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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2524/2019

ATA/1458/2019 du 01.10.2019 ( FORMA ) , REJETE

Descripteurs : ÉCOLE;INSTRUCTION(ENSEIGNEMENT);ÉCOLE OBLIGATOIRE;DROIT À L'INSTRUCTION PRIMAIRE;ÉCOLE SPÉCIALE;CONDITION DE RECEVABILITÉ;BESOIN D'UNE FORMATION SCOLAIRE SPÉCIALE
Normes : LPA.65; Cst.62.al3; AICPS.1; AICPS.3.al1; AICPS.6.al3; LIP.28; LIP.10.al2; LIP.30; LIP.31.al3; LIP.32.al3; RIJBEP.3.al1; RIJBEP.3.al2; RIJBEP.5; RIJBEP.10; RIJBEP.19.al3; RIJBEP.19.al5; RIJBEP.20; RIJBEP.13; RIJBEP.22
Résumé : Décision d'octroi de prestations d'éducation spécialisée pour une élève âgée de dix ans qui n'arrive plus à suivre l'enseignement régulier malgré plusieurs aménagements et soutiens externes (notamment des prestations de logopédie). Refus des parents de la placer en orientation spécialisée, dans la même école. Ceux-ci préfèrent un redoublement. Redoublement non conseillé par la procédure d'évaluation spécialisée qui, compte tenu des difficultés d'apprentissage (importantes) conclut au placement en éducation spécialisée. Intérêt de l'enfant à être soutenue dans ses apprentissages et son rythme et un redoublement n'est pas en sa faveur compte tenu de ses lacunes et difficultés scolaires. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2524/2019-FORMA ATA/1458/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 1er octobre 2019

2ème section

 

dans la cause

 

A______, enfant mineur, agissant par ses parents Madame et Monsieur B______

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE

 



EN FAIT

1) A______ est née le ______ 2009.

2) Le 4 décembre 2015, le secrétariat à la pédagogie spécialisée (ci-après : SPS) a reçu une demande initiale de mesures de pédagogie spécialisée ainsi qu'un rapport d'évaluation de logopédie concernant A______.

À cette époque, A______ était en 2P de l'école C______. Le rapport d'évaluation faisait état d'un retard massif de la parole et du langage. Selon ce rapport, un traitement logopédique s'avérait indispensable pour améliorer l'intelligibilité, les capacités langagières et de communication d'A______, afin de lui permettre de poursuivre son développement langagier mais aussi de développer de manière adéquate les prérequis du langage écrit.

3) Le 26 janvier 2016, le SPS a rendu une décision d'octroi de prestations logopédiques pour deux séances par semaine de soixante minutes, du 19 novembre 2015 au 18 novembre 2017.

4) Le 21 décembre 2017, le SPS a reçu un nouveau rapport d'évaluation logopédique en vue du renouvellement du traitement de logopédie.

Ce rapport décrivait la persistance des difficultés dans le langage oral et dans l'acquisition du langage écrit. Partant, il était indiqué comme primordial que le suivi d'A______ se poursuive dans les mêmes conditions, soit à raison de deux séances hebdomadaires de soixante minutes.

Lors de l'établissement de ce rapport, A______ était scolarisée en 4P au sein de l'école C______.

5) Le 7 février 2018, le SPS a octroyé par décision la prise en charge des coûts liés à la logopédie pour deux séances par semaine de soixante minutes en traitement individuel pour la période du 19 novembre 2017 au 18 novembre 2019.

6) Le 7 décembre 2018, Monsieur D______, directeur de l'établissement E______, fréquenté par A______, a adressé au SPS une procédure d'évaluation standardisée (ci-après : PES).

Il ressortait de la PES qu'A______ avait besoin d'une aide constante dès qu'il fallait lire et écrire, qu'elle s'exprimait volontiers mais se perdait facilement dans son récit et avait un lexique pauvre. Elle avait besoin d'aide pour organiser sa pensée. Son rythme de travail était très lent. Les efforts demandés pour suivre le programme n'étaient en l'état plus soutenables. Les questions mathématiques lui posaient également des problèmes car elle rencontrait des difficultés dans les domaines de la numération et de l'espace. Elle n'avait pas de stratégies pour trouver des solutions possibles aux énigmes qui lui étaient posées. Enfin, les relations étaient conflictuelles avec ses camarades de classe car sa compréhension de la situation n'était parfois pas adaptée et le degré d'importance non adéquat, ce qui engendrait des disputes.

L'élève bénéficiait de cinq mesures d'aménagements scolaires (aménagement du temps à disposition, diminution du nombre d'exercices, réduction du nombre de tâches, vérification de la bonne compréhension de la consigne) durant l'année scolaire 2018-2019. L'aide d'un adulte était nécessaire tout au long de la journée d'école et pour toutes les tâches scolaires qui impliquaient lecture et écriture. Si une activité n'était pas expliquée de manière individuelle, l'enfant ne savait pas comment la commencer, n'ayant aucune stratégie de travail.

En conclusion, ce document recommandait la prise en charge d'A______ dans une structure ou une institution de pédagogie spécialisée afin de répondre aux besoins de l'élève tant au plan des aspects émotionnels que du rythme d'apprentissage.

Les parents ont attesté avoir participé à la PES en signant le document d'évaluation, sans pour autant acquiescer au contenu de celle-ci.

7) Le 22 mai 2019 s'est tenu un entretien entre M. D______, Madame F______, représentante de l'office médico-pédagogique (ci-après : OMP ou l'office) et Madame B______, la mère d'A______, afin de discuter de la situation scolaire de cette dernière.

Cet entretien n'a pas été verbalisé mais est relaté dans un courrier du 27 mai 2019 adressé par M. D______ aux parents à cette fin.

Lors de l'entretien, M. D______ avait présenté aux parents l'analyse de la situation scolaire de leur fille depuis leur dernière rencontre au mois de décembre 2018. A______ avait effectué peu de progrès durant l'année scolaire, et ses grandes difficultés ne lui permettaient pas d'atteindre les objectifs de la 5P malgré les nombreuses mesures d'aménagement mises en place.

L'enfant peinait à s'investir et avait décroché durant cette année scolaire. Le passage en 6P était impossible et un redoublement ne semblait pas constituer une solution adéquate pour A______. À ce sujet, Mme F______ avait fait part de son inquiétude par rapport à l'estime de soi d'A______ et au plan de ses compétences.

Le directeur de l'établissement constatait que les mesures déployées par l'école régulière ne permettaient plus d'offrir à A______ un cadre suffisant pour la poursuite de ses apprentissages dans de bonnes conditions, ce qu'en revanche l'éducation spécialisée permettait. En effet, l'encadrement de moins d'élèves et la mise en place d'un projet éducatif individualisé permettaient aux enseignants spécialisés d'accompagner chaque élève à son rythme sans les contraintes liées à l'enseignement régulier.

Mme F______ proposait ainsi qu'A______ rejoigne le regroupement des classes spécialisées à l'école G______ dès la rentrée 2019. La volonté de l'OMP de réintégrer dès que possible les élèves en direction de l'enseignement régulier était également soulignée.

Le courrier rappelait le refus catégorique des parents quant à l'orientation de leur fille vers l'enseignement spécialisé et leur souhait de la voir redoubler sa 5P à la rentrée 2019.

En effet, se basant sur leurs observations à la maison et sur les retours de la répétitrice d'A______, ils estimaient que leur fille avait progressé et qu'elle jouissait de capacités suffisantes pour poursuivre sa scolarité dans l'enseignement régulier. Une nouvelle logopédiste, dont la méthode de travail se focalisait sur le langage et le raisonnement, allait désormais suivre A______. Le courrier convenait que ces mesures externes resteraient nécessaires à la rentrée suivante.

Enfin, la direction de l'établissement scolaire prenait acte de la prise de position des parents et les informait que celle-ci serait communiquée au SPS. Les parents étaient informés qu'ils disposeraient d'un droit de recours de trente jours dès réception de la décision du SPS.

8) Les parents n'ont pas contesté la teneur de ce courrier, à l'exception du fait que leurs signatures n'attestaient que de leur présence à l'entretien de décembre 2018 et non de leur accord avec la décision envisagée.

9) Le 19 juin 2019, le SPS, sur la base de la PES, a rendu une décision d'octroi d'écolage externe pour A______, pour une période de prise en charge du 26 août 2019 au 30 juin 2021, étant précisé que l'établissement serait choisi par l'OMP. Les voies de recours figuraient sur la décision, envoyée par pli simple.

10) Le 25 juin 2019, les parents d'A______ ont écrit au SPS afin de réaffirmer leur désaccord quant à cette orientation et leur souhait qu'A______ puisse redoubler sa 5P l'année scolaire suivante.

À la suite de la lettre du directeur du 27 mai 2019, ils attendaient une décision du SPS, qui n'était pas encore arrivée. Par conséquent, ils prenaient les devants et confirmaient leur désaccord à ce que leur fille rejoigne l'enseignement spécialisé.

Ils considéraient que celle-ci n'y avait pas sa place et qu'à la suite de son travail avec sa répétitrice et sa logopédiste, ils avaient pu constater des progrès. Ils allaient par ailleurs changer de logopédiste afin d'offrir à leur fille un soutien plus orienté sur le travail de la logique, du raisonnement et du langage. A______ n'avait encore jamais redoublé à ce jour et ils estimaient qu'elle avait droit à un redoublement dans les présentes circonstances.

Enfin, ils réaffirmaient qu'ils n'avaient signé le document du 5 décembre 2018 qu'afin d'attester de leur présence à la réunion mais pas pour confirmer leur accord à ce que leur enfant rejoigne l'éducation spécialisée. Ils insistaient sur leur refus catégorique au transfert de leur fille en éducation spécialisée.

11) Le 3 juillet 2019, le SPS a répondu aux parents d'A______, leur indiquant qu'une décision avait été prise le 19 juin 2019 et leur rappelant les voies de recours qui figuraient déjà sur celle-ci.

12) Le même jour, par courrier adressé à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), les parents d'A______ ont interjeté recours contre la décision du 19 juin 2019, concluant à l'annulation de la décision de placement de leur fille au sein du regroupement spécialisé et à ce qu'elle soit autorisée à redoubler sa 5P.

Ils reprenaient les éléments mentionnés dans leur courrier du 25 juin 2019, précisant que la pédiatre de leur fille n'avait pas constaté de trouble particulier et avait été surprise par son placement dans l'enseignement spécialisé. Aucun document n'était joint à l'appui de cette affirmation.

La décision avait été prise contre leur gré et découlait donc « d'un abus de pouvoir patent ». Ils n'avaient jamais consenti à cette décision mais ni la direction de l'école ni le SPS n'avaient tenu compte de leur refus. La décision n'avait pas été envoyée par lettre recommandée comme un document d'une telle importance aurait dû l'être.

Pour l'ensemble de ces motifs, la décision devait être annulée et A______ devait être autorisée à redoubler sa 5P.

Ils joignaient à leur recours l'attestation du 3 juillet 2019 de Madame H______, logopédiste, qui suivait leur fille depuis plusieurs années. Elle retraçait la situation, précisant que l'avis des parents n'avait pas primé dans la prise de décision du SPS. Il était primordial que l'enfant puisse continuer, si elle devait intégrer une classe spécialisée, son suivi en logopédie et Mme H______ craignait que cela ne soit pas possible pour des questions budgétaires. Il était impératif pourtant que le suivi individuel en logopédie soit maintenu. Enfin, l'attestation précisait que ce n'était pas tant l'orientation mais la façon dont les choses s'étaient déroulées qui était extrêmement regrettable. Il aurait été judicieux d'aller en faveur d'un redoublement afin de donner le temps aux parents d'accepter les difficultés de leur fille.

13) Le 12 juillet 2019, la direction générale de l'office de l'enfance et de la jeunesse (ci-après : DGOEJ) a conclu au rejet du recours.

A______ avait fait l'objet d'une PES complète en décembre 2018. Cette dernière préconisait clairement, compte tenu des difficultés d'apprentissage récurrentes d'A______, une orientation en regroupement spécialisé. A______ souffrait d'un important trouble du langage écrit et oral et ce depuis de nombreuses années. Ses difficultés s'accroissaient avec le temps. Les parents et la logopédiste de l'enfant avaient été associés à la PES.

Il était dans l'intérêt de l'enfant d'être accueillie dans une classe spécialisée pouvant répondre le mieux possible à ses besoins en matière d'apprentissage.

14) Les parties n'ayant pas déposé d'observations dans le délai imparti par le juge délégué, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Selon l'art. 65 al. 1 LPA, l'acte de recours doit contenir les conclusions du recourant ainsi que l'exposé des motifs et l'indication des moyens de preuve.

Le fait que les conclusions ne ressortent pas expressément de l'acte de recours n'est pas, en soi, un motif d'irrecevabilité, pourvu que l'autorité judiciaire et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant (ATA/974/2014 du 9 décembre 2014 consid. 2a ; ATA/754/2014 du 23 septembre 2014 consid. 2a ; ATA/350/2014 du 13 mai 2014 consid. 4). Une requête en annulation d'une décision doit, par exemple, être déclarée recevable dans la mesure où le recourant a, de manière suffisante, manifesté son désaccord avec la décision, ainsi que sa volonté qu'elle ne développe pas d'effets juridiques (ATA/974/2014 précité consid. 2a ; ATA/827/2014 du 28 octobre 2014 consid. 2a ; ATA/754/2014 précité 2014 consid. 2a).

L'exigence de motivation de l'art. 65 al. 2 LPA a pour but de permettre à la juridiction administrative de déterminer l'objet du litige qui lui est soumis et de donner l'occasion à la partie intimée de répondre aux griefs formulés à son encontre (ATA/88/2015 du 20 janvier 2015 consid. 2c ; ATA/815/2014 du 28 octobre 2014 consid. 2c ; ATA/586/2013 du 3 septembre 2013 consid. 4c). Elle signifie que le recourant doit expliquer en quoi et pourquoi il s'en prend à la décision litigieuse (ATA/586/2013 précité consid. 4c ; ATA/401/2013 du 25 juin 2013 consid. 2c).

En l'espèce, les recourants agissent en personne. Ils ont écrit à la juridiction compétente conformément à l'indication figurant dans la décision du 19 juin 2019 de l'office, signalant qu'ils souhaitaient l'annulation de celle-ci. La décision attaquée mentionnait certes la voie de recours, mais ne rappelait aucune des exigences relatives à l'acte de recours, sous réserve du délai. Les recourants ont néanmoins clairement fait comprendre, dans le délai de recours, qu'ils s'opposaient au contenu de la décision du 19 juin 2019, pour quels motifs et qu'ils souhaitaient que leur fille puisse redoubler sa 5P. Ils ont joint les documents pertinents et une copie de la décision attaquée.

Par conséquent, le recours est recevable à la forme.

3) Le litige porte sur la décision de scolarisation d'A______ au sein d'une classe spécialisée malgré le refus de ses parents, qui souhaitent le maintien de l'enfant en regroupement régulier et un redoublement de la 5P.

4) a. Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n'ont pas la compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exceptions prévues par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisées dans le cas d'espèce.

b. Selon l'art. 62 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101, entré en vigueur le 1er janvier 2008 [RO 2007 5765]), les cantons pourvoient à une formation spéciale suffisante pour les enfants et adolescents handicapés - terme qui inclut les enfants à besoins éducatifs particuliers -, au plus tard jusqu'à leur 20ème anniversaire.

c. Pour mettre en oeuvre l'art. 62 al. 3 Cst., la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l'instruction publique (ci-après : CDIP) a, le 25 octobre 2007, adopté l'Accord intercantonal sur la collaboration dans le domaine de la pédagogie spécialisée (AICPS - C 1 08), qui est entré en vigueur le 1er janvier 2011 et auquel la République et canton de Genève est partie (C 1 08.0). Cet accord a pour finalité la collaboration entre cantons signataires dans le domaine de la pédagogie spécialisée, laquelle fait partie du mandat public de formation (art. 1 et. 2 let. a AICPS). Les cantons s'entendent en particulier sur une définition commune des ayants droits, ainsi que sur l'offre de base en pédagogie spécialisée (art. 1 let. a, 3 et 4 AICPS ; CDIP, AICPS, Commentaire des dispositions [ci-après : commentaire des dispositions de l'Accord intercantonal], p. 2 ad art. 1, disponible sur http://www.edk.ch/dyn/14642.php, consulté le 23 septembre 2019).

Lorsque les mesures octroyées dans le cadre de l'école ordinaire s'avèrent insuffisantes, une décision quant à l'attribution de mesures renforcées doit être prise sur la base de la détermination des besoins individuels (art. 5 al. 1 AICPS).

La détermination des besoins individuels prévue à l'art. 5 al. 1 se fait dans le cadre d'une PES, confiée par les autorités compétentes à des services d'évaluation distincts des prestataires (art. 6 al. 3 AICPS).

d. En référence aux principes de l'école inclusive mentionnés à l'art. 10 al. 2 de la loi sur l'instruction publique du 17 septembre 2015 (LIP - C 1 10) et dans l'AICPS, le DIP met en place les mesures de pédagogie spécialisée destinées aux enfants et aux jeunes à besoins éducatifs particuliers ou handicapés. Les plans d'études constituent la référence commune à tous les élèves qui fréquentent l'école, quels que soient leurs besoins particuliers (art. 28 LIP).

De la naissance à l'âge de 20 ans révolus, les enfants et les jeunes qui ont leur domicile dans le canton ont droit à des prestations de pédagogie spécialisée s'il est établi qu'ils sont entravés dans leurs possibilités de développement et de formation au point qu'ils ne pourront pas ou ne peuvent plus suivre l'enseignement régulier sans soutien spécifique, ou lorsqu'un autre besoin éducatif particulier a été constaté (art. 30 LIP).

La détermination des besoins de pédagogie spécialisée se fait dans le cadre d'une procédure d'évaluation standardisée, confiée par l'autorité compétente à des structures d'évaluation reconnues (art. 31 al. 3 LIP).

Chaque bénéficiaire des mesures de pédagogie spécialisée est intégré dans la structure d'enseignement ou de formation la plus adaptée à ses besoins et visant à la plus grande autonomie à sa majorité, tout en répondant aux besoins de tous les élèves ou apprentis de la classe (art. 32 al. 3 LIP).

5) a. L'OMP est, au sein du DIP, l'autorité scolaire responsable de l'enseignement spécialisé public et subventionné. Il est l'autorité compétente pour décider de l'intégration totale, partielle ou non indiquée dans l'enseignement public ordinaire d'un élève à besoins éducatifs particuliers ou handicapé. Il statue sur préavis de la direction générale du degré d'enseignement concerné et en concertation avec les responsables légaux de l'élève (art. 3 al. 1 et 2 du règlement sur l'intégration des enfants et des jeunes à besoins éducatifs particuliers ou handicapés - RIJBEP - C 1 12.01).

b. Le SPS est l'autorité compétente pour l'octroi des mesures individuelles renforcées en pédagogie spécialisée et pour leur financement, hormis celui de l'enseignement spécialisé dispensé en école privée non subventionnée ou à domicile. Il est également compétent pour la reconnaissance des structures d'évaluation des besoins individuels des enfants et des jeunes et pour l'évaluation périodique des institutions accréditées. Il comporte une unité clinique pluridisciplinaire composée de professionnels en exercice, spécialistes des domaines concernés, dont une directrice ou un directeur en scolarité spécialisée et une ou un pédopsychiatre référent en exercice. Le SPS est rattaché à l'office de l'enfance et de la jeunesse (art. 5 RIJBEP).

c. Aux termes de l'art. 10 RIJBEP, l'offre en matière de pédagogie spécialisée couvre les prestations énoncées ci-après, soit conseil et soutien (al. 2), éducation précoce spécialisée (al. 3), mesures de pédagogie spécialisée en classe ordinaire (al. 4), l'enseignement spécialisé (al. 5), la logopédie (al. 6), la psychomotricité (al. 7), les repas et/ou logement (al. 8), les transports des enfants et des jeunes (al. 9 et 10).

L'enseignement spécialisé comprend l'enseignement permettant d'apporter des réponses pédagogiques aux élèves à besoins éducatifs particuliers ou handicapés. Elle est dispensée dans les classes spécialisées au sein des établissements scolaires ordinaires, dans les écoles spécialisées publiques ou privées accréditées ou dans les institutions à caractère résidentiel accréditées (ci-après : structures d'enseignement spécialisé de jour ou à caractère résidentiel). La prestation d'enseignement spécialisé comprend également l'encadrement éducatif et les mesures pédago-thérapeutiques nécessaires (logopédie, psychomotricité, éducation précoce spécialisée ; art. 10 al. 5 RIJBEP).

d. Lorsque l'école pressent chez un élève ou un jeune un besoin susceptible de faire l'objet d'une mesure individuelle renforcée en pédagogie spécialisée, elle le signale aux représentants légaux et leur propose sa collaboration pour le dépôt de la demande (art. 19 al. 3 RIJBEP).

À défaut de dépôt de demande relative à une mesure d'enseignement spécialisé par les représentants légaux, la direction de l'établissement scolaire signale la situation à l'OMP et en informe par écrit les représentants légaux. Sur la base de l'évaluation scolaire de l'élève et si nécessaire, l'OMP signale la situation au SPS et décide des mesures de scolarisation transitoires nécessaires (art. 19 al. 5 RIJBEP).

e. Selon l'art. 20 RIJBEP, conformément à l'art. 13 RIJBEP, le SPS s'appuie sur la PES pour l'évaluation initiale des besoins de l'enfant ou du jeune. Il confie cette évaluation aux structures reconnues définies à l'art. 6 al. 1 RIJBEP. Dans le cadre de cette évaluation et avec l'accord des représentants légaux ou du jeune majeur, le secrétariat à la pédagogie spécialisée est habilité à se procurer auprès des autorités, des médecins traitants, des thérapeutes ou de tout autre service spécialisé les documents, les renseignements et les données personnelles nécessaires.

La PES est un instrument du concordat sur la pédagogie spécialisée. Les cantons recourent à cet instrument lorsqu'il s'agit d'attribuer des mesures renforcées de pédagogie spécialisée (site de la CDIP : http://www.edk.ch/ dyn/17509.php, consulté le 23 septembre 2019). La PES prend en considération les compétences et difficultés de l'enfant mais aussi les caractéristiques environnementales (familiales et scolaires) dans lesquelles il vit. Elle permet ainsi de se prononcer sur les possibilités d'adaptation de l'environnement aux difficultés de l'enfant. L'application de cette procédure doit garantir une égalité de traitement de toutes les demandes (site de la CDIP : http://www.edk.ch/dyn/17509.php, consulté le 23 septembre 2019 ; Concept cantonal pour la pédagogie spécialisée à Genève, élaboré par le DIP, version adoptée par le Conseil d'état le 7 février 2018, pp. 8-9, https://www.csps.ch/fr/themes-de-la-pedagogie-specialisee/cadre-legal-et-financier/concepts-cantonaux, consulté le 23 septembre 2019).

f. Les représentants légaux et le mineur capable de discernement sont associés aux étapes de la procédure de décision. Ils ont accès au dossier et peuvent obtenir copie des pièces (art. 22 al. 1 RIJBEP). Ils peuvent s'exprimer à tout moment de la procédure oralement ou par écrit. Leur droit d'être entendu est respecté avant toute décision (art. 22 al. 2 RIJBEP).

L'appréciation de professionnels extérieurs à la structure scolaire ou préscolaire doit être également pris en compte s'ils sont impliqués dans le suivi de l'enfant (Concept cantonal pour la pédagogie spécialisée à Genève, élaboré par le DIP, version adoptée par le Conseil d'état le 7 février 2018, pp. 8-9, https://www.csps.ch/fr/themes-de-la-pedagogie-specialisee/cadre-legal-et-financier/concepts-cantonaux, consulté le 23 septembre 2019).

6) En l'espèce, l'enseignement ordinaire, malgré les nombreux aménagements et les divers soutiens offerts à l'enfant, n'est plus en mesure de fournir un cadre propice et adapté au développement harmonieux d'A______, élève à l'école primaire domiciliée sur le canton et âgée de 10 ans. En raison tant de ses difficultés d'apprentissage avérées que de ses résultats insuffisants pour lui permettre de suivre l'enseignement ordinaire, l'élève a manifestement des besoins éducatifs particuliers au sens de la loi et peut prétendre à des prestations de pédagogie spécialisée.

Les parents souhaitent l'annulation de la décision du SPS, prévoyant l'orientation de leur fille en classe spécialisée à l'école G______. Ils considèrent cette orientation comme inadéquate pour leur fille.

Depuis le début de sa scolarité, A______ a nécessité un soutien en logopédie qui n'a jamais cessé. La situation ne s'est pas améliorée, puisqu'elle est désormais en situation de non-promotion en 5P malgré les diverses mesures d'accompagnement qui ont régulièrement été renouvelées et élargies. A______ bénéficie en effet désormais d'un soutien en logopédie octroyé par le SPS et d'un second soutien en logopédie, privé, axé plus spécifiquement sur le raisonnement, le travail de la logique et le langage. En outre, elle bénéficie d'une répétitrice depuis le mois de janvier 2018 qui l'aide pour ses devoirs. Malgré ces mesures de soutien et l'aménagement des tâches scolaires dans le but de réduire la quantité de travail (relecture de consignes, travaux en petits groupe, aide d'un adulte pour débuter et terminer un exercice, aménagement des modalités d'évaluation) et l'octroi de plus de temps pour les activités et évaluations, le bilan est resté insuffisant et l'élève est actuellement en situation de non-promotion au degré supérieur.

Il ressort de la PES qu'A______ a besoin d'une aide constante dès qu'il faut lire et écrire, s'exprime volontiers mais se perd facilement dans son récit et a un lexique pauvre. Elle a besoin d'aide pour organiser sa pensée et son rythme de travail est très lent. Les efforts demandés pour suivre le programme ne sont en l'état plus soutenables. Les questions mathématiques lui posent également des problèmes car elle rencontre des difficultés dans les domaines de la numération et de l'espace. Elle n'a pas de stratégies pour trouver des solutions possibles aux énigmes qui sont posées. Enfin, les relations sont conflictuelles avec ses amies car parfois la compréhension de la situation n'est pas adaptée et le degré d'importance accordé aux événements n'est pas adéquat.

Dans ces conditions, la PES fait état de la nécessité de l'orienter vers un regroupement spécialisé, permettant de répondre à ses besoins, tant au plan des aspects émotionnels que du rythme d'apprentissage. La PES précise par ailleurs qu'un retour vers l'enseignement régulier est souhaité. Enfin, la PES précise qu'un placement au sein du regroupement des classes spécialisées de l'école G______ serait idéal, puisqu'il s'agit de l'école où A______ est actuellement scolarisée. Selon les conclusions de la PES, cette solution est souhaitée par les parents pour le cas où la demande aboutirait. La PES a été réalisée dans les règles et tient compte des différents avis des acteurs concernés.

L'attestation du 3 juillet 2019 de la logopédiste de l'enfant, produite par les recourants, précise d'ailleurs que ce n'est pas l'orientation en classe spécialisée qui est regrettable mais plutôt la façon dont la procédure s'est déroulée, les parents ayant le sentiment d'avoir été placés devant le fait accompli, sans avoir été écoutés.

Les parents estiment que la direction de l'école et le SPS n'ont pas tenu compte de leur refus et que la décision a donc été prise de manière abusive. Contrairement à ce qu'ils allèguent, leur point de vue a été entendu à plusieurs reprises par l'école et par le SPS. Les parents savent exactement pour quels motifs leur fille est orientée vers l'éducation spécialisée et sur quelles bases. Les progrès d'A______ qu'ils opposent à la décision du SPS, outre qu'ils n'ont pas été constatés par l'école, ne sont de toute évidence pas suffisants pour que celle-ci puisse suivre le programme de l'école régulière.

S'il est certes difficile pour des parents d'accepter les difficultés scolaires de leur enfant, un redoublement ne serait pas en faveur de l'enfant dans les circonstances du cas d'espèce. En effet, les difficultés d'apprentissage d'A______, à teneur du dossier, ne lui permettent plus de suivre le programme dans des conditions adéquates, le soutien de l'enseignant devant être constant malgré les différents aménagements déjà mis en place et qui ne suffisent pas. Compte tenu du résultat de la PES, à laquelle les parents ont été associés et qui fait état de l'avis de la logopédiste et de l'équipe éducative, la décision du 19 juin 2019 est justifiée et conforme à l'intérêt d'A______, une orientation en classe spécialisée répondant au mieux à ses besoins en matière d'apprentissage.

7) Les recourants estiment que la décision aurait dû être envoyée par courrier recommandé, compte tenu de son importance.

La LPA ne prévoit pas de forme de notification particulière pour les décisions du SPS. Par conséquent, une notification par courrier simple est admise, ce d'autant que les recourants ont pu interjeter recours en temps utile et n'ont subi aucun préjudice de ce fait. Ils ne l'allèguent d'ailleurs pas.

Ce grief peut ainsi être écarté.

Mal fondé, le recours sera rejeté et la décision querellée confirmée.

8) Vu la nature de la procédure, aucun émolument ne sera prélevé (art. 87 al. 1 LPA ; art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 3 juillet 2019 par Madame et Monsieur B______, agissant pour leur fille mineure A______ contre la décision du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse - secrétariat à la pédagogie spécialisée du 19 juin 2019 ;

au fond :

le rejette ;

confirme la décision du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse - secrétariat à la pédagogie spécialisée du 19 juin 2019 ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Madame et Monsieur B______ agissant pour leur fille mineure A______, ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

Siégeant : M. Verniory, président, Mmes Payot Zen-Ruffinen et Cuendet, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :