT

1) Le 9 mai 2018, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a refusé d'octroyer à Madame A______, ressortissante canadienne née le ______ 1955, une autorisation de séjour et lui a fixé un délai au 9 juillet 2018 pour quitter la Suisse.

2) Par acte du 8 juin 2018, Mme A______, comparant en personne, a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision précitée, concluant à son annulation et à l'octroi de l'autorisation sollicitée.

3) Par pli recommandé du 11 juin 2018, le TAPI a fixé à Mme A______ un délai au 11 juillet 2018 pour s'acquitter d'un montant de CHF 500.- à titre d'avance de frais, sous peine d'irrecevabilité de son recours.

4) Le 27 juin 2018, Mme A______ a déposé une requête d'assistance juridique (ci-après : AJ) afin d'être notamment dispensée de l'avance de frais.

5) Le 23 juillet 2018, suite au rejet de la demande précitée, le TAPI a fixé à Mme A______, par pli recommandé (envoyé au foyer B______ [ci-après : le foyer], soit à l'adresse indiquée par Mme A______ dans son acte de recours) et sous peine d'irrecevabilité du recours, un nouveau délai au 22 août 2018 pour s'acquitter des CHF 500.- d'avance de frais.

Selon le suivi des envois de la Poste, ce pli a été distribué au guichet le 25 juillet 2018.

6) Par jugement du 18 septembre 2018, le TAPI a déclaré le recours de Mme A______ irrecevable. L'avance de frais n'avait pas été effectuée dans le délai imparti, rien ne permettant de retenir que l'intéressée avait été victime d'un empêchement non fautif de s'en acquitter en temps utile. Contrairement à un autre cas tiré de la jurisprudence cantonale, la demande d'avance de frais avait en l'espèce été correctement distribuée.

7) Par acte posté le 10 octobre 2018, Mme A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, sans prendre de conclusions formelles.

Elle confirmait avoir reçu au foyer la demande d'avance de frais datée du 25 juillet 2018, lui impartissant un délai au 12 septembre 2018 (sic) pour verser celle-ci.

Elle avait pris contact avec un organisme caritatif et avait procédé à la collecte de documents visant à étayer sa position au fond. Elle avait fait part de son souci de ne pas dépasser le délai du 12 septembre 2018 et de son souhait de bénéficier d'un chèque de CHF 500.- pour payer l'avance de frais, prestation qu'elle n'avait toutefois pas réussi à obtenir.

8) Le 17 octobre 2018, Mme A______ a déposé spontanément un complément à son recours. Elle concluait à ce que le délai de paiement de l'avance de frais lui soit restitué.

Elle avait été empêchée sans faute de sa part de payer l'avance de frais, dès lors qu'elle avait entrepris les démarches nécessaires en ce sens, et elle devait bénéficier d'une réduction ou d'une remise au sens de l'art. 129 let. c du code de procédure et de juridiction administrative du 23 mai 1991 (CJPA - RS/FR 150.1).

L'égalité de traitement n'avait de même pas été respectée entre les justiciables procédant devant le TAPI, qui déclarait le recours irrecevable sans donner au justiciable un second délai pour s'acquitter de l'avance de frais, et les autres tribunaux qui en général procédaient de cette dernière manière.

Enfin, en appliquant de façon stricte et sévère l'art. 86 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), le TAPI avait fait preuve de formalisme excessif.

9) Le 15 novembre 2018, l'OCPM a déclaré ne pas avoir d'observations à faire valoir, et s'en rapporter à justice pour le surplus.

10) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA). Les conclusions qui figurent dans le complément spontané de recours du 17 octobre 2018 le sont aussi, ayant été formées encore dans le délai de recours.

2) a. L'exigence de l'avance de frais et les conséquences juridiques en cas de non-paiement de celle-ci relèvent du droit de procédure cantonal. Par conséquent, les cantons sont libres, dans le respect des garanties constitutionnelles, d'organiser cette matière à leur guise (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1022/2012 du 25 mars 2013 consid. 5.1 ; ATA/1425/2019 du 24 septembre 2019 consid. 2a).

b. Selon l'art. 86 LPA, la juridiction saisie invite le recourant à payer une avance de frais destinée à couvrir les frais et émoluments de procédure présumables. À cette fin, elle lui fixe un délai suffisant (al. 1). Si l'avance de frais n'est pas faite dans le délai imparti, la juridiction déclare le recours irrecevable (al. 2).

c. Aux termes de l'art. 16 LPA, un délai fixé par la loi ne peut être prolongé ; les cas de force majeure sont réservés (al. 1) ; le délai imparti par l'autorité peut être prolongé pour des motifs fondés si la partie en fait la demande avant son expiration (al. 2) ; la restitution pour inobservation d'un délai imparti par l'autorité peut être accordée si le requérant ou son mandataire a été empêché sans sa faute d'agir dans le délai fixé ; la demande motivée doit être présentée dans les dix jours à compter de celui où l'empêchement a cessé (al. 3).

d. À rigueur de texte, l'art. 86 LPA ne laisse aucune place à des circonstances extraordinaires qui justifieraient que l'avance de frais n'intervienne pas dans le délai imparti (ATA/216/2018 du 6 mars 2018 consid. 3a). Toutefois, selon la jurisprudence, il convient d'appliquer par analogie la notion de cas de force majeure de l'art. 16 al. 1 LPA afin d'examiner si l'intéressé a été empêché sans sa faute de verser l'avance de frais dans le délai fixé (ATA/636/2017 du 6 juin 2017 consid. 4b et les références citées). Tombent sous cette notion les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d'activité de l'intéressé et qui s'imposent à lui de façon irrésistible (ATA/1262/2017 du 5 septembre 2017 consid. 4 et les références citées).

e. Le formalisme excessif, prohibé par l'art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (ATF 135 I 6 consid. 2.1 ; 134 II 244 consid. 2.4.2 ; 130 V 177 consid. 5.4.1 ; 128 II 139 consid. 2a ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_734/2012 du 25 mars 2013 consid. 3.1 ; 2C_133/2009 du 24 juillet 2009 consid. 2.1 ; ATA/617/2017 du 30 mai 2017 consid. 5a).

De manière générale, la sanction du non-respect d'un délai de procédure n'est pas constitutive de formalisme excessif, une stricte application des règles relatives aux délais étant justifiée par des motifs d'égalité de traitement et par un intérêt public lié à une bonne administration de la justice et à la sécurité du droit (ATF 104 Ia 4 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_86/2010 du 4 octobre 2010 consid. 3.3).

Il n'y a pas de rigueur excessive à ne pas entrer en matière sur un recours lorsque, conformément au droit de procédure applicable, la recevabilité de celui-ci est subordonnée au versement d'une avance de frais dans un délai déterminé. Il faut cependant que son auteur ait été averti de façon appropriée du montant à verser, du délai imparti pour le paiement et des conséquences de l'inobservation de ce délai (ATF 104 Ia 105 consid. 5 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_734/2012 précité consid. 3.1 ; 2C_645/2008 du 24 juin 2009 consid. 2.2 ; 2C_250/2009 du 2 juin 2009 consid. 5.1). La gravité des conséquences d'un retard dans le paiement de l'avance sur la situation du recourant n'est pas pertinente (arrêts du Tribunal fédéral 2C_703/2009 du 21 septembre 2010 consid. 4.4.2 ; 2C_645/2008 précité consid. 2.2 ; 2C_450/2008 du 1er juillet 2008 consid. 2.3.4).

3) En l'espèce, la recourante n'a pas versé l'avance de frais demandée par le TAPI. Elle s'est vu fixer deux délais pour verser ladite avance, le premier ayant été annulé après sa demande d'obtention de l'AJ. Elle a confirmé avoir effectivement reçu le second pli recommandé ; ce dernier lui fixait un délai de presque un mois pour verser le montant demandé, délai qui doit être considéré comme suffisant au sens de la loi et de la jurisprudence. Par ailleurs, le montant demandé et les conséquences de l'inobservation du délai étaient clairement indiqués dans les plis qu'elle a reçus. Le jugement attaqué ne consacre dès lors pas de formalisme excessif.

La jurisprudence a par ailleurs précisé que les juridictions n'étaient nullement obligées d'effectuer un rappel, l'art. 86 LPA ne le prévoyant pas (ATA/613/2012 du 11 septembre 2012 consid. 4). Les griefs de la recourante à ce sujet tombent dès lors à faux.

La remise de l'avance de frais n'est pas prévue par la LPA. À cet égard, la disposition citée par la recourante (art. 129 let. c CJPA) est tirée de la loi fribourgeoise de procédure, qui ne trouve pas application à Genève. De surcroît, en toute hypothèse, une telle remise aurait dû être demandée avant l'expiration du délai de paiement de l'avance de frais, et non a posteriori.

Enfin, la recourante ne fait valoir aucun motif, par exemple la force majeure, qui l'aurait empêchée de s'acquitter de l'avance de frais - le fait qu'elle n'ait pas obtenu le montant de l'avance d'un organisme tiers sollicité à ces fins ne constituant clairement pas un tel cas.

Dans ces circonstances et conformément à la jurisprudence citée plus haut, le recours sera rejeté.

4) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 10 octobre 2018 par Madame A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 septembre 2018 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Madame A______ un émolument de CHF 400.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme Cuendet, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

...

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

...

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l'entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l'admission provisoire,

4. l'expulsion fondée sur l'art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d'admission,

6. la prolongation d'une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d'emploi du titulaire d'une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d'asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l'objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

...

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

...

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l'objet d'aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.