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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1339/2019

ATA/1373/2019 du 10.09.2019 ( FORMA ) , REJETE

Descripteurs : IMITATION(PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE);PLAGIAT;FORMATION(EN GÉNÉRAL);DROIT D'AUTEUR ET DROITS VOISINS;ÉLIMINATION(FORMATION);EXCLUSION(EN GÉNÉRAL)
Normes : LDA.2; LDA.3; LDA.25; LU.6
Résumé : Un étudiant ne saurait tirer profit d’avoir mis des notes de bas de page, lorsque son travail de mémoire apparaît comme une copie servile de pages entières d’ouvrages consultés et une appropriation active des idées de leurs auteurs. Ce procédé ne saurait en effet autoriser la reprise des pages entières des auteurs cités. Par ailleurs, un taux de similitudes d’environ 50 % des ouvrages cités, constaté par un logiciel anti plagiat, va au-delà de simples extraits qui doivent apparaître comme minimes dans un travail de mémoire. Il dénote en outre une absence de création indépendante, d’individualité ou d’originalité qui doivent pourtant caractériser une dissertation.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1339/2019-FORMA ATA/1373/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 septembre 2019

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A______

contre

UNIVERSITÉ DE GENÈVE



EN FAIT

1) a. Madame A______, née le ______1978 à B______ au Cameroun, doctorante en économie à l'Université de B______, a, dès le semestre de printemps 2015, commencé à l'Université de Genève (ci-après : l'université) au sein de la Faculté autonome de théologie (ci-après : la faculté), à la suite de son admission par courrier du doyen de la faculté (ci-après : le doyen) du 18 janvier 2015, une formation approfondie en vue de l'obtention d'un certificat de spécialisation en théologie (ci-après : le certificat).

Le programme d'études s'étendait sur quatre semestres et comprenait une participation aux cours et séminaires de six heures par semaine et des travaux dont deux dans une discipline non retenue pour la dissertation et un dans la discipline retenue pour la dissertation. Celle-ci était d'environ trente pages sur un sujet choisi dans l'une des disciplines étudiées. Chaque cours faisait l'objet d'un examen oral à la fin du deuxième semestre et d'un examen oral et écrit à la fin du quatrième semestre. La durée des études était de quatre semestres au minimum et de six semestres au maximum.

Mme A______ avait, au printemps 2015, acquis six crédits du système européen de transfert et d'accumulation de crédits (ci-après : crédits ECTS) en introduction au christianisme ; en automne 2015, quatre et sept crédits ECTS respectivement en histoire du christianisme et en éthique ; au printemps 2016, quatre crédits ECTS en introduction à la psychologie de la religion ; et au printemps 2017, quatre crédits ECTS en introduction à la sociologie de la religion, soit un total de vingt-cinq crédits ECTS.

b. Le 26 septembre 2016, Mme A______ a contacté le professeur d'histoire du christianisme au sujet du thème de sa dissertation. Une rencontre a eu lieu à ce sujet dans le bureau du professeur précité, le 4 octobre 2016.

L'intéressée avait, le 4 décembre 2017, après plusieurs échanges de courriels avec le professeur précité, confirmé à celui-ci son intérêt pour le sujet « Calvin et la question du prêt à intérêt ». Le 27 décembre 2017 et le 8 janvier 2018, elle avait envoyé la problématique de son sujet au professeur concerné.

2) Le 18 septembre 2017, sont entrés en vigueur au sein de la faculté deux règlements d'études consacrés respectivement au certificat de spécialisation en théologie et au certificat complémentaire en théologie.

Le règlement d'études du certificat complémentaire en théologie était applicable à tous les nouveaux étudiants et aux étudiants en cours d'études inscrits dans le programme du certificat de spécialisation en théologie dès son entrée en vigueur. Il abrogeait et remplaçait le chapitre IX : certificat de spécialisation en théologie du règlement d'études de la faculté du 1er octobre 1999.

3) a. Le 6 février 2018, Mme A______ a soumis au professeur précité son mémoire de certificat.

Elle a reçu une note de deux, insuffisante pour obtenir les six crédits ECTS exigés pour le mémoire. La structure générale de la dissertation, sa rédaction, sa manière de citer et d'argumenter ne correspondaient pas au niveau requis.

b. Le 23 février 2018, le professeur précité a reçu l'intéressée en entretien et lui a indiqué les corrections à effectuer.

La problématique devait suivre une ligne directrice unique et les références aux textes et aux travaux devaient être correctement indiquées.

4) Le 19 mars 2018, Mme A______ a adressé au professeur précité une seconde version de son travail de mémoire.

5) Le 28 mai 2018, le travail a été soumis à un logiciel de détection de plagiat qui a indiqué un taux de similitudes avec des documents de 42 %.

Selon les informations détaillées d'un extrait de cette analyse du logiciel, la « partie 1 » de la dissertation portant sur neuf mille huit cent nonante et un mots présentait un taux de similitudes de 22 % dont 24 % de similitudes à l'identique, 13 % de similitudes supposées et 1 % de similitudes accidentelles. La « partie 2 » portant sur neuf mille deux cent trois mots avait un taux de similitudes de 64 % dont 47 % de similitudes à l'identique, 16 % de similitudes supposées et 1 % de similitudes accidentelles.

6) Par courrier recommandé du 21 juin 2018, le doyen a indiqué à l'intéressée que le professeur responsable de son travail de mémoire lui avait signalé une suspicion de plagiat. Il lui a fixé un délai pour lui faire parvenir ses observations.

7) Par décision du 6 juillet 2018, envoyée en courrier recommandé, le doyen a constaté le plagiat dans le mémoire de certificat de Mme A______.

La note de zéro était attribuée au travail. Seules deux tentatives étant autorisées et Mme A______ ne pouvant pas obtenir le nombre de crédits ECTS requis pour l'obtention du certificat, son élimination du cursus était prononcée. En outre, son cas devait être signalé au conseil de discipline de l'université qui pouvait prononcer des sanctions supplémentaires.

8) a. Le 30 juillet 2018, le conseiller aux études de la faculté a reçu en retour les courriers recommandés précités du doyen des 21 juin et 6 juillet 2018.

b. Le 31 juillet 2018, les courriers précités ont été adressés à Mme A______ par plis simples et par courriels.

9) Le 9 août 2018, Mme A______ a formé opposition, complétée le 13 août 2018, contre la décision de son élimination en requérant son annulation, en réfutant le plagiat, les passages mis en cause dans son travail étant référencés par des notes de bas de page.

Elle n'avait reçu ni le courrier du 21 juin 2018 du doyen ni celui du 6 juillet 2018. Elle avait demandé des explications à ce sujet à la poste française. Elle recevait toutes ses communications de l'université par le biais de sa messagerie électronique. Elle n'avait pas été entendue avant la décision du doyen et les directives en cas de suspicion de plagiat n'avaient pas été respectées.

Ayant cité au « titre 1 » de son travail la source mise en cause, les lignes citées dans ce titre-ci n'étaient pas les siennes. Elle n'avait certes pas mis entre les guillemets le texte repris. Toutefois, en mettant une note de bas de page au « titre 1 », tout ce qui était dit dans les paragraphes sous celui-ci venait de l'article cité. Elle avait voulu mettre la note de bas de page au « grand titre 1 » dans la mesure où tout son « grand titre 1 » avait été repris de l'auteur cité. Le « grand titre 2 » était aussi repris du même auteur.

Son travail s'articulait autour de trois ou quatre axes. La première partie éclairait sur les raisons pour lesquelles le prêt à intérêt était prohibé. Elle avait trouvé ces raisons bien énumérées dans l'article cité en « titre 1 » de son travail et plus loin six à huit fois dans le « grand I et II » de son travail. L'article de cet auteur et les commentaires constituaient environ 20 % de son travail.

Elle était disposée à corriger les citations faites de façon incorrecte. Elle avait également manqué de rigueur en ne citant pas l'auteur à chaque passage où elle l'avait repris. Pour elle, « une notification en titre » était « suffisante » pour prouver l'origine des lignes citées qui n'étaient pas les siennes. Elle avait durant ses trois années de formation, de février 2015 à février 2018, cité ses références de la même manière sans recevoir de remarques.

Trouver un sujet de dissertation avec le professeur précité avait causé quelques difficultés.

10) Le 5 septembre 2018, la commission en charge des oppositions au sein de la faculté (ci-après : la commission), après avoir constaté un cas avéré de plagiat, a donné un préavis favorable à l'admission de l'opposition de Mme A______.

L'intéressée n'avait pas pu prendre connaissance des courriers du doyen et n'avait pas de ce fait pu faire valoir ses observations en lien avec la suspicion de plagiat. Elle devait être reçue par le doyen en présence d'une tierce personne de l'université, non membre de la faculté.

11) Le 3 octobre 2018, le doyen a, en présence d'une professeure d'un institut non rattaché à la faculté, reçu en entretien Mme A______ à qui il a, dans une démarche de conciliation, proposé de rédiger une autre dissertation sous la direction d'un autre professeur. Mme A______ a décliné cette offre, estimant infondées les accusations de plagiat.

12) Par décision du 20 novembre 2018, le doyen, suivant le préavis de la commission, a qualifié de plagiat les éléments ressortant de la dissertation de Mme A______ et prononcé son élimination du certificat.

La reconnaissance du plagiat entraînait l'attribution de la note de zéro au mémoire de l'intéressée. La situation avait été dénoncée au conseil de discipline de l'université.

13) Le 3 décembre 2018, Mme A______ a formé opposition contre la décision de son élimination.

Son travail de mémoire souffrait de paraphrases et d'erreurs de présentation matérielle (oubli des guillemets) qui ne pouvaient pas être qualifiées de plagiat.

14) Le 7 février 2019, le professeur responsable du travail en cause a rendu un rapport sur celui-ci.

Après plusieurs échanges avec l'intéressée, d'octobre 2016 à janvier 2018, sur le sujet de la dissertation, Mme A______ lui avait adressé son mémoire de certificat le 6 février 2018. La structure générale, la rédaction et la manière de citer et d'argumenter ne correspondaient pas au niveau requis.

Il avait soumis la dissertation à une autre professeure qui avait confirmé son appréciation. De plus, celle-ci avait émis sans l'étayer l'hypothèse de certains passages plagiés. Il avait donné une note de deux à la dissertation et proposé à Mme A______ un entretien explicatif et de conseil en cas de souhait de seconde tentative. Il avait, le 19 mars 2018, reçu une nouvelle version du travail de l'intéressée. Fin mai 2018, la dissertation avait été soumise à un logiciel anti-plagiat dont le résultat avait donné un taux de plagiat élevé de 42 %. Il avait renoncé à attribuer une note et avait, le 1er juin 2018, remis le travail au conseiller aux études en l'alertant du soupçon de plagiat. Il avait laissé à la faculté le soin de décider si les dispositions sur le plagiat s'appliquaient. Après en avoir conféré au collège des professeurs, le doyen avait décidé de mettre la note de zéro et de communiquer la décision à l'intéressée. Le 16 octobre 2018, la commission lui avait demandé de réexaminer la dissertation. Il avait alors repéré plus de passages plagiés, soit des passages copiés-collés à partir de documents disponibles sur internet, mais aussi des textes recopiés d'ouvrages publiés. Ces passages étaient repris littéralement, dans un assez grand désordre. Ici et là, la mention de l'auteur recopié se trouvait en note de bas de page, mais les passages en cause couvrant plus de la moitié de la dissertation n'étaient jamais signalés par des guillemets. Un examen attentif des premières pages révélait une reprise par copier-coller de quatre-vingt lignes sur cent d'un article disponible sur internet, article cité de manière erronée en note. Certaines notes de bas de page n'avaient aucun rapport avec le texte. Même s'il n'y avait pas eu de plagiat, les incohérences de construction de la dissertation étaient de nature à entraîner l'invalidation du travail.

15) Le 13 février 2019, Mme A______ a contesté le rapport précité.

16) Le 22 février 2019, les membres de la commission ont tenu une nouvelle séance pour examiner le travail de dissertation en cause à l'aune des directives sur le plagiat en vigueur au sein de l'université.

Le travail comportait un grand nombre de passages plagiés, dépassant 50 % de la dissertation. L'intéressée avait décliné la proposition du doyen de rédiger un nouveau travail supervisé par un autre professeur.

17) Par décision du 7 mars 2019, le doyen a rejeté l'opposition de Mme A______, a confirmé le plagiat et l'échec en deuxième tentative à l'évaluation de dissertation de fin de certificat.

18) Par acte expédié le 3 avril 2019, Mme A______ a recouru contre la décision précitée auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), en concluant à ce que la décision du doyen soit cassée.

L'absence de quelques guillemets était une erreur de présentation pouvant aisément être corrigée. Son travail n'était pas plagié, tous les emprunts aux divers auteurs ayant été clairement cités. Le professeur responsable de son travail portait de façon erronée des accusations de plagiat sur son travail. Une absence de guillemets avec une citation des références était une erreur de présentation matérielle.

19) Le 22 avril 2019, Mme A______ a transmis à la chambre de céans une copie des deux versions de son mémoire en cause.

20) Le 12 juin 2019, l'université a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision du doyen du 7 mars 2019.

L'intéressée avait subi un échec définitif à l'évaluation du mémoire de certificat. Elle avait obtenu une note de deux à la première version de son mémoire, et une note de zéro à la deuxième version à la suite d'un constat de plagiat.

Mme A______ contestait la qualification de plagiat. Celui-ci était pourtant réalisé, l'intéressée s'étant appropriée, de manière active, des textes et des idées d'autrui, en les faisant passer pour siens. Certaines sources étaient certes citées en note de bas de page. Toutefois, le plagiat était matériellement réalisé en raison de l'appropriation active d'idées, de raisonnements et de formulations provenant de tiers par l'intéressée. La matérialité des faits résultait du rapport du professeur responsable du travail et des pièces du dossier, soit le constat d'un emprunt textuel de longs passages identiques, mot pour mot, à quatre auteurs (Ragip EGE, François DERMANGE, André BIÉLER et Pascaline DEPOUHON). Certains passages étaient des copiés-collés d'articles tirés d'internet, d'autres avaient été recopiés à partir d'articles et d'ouvrages publiés. La référence aux textes d'autrui et à leurs sources n'était pas systématique, était souvent incorrecte et en-dehors du contexte immédiat des passages cités. Aucun élément typographique ne permettait de distinguer les phrases produites par l'intéressée de celles tirées de la littérature. L'intéressée s'était approprié les textes de tiers, en trompant le lecteur et en entretenant une certaine confusion par un montage et collage dans un grand désordre. Le responsable du travail avait mis en exergue les passages en cause. Un logiciel anti-plagiat avait également indiqué un taux de similitudes de 42 %. Le responsable du travail avait rappelé à l'intéressée les modalités de référencement appropriées au cours d'un entretien.

Mme A______ et le professeur responsable de son travail avaient de profondes divergences d'opinion, mais celles-ci n'étaient pas pertinentes dans le cadre du plagiat et de l'élimination de l'intéressée. Si le plagiat n'était pas retenu, les incohérences de construction relevées lors de l'évaluation du travail de l'intéressée étaient de nature à entraîner l'invalidation de la dissertation en cause et l'élimination de l'intéressée.

21) Mme A______ n'ayant pas donné suite au courrier l'invitant à se déterminer sur la réponse de l'université, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 36 al. 1 du règlement relatif à la procédure d'opposition au sein de l'université du 16 mars 2009 - RIO - UNIGE).

2) Le 18 septembre 2017, sont entrés en vigueur au sein de la faculté deux règlements d'études, dont le premier consacré au certificat complémentaire en théologie, abroge et remplace le chapitre IX du règlement d'études du 1er octobre 1999 ; le second est relatif au certificat de spécialisation en théologie. Le premier désigné règle la question de son application aux étudiants inscrits, lors de son entrée en vigueur, au cursus du certificat de spécialisation en théologie selon le chapitre IX précité. C'est ce règlement-ci qui est applicable en l'espèce. Au demeurant, s'agissant de la question à trancher, soit la constatation du plagiat et de ses effets, les deux règlements précités prévoient des dispositions identiques.

3) L'objet du litige porte sur le constat de plagiat, l'attribution de la note de zéro au travail de mémoire de la recourante et son élimination du cursus du certificat complémentaire en théologie. La question de savoir si la dissertation en cause présente des incohérences de construction qui devraient entraîner son invalidation ne fait pas l'objet de la décision contestée.

4) a. Aux termes de l'art. 1 de la loi sur l'université du 13 juin 2008 (LU - C 1 30), l'université est un établissement de droit public doté de la personnalité morale, placé sous la surveillance du Conseil d'État qui l'exerce par l'intermédiaire du département en charge de l'instruction publique (ci-après : le département) (al. 1). L'université s'organise elle-même, fixe ses priorités et ses modalités d'action et est responsable de sa gestion dans le cadre des orientations, principes et règles stipulés par la LU et dans le respect des dispositions pertinentes du droit fédéral (al. 2). Les dispositions complétant la LU sont fixées dans le statut de l'université (ci-après : statut), les règlements dont celle-ci se dote sous réserve de l'approbation du Conseil d'État et d'autres règlements adoptés par l'université (al. 3).

b. Basée sur l'art. 6 LU, la directive en matière de plagiat des étudiant-e-s, adoptée par le rectorat le 12 septembre 2011 (ci-après : la directive), indique que le plagiat consiste à insérer, dans un travail académique, des formulations, des phrases, des passages, des images, ou des chapitres entiers, de même que des idées ou analyses repris de travaux d'autres auteurs, en les faisant passer pour siens. Le plagiat est réalisé de la part de l'auteur du travail soit par l'appropriation active desdits textes ou idées d'autrui, soit par l'omission de la référence correcte aux textes ou aux idées d'autrui et à leurs sources. Les règlements des facultés, ainsi que les indications détaillées des enseignants déterminent les modalités de référencement appropriées (art. 1 directive ; ATA/771/2016 du 13 septembre 2016).

Dans le sens courant, le plagiat se définit comme l'action de celui qui donne pour sien ce qu'il a pris à l'oeuvre de l'autre (ACOM/100/2004 du 6 octobre 2004 ; Encyclopédie Larousse en ligne, http://www.larousse.fr/encyclopedie, consulté le 3 septembre 2019).

c. La jurisprudence de la commission de recours de l'université (ci-après : CRUNI) a posé comme principe le contrôle du travail incriminé à l'aune de la loi fédérale sur le droit d'auteur et les droits voisins du 9 octobre 1992 (LDA - RS 231.1 ; ACOM/67/2008 du 28 mai 2008). À teneur des art. 2 et 3 LDA, une oeuvre littéraire est protégée, de même que les oeuvres dérivées, à savoir toute création de l'esprit qui a un caractère individuel, mais qui a été conçue à partir d'une ou plusieurs oeuvres préexistantes reconnaissables dans leur caractère individuel. L'art. 25 LDA prévoit pour sa part que les citations tirées d'oeuvres divulguées sont licites dans la mesure où elles servent de commentaire, de référence ou de démonstration et pour autant que leur emploi en justifie l'étendue. Ce droit d'opérer des citations conformément à cette disposition doit être apprécié au sens strict et de manière restrictive, étant précisé que le terme citation n'est pas synonyme d'extrait (ACOM/100/2004 précité). Lors de l'élaboration d'un travail soumis à évaluation par un étudiant, celui-ci doit impérativement se distancer des ouvrages de référence dont il s'est inspiré pour fonder son opinion, de manière à se faire l'auteur à son tour d'une création indépendante, donc les emprunts à ces ouvrages doivent apparaître à ce point minimes qu'ils s'effacent devant l'individualité de son travail et dont la substance sera l'objet de l'évaluation (ATF 125 III 328 consid. 4b ; ATA/499/2009 du 6 octobre 2009).

Tant la CRUNI que l'ancien Tribunal administratif ont rendu une jurisprudence abondante en matière de plagiat. Dans la plupart des cas il s'agissait de copies serviles d'ouvrages (ATA/499/2009 précité ; ACOM/109/2008 du 25 novembre 2008 ; ACOM/100/2004 précité) ou de compilations systématiques de sources trouvées sur internet (ACOM/60/2008 du 7 mai 2008 ; ACOM/22/2005 du 21 avril 2005).

d. Selon la doctrine, l'ampleur de la citation au sens de l'art. 25 LDA doit être limitée. Cette limitation s'inscrit en l'occurrence dans la libre utilisation de l'oeuvre protégée qui autorise de se servir de certains éléments de cette oeuvre, à la condition qu'il en résulte une création indépendante, dont l'individualité se substitue à l'individualité de l'oeuvre antérieure. Cette individualité doit se reconnaître dans l'oeuvre ainsi créée, malgré les emprunts, le cachet personnel étant la meilleure preuve que l'oeuvre est originale (ACOM/100/2004 précité ; Denis BARRELET/Willi EGLOFF, Le nouveau droit d'auteur, 3ème éd., 2008, p. 177 ; François DESSEMONTET, Le nouveau droit d'auteur, 1999, p. 44, 115 ; Ivan CHERPILLOD, Le droit d'auteur en Suisse, 1986, p. 149).

En revanche, le défaut de création personnelle traduisant un apport imaginatif inhérent à l'oeuvre dérivée et propre à se distancer de l'oeuvre de base, de même que l'étendue exagérée de la citation sans justification particulière constituent des comportements illicites qui outrepassent la liberté d'utilisation (Kamen TROLLER, Manuel du droit Suisse des biens immatériels, tome 2, 2ème éd., 1996, p. 891 ; Ivan CHERPILLOD, op. cit., p. 150).

À cet égard, l'auteur d'un plagiat ne s'inspire pas seulement d'une oeuvre préexistante. Contrefacteur, il porte atteinte au « droit moral » de l'auteur de l'oeuvre protégée, en procédant à la reprise de la matérialisation ou de la forme d'une oeuvre déterminée, la reproduisant ainsi d'une manière illicite, pouvant en outre constituer un acte de concurrence déloyale (Denis BARRELET/Willi EGLOFF, op. cit., p. 48 ; Kamen TROLLER, op. cit., p. 890 ; Manfred REHBINDER, Schweizerisches Urheberrecht, 2000, p. 147 ; Ivan CHERPILLOD, op. cit., p. 150).

e. La jurisprudence du Tribunal fédéral va dans le même sens. L'individualité ou l'originalité doivent caractériser l'oeuvre en droit d'auteur, dont on peut mesurer le degré à l'aune du sceau de la personnalité de l'auteur dans son travail lorsqu'il manifeste des traits caractéristiques évidents ou des différences sensibles avec ce qui existe déjà (ATF 125 III 328 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 6S.694/1992 du 2 mars 1993 consid. 3b = JdT 1996 I 242).

Il y a ainsi lieu de conclure à une violation du droit d'auteur lorsqu'une oeuvre est reproduite dans ses éléments caractéristiques, à savoir plan, choix et conception de la matière ou disposition et subdivisions de celle-ci (ATF 88 IV 123 consid. 1).

5) a. En l'occurrence, il ressort des constatations opérées par l'autorité intimée que le professeur responsable du mémoire de certificat de la recourante reproche à celle-ci d'avoir « copié-collé » mot pour mot des passages entiers, y compris des notes de bas de page de trois auteurs, à savoir Ragip EGE (notamment aux pages 2, 3 et 10), André BIÉLER (notamment aux pages 12, 13, 14 et 15) et Pascaline DEPOUHON (notamment aux pages 26, 27 et 28) ; de n'avoir pas mis des guillemets après avoir cité des auteurs et d'avoir fait des citations sans en donner les références. Dans son rapport sur le mémoire en cause, le professeur concerné souligne que la recourante ne s'est pas limitée à des emprunts isolés des auteurs, mais a recopié servilement non des lignes entières, mais des pages dans leur intégralité.

La recourante, qui soutient que le plagiat est une reprise non reformulée des propos d'un auteur sans sources citées et sans guillemets, conteste celui-ci. Elle affirme que le mémoire qu'elle a rédigé ne recèle réellement qu'une inspiration des auteurs qui ont examiné le sujet traité, même si des bouts de phrase ont été recopiés.

b. L'analyse de la dissertation de la recourante effectuée par la chambre de céans montre que le travail de celle-ci s'étend sur quarante pages comportant environ vingt mille mots. La page introductive énumère quelques auteurs qui se sont penchés sur le sujet de son mémoire de certificat et esquisse brièvement le contenu de la dissertation. La partie I qui traite des raisons historiques du refus du prêt à intérêt s'étend sur sept pages et comporte vingt-neuf notes de bas de page.La partie II qui traite de la méfiance à l'endroit du prêt à intérêt à travers plusieurs époques est constituée d'un peu plus de deux pages et comporte huit notes de bas de page. La partie III qui traite de la position de Calvin au sujet du prêt à intérêt s'étend sur dix-huit pages et comporte septante-six notes de bas de page. La conclusion comprend quatre notes de bas de page et s'étend sur deux pages, alors que l'ouverture du débat s'étend sur sept pages et comprend vingt-six notes de bas de page.

La recourante a certes mentionné en introduction de son travail les auteurs qui ont examiné la question qu'elle traite dans son mémoire et mis des notes de bas de page à quelques titres et sous-titres. Par ailleurs, dans le développement de sa dissertation, elle cite certaines de ses sources d'inspiration. Toutefois, elle a reproduit à l'identique des pages entières des auteurs cités sans, en général, utiliser un élément typographique permettant d'identifier les ouvrages cités alors qu'elle reconnaît s'être inspiré des textes qu'elle « considère comme décisifs dans l'histoire des réflexions sur l'intérêt et son interdiction ».

Ainsi, le travail de mémoire de la recourante apparaît comme une copie servile de pages entières des ouvrages cités, l'intéressée s'appropriant activement les idées de ces derniers au sens de la directive précitée. La dissertation en cause ne renferme en outre aucune individualité ou originalité dans le corps de son texte, dans sa conclusion voire dans l'ouverture du débat. Dans cette situation, la recourante ne saurait tirer quelque profit que ce soit d'avoir mis des notes de bas de page à certains titres de son mémoire. Ce procédé ne saurait à l'évidence autoriser la reprise des pages entières des auteurs cités.

Partant, la constatation du plagiat par l'autorité intimée à la suite du rapport du professeur précité sur le mémoire de la recourante est conforme au droit.

c. L'autorité intimée s'appuie ensuite sur un extrait de l'analyse de la dissertation de la recourante par un logiciel anti-plagiat pour constater le plagiat.

L'analyse en jeu porte sur une « partie 1 » de la dissertation regroupant neuf mille huit cent nonante-un mots. Le taux de similitudes constaté dans cette partie est de 22 % dont 24 % de similitudes à l'identique, 13 % de similitudes supposées et 1 % de similitudes accidentelles. La « partie 2 » portant sur neuf mille deux cent trois mots recèle un taux de similitudes de 64 % dont 47 % de similitudes à l'identique, 16 % de similitudes supposées et 1 % de similitudes accidentelles.

En tenant compte du nombre de mots examinés, soit dix-neuf mille nonante-quatre sur un total d'environ vingt mille mots pour tout le mémoire, la chambre de céans constate qu'une partie importante de la dissertation a été soumise au logiciel anti-plagiat. Celui-ci indique un taux de similitudes d'ensemble de 42 %. Cet examen rejoint le rapport du professeur concerné qui estime le taux de plagiat à environ 50 %.

Un tel taux de similitudes va au-delà de simples extraits d'ouvrages cités qui doivent apparaître comme minimes. Il dénote en outre une absence de création indépendante qui doit pourtant caractériser un travail de mémoire de certificat.

Ainsi, la constatation du plagiat sur la base de l'analyse du mémoire de la recourante par un logiciel anti-plagiat est également conforme au droit.

6) L'attribution de la note de zéro à la recourante se fonde sur l'art. 13 al. 1 du règlement d'études du certificat complémentaire en théologie de 2017 stipulant que toute fraude, plagiat, tentative de fraude ou de plagiat correspond à la note de zéro à l'évaluation concernée.

Il ressort des considérants précédents que, dans son appréciation, l'autorité intimée a pris en compte des éléments objectifs tirés du rapport du professeur concerné et de l'analyse du logiciel anti-plagiat. La recourante n'invoque aucun élément subjectif qui l'aurait poussée à recourir au plagiat et qui n'aurait pas été pris en considération par l'autorité intimée.

Partant, force est de constater que l'élimination de la recourante respecte le principe de proportionnalité, le doyen n'ayant par ailleurs pas outrepassé son pouvoir d'appréciation.

7) Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours.

8) Au vu de l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 3 avril 2019 par Madame A______ contre la décision de l'Université de Genève du 7 mars 2019 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Madame A______ un émolument de CHF 400.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral :

-          par la voie du recours en matière de droit public ;

-          par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, s'il porte sur le résultat d'examens ou d'autres évaluations des capacités, en matière de scolarité obligatoire, de formation ultérieure ou d'exercice d'une profession (art. 83 let. t LTF) ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______ ainsi qu'à l'Université de Genève.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Thélin, Mme Krauskopf, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Michel

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :