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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2181/2017

ATA/1300/2019 du 27.08.2019 sur JTAPI/1337/2017 ( LCI ) , ADMIS

Descripteurs : ZONE DE VILLAS;PERMIS DE CONSTRUIRE;CONSTRUCTION ET INSTALLATION;SURFACE;SAILLIE
Normes : RCI.3.al3; LCI.59.al7
Parties : CAPSKY FINANCE SÀRL, DEVENUE LYSKAM SÀRL / ARDIGO Marco & autres, ARDIGÒ Artémis, ARDIGO Marco, RIEDER Francine, RIEDER Jacques, ROELANT Johan, SUTER Julie Bérangère, GRABOWSKI Andrew, DE LAFONTAINE Thierry, GUTZMANN Silke, GUTZMANN Mirko, KINI Alexandra, KINI Riad, GIL-WET Beatrice, VILLARD Philippe, DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC
Résumé : Confirmation de la jurisprudence : prise en compte de la surface des terrasses situées au niveau du sol à titre de constructions de peu d’importance (CDPI), à l’exclusion des balcons/terrasses des étages. Pas de dépassement de la surface maximale de 100 m2 ni de la limite des 8 %. Déduction de la profondeur de 1,50 m pour calculer la surface des terrasses à prendre en compte à titre de CDPI, vu l’absence de poteau ou mur de soutien dans le cas d’espèce.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2181/2017-LCI ATA/1300/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 août 2019

3ème section

 

dans la cause

 

LYSKAM Sàrl
représentée par Me Guerric Canonica, avocat

contre

Madame Artémis et Monsieur Marco ARDIGÒ 
Madame Francine et Monsieur Jacques RIEDER
Monsieur Johan ROELANT
Madame Julie SUTER
Monsieur Andrew GRABOWSKI
Monsieur Thierry DE LAFONTAINE
Madame Silke et Monsieur Mirko GUTZMANN
Madame Alexandra et Monsieur Riad KINI
Madame Beatrice GIL-WEY
Monsieur Philippe VILLARD

représentés par Me Yves Bonard, avocat

et

 

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE

_________

Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 15 décembre 2017 (JTAPI/1337/2017)


EN FAIT

1) Le 29 septembre 2016, Capsky Finance Sàrl devenue, depuis le 22 novembre 2018, Lyksam Sàrl (ci-après : Lyksam) a déposé auprès du département de l'aménagement, du logement et de l'énergie, devenu entretemps le département du territoire (ci-après : le département), une demande définitive d'autorisation de construire trois bâtiments contigus, sous la forme d'habitat groupé, à haute performance énergétique (ci-après : HPE) avec un garage souterrain et l'abattage d'arbres (DD 109'537). Ce projet se situe en 5ème zone à bâtir (zone villas), sur la parcelle n° 6'264 d'une surface de 2'869 m2, sur la commune d'Anières, au 13, chemin des Avallons. Parallèlement, elle a sollicité l'autorisation de démolir les éléments existants, à savoir une villa, un garage privé et trois bâtiments annexes (M 7'748).

Les trois bâtiments contigus projetés s'érigaient sur une pente de sorte qu'il existait trois niveaux d'habitation par bâtiment, mais ceux-ci ne se trouvaient pas à la même hauteur en raison de la pente. Les niveaux inférieurs habitables de chaque bâtiment (à savoir respectivement rez-inférieur -2, rez-inférieur -1 et
rez-de-chaussée) avaient chacun une terrasse entièrement recouverte par le balcon du niveau d'au-dessus et entièrement ouverte sur un jardin. Tous les balcons du projet étaient entièrement couverts par les balcons du niveau supérieur, celui du dernier étage étant couvert par une avancée du toit sur toute sa profondeur. Ils n'étaient pas soutenus par un poteau ou un mur.

Le projet prévoyait une densité de 43,95 % correspondant à une surface brute de plancher (ci-après : SBP) habitable d'une surface totale de 1'260,89 m2, pour un total de seize logements constitués d'une cuisine ouverte sur le salon avec une chambre (dix logements) respectivement deux chambres (six logements).

Les plans nos B03.06 à B03.10 indiquaient les surfaces de peu d'importance. Ils prenaient en compte les portions des surfaces des balcons/terrasses s'étendant au-delà de 1,50 m de profondeur. Les surfaces retenues par lesdits plans comme étant de peu d'importance étaient de 11,93 m2 pour le rez-inférieur -2, de 27,48 m2 pour le rez-inférieur -1, de 53,93 m2 pour le rez-de-chaussée, de 35,70 m2 pour le 1er étage et de 20,40 m2 pour le 2ème étage, soit un total de 149,44 m2.

2) Ladite parcelle jouxtait plusieurs parcelles. Parmi celles-ci figuraient la parcelle n° 4'794, propriété de Madame Artémis et Monsieur Marco ARDIGO, située au 7, chemin des Avallons, ainsi que les parcelles nos 6'290 et 6'283 sises respectivement au 11 et 15, chemin des Avallons. Ces dernières faisaient, selon le système d'information du territoire à Genève (ci-après : SITG), chacune l'objet d'une demande d'autorisation de construire portant respectivement sur l'édification de six villas HPE mitoyennes avec abattage d'arbres (DD 109'676) et de quatre habitats groupés avec un taux de densification de 58,5 % et un parking souterrain (DD 107'883).

3) Pendant l'instruction, les demandes précités DD 109'537 et M 7'748 ont fait l'objet de préavis favorables des instances spécialisées consultées, parfois sous conditions.

4) La commune a émis un préavis positif pour la demande de démolition précitée, mais a préavisé négativement le projet de construction susmentionné, objet de la demande DD 109'537. D'un caractère très urbain, ce projet n'était pas adapté à la 5ème zone ni compatible avec le caractère et l'harmonie du quartier. L'accès en trémie au parking souterrain était trop important et n'était pas en adéquation avec le chemin des Avallons. La construction n'était pas adaptée à la topologie du terrain, mais à un terrain plat, générant de grandes surfaces en
sous-sol, beaucoup de terrassement et des remblayages conséquents. Il apparaissait beaucoup d'espaces extérieurs privatifs, mais le solde de la surface extérieure ne semblait pas être traité pour une utilisation commune.

5) Par décision du 18 avril 2017, publiée dans la Feuille d'avis officielle du canton de Genève (ci-après : FAO) le même jour, le département a octroyé l'autorisation de démolir M 7'748-1.

6) Après avoir informé la commune de sa décision, le département a, par décision du 20 avril 2017 publiée le même jour dans la FAO, délivré l'autorisation de construire le projet susmentionné (DD 109'537-1), sur la base notamment de l'art. 59 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) et des préavis favorables des instances consultées.

7) Plusieurs personnes, dont les époux ARDIGÒ, ont recouru contre ces deux décisions auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) en concluant principalement à leur annulation.

8) Par jugement du 15 décembre 2017, le TAPI a annulé l'autorisation de construire DD 109'537-1 et admis partiellement le recours des époux ARDIGÒ, la question de la qualité pour recourir des autres personnes pouvant demeurer ouverte. Il confirmait l'autorisation de démolir M 7'748-1.

Selon les plans nos B03.06 à B03.10 produits, les surfaces de peu d'importance consacrées par le projet et comptabilisées à ce titre atteignaient au total 149,44 m2 et dépassaient très nettement la limite maximale des 100 m2 en soi autorisables compte tenu de la nature du projet. De plus, la commission d'architecture (ci-après : CA), qui devait nécessairement être consultée s'agissant d'un éventuel dépassement de la limite des 50 m2, ne semblait pas s'être prononcée sur la question. Faute de remplir l'une des conditions cumulatives de l'art. 3 al. 3 du règlement d'application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI - L 5 05.01), le projet en cause ne pouvait pas être autorisé tel quel.

9) Le 31 janvier 2018, Lyksam a interjeté recours contre ce jugement auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) en concluant principalement à son annulation et à la confirmation de l'octroi des deux autorisations précitées (DD 109'537-1 et M 7'748-1). Elle sollicitait, à titre préalable, l'audition des membres de la CA et, à titre subsidiaire, le renvoi de la cause au TAPI pour reprise de l'instruction et nouvelle décision.

Elle se plaignait de ne pas avoir pu s'exprimer sur la question de l'éventuelle violation de l'art. 3 al. 3 RCI devant le TAPI, notamment s'agissant de la future division parcellaire et du fait que cette disposition était inapplicable en pratique. Ce grief n'avait pas été soulevé par les intimés, ce qui démontrait que la question des balcons ne représentait pas un problème pour eux.

Elle invoquait le principe de l'égalité dans l'illégalité, au motif que la limite de 100 m2 prévue à l'art. 3 al. 3 RCI n'avait jamais été appliquée à des balcons par le département et que seule la règle des 8 % de la parcelle devait être respectée. La pratique dérogeant à la limite précitée des 100 m2 - suivie par le département de manière constante - ressortait, selon la recourante, expressément des « directives LCI » de ce dernier au sujet des constructions de peu d'importance (ci-après : CDPI), selon lesquelles « [p]artant du principe que la parcelle sera divisée à terme, la limite des 100 m2 de CDPI n'est pas prise en compte, pour autant que cela ne prétérite pas l'harmonie et l'aménagement du quartier ». Son projet respectait la règle des 8 % et envisageait une division parcellaire en trois parcelles distinctes, à savoir une par habitat groupé, après laquelle la surface des CDPI serait inférieure à la limite des 100 m2. Aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'opposait à la non-application de la limite des 100 m2. Le jugement querellé violait aussi le principe de la bonne foi.

La double condition de l'art. 3 al. 3 RCI, à savoir la règle des 8 % de la surface de la parcelle et la limite supérieure des 100 m2 s'agissant de la surface maximale autorisée pour les CDPI, était totalement inapplicable et contraire au but même de la « loi ». Son application stricte conduirait à des résultats arbitraires. Cela reviendrait à pouvoir ériger de très grands balcons (3 x 33 m2, soit 99 m2 au total), potentiellement gênants pour le voisinage, dans l'hypothèse d'un projet de construction de trois villas contiguës sur une parcelle de 1'300 m2, alors que s'il s'agissait de construire vingt-quatre logements contigus sur une parcelle de 5'000 m2, les balcons seraient tout petits (par hypothèse vingt-quatre balcons de 4 m2 chacun, soit 96 m2 au total). Ce « paradoxe » était renforcé par le fait que la surface des CDPI sur la parcelle de 1'300 m2 représenterait 7,6 % de la surface de la parcelle (99 m2 de CDPI par rapport à 1'300 m2), tandis qu'elle serait de 1,92 % de la surface de la parcelle de 5'000 m2 (96 m2 de CDPI par rapport à 5'000 m2). Une telle règle ne pouvait s'appliquer à des balcons, ni à des grandes parcelles comme dans la présente affaire dont la particularité n'avait pas été prise en compte. Elle n'avait de sens qu'en relation avec la surface à bâtir, à savoir proportionnellement. La limite des 100 m2 prévue à l'art. 3 al. 3 RCI avait été appliquée à tort à l'autorisation de construire litigieuse.

Par ailleurs, les balcons n'étaient, in abstracto et contrairement à la pratique du département, pas des CDPI. Ils ne s'inscrivaient pas dans le gabarit défini à l'art. 3 al. 3 RCI et leur typologie ne correspondait pas aux exemples mentionnés dans la directive du département. Cette disposition ne trouvait pas application. Dans le cas d'espèce, les balcons de l'autorisation litigieuse étaient totalement intégrés à la construction et disposaient d'un accès direct au bâtiment. Il ne s'agissait ainsi pas d'entités distinctes de la construction principale. De plus, plusieurs balcons de celle-ci ainsi que la toiture se trouvaient hors du gabarit précité, soit à plus de 4,5 m du terrain naturel. Même dans l'hypothèse où les surfaces des balcons entrant dans ledit gabarit étaient prises en compte à titre de surface de CDPI, la surface totale à comptabiliser comme CDPI serait de 58,65 m2. Le chiffre de 149,44 m2 figurant sur les plans de la demande d'autorisation litigieuse, ne faisait pas de distinction, suivant la pratique du département de ne pas appliquer la limite des 100 m2, entre les surfaces des CDPI situées à l'intérieur et en-dehors du gabarit indiqué à l'art. 3 al. 3 RCI.

Le projet litigieux avait en outre été soumis à la CA qui avait pu l'appréhender dans son ensemble, y compris s'agissant des CDPI. Celle-ci l'avait préavisé positivement hormis une seule remarque portant sur le manque de diversité typologique des bâtiments qu'elle regrettait. L'audition des membres de la CA pouvait le cas échéant le confirmer. Si un second préavis de la CA devait être considéré nécessaire, le principe de l'effet dévolutif du présent recours permettait de le requérir directement, sans devoir au préalable ordonner un renvoi du dossier au département, ce qui serait contraire au principe de l'économie de procédure.

10) Sur demande concordante des parties des 23 février et 1er mars 2018, la présente procédure de recours a été suspendue entre les 12 mars et 28 novembre 2018, date de sa reprise sollicitée par la recourante.

Celle-ci a alors précisé que la surface totale des CDPI dans le projet litigieux était de 53,92 m2, rappelant la jurisprudence de la chambre de céans selon laquelle la surface à prendre en compte selon l'art. 3 al. 3 RCI correspondait uniquement à la surface au sol des CDPI.

11) Les époux ARDIGÒ, Madame Francine et Monsieur Jacques RIEDER, Monsieur Johan ROELANT, Madame Julie SUTER, Monsieur Andrew GRABOWSKI, Monsieur Thierry DE LAFONTAINE, Madame Silke et Monsieur Mirko GUTZMANN, Madame Alexandra et Monsieur Riad KINI, Madame Beatrice GIL-WEY et Monsieur Philippe VILLARD (ci-après : les époux ARDIGÒ et consorts) ont ensuite conclu, à titre principal, au rejet du recours et à la confirmation du jugement attaqué. Ils sollicitaient, à titre préalable, l'apport des procédures relatives aux demandes susmentionnées DD 109'676 et DD 107'883 et, à titre subsidiaire, le renvoi au TAPI.

12) Le département a conclu à l'admission du recours, à l'annulation du jugement querellé et à la confirmation des autorisations DD 109'537 et M 7'748. Subsidiairement, il a conclu à l'annulation dudit jugement et au renvoi de la cause au TAPI pour nouvelle décision, du fait que ce dernier n'avait pas examiné les autres griefs invoqués devant lui.

13) Ensuite, les parties se sont à nouveau déterminées par écrit et ont persisté dans leurs conclusions respectives.

14) Puis, elles ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et art. 63 al. 1 let. c de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) S'agissant de la violation du droit d'être entendu invoquée par la recourante, cette question peut en l'espèce rester indécise. En effet, même si une telle violation devait être admise, elle pourrait être réparée par la chambre de céans, dans la mesure où le présent litige porte essentiellement sur une question de droit en lien avec l'art. 3 al. 3 RCI et, dans une moindre mesure, sur une question de faits, en particulier de leur appréciation, s'agissant du préavis de la CA, ces deux questions entrant dans le pouvoir d'examen de la chambre administrative (art. 61 al. 1 LPA).

3) Quant à l'apport des procédures susévoquées d'autorisation de construire DD 109'676 et DD 107'883, sollicité par les époux ARDIGÒ et consorts, il y sera renoncé. En effet, elles sont exorbitantes au présent litige et ne sont pas pertinentes pour l'issue de ce dernier portant principalement sur la question du dépassement de la limite des 100 m2 posée par l'art. 3 al. 3 phr. 3 RCI, étant au surplus précisé que deux cas ne sont pas suffisants pour établir une pratique constante du département. Par ailleurs, la chambre de céans ne procédera pas à l'audition des membres de la CA, sollicitée par la recourante, pour les raisons exposées plus bas.

4) Contrairement à la juridiction précédente et aux intimés, la recourante et le département considèrent que la limite des 100 m2 prévue à l'art. 3 al. 3 RCI n'est pas dépassée par le projet litigieux, même à considérer que les balcons soient qualifiés de CDPI, ce que ces deux parties contestent.

a. Selon l'art. 59 al. 7 LCI, applicable en 5ème zone à bâtir (zone villas), les CDPI ne sont pas prises en considération pour le calcul du rapport des surfaces.

En vertu de l'art. 59 al. 1 LCI, la surface de la construction, exprimée en m2 de plancher, ne doit pas excéder 25 % de la surface de la parcelle. Cette surface peut être portée à 27,5 % lorsque la construction est conforme à un standard de HPE, respectivement à 30 % lorsque la construction est conforme à un standard de très HPE, reconnue comme telle par le service compétent. Ces pourcentages sont également applicables aux constructions rénovées qui respectent l'un de ces standards. L'art. 29 RCI précise que la surface des constructions selon
l'art. 59 LCI comprend les constructions annexes faisant corps avec le bâtiment principal, à l'exclusion de celles qui seraient admises comme CDPI.

L'art. 59 al. 4 LCI règle les rapports des surfaces en zone villas dans deux autres cas de figure. Lorsque les circonstances le justifient et que cette mesure est compatible avec le caractère, l'harmonie et l'aménagement du quartier, le département peut autoriser, à certaines conditions précisées aux let. a et b de l'art. 59 al. 4 LCI, un projet de construction en ordre contigu ou sous forme d'habitat groupé à un taux de densification plus élevé que ceux mentionnés à l'art. 59 al. 1 LCI. L'hypothèse de la let. b de l'art. 59 al. 4 LCI entre en ligne de compte lorsque la surface totale de la parcelle ou d'un ensemble de parcelles contiguës est supérieure à 5'000 m2. Elle exige, à titre de condition, l'accord de la commune exprimé sous la forme d'une délibération municipale, alors que le cas visé par la let. a de cette disposition requiert la consultation de la commune. Dans les deux cas, la CA doit être consultée.

L'art. 59 al. 2 LCI précise ce qu'il faut entendre par surface de plancher prise en considération dans le calcul du rapport des surfaces ; il s'agit de la surface brute de plancher de la totalité de la construction hors sol. Toutefois, en vertu de l'art. 59 al. 3 LCI, le département peut renoncer à prendre en considération dans le calcul du rapport des surfaces, lorsque les circonstances le justifient et que cette mesure est compatible avec le caractère, l'harmonie et l'aménagement du quartier, la surface de plancher des éléments suivants : des combles dont la hauteur est inférieure à 1,8 m (let. a) ; des combles de peu d'importance, indépendamment du vide d'étages (let. b) ; des garages de dimensions modestes, lorsque ceux-ci font partie intégrante du bâtiment principal (let. c) ; des serres, jardins d'hiver ou constructions analogues en matériaux légers et de dimensions modestes (let. d).

b. S'agissant de la définition des CDPI, elle se trouve à l'art. 3 al. 3 RCI. En vertu de la première phrase de cette disposition, sont réputées CDPI, à la condition qu'elles ne servent ni à l'habitation, ni à l'exercice d'une activité commerciale, industrielle ou artisanale, celles dont la surface n'excède pas 50 m2 et qui s'inscrivent dans un gabarit limité par : une ligne verticale dont la hauteur n'excède pas 2,50 m (let. a) ; une ligne oblique faisant avec l'horizontale partant du sommet de la ligne verticale un angle de 30° (let. b) ; une ligne horizontale de faîtage située à 4,50 m du sol au maximum (let. c). Cette disposition est illustrée par le croquis n° IV annexé au RCI.

Selon la deuxième phrase de l'art. 3 al. 3 RCI, dans le cadre d'un projet de construction en ordre contigu ou sous forme d'habitat groupé, et afin d'améliorer l'insertion dans le site et pour autant qu'il n'en résulte pas de gêne pour le voisinage, le département peut autoriser, après consultation de la CA, des CDPI groupées d'une surface de plus de 50 m2 au total.

La troisième phrase de cette norme dispose que : « Dans tous les cas, la surface totale des CDPI ne doit pas excéder 8 % de la surface de la parcelle et au maximum 100 m2 ».

c. Dans le cadre de l'application de l'art. 3 al. 3 RCI, la chambre administrative a déjà été amenée à préciser que les surfaces déterminantes étaient celles de l'emprise au sol d'une construction (ATA/1304/2018 du 4 décembre 2018 consid. 9d ; ATA/1064/2018 du 9 octobre 2018 consid. 7b ; ATA/1000/2018 du 25 septembre 2018 consid. 6a ; ATA/284/2016 du 5 avril 2016 consid. 4b).

d. En février 2014, le département a édicté une directive LCI sur les CDPI n° 024-v5 portant sur l'art. 3 al. 3 RCI, modifiée en mars 2017 (ci-après : directive CDPI). Cette directive a pour but de préciser le type de construction considérée comme CDPI, la manière de calculer les surfaces des CDPI, celle de calculer la hauteur et celle de prendre en compte les avant-toits ainsi que les éléments en saillies du bâtiment principal tels que les couvert, balcon, terrasse, surplomb d'étage. Sont réputées CDPI, selon cette directive, les garages, ateliers non professionnels, couverts à voitures, couverts de plaisance, couverts à bois, abris ou cabanes de jardin, « pool-house ». Ladite directive précise que les CDPI fermées qui ont un accès direct avec le bâtiment principal sont considérées comme faisant partie de l'habitation et sont régies par les art. 59 et 62 LCI.

S'agissant des éléments en saillie, il découle des schémas de la directive CDPI y relatifs que la surface prise en compte de ces éléments diffère suivant qu'il existe un poteau ou un mur reliant l'élément en saillie au sol. Lorsqu'un poteau ou un mur soutient ledit élément, toute la profondeur de ce dernier est prise en compte. Dans le cas contraire, une déduction de 1,50 m est effectuée sur ladite mesure, à l'instar de ce qui est prévu à l'art. 25 al. 1 RCI régissant les saillies pour le dépassement d'alignement maximal autorisé en ce qui concerne les avant-toits et les corniches (let. b) et les balcons et tout autre avant-corps de la façade (let. d).

La directive CDPI envisage aussi la situation d'un projet de construire plusieurs villas sur une seule parcelle. Dans ce cas, partant du principe que la parcelle sera divisée à terme, la directive prévoit que la limite des 100 m2 de CDPI n'est pas prise en compte, pour autant que cela ne prétérite pas l'harmonie et l'aménagement du quartier, mais précise que le respect du 8 % sur l'ensemble de la parcelle reste impératif. La directive ajoute que sur un projet d'ensemble, lorsqu'un projet de division parcellaire est joint à la requête, il y a lieu de vérifier que les CDPI ne dépassent pas de manière substantielle le 8 % de leur propre parcelle.

e. S'agissant des balcons/terrasses, la chambre administrative a déjà jugé que les surfaces des balcons/terrasses du premier étage - et du deuxième étage -, qui sont superposés à ceux du rez-de-chaussée, n'ont pas à être prises en compte dans la surface totale des CDPI puisque leur emprise au sol recouvre celle des terrasses du rez-de-chaussée. Elle a en revanche pris en compte la surface des terrasses du rez-de-chaussée, dans la surface à prendre en compte à titre de CDPI (ATA/1304/2018 du 4 décembre 2018 consid. 9g ; ATA/1064/2018 du 9 octobre 2018 consid. 8).

5) En l'espèce, conformément à la jurisprudence précitée de la chambre de céans, doivent être pris en compte seulement les balcons et terrasses ayant une surface au sol, dans la mesure où l'emprise au sol de balcons des étages supérieurs se recoupent avec les terrasses du premier niveau d'habitation, situées au niveau du sol.

Or, la surface totale des CDPI retenue par le projet litigieux (à savoir 149.44 m2) comprend, outre les terrasses situées au niveau du sol, les balcons qui s'y trouvent superposés, ce qui ressort des plans B03.06 à B03.10. Ces plans prennent en compte la déduction de 1,50 m de profondeur. Si on déduit de cette surface totale, la surface des balcons situés aux 1er et 2ème étages figurant sur les plans B03.09 et B03.10 (à savoir 35.70 m2 et 20.40 m2), on obtient une surface de 93,34 m2, soit une surface inférieure à la limite maximale de 100 m2 posée par l'art. 3 al. 3 RCI. Le fait que cette surface inclut, au regard des plans nos B03.06 à B03.08, des balcons qui ne sont pas situés au niveau du sol, n'a pas d'impact sur l'issue du présent litige et n'a pas à être davantage développé, la surface de 93,34 m2 étant de toute façon inférieure à la limite de 100 m2. De plus, la limite des 8 % de la surface de la parcelle (8 % de 2'869 m2 = 229,52 m2) n'est pas dépassée. Sur ce point, les plans nos B.03.06 à B.03.10 sont erronés, la surface mentionnée de 358,62 m2 correspond au huitième et non au 8 % de la surface de la parcelle, ce qui n'a toutefois pas de conséquence dans la présente procédure.

Par ailleurs, le département ne peut pas être suivi lorsqu'il soutient que les terrasses situées au niveau du sol - et in casu non soutenues par des poteaux - sont à assimiler au cas de figure - prévu dans la directive CDPI - relatif au surplomb d'étage (p. 4 de la directive, croquis en bas à gauche) et qu'elles ne doivent ainsi pas être comptabilisées comme des CDPI. En effet, dans le projet litigieux, les terrasses situées au niveau du sol ne sont pas surplombées d'étages habitables, comme dans le schéma de ladite directive visé par le département, mais de balcons comme dans les schémas de celle-ci relatifs aux
« balcon/terrasse > 1.50 » (p. 4 de la directive, deuxième ligne). En l'absence de poteau ou de mur soutenant les balcons/terrasses dans le projet litigieux, ce dernier peut tenir compte de la déduction de 1,50 m de profondeur comme cela est prévu dans la directive CDPI (p. 4 de la directive, deuxième ligne, croquis du milieu), à l'instar de la distance maximale autorisée par l'art. 25 al. 1 let. b et let. d ch. 2 RCI - régissant les saillies - en ce qui concerne les avant-toits et corniches respectivement certains bow-windows, les balcons et tout autre
avant-corps de la façade.

Enfin, contrairement à l'avis de la recourante et du département, même si les balcons/terrasses ne figurent pas dans la liste des exemples de CDPI mentionnés à la première page de la directive CDPI, cette dernière contient, à la page 4, un chapitre intitulé « Prise en compte des éléments en saillies du bâtiment principal ». Vu l'intégration de ce chapitre dans la directive CDPI, les éléments en saillie qui y sont mentionnés tels que les balcons/terrasses doivent être considérés comme des CDPI dont la surface est prise en compte, entièrement ou partiellement suivant les cas de figure (avec ou sans poteau/mur de soutien), à titre de CDPI, les exemples de CDPI mentionnés à la première page de ladite directive l'étant à titre exemplatif et non exhaustif. Dès lors, le département ne saurait être suivi lorsqu'il suggère de considérer les balcons comme des terrasses ou des pergolas non couvertes - non comptabilisées comme CDPI -, ce d'autant moins que tous les balcons/terrasses du projet litigieux se trouvent sous un balcon, voire pour le dernier étage sous la toiture.

6) S'agissant enfin de la question soulevée par le TAPI - qui ne l'a pas tranchée - de savoir si, dans son préavis du 18 octobre 2016, la CA s'est prononcée sur le dépassement de la limite des 50 m2, il y a lieu de relever que ledit préavis porte sur le projet litigieux, décrit en ces termes « construction de trois d'habitats groupés (44% HPE) avec garage souterrain - abattages d'arbres ». Il est positif avec dérogation, condition et souhait et comporte les éléments suivants. La rubrique « Dérogation » porte sur l'art. 59 LCI. Bien que la CA regrette le manque de diversité typologique sur ce type de parcelle, elle est favorable au projet et accorde la dérogation selon l'art. 59 LCI (44 % HPE). À titre de souhait, elle préconise de proposer également quelques logements plus grands, propices aux familles.

Comme le relève le département, à la lecture des plans produits par l'architecte, la CA pouvait parfaitement appréhender les CDPI envisagées dans le projet litigieux et leur répartition volumétrique sur la parcelle. En particulier, les plans B03.06 à B03.10 datés du 29 septembre 2016 portent expressément sur les « surfaces » de peu d'importance et contiennent, pour chaque niveau d'habitation, la surface considérée à ce titre par les requérants. Le plan B03.10 additionne ces surfaces et arrive à un total de 149,44 m2 de « surface » de peu d'importance pour l'ensemble du projet litigieux. Ce chiffre est en gras et ressort clairement du dossier. Dans ces circonstances, la CA a pu se rendre compte, à la lecture du dossier, que le projet querellé prévoyait des CDPI dépassant la limite de 50 m2 et qu'il tombait dans le champ d'application de l'art. 3 al. 3 phr. 2 RCI. Le fait qu'elle n'ait fait aucune mention de cette question ne peut s'interpréter en l'espèce que comme l'absence d'objection de sa part, son accord au projet emportant ainsi son accord également sur les CDPI ressortant des pièces du dossier. Par ailleurs, ni les intimés ni le TAPI ne soulèvent d'autres critiques sur ce point susceptibles de mettre en doute le fait que la CA s'est prononcée en toute connaissance de cause sur le projet litigieux et a fortiori sur la question de la dérogation au sens de l'art. 3 al. 3 phr. 2 RCI. Par conséquent, l'autorisation de construire litigieuse ne peut pas être annulée pour ce motif. Il n'est donc, pour ces mêmes raisons, pas nécessaire d'ordonner l'audition des membres de la CA sollicitée par la recourante.

7) Au vu de ce qui précède, le recours sera admis et le jugement litigieux annulé. Afin de ne pas priver les parties du double degré de juridiction, la cause sera renvoyée au TAPI qui n'a pas traité les autres griefs soulevés à l'encontre de l'autorisation de construire litigieuse.

8) Vu les circonstances, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à la recourante qui y a conclu et obtient gain de cause, à la charge des époux ARDIGÒ et consorts, pris conjointement et solidairement (art. 87 al. 2 LPA).

 

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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 31 janvier 2018 par Lyksam Sàrl contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 15 décembre 2017 ;

au fond :

l'admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du
15 décembre 2017 ;

renvoie la cause au Tribunal administratif de première instance au sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à Lyksam Sàrl, à la charge conjointe et solidaire de Madame Artémis et Monsieur Marco ARDIGÒ, Madame Francine et Monsieur Jacques RIEDER, Monsieur Johan ROELANT, Madame Julie SUTER, Monsieur Andrew GRABOWSKI, Monsieur Thierry DE LAFONTAINE, Madame Silke et Monsieur Mirko GUTZMANN, Madame Alexandra et Monsieur Riad KINI, Madame Beatrice GIL-WEY et Monsieur Philippe VILLARD ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Guerric Canonica, avocat de la recourante, à Me Yves Bonard, avocat des époux ARDIGÒ et consorts, au département du territoire, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Pagan et Mme Cuendet, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Poinsot

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :