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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4487/2018

ATA/1406/2019 du 19.09.2019 sur JTAPI/576/2019 ( ICCIFD ) , IRRECEVABLE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4487/2018-ICCIFD ATA/1406/2019

 

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 19 septembre 2019

sur mesures provisionnelles

 

dans la cause

 

Madame et Monsieur A______
représentés par Mes Michel Cabaj et Thierry Ador, avocats

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 juin 2019 (JTAPI/576/2019)


Attendu, en fait, que :

1) Monsieur A______ (ci-après : le contribuable) et son épouse, Madame A______ (ci-après : la contribuable), sont des ressortissants d'Indonésie.

2) Ils ont été tenus pour assujettis à l'impôt dans le canton de Genève depuis l'exercice fiscal 1999 et ont été inscrits au rôle ordinaire de l'impôt dans le canton de Genève dès la période fiscale 2000.

Ils ont remis à l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) leur déclaration fiscale 2001-A, mais seulement une déclaration provisoire 2001-B. L'AFC-GE leur a alors notifié une décision de taxation d'office pour l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD) et pour l'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC), contre laquelle ils ont formé une réclamation. Ils ont également déposé une déclaration fiscale pour l'exercice 2002.

3) Le 28 novembre 2003, l'AFC-GE a ouvert une procédure de rappel d'impôts. Pour l'ICC, cela concernait la période 1998 à 2000, tandis que pour l'IFD, il s'agissait de la période fiscale 1999-2000.

4) Le 10 mai 2004, le Conseiller fédéral en charge du département fédéral des finances a donné l'ordre à la division des affaires pénales et enquêtes (ci-après : DAPE) de mener une enquête en raison de soupçons fondés de soustraction continue de montants importants d'impôts. Celle-ci a été close en 2009.

5) Par courrier du 15 décembre 2005, l'AFC-GE a informé le contribuable de la clôture de la procédure de rappel d'impôts ouverte le 28 novembre 2003 pour l'exercice 2000. Elle lui a notifié un bordereau ICC accompagné d'un bordereau d'amende d'un montant similaire, contre lesquels les contribuables ont formé le 19 janvier 2006 une réclamation.

6) Le 6 décembre 2006, les contribuables ont quitté la Suisse pour la Grande-Bretagne.

7) Par courrier du 16 novembre 2007, l'AFC-GE a informé les contribuables que les procédures de rappels d'impôts engagées par courrier du 28 novembre 2003 pour les années 1998 à 2000 étaient étendues aux périodes fiscales 2001-B et 2002.

8)Le 5 décembre 2007, l'AFC-GE a informé les contribuables que les bordereaux relatifs aux périodes fiscales 1998 à 2001 seraient notifiés après la reddition de son rapport par la DAPE. Pour des raisons de prescription, elle allait notifier une taxation 2002avant la fin de l'année 2007.

9) Le 18 janvier 2008, les contribuables ont formé une réclamation à réception des deux bordereaux de taxation 2002 annoncés.

10) Le 19 décembre 2008, l'AFC-GE a notifié aux contribuables des bordereaux ICC et IFD relatifs aux exercices fiscaux 2003 à 2005, bordereaux contre lesquels les contribuables, le 16 janvier 2009, ont formé une réclamation.

11) Le 24 mars 2009, la DAPE a rendu son rapport d'enquête qui mettait en évidence des dissimulations fiscales imputables au contribuable, lequel avait été inculpé. Elle suggérait des reprises fiscales sur les revenus déclarés, dont elle chiffrait le montant concernant les périodes fiscales 2000 (ICC uniquement), 2001 et 2002 (ICC et IFD). Pour les périodes fiscales 2003 et 2004, des éléments de revenus supplémentaires allaient être ajoutés aux éléments de taxation ordinaire.

12) a. Le 18 décembre 2009, l'AFC-GE a statué d'une part sur la réclamation des contribuables du 19 janvier 2006 dirigée contre le bordereau ICC 2000 et le bordereau d'amende qui s'y rattachait. Elle a modifié le montant dudit bordereau en leur faveur, et maintenu la quotité de l'amende à concurrence du nouveau montant d'impôt. Elle a statué d'autre part sur leur réclamation contre les bordereaux de taxation relatifs aux exercices 2001 à 2005 par deux décisions, l'une concernant l'ICC et l'autre l'IFD.

b. Le 20 janvier 2010, les contribuables ont saisi d'un recours la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : CCRA), dont le rôle a été repris depuis le 1er janvier 2011 par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI). Leurs conclusions en annulation portaient sur les décisions sur réclamation relatives aux exercices fiscaux 2001-B à 2005 (cause A/239/2010). Par la suite, le 11 février 2010, ils ont précisé à l'instance de recours que leur recours incluait également la décision sur réclamation du 18 décembre 2009 concernant l'exercice fiscal ICC 2000.

13) Le 15 janvier 2010, l'AFC-GE a indiqué aux contribuables que la procédure pénale pour soustraction d'impôts ouverte le 16 novembre 2007 était terminée pour l'IFD et l'ICC 2001-B et 2002 et leur a notifié un bordereau d'amende de CHF 6'952'629.75 pour l'IFD et de CHF 18'501'641.45 pour l'ICC. Par décision sur réclamation du 19 août 2010, l'AFC-GE a maintenu les deux bordereaux d'amende précités. Le 17 septembre 2010, les contribuables ont interjeté un recours auprès de la CCRA (cause A/3227/2010).

14) Le 20 août 2010, l'AFC-GE a notifié aux contribuables des bordereaux de taxation ICC et IFD 2006 pour la période du 1er janvier au 6 avril 2006, date de leur départ pour l'étranger. Les contribuables ont formé une réclamation à l'encontre de ces deux bordereaux par acte du 21 septembre 2010. Le 30 septembre 2010, l'AFC-GE a rejeté leur réclamation, et les contribuables ont interjeté un recours auprès de la CCRA contre ces deux décisions (cause A/3825/2010).

15) Le 21 mai 2012, le TAPI a ordonné la jonction des différentes causes précitées. Il a déclaré irrecevable le recours interjeté dans le cadre de la cause A/239/2010 en tant qu'il portait sur l'année fiscale 2000 et a rejeté les recours pour le surplus.

16) Le 4 mars 2013, les contribuables ont interjeté un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), en concluant à l'annulation du jugement du TAPI précité, de même que celle des bordereaux de taxation et d'amende ICC et IFD, subsidiairement à leur réduction.

17) Par arrêt du 24 novembre 2015 (ATA/1261/2015), la chambre administrative a rejeté le recours des contribuables, dans la mesure où il était recevable.

18) Saisi d'un recours des contribuables qui concluaient à la mise à néant de l'arrêt de la chambre administrative précité, le Tribunal fédéral, par arrêt du 24 novembre 2016, l'a admis partiellement dans la mesure où il était recevable, selon le dispositif suivant :

L'arrêt rendu le 24 novembre 2015 par la Cour de justice était annulé en tant qu'il concernait le prononcé de l'amende pour tentative de soustraction d'IFD et d'ICC pour les périodes 2001-B et 2002 et confirmé pour le surplus.

19) Par arrêt du 22 août 2017 (ATA/1204/2017), la chambre administrative a annulé partiellement les décisions de l'AFC-GE du 15 janvier 2010, confirmées sur réclamation le 19 août 2010, en tant qu'elles prononçaient à l'encontre de la contribuable des amendes pour tentative de soustraction d'impôt pour les périodes 2001-B et 2002, et confirmé pour le surplus et en tant que de besoin les décisions de l'AFC-GE du 18 décembre 2009, confirmées sur réclamation le 19 août 2010, relatives aux exercices 2001 à 2005, ainsi que celle du 20 août 2010 confirmée sur réclamation le 30 septembre 2010, relative à l'exercice 2006.

20) Par ailleurs, dans leurs déclarations fiscales 2007 à 2009, les contribuables ont déclaré uniquement leur bien immobilier sis à B______ et ils n'ont ainsi été imposés que sur cet élément.

21) Pour les périodes 2010 à 2014, ils ont été taxés d'office, faute d'avoir retourné leurs déclarations fiscales. Le 7 octobre 2015, ils ont élevé réclamation à l'encontre de ces taxations. Par décisions du 28 septembre 2015, l'AFC-GE a admis partiellement la réclamation des intéressés.

22) Le 28 octobre 2016, les contribuables ont recouru devant le TAPI à l'encontre de ces décisions, en faisant notamment valoir que l'immeuble de B______ devait être considéré comme sans valeur dans le revenu et la fortune, en raison du séquestre le grevant.

23) Par jugement du 7 février 2018 (JTAPI/126/2018), le TAPI a rejeté leur recours.

24) Ce jugement a été confirmé par la chambre administrative le 5 mars 2019 (ATA/223/2019).

25) Des procédures de séquestre ont par ailleurs été engagées par l'AFC-GE. Le 9 avril 2010, l'AFC-GE a formé, à l'encontre des contribuables, quatre demandes de sûretés valant ordonnances de séquestre (fiscal) pour un montant total de CHF 139'484'026.10, afin de garantir le paiement de l'ICC 2000 à 2005 et de l'IFD 2001 à 2005.

26) Les contribuables ayant formé opposition aux commandements de payer notifiés par l'AFC-GE, celle-ci a requis la mainlevée des oppositions, procédures qui ont fait l'objet de recours jusqu'au Tribunal fédéral, lequel a statué par arrêts des 10 avril 2018 (déclarant irrecevables les recours 5A_30/2018, 5A_31/2018 et 5A_32/2018) et 3 septembre 2018 (rejetant les recours 5A_555/2018, 5A_556/2018 et 5A_557/2018).

Dans les trois premiers arrêts, le Tribunal fédéral a retenu que les recourants se contentaient d'alléguer leur insolvabilité sans nullement étayer leur propos, et de faire référence à leur « situation financière actuelle », sans la décrire, ni a fortiori la démontrer, de sorte que leur argumentation ne satisfaisait nullement aux exigences de motivation requises.

Dans les trois derniers, le Tribunal fédéral a jugé qu'il n'appartenait pas au juge de la mainlevée, en l'absence de décision de répartition prise par les autorités fiscales, de se préoccuper de l'éventuelle insolvabilité d'un époux.

27) Le 23 mai 2017, l'AFC-GE a requis quatre nouveaux séquestres contre les contribuables, également pour un montant total de CHF 139'484'026.10, avec intérêts à 5 % l'an dès le 23 mai 2017, afin de garantir les impôts susmentionnés. Ces séquestres se fondaient sur l'art. 271 al. 1 ch. 6 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite du 11 avril 1889 (LP - RS 281.1).

28) Les ordonnances de séquestres et les commandements de payer en validation du séquestre ont été communiqués aux contribuables par voie édictale. Ces derniers y ont fait opposition.

29) Les ordonnances de séquestres sont entrées en force (arrêts du Tribunal fédéral 5A_510/2018, 5A_511/2018 et 5A_512/2018 du 26 septembre 2018).

30) Par arrêts du 20 novembre 2018 (ACJC/1603/2018, ACJC/1604/2018, ACJC/1605/2018 et ACJC/1606/2018), la chambre civile a suspendu l'effet exécutoire accordé aux quatre jugements rendus par le Tribunal de première instance prononçant la mainlevée de l'opposition aux commandements de payer susmentionnés, considérant que, compte tenu de l'importance des montants litigieux, il était vraisemblable que la continuation des poursuites serait de nature à provoquer des difficultés financières pour les contribuables.

31) S'agissant des années 2015 et 2016, les contribuables ont été taxés d'office, n'ayant pas renvoyé leurs déclarations fiscales dans les délais prescrits.

32) Après avoir reçu leurs bordereaux 2015, ils ont remis une déclaration fiscale.

33) Le 4 août 2017, les contribuables ont élevé réclamation à l'encontre de leur taxation 2016. Il y avait lieu de tenir compte de leur situation patrimoniale sur le plan mondial, ainsi que de leurs dettes fiscales en Suisse, confirmées par le Tribunal fédéral. Au 31 décembre 2015, celles-ci s'élevaient à CHF 86'202'807.- pour M. A______ et à CHF 60'748'536.- pour son épouse, intérêts en sus. Pour l'année 2015, ils demandaient la prise en considération de la fortune et des revenus sis hors canton, ressortant de leur déclaration fiscale indonésienne qu'ils joignaient.

34) Par pli du 18 octobre 2017 adressé à l'AFC-GE, les contribuables ont exposé que les déclarations fiscales suisse et indonésienne 2015 faisaient apparaître une fortune de CHF 20'681'606.-, alors que les dettes « solidaires » s'établissaient à CHF 117'556'665.-. Ils n'étaient ainsi pas en mesure de faire face à leurs obligations financières, à savoir à leurs dettes fiscales excédant CHF 86 millions et aux intérêts y afférents, de sorte qu'ils se trouvaient en situation d'insolvabilité. En conséquence, l'AFC-GE aurait déjà dû émettre une décision fixant la part d'impôt due pour chacun des époux.

35) Par pli du 18 janvier 2018, les contribuables ont invité l'AFC-GE à donner suite à leur requête du 18 octobre précédent.

36) Par décision du 8 février 2018, l'AFC-GE a rejeté la demande de répartition, pour le motif que les précités n'avaient pas établi qu'ils se trouvaient en situation d'insolvabilité. Les pièces remises ne permettaient pas d'attester de leur incapacité durable de remplir leurs obligations financières.

37) Les contribuables ont élevé réclamation à l'encontre de cette décision, par lettre du 15 mars 2018.

Selon le rapport de la DAPE, l'ensemble des éléments imposables du couple avait été attribué à M. A______, hormis ceux relatifs à l'immeuble de B______. L'AFC-GE était au courant de leur situation d'insolvabilité depuis 2016, à la suite du recours ayant donné lieu à l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_32/2016. Ils avaient remis une « due diligence » mondiale de leurs actifs.

Les 4 août et 18 octobre 2017, ils avaient établi leur situation d'insolvabilité. Par ailleurs, compte tenu de la situation économique précaire prévalant en Indonésie, la valeur de leurs actifs s'était dépréciée. Leurs dettes indonésiennes se montaient à l'équivalent de CHF 157'650'000.-, auxquelles s'ajoutaient les prétentions de l'AFC-GE s'élevant à plus de CHF 86 millions, alors que leurs actifs équivalaient à quelque CHF 90 millions. Ils ne pourraient ainsi jamais faire face à leurs obligations.

38) Le 30 avril 2018, les contribuables ont complété leur réclamation en concluant, préalablement, à la suspension des procédures de poursuites en liens avec les impôts 2000 à 2006 et, principalement, à ce que l'AFC-GE procède à la répartition des éléments imposables entre les époux.

Ils ont produit un « due diligence opinion addenda » datée du même jour, établie par une étude d'avocats de Jakarta, qui évaluait les actifs de M. A______ à USD 17'925'643.-. Ses principales dettes, envers les sociétés C______ Ltd. (ci-après : C______ Ltd) et D______ (ci-après : D______), totalisaient environ USD 165'821'774.-. Dès lors, ses actifs présentaient un solde négatif de USD 147'896'131.-, sans compter leurs dettes fiscales pour les années 2000 à 2006, qui ascendaient, pour M. A______ et pour son épouse à respectivement CHF 130 millions et à CHF 92 millions environ, y compris les intérêts. Par ailleurs, si l'on défalquait des actifs de M. A______ la valeur des biens immobiliers singapouriens et suisses, propriétés de son épouse, le solde débiteur était porté à CHF 292'661'426.-, respectivement à CHF 237'825'097.- pour son épouse. Ils faisaient par ailleurs l'objet de nombreuses poursuites pour dettes en Suisse.

Leurs revenus de l'année 2016 se chiffrant à CHF 100'155.-, ils étaient incapables de faire face à leurs engagements financiers, et ils devaient être considérés comme insolvables, ne répondant plus solidairement des impôts dus.

39) Par décision du 13 novembre 2018, l'AFC-GE a rejeté la réclamation, au motif que les contribuables n'avaient pas démontré qu'ils se trouvaient en situation d'insolvabilité.

Le « due diligence opinion addenda » et leur déclaration fiscale indonésienne ne constituaient pas des éléments de preuve suffisants. Ils n'avaient produit aucun acte de défaut de biens les concernant, ni aucune pièce établissant l'existence d'une faillite ou d'un concordat par abandon d'actifs. Leurs seules poursuites, hormis celles émanant de l'AFC-GE, portaient sur de faibles montants et se rapportaient à leur villa de B______, qui n'était gagée qu'à concurrence de CHF 1'600'000.-, alors qu'elle avait été estimée à une valeur oscillant entre CHF 12'000'000.- et CHF 23'000'000.-.

En outre, ils ne faisaient pas état d'hypothèques grevant leur immeuble sis au Royaume-Uni. La prétendue diminution de valeur d'actifs mondiaux d'un richissime homme d'affaires ne saurait être assimilée à une situation de surendettement. En 2017, le magazine Forbes avait classé M. A______ au 35ème rang des personnes les plus riches d'Indonésie. Les contribuables étaient toujours représentés par des avocats réputés, qui fonctionnaient peu probablement à découvert.

Dans ses arrêts du 10 avril 2018 (5A_30/2018, 5A_31/2018 et 5A_32/2018), le Tribunal fédéral avait globalement retenu que les époux n'avaient nullement démontré leur situation d'insolvabilité.

40) Par acte du 14 décembre 2018, les contribuables ont interjeté recours devant le TAPI à l'encontre de la décision du 13 novembre 2017, concluant, principalement, à l'annulation de la décision entreprise, des bordereaux d'ICC 2000 à 2006 et d'IFD 2001 à 2006 ainsi qu'à l'ouverture d'une procédure de répartition des éléments imposables des époux. Subsidiairement, ils ont conclu à l'annulation de la décision attaquée et des bordereaux susmentionnés, en tant que Mme A______ ne devait être imposée que sur l'immeuble de B______, et à l'émission de nouveaux bordereaux.

Selon leur déclaration fiscale indonésienne pour l'année 2017, les actifs de M. A______, d'une valeur de quelques millions de francs suisses, ne couvraient de loin pas leurs dettes se chiffrant à plus de CHF 300 millions, à savoir CHF 157'650'000.- auxquelles s'ajoutaient des dettes fiscales et intérêts ascendant à respectivement CHF 86 millions et CHF 50 millions. Les actifs de son épouse étaient valorisés à CHF 20 millions, tandis que ses dettes s'établissaient à CHF 220 millions. Les contribuables étaient dès lors manifestement en situation d'insolvabilité.

Ils étaient par ailleurs endettés auprès des sociétés indonésiennes D______ et C______ Ltd, ainsi que des créanciers suisses, tels que des entreprises de réparation ou d'entretien, en lien avec leur immeuble de B______, ou encore des avocats.

41) Par jugement du 24 juin 2019, le TAPI a rejeté le recours.

Il découlait de leurs déclarations fiscales indonésiennes 2015 et 2016 que les dettes des contribuables excédaient leurs actifs de plusieurs dizaines de millions de CHF. Cela étant, ils n'avaient produit aucun justificatif relatif à la seule dette dont ils se prévalaient encore dans leur déclaration fiscale indonésienne 2016, à savoir la créance de C______ Ltd à leur encontre, dont l'existence paraissait au demeurant douteuse. En effet, le 25 avril 2018, C______ Ltd - qui avait des rapports de proximité avec le contribuable - avait attesté qu'outre ses liquidités, son seul actif se composait d'une participation dans la société canadienne E______, n'indiquant aucunement qu'elle serait titulaire d'une créance à l'encontre des contribuables. Ceux-ci n'avaient dès lors pas démontré se trouver de manière durable en situation d'insolvabilité.

42) Par acte posté le 29 juillet 2019, les contribuables ont interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement précité, concluant préalablement à l'octroi de mesures provisionnelles, à savoir qu'interdiction soit faite à l'office des poursuites (ci-après : OP) de prendre quelque mesure que ce soit à l'encontre des contribuables, et principalement à l'annulation du jugement attaqué et à ce que soit ordonnée l'ouverture de la procédure de répartition des éléments imposables entre époux s'agissant de l'ICC 2000 à 2006 et de l'IFD 2001 à 2006.

L'OP venant d'informer qu'il souhaitait exécuter la saisie de leurs biens et avoirs relativement aux périodes fiscales 2001 à 2006, et dans la mesure où la répartition des éléments imposables entre époux n'aurait en principe lieu d'être que jusqu'à la distribution des deniers, il devait être fait interdiction à l'OP de prendre quelque mesure de réalisation que ce soit jusqu'à droit jugé sur le recours. En effet, si l'OP procédait à la distribution des deniers, les créances fiscales ICC et IFD 2000 à 2006 seraient partiellement éteintes, ce qui rendrait sans objet la procédure en cours.

43) Le 23 août 2019, l'AFC-GE a conclu à l'irrecevabilité de la demande de mesures provisionnelles.

Il n'appartenait pas à la chambre administrative d'interdire à l'OP de prendre telle ou telle mesure. Il s'agissait d'une compétence de la chambre de surveillance de la Cour de justice (ci-après : la chambre de surveillance), qui exerçait son devoir de contrôle sur l'OP par le biais de la procédure de plainte de l'art. 17 LP. Ladite chambre de surveillance avait du reste rejeté, le 5 juillet 2019, une demande d'effet suspensif déposée par les contribuables, les griefs formés n'apparaissant pas suffisamment fondés pour justifier l'octroi de l'effet suspensif.

44) Sur ce, la cause a été gardée à juger sur mesures provisionnelles.

Considérant, en droit, que :

1) Selon l'art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative de la Cour de justice du 26 septembre 2017, les décisions sur effet suspensif sont prises par la présidente de ladite chambre, respectivement par la vice-présidente, ou en cas d'empêchement de celles-ci, par un juge.

2) Aux termes de l'art. 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (al. 1) ; que toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (al. 3). Par ailleurs, l'art. 21 al 1 LPA permet le prononcé de mesures provisionnelles.

Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles - au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) - ne sont légitimes que si elles s'avèrent indispensables au maintien d'un état de fait ou à la sauvegarde d'intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/503/2018 du 23 mai 2018 ; ATA/955/2016 du 9 novembre 2016 consid. 4). Elles ne sauraient, en principe, anticiper le jugement définitif (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, 265). Par ailleurs, l'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405).

Pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu'un tel examen implique, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

3) La procédure en matière d'exécution forcée d'une somme d'argent est pour l'essentiel réglée par la LP, que le créancier soit un particulier ou une entité publique.

Sauf dans les cas où la loi prescrit la voie judiciaire, il peut être porté plainte à l'autorité de surveillance lorsqu'une mesure de l'office est contraire à la loi ou ne paraît pas justifiée en fait (art. 17 al. 1 LP). La plainte doit être déposée dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP). Il peut de même être porté plainte en tout temps pour déni de justice ou retard non justifié (art. 17 al. 3 LP). Toute décision de l'autorité inférieure peut être déférée à l'autorité cantonale supérieure de surveillance dans les dix jours à compter de sa notification (art. 18 al. 1 LP). La plainte, l'appel et le recours ne suspendent la décision que s'il en est ainsi ordonné par l'autorité appelée à statuer ou par son président ; les parties sont informées immédiatement de la suspension (art. 36 LP).

Plus spécifiquement, celui dont les droits sont touchés par un séquestre peut former opposition auprès du juge dans les dix jours à compter de celui où il en a eu connaissance (art. 278 al. 1 LP).

Les cantons désignent les autorités judiciaires chargées de statuer dans les matières dont la LP attribue la connaissance au juge (art. 23 LP). À Genève, la fonction d'autorité cantonale de surveillance au sens de l'art. 13 LP est exercée par la chambre de surveillance ; art. 6 al. 1 de la loi d'application de la LP du 29 janvier 2010 - LaLP - E 3 60).

4) Par ailleurs, le recours à la chambre administrative est en principe ouvert contre les décisions des autorités et juridictions administratives au sens des art. 4, 4A, 5, 6, al. 1, let. a et e, et 57 LPA ; sont réservées les exceptions prévues par la loi (art. 132 al. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05). Le recours à la chambre administrative n'est en revanche pas recevable contre les décisions pour lesquelles le droit fédéral ou une loi cantonale prévoit une autre voie de recours (art. 132 al. 8 LOJ).

5) En l'espèce, les recourants concluent, sur mesures provisionnelles, à ce que la chambre administrative fasse interdiction à l'OP de prendre quelque mesure que ce soit à leur encontre s'agissant de diverses saisies.

Cependant, ils ne discutent pas la compétence de la chambre de céans de procéder à de telles mesures à l'égard de l'OP, et n'indiquent en particulier pas quelle base légale fonderait ladite compétence, ce alors que la LP et ses lois cantonales d'application prévoient un contentieux distinct de la voie administrative ordinaire - procédure spécifique, sui generis, de plainte et de recours ainsi que diverses actions devant les tribunaux civils - s'agissant de l'exécution forcée de sommes d'argent, et que la chambre de surveillance a été saisie de requêtes d'effet suspensif concernant les saisies litigieuses, et a rejeté lesdites requêtes, le contentieux y relatif étant actuellement pendant devant le Tribunal fédéral.

La chambre de céans n'a d'ailleurs jamais pris de mesures provisionnelles visant l'OP, lequel n'est du reste pas partie à la présente procédure.

Il résulte de ce qui précède que la cambre de céans n'est pas compétente pour prononcer les mesures provisionnelles sollicitées, qu'elle déclarera donc irrecevables.

6) Le sort des frais sera réservé jusqu'à droit jugé au fond.

Par ces motifs,

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable la demande de mesures provisionnelles ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu'à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Mes Michel Cabaj et Thierry Ador, avocats des recourants, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La vice-présidente :

 

 

 

F. Krauskopf

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :