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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2492/2019

ATA/1376/2019 du 10.09.2019 ( FORMA ) , REJETE

Descripteurs : POUVOIR D'APPRÉCIATION;EXCÈS ET ABUS DU POUVOIR D'APPRÉCIATION;ÉCOLE OBLIGATOIRE;EXCEPTION(DÉROGATION);PROPORTIONNALITÉ
Normes : LPA.61; Cst.36; HarmoS.6.al1; LIP.55.al1; LIP.55.al4; LIP.57.al3; LIP.60; REP.3.al1; REP.21A; REP.22; CSR.4; RDAge.5.al1; RDAge.5.al2
Résumé : La procédure de dispense d’âge est réglée par la loi. Elle implique la mise en œuvre de multiples tests psychopédagogiques. La chambre de céans a le pouvoir de vérifier que la procédure s’est déroulée conformément à ce que la loi prévoit, que la décision est cohérente avec les constats mis en évidence par les tests requis et qu’elle respecte les principes généraux du droit.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2492/2019-FORMA ATA/1376/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 septembre 2019

2ème section

 

dans la cause

 

A______, enfant mineur, agissant par ses parents Madame et MonsieurB______

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE

 



EN FAIT

1) Madame et Monsieur B______ sont les parents d'A______, né le ______ 2012.

Habitant Paris, la famille a décidé de venir s'établir à Genève et a déposé le 26 mai 2019 une demande pour que leur fils soit soumis à un test d'orientation, afin de pouvoir entrer en 4P dès la rentrée dans le système scolaire genevois.

2) Le 29 mai 2019, le Docteur C______, pédiatre à Paris, a attesté qu'A______ était apte à subir un test d'orientation scolaire.

3) Le 31 mai 2019, A______ a effectué un test de dispense d'âge pour une entrée anticipée en 4P couvrant deux matières, le français et les mathématiques, en présence de Madame D______, examinatrice. Le premier a duré vingt-cinq minutes, le second quinze minutes.

Selon la grille d'observation, durant le test de français, A______ était resté concentré, avait posé deux questions de compréhension et Mme D______ avait dû reformuler et expliquer trois exercices. Durant l'épreuve de mathématiques, elle avait essayé de l'encourager, car il ne semblait pas vouloir répondre aux questions. Elle s'était assise à côté de lui pour reformuler les consignes les unes après les autres, mais il n'avait pas souhaité continuer et n'avait finalement fait que quelques exercices. Il avait dit à son examinatrice qu'il en avait déjà fait beaucoup de ce type en classe.

4) Par décision du 12 juin 2019, déclarée exécutoire nonobstant recours, rendue par le chef du service suivi de l'élève et par une psychologue, la direction générale de l'enseignement obligatoire (ci-après: DGEO) du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après: DIP ou le département) a fait part aux parents que leur fils poursuivrait sa scolarité dans l'année de scolarité correspondant à son âge, soit en 3P.

L'examen des résultats des tests scolaires, communiqués en annexe, montrait que l'admission de l'enfant dans une année de scolarité supérieure à celle de sa classe d'âge ne pouvait pas être accordée, les conditions de passage exigées par le règlement de l'enseignement primaire du 7 juillet 1993 (REP - C 1 10.21) n'étant pas remplies.

Il avait obtenu la note de 1 à l'épreuve de français, soit 14 points sur 29 et la note de 1 à celle de mathématiques, soit 0 point sur 31. Ces scores n'étaient pas suffisants.

5) Par acte mis à la poste le 1er juillet 2019 adressé à la chambre administrative de la Cour de justice, les parents d'A______ ont formé recours contre ladite décision, concluant à ce que leur fils soit autorisé à entrer en 4P.

a. Les conditions d'examens n'avaient pas permis à leur enfant de démontrer ses connaissances. La date du test avait été fixée trois jours avant seulement et ils étaient arrivés de Paris en voiture la veille de l'examen, vers deux heures du matin. Ils n'avaient pas mesuré le stress occasionné et ce n'était que quelques jours après le test que leur fils leur avait expliqué qu'il n'avait pas répondu aux questions.

Ils avaient appris juste après l'examen que le test était normalement organisé en deux fois, alors que l'administration ne leur avait proposé qu'une seule date. Cela avait pu avoir un impact sur les résultats de leur enfant.

b. Les résultats obtenus au test ne correspondaient pas à son niveau réel. Il savait lire, écrire et compter. Son niveau avait fait l'objet d'évaluations et il avait passé un examen national. Ses résultats démontraient l'acquisition de connaissances dans les deux matières fondamentales. Par conséquent, il risquait de se sentir en décalage en 3P.

c. Ils évoquaient également des raisons médicales à l'appui du recours.

Leur fils était né grand prématuré et il souffrait depuis sa naissance d'un déficit neurovisuel qui se traduisait par des difficultés à se repérer dans l'espace (sur la feuille par exemple) et dans la fluidité de l'écriture. Son déficit était léger et ne nécessitait pas de changement d'environnement scolaire, mais tout au plus de légères adaptations pour éviter une fatigue trop importante. Par exemple, du temps supplémentaire pouvait lui être offert pour lui permettre d'effectuer des tâches, ou encore un exercice pouvait être initié avec l'adulte pour éviter qu'il ne se sente inquiété par une page trop dense à ses yeux.

Pour favoriser son adaptation en Suisse, ils avaient pris contact avec l'unité de développement des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) et A______ avait pu bénéficier, le 24 mai 2019, d'un examen complet, qui avait conclu qu'il n'y avait pas lieu d'adapter sa scolarité mais seulement de la poursuivre et de mettre en place un suivi hebdomadaire d'ergothérapie au sein d'un cabinet en ville.

Lors de l'inscription à l'école genevoise, et préalablement au passage du test, ils avaient signalé que leur enfant avait un déficit neurovisuel, impliquant une rencontre avec l'infirmière et le médecin scolaires. Ils avaient pu parler avec eux des conditions du test et l'équipe médicale avait convenu que les résultats pouvaient avoir été biaisés par les conditions dans lesquelles le test s'était déroulé, dès lors que non seulement le test devait normalement se dérouler en deux fois, mais que des adaptations auraient pu lui être accordées, telles que du temps complémentaire ou la présence passive d'un parent dans la salle.

A______ avait pu bénéficier d'un suivi régulier et attentif d'équipes médicales et pédagogiques qui s'étaient réunies avec eux à plusieurs reprises pour prendre la mesure de ses progrès. Ces équipes, qui ne prendraient aucun risque à mettre A______ en déséquilibre, se félicitaient qu'il ait mené une bonne année scolaire, tout à fait dans la moyenne des autres enfants. Elles étaient unanimes pour dire qu'il était dans l'intérêt d'A______ qu'il passe dans la classe supérieure.

Ce déficit neurovisuel pourrait être progressivement contourné. La perspective de doubler un niveau pourrait avoir des conséquences sur sa motivation et selon sa pédiatre, il risquait de décrocher.

d. Des pièces ont été versées au dossier dont le contenu sera repris en tant que de besoin dans la partie en droit ci-après.

6) Dans ses observations du 25 juillet 2019, la DGEO a conclu au rejet du recours, subsidiairement à ce que les auditions de Mme D______, enseignante, et de Madame E______, adjointe scientifique auprès du service de l'enseignement et de l'évaluation de la DGEO, soient ordonnées.

a. Les époux B______ fondaient leur demande d'orientation scolaire sur l'équivalence qui existerait selon eux entre la 3P du système suisse HarmoS (ci-après: 3P) et la classe préparatoire (ci-après : CP) que leur fils venait de terminer à Paris. Or, la seule similitude avérée entre ces deux degrés était qu'il s'agissait de la 3ème année de scolarité d'un élève, qu'il soit scolarisé en Suisse ou en France. Il n'était en revanche nullement démontré que les programmes étaient identiques.

Elle avait procédé à l'analyse comparative du programme scolaire délivré en 3P à l'école publique genevoise et celui de l'année de CP dans le système scolaire français.

S'agissant du français, il n'était pas possible de considérer que le programme de CP correspondait aux acquisitions pédagogiques de la 3P au sein de l'école publique genevoise. Les compétences et connaissances à acquérir au CP étaient très proches de ce qui était travaillé en 3P. Cependant, la conjugaison n'était pas du tout mentionnée dans les objectifs du CP, alors qu'elle figurait dans les progressions des apprentissages 3P/4P et que, dans les faits, elle était déjà largement abordée en 3P. Ainsi, A______ n'avait en principe encore jamais abordé la conjugaison et même si tel était le cas, ils ignoraient s'il l'avait fait dans la même mesure et la même intensité qu'à l'école publique genevoise.

Pour les mathématiques, les connaissances et savoir-faire prévus au programme du CP étaient proches de ceux qui étaient travaillés en 3P à Genève. Il y avait cependant une différence majeure, à savoir l'importance donnée dans le plan d'étude romand (ci-après : PER) au fait de confronter l'élève à des situations complexes, à savoir la résolution de problèmes, domaine d'apprentissage qui n'était pas du tout mentionné dans le programme du CP. Ainsi, dans le PER, pour chaque axe thématique relevant des mathématiques, on trouvait des indications appelées « éléments pour la résolution de problèmes », et ce dès le cycle 1 (1P/4P). Il s'agissait d'une différence majeure dans la façon d'enseigner les mathématiques entre les deux pays. A______ n'avait donc jamais abordé les mathématiques sous la forme de résolutions de problèmes, et cela était d'ailleurs évident dans l'examen du test de mathématiques auquel il avait été soumis.

Les attestations fournies tant pas Madame F______, enseignante d'A______ au cours de l'année scolaire qui venait de se terminer, que par la Doctoresse G______, pédiatre, n'étaient nullement convaincantes. Aucune comparaison n'était tentée, aucune référence au PER n'était faite. Il ne s'agissait que de leur point de vue personnel, sans que le DIP ne sache sur quoi il était fondé.

Ainsi, il était erroné d'affirmer que les programmes scolaires de la 3P et du CP seraient équivalents et permettraient pour cette seule raison la dispense d'une année de scolarité.

b. S'agissant du bulletin scolaire clôturant l'année de CP d'A______, il montrait des acquisitions relativement fragiles puisque de nombreux objectifs d'apprentissage n'étaient que partiellement atteints en fin d'année, et nécessiteraient une consolidation dans le système scolaire français. C'était plus particulièrement le cas dans deux des quatre domaines évalués en français (écriture et fonctionnement de la langue) et dans les quatre domaines évalués en mathématiques.

c. Le but d'une procédure d'orientation scolaire était de vérifier si l'élève en provenance d'un autre système scolaire que celui de l'enseignement public genevois avait acquis le programme scolaire de l'année dans laquelle il devrait être placé en raison de son âge selon l'art. 21A al. 3 REP. Si tel était le cas, un placement dans une classe ne correspondant pas à l'âge de l'élève pouvait être envisagé. Si tel n'était pas le cas, alors il était important pour l'élève de pouvoir acquérir les connaissances de l'année scolaire correspondant à sa classe d'âge en école publique genevoise, sauf à vouloir qu'il aborde la suite de sa scolarité démuni de certaines connaissances considérées comme indispensables.

Une telle démarche d'évaluation des connaissances était incontournable. En effet, les programmes scolaires pouvaient être différents, ou si le programme de référence était le même (PER), le calendrier d'introduction des enseignements, les notions évaluées ou les critères d'évaluation pouvaient différer entre l'école de provenance et l'école publique genevoise. À cet effet, le DIP avait mis en place des tests standardisés d'évaluation pour chaque degré scolaire. Étaient considérées comme réussies les épreuves recevant au minimum un score de 3. Dans ce cas, la demande était acceptée, indépendamment du carnet scolaire de l'élève. En cas de doute ou de difficulté à trancher, ledit carnet permettait de compléter les éléments constitutifs fondant l'analyse de la demande, de même que dans certains cas, une évaluation psychologique. En revanche, tant le carnet scolaire que l'évaluation psychologique n'étaient pas là pour « rattraper » des tests pédagogiques clairement insuffisants.

En effet, dans cette hypothèse, il était avéré que l'élève n'avait pas acquis les connaissances attendues d'un élève ayant terminé l'année de scolarité correspondant à son âge en école publique genevoise. Il ne pouvait donc être placé dans le degré scolaire suivant, alors qu'il n'était pas en possession des acquisitions scolaires nécessaires à la continuation de sa scolarité.

d. A______ avait effectué les tests scolaires le 31 mai 2019, en présence d'une enseignante. Les consignes et explications lui avaient été données. Mme D______ avait relevé qu'elle avait dû répondre à deux questions de compréhension, ainsi que reformuler et expliquer trois exercices en français à la demande de l'élève, ce qui attestait des difficultés que ce dernier avait rencontrées pour effectuer les exercices. En mathématiques, elle l'avait soutenu et assisté au-delà de ce qui était prescrit, s'asseyant à ses côtés pour reformuler les consignes les unes après les autres. Sans succès cependant, puisque soit A______ n'avait pas été en mesure de réussir l'exercice, soit il ne l'avait simplement pas fait.

S'agissant des résultats, A______ avait obtenu des scores clairement insuffisants dans les deux tests.

Dans le test d'orientation de mathématiques, les situations complexes étaient relativement nombreuses. Dans la majorité des cas, A______ n'avait rien écrit sur sa feuille, renonçant à tenter de résoudre le problème posé, malgré les encouragements appuyés de l'enseignante qui lui faisait passer les épreuves. La DGEO supposait donc qu'A______ était très peu familier de telles situations complexes, puisqu'il ne les avait pas abordées dans son cursus scolaire français. Une telle situation poserait un réel problème pour ses apprentissages en 4P en mathématiques.

S'agissant du français, la plupart des exercices étaient non réussis. Le DIP ignorait dès lors si l'enseignement dont l'élève avait bénéficié sur ces points avait été dispensé avec la même intensité ou les mêmes modalités que celui de l'école publique genevoise, ou si les notions avaient été présentées de manière différente ou si les seuils de réussite n'étaient pas les mêmes.

Cela étant, le constat était clair. Les tests d'évaluation standardisés démontraient qu'A______ n'avait pas atteint les objectifs d'apprentissage tels que requis au terme de la 3P de l'école publique genevoise.

Cela était d'autant plus important que la 4P était la dernière année du cycle élémentaire et, en fin d'année, les élèves étaient évalués pour la première fois de manière certificative (art. 41 al. 5 REP) notamment à l'aide d'épreuves cantonales communes (art. 43 REP). Cela signifiait donc qu'il s'agissait de la première année scolaire pouvant faire l'objet d'un redoublement (art. 52 REP).

Les apprentissages attendus des élèves étaient dès lors cruciaux en 4P en particulier en lecture, conjugaison et mathématiques, afin que les élèves puissent aborder le cycle moyen sans inquiétude.

L'élève devait également développer son autonomie et sa capacité de travail avant d'être confronté à la 5P qui impliquait une demi-journée d'école supplémentaire, un nombre plus important d'enseignants par classe et des devoirs à domicile de plus en plus importants.

e. Si la DGEO pouvait comprendre qu'une arrivée de Paris tard dans la nuit avait occasionné du stress et de la fatigue à l'enfant, il ne s'agissait pas moins de l'organisation choisie par les parents. Compte tenu du déplacement de la famille depuis Paris, il leur avait été proposé de passer les tests le même jour, ce qu'ils avaient accepté. L'élève ayant consacré vingt-cinq minutes à l'épreuve de français sur les soixante accordées, il ne pouvait être argumenté que celui-ci était ensuite trop fatigué pour le test de mathématiques. Une pause avait d'ailleurs été faite entre les deux afin de permettre à l'enfant de se préparer.

f. Le pédiatre avait attesté sans aucune réserve qu'A______ était apte à subir un test d'orientation sociale. Ce n'était que le 28 juin 2019, alors que les parents étaient informés du rejet de leur demande d'orientation scolaire en raison de résultats insuffisants obtenus par A______ aux tests pédagogiques standardisés que les difficultés de l'enfant avaient été soulevées.

La Dresse G______ indiquait qu'A______ avait besoin d'analyser et décomposer la consigne. Dans le cadre des tests auxquels il s'était soumis le 31 mai 2019, l'élève avait bénéficié de l'aide continue et des explications et encouragements de Mme D______ durant le test de français et encore plus durant le test de mathématiques. L'enseignante avait fait état d'un enfant concentré durant le test de français, mais qui n'avait pas souhaité réaliser le test de mathématiques. Elle n'avait pas fait état d'un enfant perdu, fatigué ou déboussolé par le travail demandé.

7) Dans le délai imparti au 7 août 2019, aucune réplique n'ayant été déposée, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Un recours à la chambre administrative peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. a et b LPA), mais la chambre administrative n'a pas la compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, une telle compétence ne ressortant pas des dispositions légales applicables au cas d'espèce (art. 61 al. 2 LPA).

En outre, en matière d'évaluation scolaire, qu'il s'agisse de l'évaluation des connaissances ou de l'évaluation des capacités cognitives ou psychologiques d'un administré déterminant l'accès à un statut scolaire, donc en matière de dérogation aux conditions ordinaires en matière d'admission, de promotion ou d'obtention de titres, l'autorité scolaire bénéficie d'un très large pouvoir d'appréciation, dont la chambre de céans ne censure que l'abus ou l'excès (ATA/827/2018 du 28 août 2018 consid. 2a et 6 ; ATA/845/2015 du 20 août 2015 consid. 2a et 6).

b. Constitue un abus du pouvoir d'appréciation le cas où l'autorité reste dans le cadre fixé par la loi, mais se fonde toutefois sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 ; ATA/1276/2018 du 27 novembre 2018 consid. 4d ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, n. 515). Il y a excès du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité dépasse le cadre de ses pouvoirs. En outre, celle-ci doit exercer son libre pouvoir d'appréciation conformément au droit, ce qui signifie qu'elle doit respecter le but dans lequel un tel pouvoir lui a été conféré, procéder à un examen complet de toutes les circonstances pertinentes, user de critères transparents et objectifs, ne pas commettre d'inégalité de traitement et appliquer le principe de la proportionnalité. Si elle ne respecte pas ces principes, elle abuse de son pouvoir (ATA/827/2018 précité consid. 2b ; ATA/845/2015 précité consid. 2b ; Pierre MOOR/ Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I, 3ème éd., 2012, p. 743 ss et les références citées).

Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 36 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), se compose des règles d'aptitude - exigeant que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités).

c. La procédure de dispense d'âge est réglée par la loi. Elle implique la mise en oeuvre de multiples tests psychopédagogiques. La chambre de céans a le pouvoir de vérifier que la procédure s'est déroulée conformément à ce que la loi prévoit, que la décision est cohérente avec les constats mis en évidence par les tests requis et qu'elle respecte les principes généraux du droit rappelés ci-dessus (ATA/827/2018 précité consid. 2c ; ATA/845/2015 précité consid. 2c).

3) a. Le degré primaire de la scolarité obligatoire dure huit ans (art. 6 al. 1 de l'accord intercantonal sur l'harmonisation de la scolarité obligatoire du 14 juin 2007 - HarmoS - C 1 06) et il est composé de deux cycles de quatre ans, le premier étant le cycle élémentaire (art. 60 de la loi sur l'instruction publique du 17 septembre 2015 - LIP - C 1 10 ; art. 3 al. 1 REP).

b. En vertu de la convention scolaire romande du 21 juin 2007 (CSR - C 1 07), l'élève est scolarisé dès l'âge de quatre ans révolus. Le jour déterminant est le 31 juillet (art. 4 al. 1 CSR). La fixation du jour de référence n'exclut pas les cas de dérogations individuelles qui demeurent de la compétence des cantons (art. 4 al. 2 CSR).

Aux termes de l'art. 55 LIP, la scolarité est obligatoire pour les enfants dès l'âge de quatre ans révolus au 31 juillet (al. 1). Le Conseil d'État définit dans un règlement les conditions auxquelles une dispense d'âge peut être accordée à des enfants qui, ayant accompli au moins la première année du cycle élémentaire, sont jugés aptes du point de vue scolaire, psychologique et médical à fréquenter une classe destinée normalement à des élèves plus âgés (al. 4).

c. Conformément à l'art. 57 al. 3 LIP, lorsqu'un élève venant d'une école privée, d'une scolarisation à domicile ou d'une école extérieure au canton arrive dans un établissement en cours de scolarité obligatoire, il est admis en principe dans le degré et le type de classe qui correspondent à son âge. Un examen et un temps d'essai peuvent lui être imposés.

À teneur de l'art. 21A REP intitulé « inscriptions dans l'enseignement public en cours de scolarité obligatoire », les élèves qui intègrent l'école primaire publique en cours de scolarité obligatoire sont en principe placés dans l'année de scolarité et le type de classe qui correspondent à leur âge (al. 1). Concernant une demande d'admission dans une année de scolarité supérieure à celle de la classe d'âge de l'élève, la DGEO peut autoriser l'admission d'un enfant dans une année de scolarité supérieure à celle de sa classe d'âge, sur demande écrite et motivée des parents (al. 3). L'autorisation est fondée sur : a) le bulletin scolaire de l'élève des années précédentes ; b) le résultat des tests scolaires standardisés ; c) si nécessaire, une évaluation psychologique complémentaire de l'élève (al. 4).

Des dispenses d'âge sont accordées, conformément au règlement relatif aux dispenses d'âge du 21 décembre 2011 (RDAge - C 1 10.18 ; art. 22 REP).

d. Aux termes de l'art. 5 al. 1 RDAge, une dispense d'âge peut être accordée lorsque l'élève est jugé apte du point de vue scolaire, psychologique et médical à suivre sans difficulté l'année de scolarité immédiatement supérieure à celle qu'il devrait suivre.

Conformément à l'art. 5 al. 2 RDAge, sous réserve des cas prévus à l'art. 21A REP, la dispense d'âge est accordée aux conditions cumulatives suivantes durant la scolarité primaire :

a) un certificat médical présenté par les représentants légaux de l'élève et établi par un médecin ou par le service de santé de l'enfance et de la jeunesse atteste que l'enfant est apte à supporter sans inconvénients pour sa santé l'effort qui lui est demandé ;

b) l'élève a passé avec succès les tests scolaires standardisés organisés par la direction d'établissement, portant sur les connaissances scolaires exigées pour la promotion dans l'année de scolarité supérieure ;

c) en fonction des résultats obtenus aux tests scolaires standardisés et si le département l'estime nécessaire, l'élève fait l'objet d'une évaluation psychologique effectuée par un ou une psychologue de la DGEO, portant sur ses aptitudes intellectuelles et affectives, dont le résultat est positif pour la promotion dans l'année de scolarité supérieure.

4) a. En l'espèce, les recourants reprochent à l'intimé de n'avoir pas offert à leur enfant les conditions d'examens adaptées.

Toutefois, ils n'ont pas formulé de réserve lorsque la date des tests leur a été communiquée. Elle a été fixée afin de respecter le calendrier de constitution des classes.

Ces épreuves n'exigent pas de préparation particulière de la part de l'enfant, puisqu'il s'agit uniquement d'évaluer les acquis de l'année scolaire achevée.

Les recourants relèvent également qu'ils sont arrivés dans la nuit de Paris et qu'ils ont certainement minimisé l'inquiétude que les épreuves pouvaient occasionner à leur enfant. Toutefois, l'organisation de ce voyage relève de leur responsabilité et l'intimé ne saurait être tenu responsable de la fatigue engendrée. S'il est compréhensible que ces tests puissent causer du stress, les élèves sont tous soumis aux mêmes conditions et il appartient aux parents de les y préparer au mieux.

Selon l'intimé, le test s'est déroulé sur un seul jour afin de tenir compte du déplacement depuis Paris de la famille de l'enfant. Il ne ressort pas du dossier que ces derniers auraient formulé des réserves sur ce point avant les épreuves. Quoiqu'il en soit, au vu du peu de temps que l'enfant y a finalement consacré, soit vingt-cinq minutes pour le test de français et quinze minutes pour celui de mathématiques, l'organisation des épreuves sur un jour n'apparaît pas avoir été un critère prépondérant dans son échec.

Les parents n'ont pas évoqué l'existence de problèmes médicaux avant l'organisation des épreuves. La pédiatre a attesté sans aucune réserve que le fils des recourants était apte à subir un test d'orientation. Le 24 mai 2019, soit quelques jours avant les tests qui se sont déroulés le 31 mai 2019, le fils des recourants a bénéficié d'un examen complet au sein de l'unité de développement des HUG, qui a conclu qu'il n'y avait pas lieu d'adapter la scolarité, mais seulement de la poursuivre normalement, et de mettre en place un suivi hebdomadaire d'ergothérapie au sein d'un cabinet en ville. C'est seulement après avoir reçu les résultats des examens, soit le 28 juin 2019, que les parents ont évoqué ces difficultés.

Quoiqu'il en soit, l'enfant n'a pas été laissé seul face à ses copies mais a effectué les tests scolaires en présence d'une enseignante. Elle était présente pour lui donner les consignes, reformuler à sa demande certains exercices et répondre à des questions relevant de la compréhension. L'enfant a ainsi été soutenu et assisté durant l'épreuve de mathématiques, au-delà de ce qui était prescrit.

Malgré cet appui, il n'a parfois apporté aucune réponse, ni même tenté de résoudre certains problèmes de mathématiques. La nécessité d'être ainsi aidé confirme les difficultés rencontrées.

Les conditions dans lesquelles les épreuves se sont déroulées ne prêtent donc pas le flanc à la critique.

b. Selon les recourants, les résultats obtenus ne correspondent pas au niveau réel de leur enfant. Il sera rappelé que la chambre de céans a un pouvoir d'examen limité à l'abus ou l'excès du large pouvoir d'appréciation conféré à l'autorité en matière d'évaluation scolaire. Or, dans le cas présent, les résultats de l'enfant aux tests de dispense d'âge, en français et mathématiques, étaient, de manière incontestée et incontestable, insuffisants. Dans ces conditions, il ne saurait être reproché à l'intimé d'avoir excédé son pouvoir d'appréciation.

Au demeurant, il n'est pas démontré que les résultats aux tests de dispense d'âge seraient en contradiction complète avec les notes et appréciations de l'enfant émanant de l'école française. Dans ses observations du 25 juillet 2019, l'intimé a comparé les programmes enseignés et expliqué de façon détaillée les différences constatées. Il en ressort que la classe de CP terminée par leur fils à Paris et la 3P qu'il doit intégrer cette année à Genève ne couvrent pas des programmes pouvant être qualifiés de similaires. Il formule quelques exemples de différences entre les exigences de l'école publique genevoise et du programme français pouvant expliquer les résultats obtenus, dès lors que l'enfant n'avait notamment jamais abordé la conjugaison française et qu'il n'a jamais eu l'occasion d'aborder les mathématiques sous la forme de résolution de problèmes.

Il est du reste légitime que ces deux systèmes puissent ne pas avoir sur tous les points les mêmes options pédagogiques. Seul importe, dans l'examen d'une dispense d'âge, que les exigences quant aux connaissances et compétences de l'élève soient réalisées (ATA/1265/2019 du 21 août 2019).

Les objectifs d'ordre scolaire contenus dans les tests de dispense d'âge n'étant pas atteints, c'est à bon droit que l'intimé n'a pas jugé nécessaire de mettre en oeuvre une évaluation psychologique complémentaire de l'élève en application de l'art. 21A al. 4 let. c REP. Pour ces mêmes raisons, il n'avait pas à tenir compte du bulletin scolaire clôturant l'année de CP de l'enfant, comme prévu à l'art. 21A al. 4 let. a REP, étant précisé que ce dernier montre des acquis relativement fragiles puisque de nombreux objectifs d'apprentissage ne sont que partiellement atteints en fin d'année. C'est le cas dans deux des quatre domaines évalués en français et dans tous les domaines évalués en mathématiques.

L'intimé a également rappelé la nécessité de la démarche d'évaluation, dès lors que les programmes scolaires peuvent être différents de même que le calendrier d'introduction des enseignements et qu'il est dans l'intérêt de l'enfant de ne pas aborder la suite de sa scolarité démuni de certaines connaissances considérées comme indispensables.

Il découle en effet de l'art. 5 al. 1 RDAge qu'une dispense d'âge peut être accordée lorsque l'élève est jugé apte des points de vue scolaire, psychologique et médical à suivre sans difficulté l'année de scolarité immédiatement supérieure à celle qu'il devrait suivre et ce n'est objectivement pas le cas dans le cas d'espèce au vu des résultats insatisfaisants de l'enfant.

Pour ces motifs, il doit être constaté que l'enfant, qui a échoué aux épreuves d'évaluation, n'a pas le niveau nécessaire pour lui permettre d'intégrer une classe d'un degré supérieur, étant rappelé que la 4P est la dernière année du cycle élémentaire et que les élèves, évalués en fin d'année, peuvent être amenés à devoir redoubler.

c. Les pièces versées au dossier, notamment le courrier de la Dresse G______, ne permettent pas de conclure que l'autorité aurait abusé de son pouvoir d'appréciation. En effet, l'enfant a été accompagné par une enseignante durant les épreuves, et il a pu lui poser ses questions. Il a eu à sa disposition suffisamment de temps. Il n'a utilisé que vingt-cinq des soixante minutes mises à sa disposition pour le test de français et a renoncé à poursuivre son test de mathématiques après quinze minutes seulement.

De plus, la Dresse G______ exprime ses craintes de voir l'enfant s'ennuyer s'il devait suivre à nouveau le même programme que l'année précédente, sans toutefois connaître le programme enseigné à Genève en 3P. De même, son institutrice à Paris s'exprime sur la possibilité d'une intégration dans une classe équivalente à celle du système français, alors que les programmes scolaires des deux pays ne sont pas comparables.

d. Pour ces raisons, après avoir procédé à un examen complet de toutes les circonstances pertinentes et usé de critères transparents et objectifs, soit les résultats des épreuves qui étaient clairement insuffisants, c'est conformément au droit que l'intimé a décidé que l'enfant serait placé dans l'année de scolarité et le type de classe qui correspondent à son âge, étant rappelé qu'un passage à une année de scolarité supérieure constitue l'exception.

Par cette décision, l'intimé n'a pas porté atteinte aux intérêts privés de l'enfant mais visé la solution qui corresponde le mieux à ceux-ci, respectant ainsi le principe de la proportionnalité.

5) En définitive, la décision litigieuse n'est pas constitutive d'un excès ou d'un abus du pouvoir d'appréciation de l'intimé, mais est conforme au droit.

Les actes d'instruction sollicités ne seraient pas de nature à modifier cette issue.

Le recours sera dès lors rejeté.

6) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge des recourants (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art.  87 al. 2 LPA).

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 1er juillet 2019 par A______, enfant mineur, agissant par ses parents, Madame et Monsieur B______, contre la décision du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse du 12 juin 2019 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge solidaire de Madame et Monsieur B______ un émolument de CHF 400.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral :

- par la voie du recours en matière de droit public ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, s'il porte sur le résultat d'examens ou d'autres évaluations des capacités, en matière de scolarité obligatoire, de formation ultérieure ou d'exercice d'une profession (art. 83 let. t LTF) ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Madame et Monsieur B______, agissant pour leur enfant, ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme Cuendet, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Michel

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :