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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3801/2018

ATA/1372/2019 du 10.09.2019 sur JTAPI/379/2019 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3801/2018-PE ATA/1372/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 septembre 2019

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Michel Mitzicos-Giogios, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 23 avril 2019 (JTAPI/379/2019)


EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1987, est ressortissant du Kosovo.

2) Le 19 mars 2015, il a été appréhendé par les garde-frontières genevois. À cette occasion, il a déclaré séjourner en Suisse illégalement et avoir exercé diverses activités lucratives, sans autorisation.

3) Le 21 avril 2015, le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) a prononcé à son encontre une interdiction d'entrée en Suisse (ci-après : IES) valable du 19 mai 2015 au 18 mai 2018.

4) B______ est une société anonyme inscrite le 3 février 2017 au registre du commerce de Genève qui a pour but la « démolition, construction et rénovation de tout bâtiment ; diagnostic amiante et autres polluants; assainissement des polluants et désamiantage ».

5) Le 2 mai 2018, M. A______ a signé un contrat de travail avec B______, en qualité de « désamianteur et main-d'oeuvre », avec entrée en fonction immédiate pour un salaire mensuel brut de CHF 3'500.-.

6) Le 17 août 2018, M. A______ a déposé auprès de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une demande d'autorisation de séjour à l'année avec activité lucrative (permis B), pour le poste précité.

Cette demande a été transmise à l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail en matière de marché du travail (ci-après : OCIRT) pour raisons de compétence.

7) Par décision du 19 septembre 2018, l'OCIRT, après examen du dossier par la commission tripartite, a refusé de délivrer l'autorisation sollicitée.

L'admission en vue de l'exercice d'une activité lucrative ne servait pas les intérêts économiques de la Suisse. De plus, l'ordre de priorité n'avait pas été respecté, l'employeur n'ayant pas démontré qu'aucun travailleur en Suisse ou ressortissant d'un pays de l'Union européenne (ci-après : UE) et de l'Association européenne de libre-échange (ci-après : AELE) n'avait pu être trouvé. Enfin, les conditions de la convention collective de travail applicable en la matière n'avaient pas non plus été respectées.

8) Le 26 octobre 2018, M. A______ a interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), concluant principalement à son annulation et à la délivrance d'une autorisation de séjour avec activité lucrative ; subsidiairement, la cause devait être renvoyée à l'autorité intimée pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

L'activité de désamianteur consistait en un travail dangereux, compliqué et risqué, de sorte que, pour ce type de postes, les candidatures, tant suisses qu'européennes, étaient rares. L'exercice de cette activité servait donc incontestablement les intérêts économiques de la Suisse et du canton de Genève.

Par ailleurs, l'autorité intimée aurait dû instruire la cause et demander à l'employeur de produire ses preuves de recherches auprès d'autres travailleurs en Suisse ou auprès de ressortissants d'un pays de l'UE ou de l'AELE. À ce stade, l'autorité intimée n'avait pas démontré que l'employeur n'avait pas procédé à des recherches sérieuses et approfondies de candidats.

Enfin, l'OCIRT n'avait pas expliqué en quoi les conditions de la convention collective de travail n'avaient pas été appliquées et n'avait pas non plus interpellé l'employeur sur ce point, manquant à son devoir de diligence de donner un préavis sur certaines dispositions du contrat de travail, le cas échéant afin que toute convention applicable en l'espèce soit respectée.

9) L'OCIRT a conclu au rejet du recours.

10) Dans sa réplique, l'intéressé a persisté dans ses conclusions et repris pour l'essentiel les arguments déjà invoqués dans son recours.

Pour le surplus, son droit d'être entendu avait été violé, son employeur n'ayant pas été auditionné à la suite du dépôt de la demande d'autorisation en sa faveur.

11) Dans sa duplique, l'OCIRT a rappelé que l'administré ne pouvait prétendre à une audition verbale.

12) Interpellé par le TAPI, B______ a indiqué avoir engagé M. A______.

13) Par jugement du 23 avril 2019, le TAPI a rejeté le recours, suivant les arguments avancés par l'OCIRT.

14) Par acte du 28 mai 2019, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement. Celui-ci devait être annulé et la cause renvoyée au TAPI pour nouvelle instruction et nouvelle décision.

Le TAPI reprochait à l'employé de ne pas avoir démontré les démarches entreprises tant sur le plan suisse que sur le plan européen par l'employeur afin de trouver un employé. Or, cette démonstration incombait à l'employeur. Un employé n'était pas nécessairement tenu au courant du démarchage de son entreprise, encore moins lorsque cela intervenait avant son propre engagement. De telles informations confidentielles mettaient l'employé dans une situation de conflit avec son futur employeur en plus de la crainte logique de se faire licencier. Partant, il ne pouvait davantage collaborer à la procédure.

Bien que l'OCIRT ait refusé toute audition du recourant, il n'avait pas non plus demandé à B______ de l'aider à l'établissement des faits lequel s'avérait incomplet.

15) L'OCIRT a conclu au rejet du recours.

16) Dans sa réplique, le recourant a persisté dans ses conclusions.

17) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

La qualité pour recourir de l'intéressée contre une décision de l'OCIRT souffrira de rester indécise (arrêt du Tribunal fédéral 2D_16/2018 du 10 août 2018 consid. 5.2), compte tenu de ce qui suit.

2) L'objet du litige porte exclusivement sur le refus de l'OCIRT, confirmé par le TAPI, de délivrer au recourant un permis B avec activité lucrative.

3) a. Le 1er janvier 2019, est entrée en vigueur une modification de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (anciennement la LEtr, devenue la LEI - RS 142.20).

En l'absence de dispositions transitoires, la règle générale selon laquelle s'appliquent aux faits dont les conséquences juridiques sont en cause, les normes en vigueur au moment où lesdits faits se sont produits (ATA/847/2018 du 21 août 2018 et les références citées ; ATA/1052/2017 du 4 juillet 2017 consid. 4), prévaut.

b. Les faits de la présente cause s'étant intégralement déroulés avant le
1er janvier 2019, ils sont soumis aux dispositions de la LEI, dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2018, étant précisé que la plupart des dispositions de celle-ci sont demeurées identiques.

4) Selon l'art. 11 al. 1 LEI, tout étranger qui entend exercer en Suisse une activité lucrative doit être titulaire d'une autorisation, quelle que soit la durée de son séjour ; il doit la solliciter auprès de l'autorité compétente du lieu de travail envisagé.

5) a. L'art. 18 LEI prévoit qu'un étranger peut être admis en vue de l'exercice d'une activité lucrative salariée aux conditions suivantes :

- son admission sert les intérêts économiques du pays (let. a) ;

- son employeur a déposé une demande (let. b) ;

- les conditions fixées aux art. 20 à 25 LEI sont remplies (let. c), à savoir :

- les contingents sont respectés (art. 20 LEI et 20 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 - OASA - RS 142.201) ;

- l'ordre de priorité des travailleurs en Suisse et des ressortissants de l'UE / AELE est respecté (art. 21 LEI) ;

- les conditions de rémunération et de travail usuelles, du lieu, de la profession et de la branche sont respectées (art. 22 LEI et 22 OASA) ;

- l'étranger présente les qualifications requises (art. 23 LEI).

b. Lesdites conditions sont cumulatives (ATA/362/2019 du 2 avril 2019 ; ATA/494/2017 du 2 mai 2017 consid. 3 : ATA/401/2016 du 10 mai 2016).

6) En raison de sa formulation potestative, l'art. 18 LEI ne confère aucun droit à l'autorisation sollicitée par un éventuel employé. De même, un employeur ne dispose d'aucun droit à engager un étranger en vue de l'exercice d'une activité lucrative en Suisse (arrêts du Tribunal fédéral 2D_57/2015 du 21 septembre 2015 consid. 3 ; 2D_4/2015 du 23 janvier 2015 consid. 3 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5184/2014 du 31 mars 2016 consid. 3).

Les autorités compétentes bénéficient d'un large pouvoir d'appréciation (ATA/494/2017 précité).

7) En l'espèce, le recourant ne conteste pas que les conditions de l'art. 21
al. 1 LEI ne sont pas remplies, à savoir que l'ordre de priorité n'a pas été respecté. Il conteste qu'il lui appartienne de prouver qu'il l'aurait été.

Son argumentation ne porte en conséquence que sur l'une des conditions nécessaires et cumulatives précitées.

Or, d'autres desdites conditions ne sont pas remplies, tels que le fait que l'admission du recourant servirait les intérêts économiques du pays ou que ses conditions de rémunération et de travail usuelles, du lieu, de la profession et de la branche seraient respectées. C'est en effet à bon droit que le TAPI a retenu que le recourant n'avait pas démontré qu'il disposerait de qualifications particulières dans un domaine souffrant de pénurie de main-d'oeuvre spécialisée sur le marché du travail suisse ou européen et que le salaire versé au recourant, de CHF 3'500.- brut pour une activité à plein temps, ne respectait pas les conditions de rémunération usuelles de la branche concernée (main-d'oeuvre et auxiliaire non qualifiés, soit un salaire minimal de CHF 4'425.- selon l'Annexe II de la Convention collective de travail du second oeuvre romand) et violait ainsi
l'art. 22 LEI.

Deux des conditions nécessaires et cumulatives n'étant pas remplies, le recours doit être rejeté, sans qu'il ne soit nécessaire d'entrer en matière sur le grief du recourant, son analyse étant sans pertinence pour l'issue du recours.

8) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al.1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette en tant qu'il est recevable le recours interjeté le 28 mai 2019 par Monsieur  A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 23 avril 2019 ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Michel Mitzicos-Giogios, avocat du recourant, à l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Thélin, Mme Krauskopf, juges.

 


 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Michel

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

...

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

...

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l'entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l'admission provisoire,

4. l'expulsion fondée sur l'art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d'admission,

6. la prolongation d'une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d'emploi du titulaire d'une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d'asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l'objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

...

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

...

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l'objet d'aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.