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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3060/2019

ATA/1401/2019 du 17.09.2019 ( MARPU ) , ACCORDE

Parties : SECURITAS SA SOCIETE SUISSE DE SURVEILLANCE / COMMUNE DE COLLONGE-BELLERIVE
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3060/2019-MARPU ATA/1401/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision sur effet suspensif

du 17 septembre 2019

 

dans la cause

 

SECURITAS SA SOCIÉTÉ SUISSE DE SURVEILLANCE
représentée par Me Robert Hensler, avocat

contre

COMMUNE DE COLLONGE-BELLERIVE
représentée par Me François Bellanger, avocat


 

Attendu, en fait, que :

1) Le 15 août 2019, la commune de Collonge-Bellerive (ci-après : la commune) a fait paraître sur la plateforme www.simap.ch un appel d'offres en procédure ouverte no 192'081, concernant la surveillance des sites sur la commune. Le marché était divisé en lots soit : le lot no 1 concernant les prestations physiques (ronde/ouverture/fermeture de sites) et le lot no 2 concernant les prestations techniques (vidéosurveillance). Le début de l'exécution était prévu le 1er janvier 2020 pour une durée de quatre mois, renouvelable chaque année. Le délai de clôture pour le dépôt des offres était fixé au 27 septembre 2019 à 16 heures.

2) Les conditions générales de participation au marché figurent au point 3.1. de l'appel d'offres. Les conditions supplémentaires de participation sont prévues dans le dossier d'appel d'offres, disponible sur demande de tout soumissionnaire intéressé par l'obtention du marché public (point 3.12).

3) L'art. 3.9 du dossier d'appel d'offres (K2) prévoit que : « Pour un marché déterminé, un mandataire, un bureau, une entreprise ou une société ne peut déposer qu'une offre en qualité de soumissionnaire ou membre associé d'un soumissionnaire, sauf exception prévue dans la publication officielle. Les bureaux ou entreprises portant la même raison sociale et dont l'activité est identique, même issus de cantons différents, ne pourront inscrire qu'un seul bureau, succursale ou filiale. Les bureaux ou entreprises ne portant pas la même raison sociale, mais dont l'activité est identique et dont la filiation commerciale, juridique et décisionnelle peut être prouvée, ne pourront inscrire qu'un seul bureau, succursale ou filiale. Dans ce dernier cas, l'adjudicateur peut demander au soumissionnaire concerné des preuves de son indépendance commerciale, juridique et décisionnelle vis-à-vis d'autre soumissionnaires portant ou non la même raison sociale ».

4) Par recours déposé le 26 août 2019 au greffe de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), Securitas SA Société Suisse de Surveillance (ci-après : Securitas SA) a formé recours contre l'appel d'offres susvisé, concluant préalablement à ce que l'effet suspensif soit restitué et, au fond, à ce que cet appel d'offres soit annulé.

Elle critiquait la clause no 3.9 du dossier d'appel d'offres, qui, sur le fond, violait les principes de la légalité, de la liberté économique et de la proportionnalité, raison pour lesquelles le recours avait une bonne chance d'être admis. Securitas SA entendait soumissionner pour le marché litigieux, s'était déjà inscrite sur la plate-forme simap et avait obtenu le dossier d'appel d'offres contenant la clause litigieuse. La société Python Sécurité SA allait faire de même. Or, en vertu de la clause no 3.9, les offres de la recourante et de Python Sécurité SA allaient très vraisemblablement être écartées par le pouvoir adjudicateur car les deux sociétés étaient affiliées au même groupe et étaient actives dans le même segment de marché, celui de la sécurité et de la surveillance, alors même qu'elles étaient indépendantes l'une de l'autre et avaient chacune leur spécificité et organisation propre.

L'effet suspensif devait être accordé au recours, dans la mesure où, dans le cas contraire, Securitas SA ne pourrait pas soumissionner aux marchés publics litigieux, respectivement son offre serait selon toute vraisemblance écartée. Dans le cas présent, il n'existait pas de contraintes temporelles qui justifieraient que la procédure d'appel d'offres suivre son cours nonobstant le présent recours, compte tenu du délai de clôture pour le dépôt des offres et le fait que les prestations faisant l'objet de l'appel d'offres devaient débuter le 1er janvier 2020 ; en effet, l'autorité adjudicatrice pourrait convenir avec le prestataire actuel d'une prolongation temporaire de son contrat jusqu'à la décision de la chambre administrative ; il n'y avait donc pas de risque d'un « vide temporel durant lequel les prestations de surveillance, que l'autorité adjudicatrice cherch[ait] à réattribuer par le biais de l'appel d'offres litigieux, ne soient plus assurées ». Subsidiairement, un effet suspensif limité pouvait être ordonné, en faisant uniquement interdiction au pouvoir adjudicateur de procéder à tout écartement ou évaluation des offres et de rendre toute décision d'adjudication jusqu'à droit jugé sur la licéité de la clause no 3.9.

5) Dans ses observations du 12 septembre 2019, la commune a conclu au rejet de la requête d'effet suspensif et du recours. Sur le fond, le recours n'avait pas de chance d'aboutir, la clause en question ne violant ni le principe de la légalité ni celui de la liberté économique et l'intérêt public de la commune était prépondérant. L'effet suspensif n'avait pas à être octroyé dans le cas d'espèce car la commune ne pouvait subir un retard dans l'attribution du marché de service portant sur la surveillance de ses sites alors que l'exécution était prévue pour le mois de janvier 2020, soit « très prochainement » ; un tel retard serait de nature à causer un préjudice important et il existait un intérêt public certain à assurer la sécurité des sites de la commune. Quant à l'octroi d'un effet suspensif limité, il reviendrait à annuler de facto la clause no 3.9 en permettant la non exclusion de la recourante jusqu'à droit jugé.

Considérant, en droit, que

1) Interjeté en temps utile devant l'autorité compétente, le recours est prima facie recevable (art. 15 al. 2 de l'accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 - AIMP - L 6 05 ; 3 al. 1 de la loi autorisant le Conseil d'État à adhérer à l'accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 - L - AIMP - L 6 05.0 et 56 al. 1 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 - RMP - L 6 05.01).

La vice-présidente de la chambre a compétence pour statuer seule (art. 21 et 66 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 9 al. 1 du règlement de la chambre administrative du 26 septembre 2017).

2) Aux termes des art. 17 al. 1 AIMP et 58 al. 1 RMP, le recours n'a pas d'effet suspensif. Toutefois, en vertu des art. 17 al. 2 AIMP et 58 al. 2 RMP, l'autorité de recours peut, d'office ou sur demande, octroyer cet effet pour autant que le recours paraisse suffisamment fondé et qu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose.

L'examen de la requête suppose une appréciation prima facie du bien-fondé du recours. L'effet suspensif doit être refusé au recours manifestement dépourvu de chances de succès et dont le résultat ne fait aucun doute. Inversément, un diagnostic positif prépondérant ne suffit pas d'emblée à justifier l'octroi d'une mesure provisoire, mais suppose de constater et de pondérer le risque de préjudice (ATA/446/2017 du 24 avril 2017 consid. 2 ; ATA/62/2017 du 23 janvier 2017 consid. 2 ; ATA/793/2015 du 5 août 2015 consid. 2 ; ATA/701/2013 du 22 octobre 2013 consid. 2 ; Benoît BOVAY, Recours, effet suspensif et conclusion du contrat, in Jean-Baptiste ZUFFEREY/Hubert STÖCKLI, Marchés publics 2010, Zurich 2010, pp. 311-341, p. 317 n. 15).

La restitution de l'effet suspensif constitue cependant une exception en matière de marchés publics, et représente une mesure dont les conditions ne peuvent être admises qu'avec restriction (ATA/446/2017 précité consid. 2 ; ATA/62/2017 précité consid. 2 ; ATA/793/2015 précité consid. 2 ; ATA/60/2013 du 30 janvier 2013 consid. 5).

3. En l'espèce, la recourante remet en question la légalité de la clause no 3.9, soit un critère posé par la commune, celui de la possibilité de l'inscription d'un seul bureau, succursale ou filiale pour les bureaux ou entreprises portant la même raison sociale et dont l'activité est identique, ou ne portant pas la même raison sociale mais dont l'activité est identique et dont l'affiliation commerciale, juridique et décisionnelle peut être prouvée.

À ce stade de la procédure, il est délicat de procéder, avant instruction complète de la cause, à une évaluation prima facie des chances de succès du recours. La prise en compte des intérêts publics et privés conduit à retenir que, s'il y a un intérêt public prépondérant à ce que la procédure suive son cours, compte tenu des échéances prévues au début de l'année 2020 pour les contrats en cours, la recourante a un intérêt privé prépondérant à ce que la commune ne procède pas à l'évaluation des offres et ne prenne aucune décision d'exclusion ou d'adjudication avant que le présent contentieux ne soit définitivement tranché. Sur le fond, en cas d'admission du recours, toute la procédure risquerait de devoir être recommencée ab initio. En cas de rejet de celui-ci, la procédure d'adjudication pourrait continuer au stade où elle aura été interrompue, soit au stade du dépôt des offres. Il sied encore de préciser que les parties connaissent d'ores et déjà les délais fixés, pour se prononcer sur le fond du litige, et que la procédure devrait avancer rapidement.

Au vu de ce qui précède et en vertu de l'art. 9 du règlement de la chambre administrative, l'effet suspensif au recours sera accordé de manière limitée au sens des considérants qui précèdent, en ce sens qu'il sera fait interdiction à la commune de Collonges-Bellerive de procéder à toute évaluation des offres et de prendre toute décision d'adjudication.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

accorde au recours un effet suspensif limité ;

fait interdiction à la commune de Collonges-Bellerive de procéder à toute évaluation des offres et de prendre toute décision d'adjudication ;

autorise la poursuite de la procédure d'appel d'offres pour le surplus ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu'à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 Ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique la présente décision, en copie, à Me Robert Hensler, avocat de la recourante, ainsi qu'à Me François Bellanger, avocat de la commune de Collonge-Bellerive.

 



La vice-présidente :

 

 

F. Krauskopf

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :