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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1430/2017

ATA/829/2019 du 25.04.2019 sur JTAPI/1345/2017 ( ICCIFD ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1430/2017-ICCIFD ATA/829/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 25 avril 2019

4ème section

 

dans la cause

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

contre

Madame et Monsieur A______

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 décembre 2017 (JTAPI/1345/2017)


EN FAIT

1. Le 31 mars 2015, Madame et Monsieur A______ (ci-après : les contribuables) ont adressé leur déclaration fiscale 2014 à l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE). Ils ont notamment déclaré un immeuble sis rue B______ 1______ à C______, propriété du contribuable, comme partiellement occupé par le propriétaire – le couple y occupe deux appartements – et partiellement par des tiers, locataires de trois autres appartements. Sa valeur fiscale déclarée était de CHF 1'851'192.- et sa valeur locative ascendait à CHF 126'240.-.

2. Le 27 avril 2016, l’AFC-GE a adressé aux contribuables les bordereaux de taxation en matière d’impôt fédéral direct (ci-après : IFD) et d’impôts cantonaux et communaux (ci-après : ICC) pour la période fiscale 2014.

Elle a fixé la valeur du bien immobilier susmentionné à CHF 2'789'942.-, par capitalisation au taux de 5,17 % du montant des loyers de CHF 144'240.-, composés du montant des loyers perçus en CHF 91'440.- et des loyers théoriques déclarés en CHF 52'800.-. Elle a admis la valeur locative de CHF 126'240.-.

3. Le 2 mai 2016, les contribuables ont élevé réclamation contre leur taxation 2014, pour l’IFD comme pour l’ICC, dont l’objet litigieux résiduel est la fixation de la valeur locative du bien immobilier en cause, le montant de CHF 52'800.- retenu à ce titre par l’AFC-GE étant contesté. Le bâtiment datait de 1781 et faisait l’objet d’une mesure de classement, de sorte que la détermination de sa valeur locative devait s’opérer selon les règles de circulaire « domus antiqua ».

4. Par deux décisions du 13 mars 2017, l’une pour l’IFD et l’autre pour l’ICC, l’AFC-GE a rejeté la réclamation des contribuables.

L’immeuble en cause n’était pas répertorié dans la liste des monuments historiques. Il n’y avait donc pas lieu d’appliquer la circulaire « domus antiqua ».

5. Le 19 avril 2017, les contribuables ont recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre les décisions susmentionnées, concluant à leur annulation, à l’exonération de la taxation des loyers pour l’immeuble considéré et à la rectification des taxations IFD et ICC 2014 en conséquence.

L’immeuble avait été classé et devait être considéré comme bâtiment historique. La circulaire « domus antiqua » était applicable.

6. Après échange d’écritures au cours duquel les parties ont campé sur leurs positions, le TAPI a, par jugement du 18 décembre 2017, partiellement admis le recours et renvoyé la cause à l’AFC-GE pour nouvelles taxations IFD et ICC 2014 dans le sens des considérants.

L’immeuble en cause figurait sur la liste des immeubles et objets classés dans le canton de Genève. La circulaire « domus antiqua », qui n’imposait pas qu’un immeuble soit occupé exclusivement par son propriétaire pour être applicable, devait être appliquée dans le cas d’espèce. Elle ne prévoyait pas une exonération de la valeur locative, mais uniquement un abattement, dont les conditions n’étaient pas remplies pour en bénéficier. En revanche, il devait être tenu compte d’un coefficient de vétusté de 0.5.

7. Le 19 janvier 2018, l’AFC-GE a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement susmentionné, concluant à son annulation et à la confirmation des décisions sur réclamation du 13 mars 2017.

La circulaire « domus antiqua » ne pouvait s’appliquer aux immeubles locatifs, catégorie dans laquelle entrait le bien immobilier en cause dès lors qu’il était en partie louer à des tiers. La solution adoptée par le TAPI contrevenait aux dispositions légales en matière de taxation des biens immobiliers. Un immeuble locatif n’était jamais taxé de manière mixte, quand bien même le propriétaire occupait l’un des logements, comme en l’espèce.

8. Le 24 janvier 2018, le TAPI a transmis son dossier, sans observations.

9. Le 19 février 2018, les contribuables ont conclu au rejet du recours et à la confirmation du jugement du TAPI.

10. Après transmission des écritures des contribuables à l’AFC-GE, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Au stade du recours, le litige porte exclusivement sur l’application de la circulaire « domus antiqua » à la taxation de l’immeuble du 1______ rue B______, en partie loué et en partie occupé par les propriétaires.

3. a. Les questions de droit matériel sont résolues en fonction du droit en vigueur lors des périodes fiscales litigieuses (arrêts du Tribunal fédéral 2C_835/2012 du 1er avril 2013 consid. 8 ; 2A.568/1998 du 31 janvier 2000 ; ATA/1154/2017 du 2 août 2017 consid. 2 ; ATA/780/2013 du 26 novembre 2013 consid. 2 et les références citées).

b. L’imposition concerne l’exercice fiscal 2014. Sont ainsi applicables : en matière d’IFD, les dispositions de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11), et en matière d’ICC, celles de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14) et de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08).

c. La question étant traitée de la même manière en droit fédéral et en droit cantonal harmonisé, le présent arrêt traite simultanément des deux impôts, comme cela est admis par la jurisprudence (ATF 135 II 260 consid. 1.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_662/2014 du 25 avril 2015 consid. 1 ; 2C_394/2013 du 24 octobre 2013 consid. 1.1 ; ATA/770/2018 du 24 juillet 2018 consid 3c).

4. En matière d’IFD, selon l’art. 16 LIFD, l'impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus du contribuable, qu'ils soient uniques ou périodiques. Sont aussi considérés comme revenus les prestations en nature de tout genre dont le contribuable bénéficie, notamment la pension et le logement. La notion de revenu est similaire en matière d’ICC, l’art. 17 LIPP prévoyant que l’impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus, prestations et avantages du contribuable, qu’ils soient uniques ou périodiques, en espèces ou en nature et quelle qu’en soit l’origine.

Parmi les revenus soumis à imposition figure la valeur locative d’un bien immobilier, propriété du contribuable. Il s’agit d’un revenu en nature dont la valeur économique correspond au loyer que le contribuable aurait pu obtenir d’un tiers en louant son logement (ATF 131 I consid. 2.2 ; 112 I a 242 ; RDAF 1997 II p. 706 ; Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 4ème éd. 2012, p. 155 n. 210 ; Yves NOËL in Danielle YERSIN/Yves NOËL [éd.], Impôt fédéral direct, Commentaire de la loi sur l'impôt fédéral direct, 2ème éd., 2017, n. 55 ad
art. 16 LIFD).

5. a. En matière d’imposition fédérale, la valeur locative d’un bien immobilier dont le contribuable se réserve l’usage en raison de son droit de propriété ou d’un droit de jouissance obtenu à titre gratuit est imposable comme revenu au titre de rendement de la fortune immobilière (art. 21 al. 1 let. b LIFD).

La valeur locative est déterminée compte tenu des conditions locales et de l’utilisation effective du logement ou du domicile du contribuable (art. 21
al. 2 LIFD).

b. En matière d’imposition cantonale, la LHID, qui a pour objet de désigner les impôts directs que les cantons doivent prélever et fixer les principes selon lesquels la législation cantonale les établit (art. 1 al. 1 LHID), prévoit que l’impôt sur le revenu a notamment pour objet la valeur locative de l’habitation du contribuable dans son propre immeuble (art. 7 al. 1 LHID), sans donner d’autres détails.

c. Sur cette base, le législateur cantonal a édicté l’art. 24 al. 1 let. b LIPP, lequel est d’une teneur similaire à celle de l’art. 21 al. 1 let. b LIFD.

L’art. 24 al. 1 let. b LIPP, entré en vigueur avec la LIPP le 1er janvier 2010 a repris la teneur de l’art. 7 de l’ancienne loi sur l’imposition des personnes physiques - Impôt sur le revenu (revenu imposable) du 22 septembre 2000 (aLIPP-IV - D 3 14).

d. La notion de valeur locative est définie à l’art. 24 al. 2 LIPP, entré en vigueur avec la LIPP le 1er janvier 2010, dont la teneur reprend le dispositif retenu à l’art. 7 al. 2 aLIPP-IV. Celle-ci est déterminée en tenant compte des conditions locales. Le loyer théorique des villas et des appartements en copropriété par étages occupés par leurs propriétaires est fixé en fonction notamment de la surface habitable, du nombre de pièces, de l’aménagement, de la vétusté, de l’ancienneté, des nuisances éventuelles et de la situation du logement. Le loyer théorique est pondéré par la durée d’occupation continue de l’immeuble, conformément au barème applicable en matière d’évaluation des immeubles situés dans le canton ; il ne saurait excéder un taux d’effort de 20 % des revenus bruts totaux. Ce taux d’effort est calculé sur les revenus bruts totaux, mais au minimum sur le montant de la première tranche exonérée d’impôt, selon le barème inscrit à l’art. 41
al. 1 LIPP, pour les personnes seules, et sur le double de ce montant pour les contribuables visés à l’art. 41 al. 2 et 3 LIPP. La valeur locative limitée à ce taux d’effort n’est toutefois prise en considération qu’à la condition que les intérêts sur le financement de l’immeuble ne soient pas supérieurs à ce montant.

6. a. La détermination et l’imposition de la valeur locative sont précisées par plusieurs directives édictées au cours des années. Celles-ci n'ont pas force de loi et ne lient ni les administrés, ni les tribunaux, ni même l'administration. Elles ne dispensent pas cette dernière de se prononcer à la lumière des circonstances du cas d'espèce. Par ailleurs, elles ne peuvent sortir du cadre fixé par la norme supérieure qu'elles sont censées concrétiser. En d'autres termes, à défaut de lacune, elles ne peuvent prévoir autre chose que ce qui découle de la législation ou de la jurisprudence (ATF 141 II 338 consid. 6.1 ; 140 V 343 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_522/2012 du 28 décembre 2012 consid. 2.3 ; 9C_477/2011 du 13 juillet 2012 consid. 4.1.3 ; ATA/1244/2017 du 29 août 2017 consid. 6a).

b. Le 10 novembre 1993, répondant à des observations de la section genevoise de l’association Domus Antiqua Helvetica regroupant des propriétaires des demeures historiques (https://www.domusantiqua.ch/fr/association/devenir-membre), au sujet de la nouvelle méthode de détermination de la valeur locative qui serait appliquée en matière d’IFD pour la période de taxation 1995/1996, l’AFC-GE a indiqué que, pour les immeubles d’intérêts historique ou artistique édifiés plus de cent cinquante ans auparavant, soit avant 1843, elle appliquerait des principes spécifiques, en dérogation aux directives générales, s’agissant de la valeur locative de base – sous l’angle de la prise en considération des pièces inoccupées ainsi que de la détermination des surfaces habitables –, de l’aménagement de l’immeuble, du coefficient de vétusté et de la déduction des frais effectifs de restauration et de conservation. Il résulte du dossier que l’application de ces principes a été étendue à l’ICC.

Comme l’a relevé le TAPI, et ce n’est plus contesté par les intimés, cette directive prévoit des abattements et non une exonération de la valeur locative. Cette dernière correspondant au rendement d’un immeuble ou partie d’immeuble dont son propriétaire se réserve l’usage, la directive n’est pas applicable aux immeubles ou parties d’immeubles loués. Rien ne permet, à rigueur de dossier, de suivre la recourante lorsqu’elle soutient qu’en sus, elle ne serait applicable que lorsque l’immeuble est intégralement réservé à l’usage de son propriétaire. Comme le relève la recourante elle-même, la circulaire elle-même ne contient aucune restriction de cette nature.

c. Cela ne signifie toutefois pas qu’une restriction à son application puisse avoir une autre origine, l’AFC-GE en tirant une des règles d’évaluation des immeubles locatifs, par quoi l’on entend tout bien immobilier comportant plus de deux appartements ou deux locaux commerciaux, indifféremment de son type d'affectation, pouvant objectivement être loué (ATA/477/2008 du 16 septembre 2008 consid. 5 b).

L’art. 50 LIPP détermine les principes applicables à l’évaluation des immeubles situés dans le canton (ATA/45/2018 du 16 janvier 2018 consid. 4). Ainsi, la valeur des immeubles locatifs est calculée en capitalisant l'état locatif annuel aux taux fixés chaque année par le Conseil d'État, sur proposition d'une commission d'experts, composée paritairement de représentants de l'administration fiscale et de personnes spécialement qualifiées en matière de propriétés immobilières et désignées par le département. L'état locatif annuel se détermine d'après les loyers obtenus des locaux loués et des loyers qui pourraient être obtenus de ceux susceptibles d'être loués, y compris ceux occupés par le propriétaire et sa famille (art. 50 let. a LIPP). Ce dernier élément correspond à la valeur locative et on ne voit pas que le texte légal prévoit de la calculer selon d’autres critères que ceux fixés par l’art. 24 al. 2 LIPP.

Rien n’empêche donc, en l’espèce, de déterminer la valeur locative de la partie de l’immeuble occupée par les intimés en tenant compte de la circulaire « domus antiqua » et de l’intégrer ensuite aux autres loyers composant l’état locatif annuel de l’immeuble qui sert à calculer la valeur de l’immeuble.

Au vu de ce qui précède, le recours, mal fondé, sera rejeté.

7. Nonobstant l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87
al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée aux intimés, ceux-ci n’étant pas représentés par un mandataire.

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 19 janvier 2018 par l’administration fiscale cantonale contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 décembre 2017 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure :

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF – RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à l’administration fiscale cantonale, à Madame et Monsieur A______, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'à l’administration fédérale des contributions.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, Mme Junod, M. Pagan, juges.


 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :