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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3003/2018

ATA/1413/2019 du 24.09.2019 ( MARPU ) , ADMIS

Descripteurs : ADJUDICATION(MARCHÉS PUBLICS);APPEL D'OFFRES(MARCHÉS PUBLICS);CAHIER DES CHARGES;ÉGALITÉ DE TRAITEMENT;EXCLUSION(EN GENERAL);MARCHÉS PUBLICS;PROCÉDURE D'ADJUDICATION;SOUMISSIONNAIRE;POUVOIR D'APPRÉCIATION;DEMANDE ADRESSÉE À L'AUTORITÉ;RÉCUSATION
Normes : Cst.29.al1; AIMP.11.letd; RMP.19; LPA.15.al1; LPA.15.al3; AIMP.1; RMP.16; RMP.24; RMP.43
Parties : SOGETRI SA / SERVICES INDUSTRIELS DE GENEVE, HECOR SÀRL
Résumé : Recours d'un soumissionnaire évincé contre la décision d'adjudication d'un marché public pour la gestion d'un centre de mâchefers. La décision faisait suite à un premier renvoi de la cause par la chambre administrative de la Cour de justice (ATA/148/2018) pour violation des règles de procédure dans la passation du marché. En l'espèce, l'autorité adjudicatrice a erré en ignorant dans l'évaluation des offres les références personnelles d'une personne-clé de l'entreprise. La prise en compte des références d'un collaborateur de l'entreprise comme étant les références de l'entreprise elle-même est possible dans le cas d'espèce, compte tenu de la spécificité et de la rareté du marché. Partant, les intimés ont abusé de leur pouvoir d'appréciation en notant les références de la recourante. Recours admis et renvoi à l'entreprise adjudicatrice pour nouvelle évaluation des offres sur le critère des références uniquement.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3003/2018-MARPU ATA/1413/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 septembre 2019

 

dans la cause

 

SOGETRI SA
représentée par Me Marc Balavoine, avocat

contre

SERVICES INDUSTRIELS DE GENÈVE

et

HECOR SÀRL, appelée en cause

 



EN FAIT

1) Sogetri SA (ci-après : Sogetri) est une société anonyme de droit suisse inscrite au registre du commerce (ci-après : RC) du canton de Genève, ayant son siège à Carouge, et qui a pour but statutaire l'étude, la conception, la construction, l'exploitation et la gestion de centres de tri des déchets de chantier et assimilés ainsi que le financement de sociétés du groupe et l'émission de garanties.

2) En janvier 2009, les Services industriels de Genève (ci-après : SIG) ont mis en service, sur le site de la route du Bois-de-Bay à Satigny, une halle de traitement des mâchefers issus de l'incinération des déchets de l'usine des Cheneviers en vue de leur tri et de leur valorisation.

3) La société Hecor Sàrl (ci-après : Hecor), société à responsabilité limitée inscrite au RC du canton des Grisons, exploite depuis lors ce site après s'être vu adjuger, pour la dernière fois en 2015, ce marché.

4) Le 8 février 2017, les SIG ont fait paraître dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) et sur la plateforme internet simap (www.simap.ch) un appel d'offres en procédure ouverte, non soumis aux accords internationaux, portant sur un marché de services « Gestion du centre de traitement des mâchefers du Bois-de-Bay » (ci-après : le marché). Il était renvoyé aux documents d'appel d'offres s'agissant de la description des tâches, du lieu de la fourniture du service, des critères d'adjudication ou de la possibilité de proposer des variantes ou des offres partielles. La durée du marché, reconductible, était de douze mois depuis la signature du contrat. Le délai pour poser des questions par écrit était fixé au 22 février 2017, celui du dépôt des offres au 7 mars 2017 à 14h00.

5) Les documents remis aux entreprises intéressées, outre le plan d'hygiène, de sécurité et de protection de l'environnement du site étaient les suivants :

-       le dossier d'appel d'offres « K3 » contenait les conditions générales applicables au marché. S'agissant des « aptitudes/compétences requises - type de soumissionnaire », le soumissionnaire devait posséder des compétences dans l'exploitation d'installations de traitement des mâchefers ou, à défaut, de préparation de granulats et de démétalisation de déchets (ch. 1).

-       En lien avec le ch. 1 ci-dessus, des références au moyen de la formule « Q8 » devaient être données. Le candidat devait ainsi fournir trois références, si possible en rapport avec le type de marché à exécuter, en terme de complexité et d'importance, qui démontraient l'aptitude, les compétences et l'expérience nécessaires pour le marché à exécuter, qui étaient achevées depuis moins de dix ans ou en cours d'exécution mais proche d'être achevées, qui reflétaient le même type d'organisation exigée pour le marché à exécuter.

Ne seraient prises en considération que les offres respectant les conditions de participation, soit déposées dans le délai imparti, signées et datées, présentées dans la langue imposée, accompagnées des annexes « P » et « Q » complétées et des attestations demandées. En cas de doute sur la recevabilité d'une offre, l'adjudicateur procéderait à une vérification plus approfondie (ch. 3.3). Aucune audition n'était envisagée mais l'adjudicateur se réservait le droit de poser des questions à un soumissionnaire dont le dossier possédait des informations douteuses ou imprécises. Le soumissionnaire ne pouvait toutefois pas apporter d'éléments nouveaux ou modifier son offre, sous peine d'exclusion (ch. 4.6). Une offre déposée ne pouvait être modifiée ou complétée après le délai de dépôt fixé par l'adjudicateur et, à l'échéance dudit délai, un soumissionnaire ne pouvait plus corriger ou faire corriger son offre ni transmettre de nouveaux documents ou informations à l'adjudicateur (ch. 4.12). Ce dernier procédait à un contrôle technique et arithmétique de l'offre, seules les erreurs évidentes de calcul étant corrigées, et excluait le soumissionnaire ne confirmant pas ses prix ou procédant à une modification de ceux-ci (ch. 4.15).

L'évaluation des offres se basait exclusivement sur celles déposées ainsi que sur les indications fournies par les soumissionnaires et sur les informations demandées par l'adjudicateur. L'adjudication était attribuée à l'offre la « mieux disante » au vu des critères d'adjudication (ch. 4.8), soit le prix (40 %), l'organisation (30 %) et les références du soumissionnaire (30 % ; ch. 4.7).

En signant la page de garde et en déposant son offre, le soumissionnaire certifiait qu'il avait pris connaissance des conditions de la procédure, qu'il acceptait sans réserve (ch. 5). Différentes annexes, dont l'annexe Q8 (références du soumissionnaire) devaient être remises à l'adjudicateur, de même que le cahier des charges paraphé et signé, la note explicative présentant l'organisation prévue, les moyens humains et matériels, la liste des repreneurs des matériaux et le détail et le justificatif du prix, ainsi qu'une attestation d'assurance responsabilité civile.

6) Le 6 mars 2017, Hecor a soumis son offre aux SIG pour le marché pour un montant de CHF 388'333.-, toutes taxes comprises (ci-après : TTC).

L'annexe « Q8 » complétée comportait sept références. Quatre de celles-ci concernaient les marchés exécutés pour les SIG visant la récupération des métaux valorisables des mâchefers (du 1er janvier au 30 juin 2011, du 1er juillet 2011 au 30 avril 2012, du 1er mai 2012 au 30 avril 2015 et du 1er mai 2015 au 30 avril 2017) pour CHF 144'000.-, CHF 310'000.-, CHF 792'000.- et CHF 748'800.-. Les trois autres références avaient trait aux marchés réalisés pour le compte d'une corporation de communes grisonnes pour la gestion de la décharge des mâchefers (du 1er juin 2010 au 31 décembre 2013 et depuis le 1er janvier 2014) pour CHF 200'000.-, CHF 2'000'000.- et CHF 8'000'000.-.

7) Le 7 mars 2017, Sogetri a également soumis son offre aux SIG pour le marché pour un montant de CHF 279'316.18 TTC.

L'annexe « Q8 » complétée comportait trois références. La première concernait l'exploitation d'un centre de tri mécanisé réalisée depuis 1991 par Sogetri à Carouge pour un chiffre d'affaires annuel de CHF 12'000'000.-. Les deux autres indiquaient être citées par Monsieur « Vincent SPERANDIO (directeur d'exploitation) pour Sogetri SA » et concernaient les marchés exécutés pour Syctom et Veolia visant la supervision et la gestion d'un centre de traitement de mâchefers dans les Yvelines et en Seine-et-Marne, en France (de janvier 1999 et juin 2004 jusqu'en décembre 2015) pour des chiffres d'affaires annuels de EUR 1'800'000.- et EUR 2'440'000.-.

La note explicative indiquait que M. SPERANDIO serait le directeur d'exploitation du site. Celui-ci avait rejoint l'entreprise en 2015, après avoir encadré l'exploitation de deux centres français de traitement des mâchefers pour des travaux similaires.

8) Le 7 mars 2017, les SIG ont procédé à l'ouverture des offres. Deux entreprises avaient soumissionné, à savoir Hecor et Sogetri.

9) À une date indéterminée, les SIG ont procédé à la notation des offres d'Hecor et de Sogetri pour le marché.

Hecor arrivait en tête du classement, avec 340,36 points, obtenant les notes de 2,81 pour le critère du prix (112,36 points), de 2,93 pour le critère de l'organisation (88 points) et de 4,67 pour le critère des références (140 points).

Sogetri était deuxième du classement, avec 336 points, obtenant les notes de 5 pour le critère du prix en tenant compte du prix corrigé (200 points), de 3,2 pour le critère de l'organisation (96 points) et de 1,33 pour le critère des références (40 points).

10) Par décision non datée mais renvoyant à la date du timbre postal et intitulée « décision d'exclusion - offre non retenue », les SIG ont informé Sogetri qu'elle n'avait pas été retenue pour le marché, se basant sur l'art. 42 al. 1 let. a du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 (RMP - L 6 05.01). Elle n'avait pas respecté la rétribution de 5 % indiquée sur le contrat, qui faisait partie intégrante du dossier d'appel d'offres, en présentant une offre contenant un pourcentage supérieur, de 10 %. Son courriel du 20 mars 2017 ne pouvait, dans ce cadre, pas être pris en considération, à défaut d'avoir été signé par les personnes autorisées selon le RC, étant en outre précisé qu'il s'agissait d'une modification de son offre intervenue après la date de clôture de dépôt des soumissions.

11) Par une autre décision également non datée mais renvoyant à la date du timbre postal et notifiée exclusivement à Hecor, les SIG ont attribué le marché à cette dernière société pour un montant de CHF 388'333.- au motif que son offre remplissait pleinement les conditions lui permettant d'être adjudicataire.

12) Par acte expédié le 12 juin 2017, enregistré sous cause n° A/2571/2017, Sogetri a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision prononçant son exclusion du marché, concluant préalablement à l'octroi de l'effet suspensif au recours et à l'octroi de mesures provisionnelles et, principalement, à l'annulation de la décision entreprise, à l'adjudication du marché en sa faveur, subsidiairement au renvoi du dossier aux SIG pour nouvelle décision au sens des considérants, plus subsidiairement à ce qu'il soit constaté que la décision était illicite et à la réserve de ses droits s'agissant de l'indemnisation du préjudice subi, ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité de procédure.

13) Le 21 juillet 2017, Sogetri a formé un recours, enregistré sous cause n° A/3116/2017, auprès de la chambre administrative contre la décision des SIG adjugeant le marché à Hecor, concluant préalablement à l'octroi de l'effet suspensif au recours, principalement à l'annulation de la décision entreprise et à l'attribution du marché en sa faveur, subsidiairement au renvoi de la cause aux SIG pour nouvelle décision au sens des considérants, plus subsidiairement à ce que l'illicéité de la décision soit constatée et à ce que ses droits en vue de réclamer l'indemnisation de son préjudice soient réservés.

14) Le 3 août 2017, le juge délégué a ordonné la jonction des causes nos A/2571/2017 et A/3116/2017 sous le numéro A/2571/2017, ainsi que l'appel en cause d'Hecor.

15) Par décision du 15 août 2017, la présidence de la chambre administrative a octroyé l'effet suspensif aux deux recours de Sogetri et réservé le sort des frais de la procédure jusqu'à droit jugé au fond.

16) Par arrêt du 20 février 2018 (ATA/148/2018), la chambre administrative a admis les recours, a annulé les décisions entreprises et a renvoyé le dossier aux SIG pour nouvelle décision d'adjudication après nouvelle évaluation au sens des considérants, à savoir que tant les offres de Sogetri que d'Hecor devaient à nouveau être évaluées dans ce cadre.

17) Par décision rendue à une date indéterminée en août 2018, les SIG ont attribué le marché à Hecor. Cette décision a été notifiée à Sogetri le 24 août 2018.

Selon le tableau d'analyse multicritères joint en annexe, Hecor arrivait en tête du classement, avec 353,96 points, obtenant les notes de 2,97 pour le critère du prix (118,76 points), de 3,17 pour le critère de l'organisation (95,10 points) et de 4,67 pour le critère des références (140,10 points).

Sogetri était deuxième, avec 350 points, obtenant les notes de 5 pour le critère du prix en tenant compte du prix corrigé, soit CHF 299'244.- (200 points), de 3,67 pour le critère de l'organisation (110,10 points) et de 1,33 pour le critère des références (39,90 points).

18) Par acte posté le 3 septembre 2018, Sogetri a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre cette décision, concluant préalablement à l'octroi de l'effet suspensif au recours, et, principalement, à l'annulation de la décision d'adjudication et à l'octroi du marché, ainsi qu'à l'allocation d'une indemnité de procédure. Subsidiairement, elle a conclu à l'annulation de la décision d'adjudication et au renvoi de la cause aux SIG pour nouvelle décision.

Les SIG avaient considéré à tort que les références fournies ne correspondaient pas, ou seulement partiellement, aux attentes, étant précisé qu'elle obtenait de meilleures notes que sa concurrente pour les deux autres critères. Sa première référence concernait un centre de tri mécanisé à La Praille ; la deuxième concernait la gestion d'un centre de traitement des mâchefers et tri des ferrailles et métaux en Seine-et-Marne, pour EUR 2'440'000.- par année, et la troisième la gestion d'un centre de traitement des mâchefers dans les Yvelines, soit également dans la région parisienne, pour un montant annuel de EUR 1'800'000.-. Hecor avait quant à elle cité sept références, qui concernaient en réalité trois marchés, à savoir le site du Bois-de-Bay, les Cheneviers, et Crer-Roveredo.

L'effet suspensif devait être octroyé. L'écart entre les deux sociétés était minime, et le recours avait de fortes chances de succès ; il suffisait que la note de 1,33 attribuée pour le critère des références passe à 1,5 pour qu'elle remporte le marché. L'intérêt de Sogetri à une adjudication conforme à la loi ainsi que ses intérêts financiers et commerciaux l'emportaient par ailleurs sur celui à une exécution rapide de la décision d'adjudication. Il n'existait aucune urgence justifiant une telle exécution, ce d'autant que les SIG avaient mis plus de six mois à rendre une nouvelle décision d'adjudication.

19) Le 21 septembre 2018, les SIG ont conclu au rejet de la demande d'effet suspensif.

L'évaluation des offres avait été réalisée par Monsieur Serge MOSER, du bureau MR Conseils, mandataire externe aux SIG. Aucun collaborateur des SIG n'y avait participé.

Les deux références de Sogetri qui concernaient les deux centres de traitement des mâchefers en France n'étaient pas les siennes, mais uniquement celles d'un de leurs employés depuis 2015, M. SPERANDIO ; tandis que celles d'Hecor étaient bien des références de cette société. La note de 1 pour les deux références qui n'étaient en fait pas celles de la société était parfaitement justifiée.

La troisième référence de Sogetri ne concernait pas les mâchefers, qui étaient l'objet du marché mis en soumission, donc la note de 2 était justifiée.

20) Hecor ne s'est quant à elle pas manifestée.

21) Le 8 octobre 2018, Sogetri a répliqué spontanément à l'écriture précitée, persistant dans les conclusions de son recours.

Les membres des SIG qui avaient participé à la première évaluation auraient dû se récuser, car les erreurs commises lors de la première procédure étaient lourdes. Quand bien même les SIG prétendaient que l'évaluation avait entièrement été effectuée par un mandataire externe, on pouvait en douter car c'étaient exactement les mêmes notes qui avaient été attribuées pour le critère des références. De plus, Monsieur Thierry GAUDREAU avait signé la décision attaquée.

Les deux références concernant des marchés exécutés par M. SPERANDIO devaient être prises en considération au bénéfice de Sogetri. Des jurisprudences cantonales, l'une vaudoise, l'autre tessinoise, avaient reconnu que les références personnelles des membres de la direction de l'entreprise devaient profiter à celle-ci. Les SIG citaient certes un arrêt jurassien, mais ce dernier n'était pas pertinent, et ne retenait nullement que les références personnelles d'une personne-clef du soumissionnaire ne devaient pas profiter à ce dernier.

22) Par décision du 11 octobre 2018, la présidence de la chambre administrative a octroyé l'effet suspensif aux deux recours de Sogetri et réservé le sort des frais de la procédure jusqu'à droit jugé au fond.

23) Le 12 octobre 2018, les SIG ont spontanément dupliqué, persistant dans les conclusions et arguments présentés dans leur réponse du 21 septembre 2018. Ils avaient correctement fait usage de leur pouvoir d'appréciation dans le cadre de l'évaluation des références. Le prix retenu pour l'offre de la recourante ne modifiait pas l'adjudication du marché. L'évaluation du mandataire externe était justifiée, la recourante n'avait pas remporté le marché en raison des références produites.

24) Le 23 novembre 2018, dans le délai imparti par le juge délégué, Sogetri a présenté des observations, persistant dans les termes et conclusions de son recours et de sa réplique. Les SIG avaient commis un excès négatif du pouvoir d'appréciation en refusant de prendre en considération deux de ses références. La note de 1 était injustifiée, les documents produits étant en relation avec le marché et cette note en principe réservée à des références produites sans relation avec le marché concerné selon le Guide romand pour les marchés publics (ci-après : le guide romand). En outre, la décision d'adjudication avait été rendue en violation des règles relatives à la récusation des membres de l'autorité. En raison des principes d'économie de procédure et de célérité, la décision devait être annulée et le marché litigieux devait lui être adjugé.

25) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant l'autorité compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 15 al. 1, al. 1bis let. d et let. e et al. 2 de l'accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 - AIMP - L 6 05 ; 3 al. 1 de la loi autorisant le Conseil d'État à adhérer à l'accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 - L-AIMP - L 6 05.0 ; art. 56 al. 1 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 - RMP - L 6 05.01 ; art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

2) Dans un premier grief, la recourante se plaint d'une violation des règles sur la récusation des autorités, la décision querellée ayant été signée par M. GAUDREAU, qui avait déjà participé à la première adjudication.

a. Aux termes de l'art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) - applicable lorsque l'impartialité des membres d'une autorité non judiciaire est invoquée (arrêts du Tribunal fédéral 2C_36/2010 du 14 juin 2010 consid. 3.1 et 2C_643/2010 du 1er février 2011 consid. 5.1) -, toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable. Selon la jurisprudence, ce droit permet notamment d'exiger la récusation des membres d'une autorité administrative dont la situation ou le comportement sont de nature à faire naître un doute sur leur indépendance ou leur impartialité. Il tend à éviter que des circonstances extérieures à l'affaire ne puissent influencer une décision en faveur ou au détriment de la personne concernée. La récusation peut s'imposer même si une prévention effective du membre de l'autorité visée n'est pas établie, car une disposition interne de sa part ne peut pas être prouvée. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale. Cependant, seules des circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération, les impressions purement individuelles d'une des personnes impliquées n'étant pas décisives (ATF 127 I 196 consid. 2b p. 198 ; 125 I 119 consid. 3b p. 123 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_442/2011 du 6 mars 2012 consid. 2.1 et 2P.164/2006 du 8 janvier 2007 consid. 3.1 ; ATA/229/2015 du 3 mars 2015 consid. 6a ; ATA/385/2014 du 27 mai 2014 consid. 2 ; ATA/153/2013 du 5 mars 2013 consid. 3).

b. La garantie d'indépendance et d'impartialité s'applique lors de la passation de marchés publics (art. 11 let. d AIMP ; art. 19 RMP ; art. 15 al. 1 LPA). Un membre d'une autorité administrative doit se retirer et est récusable par les parties s'il a un intérêt personnel dans l'affaire, est parent ou allié d'une partie en ligne directe ou jusqu'au troisième degré inclusivement en ligne collatérale ou s'ils sont unis par mariage, fiançailles, par partenariat enregistré, ou mènent de fait une vie de couple, représente une partie ou ont agi pour une partie dans la même affaire et s'il existe des circonstances de nature à faire suspecter leur partialité (art. 15 al. 1 LPA).

c. Selon un principe général, exprimé en droit administratif genevois à l'art. 15 al. 3 LPA, la partie qui a connaissance d'un motif de récusation doit l'invoquer aussitôt, sous peine d'être déchue du droit de s'en prévaloir ultérieurement (ATF 139 III 120 consid. 3.2.1 ; 138 I 1 consid. 2.2). En effet, il est contraire aux règles de la bonne foi de garder en réserve le moyen tiré de la composition irrégulière de l'autorité pour ne l'invoquer qu'en cas d'issue défavorable de la procédure (ATF 136 III 605 consid. 3.2.2). Le moment de la connaissance du motif de récusation peut se décomposer en deux temps : il faut, d'une part, connaître l'identité de la personne récusable et savoir qu'elle sera appelée à participer à la procédure et, d'autre part, connaître l'origine du possible biais (ATA/229/2015 précité consid. 9 ; ATA/58/2014 du 4 février 2014 consid. 6b ; ATA/535/2012 du 21 août 2012 consid. 4c).

d. En l'espèce, la décision querellée a été signée par M. GAUDREAU, qui avait participé à l'élaboration de la première décision d'adjudication, mais sans que celui-ci ne collabore cependant à la nouvelle évaluation des offres, celle-ci étant réalisée par un mandataire externe à teneur des pièces produites. Ladite décision a été notifiée le 24 août 2018 à la recourante. Dès lors, il appartenait à celle-ci, assistée d'un avocat, de faire valoir ce moyen dès sa connaissance, soit au moment de la réception de la décision querellée au mois d'août 2018. Tel n'a pas été le cas, la recourante ayant tardivement attendu le stade de sa réplique, le 8 octobre 2018 pour faire valoir une violation des règles applicables à la récusation.

Par conséquent, ce grief doit être écarté.

3) a. L'AIMP poursuit plusieurs objectifs, soit assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires (art. 1 al. 3 let. a AIMP), garantir l'égalité de traitement entre ceux-ci et assurer l'impartialité de l'adjudication (art. 1 al. 3 let. b AIMP), assurer la transparence des procédures de passation des marchés (art. 1 al. 3 let. c AIMP) et permettre l'utilisation parcimonieuse des deniers publics (art. 1 al. 3 let. d AIMP). Ces principes doivent être respectés, notamment dans la phase de passation des marchés (art. 11 AIMP, notamment let. a et b AIMP).

b. Le principe de l'égalité de traitement entre soumissionnaires oblige l'autorité adjudicatrice à traiter de manière égale les soumissionnaires tout au long du déroulement formel de la procédure (art. 16 RMP ; ATA/1005/2016 du 29 novembre 2016 consid. 3 ; ATA/51/2015 du 13 janvier 2015 et la jurisprudence citée ; Jean-Baptiste ZUFFEREY/Corinne MAILLARD/ Nicolas MICHEL, Droit des marchés publics, 2002, p. 109 ; Benoît BOVAY, La non-discrimination en droit des marchés publics in RDAF 2004, p. 241).

4) a. Aux termes de l'art. 24 RMP, l'autorité adjudicatrice choisit des critères objectifs, vérifiables et pertinents par rapport au marché ; elle doit les énoncer clairement et par ordre d'importance au moment de l'appel d'offres.

b. Le principe de la transparence garanti par les art. 1 al. 3 let. c AIMP et 24 RMP exige du pouvoir adjudicateur qu'il énumère par avance et dans l'ordre d'importance tous les critères d'adjudication qui seront pris en considération lors de l'évaluation des soumissions, en spécifiant clairement l'importance relative qu'il entend accorder à chacun d'eux. Ceux-ci doivent être objectifs, vérifiables et pertinents par rapport au marché. Le principe de la transparence interdit de modifier de manière essentielle, après le dépôt des offres, la présentation des critères. Il n'exige toutefois pas, en principe, la communication préalable d'éléments d'appréciation ou de catégories, tels des sous-critères, qui tendent uniquement à concrétiser le critère publié, à moins que ceux-ci ne sortent de ce qui est communément observé pour définir le critère principal auquel ils se rapportent ou que l'adjudicateur ne leur accorde une importance prépondérante et leur confère un rôle équivalent à celui d'un critère publié. De la même manière, une simple grille d'évaluation ou d'autres aides destinées à noter les différents critères et éléments d'appréciation utilisés (telles une échelle de notes, une matrice de calcul, etc.) ne doivent pas nécessairement être portées par avance à la connaissance des soumissionnaires, sous réserve d'abus ou d'excès du pouvoir d'appréciation (ATF 130 I 241 consid. 5.1 ; ATA/695/2015 du 30 juin 2015 ; ATA/368/2015 du 21 avril 2015 ; ATA/972/2014 du 9 décembre 2014).

c. Ainsi, en vertu de l'art. 43 RMP, l'évaluation est faite selon les critères prédéfinis conformément à l'art. 24 RMP et énumérés dans l'avis d'appel d'offres et/ou les documents d'appel d'offres (al. 1) ; le résultat de l'évaluation des offres fait l'objet d'un tableau comparatif (al. 2) ; le marché est adjugé au soumissionnaire ayant déposé l'offre économiquement la plus avantageuse, c'est-à-dire celle qui présente le meilleur rapport qualité/prix ; outre le prix, les critères suivants peuvent notamment être pris en considération : la qualité, les délais, l'adéquation aux besoins, le service après-vente, l'esthétique, l'organisation, le respect de l'environnement (al. 3) ; l'adjudication de biens largement standardisés peut intervenir selon le critère du prix le plus bas (al. 4).

5) a. Bien que les références puissent constituer un critère d'aptitude, ou de qualification (arrêt du Tribunal administratif fédéral B-7208/2014 du 13 mars 2016 consid. 3.1), elles sont utilisées dans le cas d'espèce comme critère d'adjudication, ce qui est admissible (ATF 139 II 489 consid. 2.2.4 = JdT 2014 I 84, 88), et explique qu'elles aient fait l'objet d'une notation.

b. La question de l'attribution des références d'une personne-clef du personnel d'une entreprise soumissionnaire à cette dernière n'a pas encore été expressément traitée par le Tribunal fédéral. En particulier, l'ATF 139 II 489 précité ne traite pas cette question, mais plutôt celle de la prise en compte de références non données spontanément par le soumissionnaire et de la possibilité pour ce dernier de se déterminer sur les renseignements obtenus. La chambre de céans n'a pour l'instant pas davantage traité ce problème.

c. Il existe cependant des jurisprudences cantonales, qui vont plutôt dans le sens d'une prise en compte des références personnelles des personnes-clefs et non seulement des références d'entreprise (arrêt du Tribunal administratif tessinois du 6 décembre 2012 cité in DC 2013 205 ss, n. 276 ; arrêt de la cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal vaudois du 2 novembre 2015, cité in RDAF 2017 I 517 s. ; plus réservé, du moins dans la mesure où les références concernées ne mentionnaient pas tous les aspects utiles : arrêt du Tribunal administratif des Grisons, U 17 15 du 4 mai 2017, cité in DC 1/2018 52 n. 53).

d. En l'espèce, les références citées par la recourante concernent dans deux cas l'exploitation de centres de traitement des mâchefers gérés par M. SPERANDIO, directeur des opérations au sein de la recourante. À teneur des jurisprudences cantonales précitées et dans la mesure où il n'est pas contesté par les intimés que M. SPERANDIO est toujours une personne-clef chez la recourante, et qu'il soit impliqué le cas échéant dans le marché litigieux - à teneur des documents produits, M. SPERANDIO exercerait pour ce marché une fonction à 20% - ses références auraient dû être prises en compte par les intimés comme références de la recourante. Elles démontrent que l'expérience du directeur d'exploitation et par conséquent de Sogetri est suffisante pour exécuter le marché litigieux et les références correspondent ainsi à celles attendues dans l'appel d'offres. La note attribuée par les intimés aux références fournies par la recourante ne semble ainsi objectivement pas adaptée. En effet, selon le guide romand, la note 1 ne doit en principe être accordée qu'à un soumissionnaire présentant un document qui ne répond pas aux attentes. Les références fournies par la recourante sont en rapport direct avec le type de marché concerné, soit la gestion de centres de traitement des mâchefers et la société peut se prévaloir de l'expérience de son directeur d'exploitation, qui travaille pour elle. Dès lors, dans le cas d'espèce et compte tenu des particularités du marché en cause, qui concerne une prestation rare et spécifique, l'évaluation des références faite par les intimés sans prendre en compte les références du chef d'exploitation de la recourante dépasse la marge d'appréciation à disposition de l'autorité adjudicatrice dans l'évaluation des offres.

Le recours sera par conséquent admis et la décision querellée annulée. Compte tenu de ce qui précède, de la marge d'appréciation dont bénéficient les intimés en matière de marchés publics et de l'absence de contrôle possible par la chambre de céans de l'opportunité de la décision attaquée, le marché litigieux ne peut pas être directement attribué à la recourante. La cause sera ainsi renvoyée aux intimés pour nouvelle décision d'adjudication, étant précisé que dans ce cadre les deux offres (celle de la recourante et celle de l'appelée en cause) devront être à nouveau évaluées, conformément aux principes applicables aux marchés publics. Cette nouvelle évaluation ne concernera néanmoins que le critère des références, les notes données aux autres critères n'ayant pas fait l'objet d'une contestation.

6) Vu ce qui précède, aucun émolument ne sera mis à la charge des SIG, qui en sont dispensés de par la loi (art. 87 al. 1, 2ème phr. LPA), ni de Hecor, qui n'a pris aucune conclusion sur le fond. Une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera en revanche allouée à la recourante, à la charge des SIG (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 3 septembre 2018 par Sogetri SA contre la décision des Services industriels de Genève non datée, renvoyant à la date du timbre postal et notifiée le 24 août 2018 l'excluant du marché « Gestion du centre de traitement des mâchefers du Bois-de-Bay » et adjugeant ce marché à Hecor Sàrl ;

au fond :

l'admet ;

annule la décision entreprise ;

renvoie le dossier aux Services industriels de Genève pour nouvelle décision d'adjudication après nouvelle évaluation au sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue à Sogetri SA une indemnité de procédure de CHF 1'500.-, à la charge des Services industriels de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n'est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

s'il soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Marc Balavoine, avocat de la recourante, aux Services industriels de Genève, à Hecor Sàrl, appelée en cause, ainsi qu'à la commission fédérale de la concurrence.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, MM. Thélin, Pagan et Verniory, Mme Cuendet, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :