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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4098/2013

ATA/527/2016 du 21.06.2016 sur JTAPI/589/2014 ( NAVIG ) , REJETE

Recours TF déposé le 24.08.2016, rendu le 05.09.2016, IRRECEVABLE, 1C_390/2016
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4098/2013-NAVIG ATA/527/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 juin 2016

 

dans la cause

 

A______
représentée par Me Daniel Peregrina, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'ENVIRONNEMENT, DES TRANSPORTS ET DE L'AGRICULTURE - CAPITAINERIE CANTONALE

DÉPARTEMENT DE L’AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L’ÉNERGIE

Monsieur B______, appelé en cause

représenté par Me Yves Bonard


_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 mai 2014 (JTAPI/589/2014)


EN FAIT

1. A______ a pour but la réalisation de tous travaux relatifs à la construction.

Dans le cadre de son activité lacustre, elle utilise depuis de nombreuses années des embarcations de type « barges » qui sont amarrées sur le lac Léman grâce à des corps-morts, posés au fond du lac. Elle effectue de nombreux travaux sont pour le compte d’entités publiques.

2. Monsieur B______, domicilié C______, est propriétaire de la parcelle n° 1______ de la commune de Cologny, au bord du lac, située au bas de la rampe de Vésenaz.

3. Les parcelles nos 2______ et 3______ de la commune de Cologny appartiennent au domaine public cantonal. La première, d’une surface de 3'788'313 m2 est constituée du lac Léman, de Genève-plage à la Belotte, de la rive jusqu’à la moitié du lac, environ. La seconde constitue le début du tronçon de la Route de Thonon, direction Vésenaz, dès l’intersection avec le chemin du Nant-d’Argent, le long des rives du lac, et s’étend presque jusqu’au début de la montée direction Vésenaz.

4. Par courrier du 18 mars 2009, M. B______ a informé le département des constructions et des technologies de l'information, devenu depuis le département de l’urbanisme puis le département de l’aménagement, du logement et de l’énergie (ci-après : le DALE) du déplacement des barges amarrées au port marchand des Eaux-Vives au large du Sauvetage de La Belotte.

La capitainerie cantonale (ci-après : la capitainerie) tentait de procéder au réaménagement complet de la zone de La Belotte pour y créer une zone industrielle en mettant les riverains et les parties intéressées devant le fait accompli. Le déplacement de barges amarrées à des corps-morts serait suivi par des demandes d’aménagement d’installations fixes de chargement et de déchargement. Cette manière de procéder était contraire à la législation en vigueur.

5. Le 13 mai 2009, M. B______ a déposé auprès de la commission cantonale de recours en matière administrative, devenue depuis le 1er janvier 2011 le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), une action en constatation d'assujettissement à autorisation de construire avec requête de mesures provisionnelles urgentes.

6. Après avoir appelé en cause le DALE et réservé la recevabilité de l'action en constatation, le TAPI a rejeté, le 8 juin 2009, la demande de mesures provisionnelles.

7. Par acte déposé le 19 juin 2009, M. B______ a recouru contre la décision de la CCRA sur mesures provisionnelles auprès du Tribunal administratif, devenu depuis le 1er janvier 2011 la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), en concluant à l'annulation de celle-ci et à ce qu'il soit fait interdiction à la capitainerie de faire procéder ou laisser procéder à quelque acte préparatoire ou d'exécution de l'aménagement de la zone d'entreprises Cologny - La Belotte.

8. Après avoir procédé à l'instruction de la cause et organisé un transport sur place le 17 juillet 2009, la juridiction de céans a, par arrêt du 29 juin 2010 (ATA/463/2010), déclaré irrecevable le recours dirigé contre le refus de mesures provisionnelles et renvoyé la cause à le TAPI afin qu'elle se prononce tant sur la recevabilité que sur le fond de l'action en constatation déposée par M. B______.

Il ressortait du transport sur place, ainsi que des pièces produites, que depuis les années 1990 des corps-morts permettaient d'amarrer des barges en face du sauvetage de La Belotte, au bas de la rampe de Vésenaz. Ces corps-morts n'avaient pas été déplacés. Depuis cette époque, des barges y étaient amarrées au gré des chantiers. L'argument de M. B______, selon lequel le dépôt des corps-morts était l'ultime manœuvre préalable à l'arrivée des barges et qu'une fois celles-ci rassemblées, la création d'un port marchand deviendrait inévitable, ne résistait pas à l'examen. Il avait été démontré que les barges transitaient et s'amarraient à cet endroit depuis des années, ce qui n'avait pas entraîné la création d'un port marchand jusqu'ici. Certes, la capitainerie avait exposé qu'une telle option était à l'étude, mais il ne s'agissait que d'un projet. Suivant la solution retenue, les autorisations nécessaires seraient requises. M. B______ spéculait sur les intentions de la capitainerie, craignant d'être placé devant le fait accompli et d'être privé des moyens de défendre ses droits. Il n'apportait cependant aucune preuve à l'appui de ses dires. Les installations qui se trouvaient sur place, soit des containers, des corps-morts et des barrières de chantier, étaient des objets qui pouvaient aisément être enlevés ou déplacés sans qu'il n'en subsiste de traces. L'exécution de simulations, d'études et de projets n'était pas susceptible de causer un préjudice irréparable au recourant.

9. Le 23 septembre 2010, le TAPI a admis l'action en constatation déposée le 19 juin 2009.

10. Le 29 octobre 2010, le département de l’intérieur et de la mobilité, devenu depuis le département de l’intérieur, la mobilité et de l’environnement puis le département de l’environnement, des transports et de l’agriculture (ci-après : DETA) a interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif, en concluant à son annulation.

11. Par arrêt du 1er février 2011 (ATA/61/2011), la chambre administrative a rejeté le recours interjeté par le DETA.

Les corps-morts, qu'ils soient immergés ou entreposés au pied du mur de soutènement de la rampe de Vésenaz, étaient soumis à autorisation de construire dans la mesure où il s’agissait d’éléments créés par la main de l'homme, qui ne revêtaient pas un caractère provisoire et qui pouvaient avoir un impact sur l'environnement. L'argument selon lequel ils n’étaient pas fixés dans le sol n'était à lui seul pas relevant, le poids de ces éléments ne permettant pas de les déplacer aisément.

Quant aux barges amarrées, elles devaient également être considérées comme des installations sujettes à autorisation de construire. En effet, bien qu'elles ne fussent pas fixes, les conditions jurisprudentielles étaient réalisées, en particulier en raison de leur impact sur l'environnement et le paysage.

Enfin, les containers destinés aux ouvriers étaient eux aussi soumis à autorisation de construire puisqu'ils étaient voués à rester pour une durée indéterminée, avaient un impact sur le paysage et l'environnement, et ce malgré le fait qu'ils n’étaient pas fixés dans le sol et étaient sis sur le quai, comme s’ils bénéficiaient de places de parcage.

12. a. Par jugement du 16 septembre 2011 (JTAPI/1064/2011), le TAPI a constaté que M. B______ avait interpellé le DALE à plusieurs reprises concernant notamment l'immersion de corps-morts et l'amarrage de barges à des places situées devant sa parcelle, estimant qu'il y avait là des agissements non autorisés qu'il convenait de faire cesser. Il avait reçu une réponse du 31 mars 2011 du DALE, lui indiquant qu'un contrôle effectué sur place avait permis de constater que tout était en ordre. Or, le recourant était en droit de se voir notifier une décision susceptible de faire l'objet d'un recours, conformément à l'art. 4A de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10). Une telle décision devait être motivée et répondre aux différents points soulevés, à savoir la conformité de l'installation de chantier, de l'immersion de corps-morts ainsi que de l'amarrage d'embarcations devant chez lui et le long du quai, route de Thonon.

La requête de M. B______ était déclarée irrecevable et le dossier transmis au DALE et au DETA pour décisions motivées.

b. Le recours interjeté le 10 novembre 2011 par M. B______ auprès de la chambre administrative (cause A/1119/2011) contre le JTAPI/1064/2011 a été retiré le 8 mars 2012.

13. Le DETA ayant indiqué qu’à son avis il n'y avait pas d'actes illicites auxquels il pourrait remédier et le DALE ayant contesté la qualité de partie à la procédure de M. B______, celui-ci a saisi le TAPI d’un recours contre leurs décisions le 13 juin 2012.

14. a. Par jugement du 20 décembre 2012 (JTAPI/1550/2012), le TAPI a renvoyé le dossier au DETA et au DALE pour nouvelles décisions au sens des considérants. Celles-ci devraient se prononcer sur la conformité de chaque installation ou embarcation mentionnée dans la demande du recourant. Par ailleurs, elle devait ordonner les mesures qui s'imposaient en cas de non-conformité des installations et embarcations sises sur les parcelles nos 2______ et 3______ de la commune de Cologny.

En considérant, dans sa réponse du 11 mai 2012, que l'art. 4A LPA ne donnait pas le droit au recourant d'obtenir une décision susceptible de recours sur ces points, le DETA ne s'était pas conformé au JTAPI/1064/2011 du 16 septembre 2011. Par ailleurs, en estimant qu'il n'avait constaté aucun acte illicite dès lors qu'aucun nouveau corps-morts dans le secteur de la Belotte n'avait été posé depuis le prononcé de l'arrêt ATA/61/2011 le 1er février 2011, le DETA s'était également écarté de la décision DCCR/1327/2010, confirmée par l'ATA/61/2011, dans laquelle le TAPI avait jugé que les corps-morts de même que les barges et les containers, qu'ils soient immergés ou déposés au pied du mur de soutènement de la rampe de Vésenaz, étaient soumis à autorisation de construire, cela sans considération de la date de leur installation. Ce faisant, le DETA avait commis un déni de justice.

Il en allait de même du DALE qui avait refusé, en date du 11 mai 2012, de rendre une décision en considérant que le recourant était devenu « simple dénonciateur », alors que celui-ci requérait, en conformité du jugement JTAPI/1064/2011 du 16 septembre 2011, une décision sur la base de l'art. 4A LPA.

Le dossier était renvoyé au DETA et au DALE pour nouvelle décision au sens des considérants.

b. Ce jugement n’a pas fait l’objet d’un recours.

15. Le 28 mars 2013, le DALE, faisant suite à l’arrêt de la chambre administrative du 1er février 2011 (ATA/61/2011), a imparti à A______ un délai de vingt jours pour déposer des autorisations de construire ou enlever les corps-morts et barges sis sur les parcelles nos 2______ et 3______ de la commune de Cologny, dont la présence avait été constatée lors d’un transport sur place, en présence de la capitainerie et d’un représentant du DETA.

Au vu de l’ATA précité, ces installations, soit les corps-morts et les barges, étaient assujetties à la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05).

Le DETA avait fait parvenir par pli séparé un courrier quant aux points relevant de sa compétence.

16. Par courrier du 5 avril 2013, le DETA a rappelé que la nouvelle jurisprudence s’appliquait sans considération de la date de l’installation des corps-morts ou des barges.

Un délai était imparti à A______ pour se déterminer.

17. Par décision du 12 novembre 2013, le DALE a ordonné à A______ de déposer, dans un délai de trente jours, une requête en bonne et due forme, ayant pour objet deux barges (nos 4______, 5______) et quatre corps-morts (nos 6______, 7______, 8______et 9______).

Les deux barges (embarcations de type Swartouw-S Ponton Derrick 15T et Rovera Noyeur Annamaria, selon permis de navigation attestant de leur immatriculation dès 1964 4______ et 5______) apparaissaient sur les photographies du centre d’iconographie genevoise de 1975.

Au vu de l’arrêt du 1er février 2011, les barges et les corps-morts étaient assujettis à la LCI. Aucune autorisation de construire n’avait été délivrée pour ceux-ci. La situation consacrait une infraction à l’art. 1 LCI.

18. Par décision du 13 novembre 2013, le DETA a ordonné à A______ de déposer, dans un délai de trente jours, des requêtes en bonne et due forme ayant pour objet les deux barges et les quatre corps-morts précités. A______ ne fournissait aucune des autorisations spéciales nécessaires, à savoir celles relevant du droit de la pêche, d’occupation du domaine public lac et d’amarrage, complémentaires à la procédure d’autorisation de construire. Aucune de ces autorisations n’avait même été requise afin de rétablir une situation conforme au droit.

La procédure d’autorisation de construire constituant la procédure directrice en la matière, la décision du DETA relative à l’autorisation relevant du droit de la pêche serait coordonnée avec cette dernière. Il ne serait statué sur les demandes d’occupation du domaine public lac, respectivement d’amarrage, qu’à l’issue de ladite procédure d’autorisation de construire.

19. Par acte du 13 décembre 2013, A______ a interjeté recours devant le TAPI contre les deux ordres de déposer des requêtes, respectivement du DALE du 12 novembre 2013 et du DETA du 13 novembre 2013.

Les causes ont été enregistrées sous les références A/4098/2013 pour la procédure concernant le DALE et A/4099/2013 pour celle concernant le DETA.

20. Par jugement sur compétence du 6 mai 2014, dans la cause A/4099/2013, le TAPI s’est déclaré incompétent pour connaître du recours formé par A______ en tant qu’il visait l’obligation qui lui avait été faite, par décision du DETA du 13 novembre 2013, de requérir des autorisations d’amarrage pour ses barges immatriculées 4_____ et 5______.

Il l’a transmis, dans cette mesure, à la chambre administrative pour raison de compétence.

21. Ledit recours a été enregistré à la chambre administrative, le 7 mai 2014, sous les références A/1270/2014.

22. Par décision du 26 mai 2014, la chambre administrative a suspendu la cause A/1270/2014 (amarrage) jusqu’à droit jugé dans les causes connexes (pêche et domaine public lac) devant le TAPI.

23. Par jugement du 28 mai 2014 (JTAPI/589/2014), le TAPI a joint les deux procédures sous le n° A/4098/2013 et a rejeté les deux recours.

Il a refusé de donner suite aux conclusions préalables tendant à l’audition de témoins. Cet acte d’instruction, non obligatoire, n’était aucunement nécessaire pour trancher le litige.

La décision du DALE du 12 novembre 2013 était fondée. Les corps-morts litigieux, composés de blocs de béton de deux tonnes environ et présentant un volume non négligeable, correspondaient à la définition d’aménagement durable et fixe créé par la main de l’homme au sens de la jurisprudence. S’agissant des barges, il s’agissait aussi d’objets créés par la main de l’homme susceptibles d’avoir un impact sur l’environnement, la nature et le paysage, bien plus important encore que celui des corps-morts auxquels elles étaient amarrées. Si l’on ne pouvait parler à leur propos d’installations « fixes », dès lors qu’elles avaient précisément pour vocation de naviguer au gré des chantiers, il n’en demeurait pas moins qu’elles avaient un très net impact sur le paysage, en particulier à leur lieu d’amarrage habituel. Elles revêtaient un caractère durable, dans la mesure où elles restaient pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois consécutifs, amarrées au même emplacement. Dans cette mesure, elles devaient être assimilées à des éléments fixes. L’amarrage des barges litigieuses constituait de facto la création d’un port, même temporairement, dans un cadre paysager sensible, de sorte qu’il s’agissait là également d’un aménagement soumis à autorisation de construire.

L’examen de l’octroi d’une éventuelle dérogation à un ordre de remise en état était prématuré, dans la mesure où il n’avait pas encore été statué sur l’admissibilité des installations litigieuses avec les prescriptions fédérales et cantonales en matière d’aménagement du territoire, de police des constructions et de protection de l’environnement, dont l’examen avait précisément lieu dans le cadre de l’instruction de la requête que la recourante serait amenée à déposer. Le TAPI ne saurait prendre position sur des aspects n’ayant pas encore été examinés et tranchés par l’autorité inférieure. Ce n’était donc que si elles ne pouvaient pas être légalisées à posteriori que la question du démantèlement des installations, et par voie de conséquence leur éventuel maintien, se poserait.

La recourante n’était pas victime d’une inégalité de traitement, seule une autre société se trouvait dans une situation similaire. Elle avait été traitée de façon identique par le DALE. Il n’était pas établi que les autorités n’avaient pas pour objectif de faire régulariser l’ensemble des corps-morts et des barges sis sur le territoire cantonal.

Concernant la décision du DETA du 13 novembre 2013, la recourante, qui concluait à l’annulation de la décision, ne critiquait celle-ci que dans la mesure où elle lui faisait obligation de requérir la délivrance de l’autorisation spéciale prévue par l’art. 8 de la loi fédérale sur la pêche du 21 juin 1991 (LFSP – RS 923.0). L’exploitation des barges à laquelle procédait la recourante sur les eaux du Léman constituait typiquement une occupation excédant l’usage commun des eaux publiques et une intervention de nature à compromettre la pêche, nécessitant la délivrance des autorisations y relatives.

24. Par acte du 2 juillet 2014, la recourante a interjeté recours contre le jugement du TAPI du 28 mai 2014 auprès de la chambre administrative.

Elle a conclu à l’annulation du JTPI/589/2014, cela fait à celle des décisions, respectivement des 12 novembre 2013 du DALE et 13 novembre 2013 du DETA. Les conclusions étaient prises sous suite de frais et dépens.

Le TAPI avait mal établi les faits. Il n’avait procédé ni à un transport sur place, ni à l’audition des parties et des témoins.

La qualité de partie de la recourante avait été violée dans le cadre de l’arrêt ATA/61/2011, puisqu’elle n’avait pas participé à la procédure alors que sa situation juridique pouvait être atteinte par la décision à prendre. Elle était en conséquence libre de remettre en cause le raisonnement tenu par la chambre administrative dans l’ATA précité.

La notion de construction ou installation au sens de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT – RS 700) était définie à l’aide de quatre éléments constitutifs dont la fixation au sol. Le jugement était erroné en tant qu’il assujettissait les barges et corps-morts à autorisation de construire. Les barges, dont il n’était pas contesté qu’elles étaient immatriculées depuis 1964 et apparaissaient sur des photos dès 1975, étaient des bateaux. Elles étaient amarrées par intermittence dans la zone de la Belotte et pouvaient se déplacer de manière autonome sur le lac, grâce à leurs propres moyens de locomotion. À suivre le TAPI, le fait qu’un objet dispose d’un permis de navigation ne s’opposait pas à la nécessité d’une autorisation de construire. Les deux barges ne créaient pas un port naturel. Les deux-cents bateaux amarrés dans la zone de la Belotte le créaient, non la simple présence quelques mois par année des barges querellées.

Le TAPI errait en retenant qu’il n’était « a priori pas exclu que les corps-morts soient susceptibles de porter atteinte à l’environnement ». Si tel était le cas, ils auraient été interdits. De surcroît, le TAPI n’avait pas sollicité d’expertise avant de procéder à des affirmations. Les corps-morts, blocs de béton de 2,5 m x 2,5 m et de deux tonnes (hors eau), posés au fond du lac sans aucune forme de fixation étaient facilement déplaçables et invisibles. Deux-cents autres corps-morts étaient sis dans le périmètre.

Le TAPI ne s’était pas déterminé sur l’application temporelle du droit administratif, en particulier sur le droit applicable en 1964, date de la première immatriculation des barges. Selon l’art. 86 al. 2 du règlement intercantonal concernant la police de la navigation du 15 juin 1960, applicable à l’époque, seuls les corps-morts situés à plus de cent mètres du bord étaient soumis à autorisation. L’acceptation tacite des autorités valait autorisation. Jusqu’à l’ATA/61/2011, les corps-morts bénéficiaient de la situation acquise. Le TAPI n’avait pas procédé à une pesée des intérêts. Aucun intérêt public prépondérant n’imposait de revenir sur une situation légale. Aucune autre solution alternative n’existait pour l’amarrage des barges d’entreprise. La décision violait le principe de la proportionnalité. Toute proportion gardée, cela revenait un peu comme à demander soudainement une autorisation de construire pour la cathédrale Saint-Pierre.

Le principe de l’égalité de traitement était violé. Ses barges et ses corps-morts devaient être traités comme la centaine de bateaux amarrés dans la zone. La situation n’était pas identique à celle de l’autre entreprise dont la procédure était menée en parallèle.

La recourante se prévalait du principe de l’« égalité dans l’illégalité ». Les départements concernés avaient décidé de soumettre à autorisation toutes les nouvelles installations. Or, la recourante n’avait pas connaissance, à part l’autre société de travaux lacustres, que d’autres propriétaires au bénéfice de bateaux et de corps-morts avant l’ATA litigieux aient été soumis à autorisation.

La situation querellée n’entrait pas dans le cadre de l’art. 8 LFSP. La décision du DETA violait la loi.

Pour le surplus, les arguments de la recourante seront repris en tant que de besoin dans la partie en droit.

25. Par décision du 16 juillet 2014, la chambre administrative a prononcé la reprise de la cause A/1270/2014 et l’a jointe à la procédure A/4098/2013, sous cette dernière référence.

26. Par courrier du 31 juillet 2014, le juge délégué a imparti un délai au 15 août 2014, par la suite prolongé à la demande des parties, pour se déterminer sur un éventuel appel en cause de M. B______. Le présent litige trouvait son origine dans la cause ayant mené à l’ATA/61/2011 à laquelle participait M. B______. L’appel en cause permettrait que l’arrêt à rendre lui soit opposable.

27. a. Par observations du 14 août 2014, le DALE a conclu au rejet du recours.

Les barges d’A______ étaient décrites :

- La 4______ pesait 15 tonnes. Sa taille était de 20 m x 15 m, soit 300 m2.

- La 5______, faisait 17,8 m de long sur 7,5 m. de large, soit 133 m2.

Les corps-morts pesaient 2 à 2,5 tonnes. Ils étaient reliés à la surface par une chaîne qui pouvait mesurer plusieurs dizaines de mètres, selon la profondeur à laquelle le corps-mort était immergé. Un corps-mort pouvait accueillir jusqu’à trois barges, ce qui représentait une immense plate-forme de plus de 500 m2, visible, assimilable à un port.

Bien qu’elle n’ait pas été partie à la procédure ayant abouti à l’ATA/61/2011, la jurisprudence était opposable à la recourante, à l’instar de l’ensemble des administrés.

Le fait que les barges soient mises au bénéfice d’un permis de navigation ne changeait rien à l’applicabilité de la LCI. Les buts poursuivis par les différentes législations n’étaient pas identiques et se complétaient.

L’argument relatif à l’application temporelle du droit administratif était prématuré. L’éventuel maintien d’une construction en fonction de la prescription trentenaire ne saurait permettre à son propriétaire de s’opposer à la mise en œuvre d’une procédure visant à la légaliser.

L’analyse du grief de l’égalité dans l’illégalité était prématurée. De surcroît, la situation des autres propriétaires différaient de celles des deux entreprises de travaux lacustres, dont la recourante, concernées par les procédures parallèles.

b. Par observations distinctes du même jour, le DALE s’est opposé à un éventuel appel en cause de M. B______. Celui-ci avait demandé à accéder au dossier. L’instruction dudit dossier ne se situant qu’au stade d’une démarche préalable visant le dépôt d’une demande d’autorisation de construire, le refus avait fait l’objet d’un recours actuellement pendant auprès de la chambre administrative.

28. a. Par écritures du 15 août 2014, le DETA a conclu au rejet du recours, sous suite de frais.

Si la chambre administrative devait, contrairement au TAPI, considérer que la question du démantèlement des installations, et donc de leur éventuel maintien à titre précaire, devait se poser, les recherches effectuées dans les archives ne permettaient pas de situer précisément la date à partir de laquelle les barges de la recourante avaient été installées en bas de la rampe de Vésenaz. Cette date ne serait toutefois pas antérieure à 1993.

L’autorité cantonale spécialisée en matière de pêche avait confirmé que l’installation d’un corps-mort était soumise à une autorisation relevant du droit de la pêche au titre de l’art. 8 LFSP, en raison de son impact sur l’exercice de la pêche, ainsi que sur les écosystèmes de la zone littorale. Le fait que les corps-morts ne soient pas mentionnés dans la liste figurant à l’al. 3 de l’art. 8 LSFP n’était pas décisif, dès lors que cette liste n’était pas exhaustive, le législateur ayant opté pour une liste exemplative afin de permettre à l’autorité cantonale spécialisée d’assujettir d’autres types d’installations dont les conséquences sur la pêche étaient significatives.

Une autorisation domaniale devait être sollicitée. Le Tribunal fédéral avait récemment confirmé qu’une autorisation domaniale ne pouvait remplacer l’autorisation de construire.

b. Par observations distinctes du même jour, le DETA s’est opposé à l’appel en cause de l’intéressé. Un tel résultat irait au-delà du rôle de simple dénonciateur de l’intéressé.

29. Par courrier du 26 août 2014, A______ s’est opposée à l’appel en cause. L’institution de l’appel en cause ne devait pas permettre à des tiers d’obtenir des droits plus étendus que ceux donnés aux personnes auxquelles la qualité pour agir était reconnue. La situation juridique de M. B______ n’était pas susceptible d’être affectée par l’issue de la procédure. Si la chambre administrative confirmait les décisions querellées, A______ devrait se soumettre à leur dispositif et requérir des autorisations de construire pour les corps-morts et les barges. La requête d’autorisation de construire serait publiée et M. B______ pourrait invoquer sa qualité de voisin afin d’éventuellement faire valoir ses droits dans cette procédure. Si la chambre administrative annulait les décisions querellées, M. B______ n’aurait alors pas plus de droits que les autres riverains du lac. Si un appel en cause devait être ordonné, rien ne justifierait que seul M. B______ soit appelé en cause et non les autres riverains du secteur. Le simple fait que ce voisin ait été à l’origine de la dénonciation ayant donné lieu à la procédure ne justifiait pas qu’il soit traité différemment des autres personnes que les installations querellées pourraient prétendument gêner.

30. Par décision du 20 novembre 2014, la chambre administrative a ordonné l’appel en cause de M. B______.

31. Par écritures du 2 avril 2015, M. B______ a conclu préalablement à ce qu’un transport sur place soit ordonné et à ce que les parties soient auditionnées. Principalement, la recourante devait être déboutée de toutes ses conclusions et le jugement du TAPI confirmé.

La recourante se plaignait de la violation de son droit d’être entendue dans la procédure ayant abouti à l’ATA/61/2011. Toutefois, elle n’y avait pas la qualité de partie. En revanche le droit d’être entendu de l’appelé en cause avait été violé dès lors qu’il n’avait pas eu l’occasion d’en user par-devant les autorités précédentes. La chambre de céans disposait d’un pouvoir d’examen plus restreint que les autorités administratives ou de première instance. Les moyens d’instruction ainsi requis se justifiaient d’autant plus.

En 2009, il avait notamment constaté la mise en place de corps-morts au fond du lac pour y amarrer des barges chargées de divers engins de chantier et de matériaux. Les corps-morts avaient été déplacés au moyen d’une grue, en raison de leur masse imposante. La présence des barges et des corps-morts présentait un impact important sur l’environnement dans le secteur de la Belotte. Les barges étaient chargées de grues, de pelles mécaniques, de bétonnières, de tuyaux, de bennes de chantier, de bonbonnes de gaz, de câbles métalliques et de barres métalliques. Plusieurs de ces objets étaient souvent rouillés.

Le contenu des barges était particulièrement polluant. Outre les bonbonnes de gaz et câbles métalliques, des sacs de ciment ou encore des produits acides étaient déposés. Une simple pluie et un peu de vent suffisaient à entraîner une pollution des eaux du lac, ainsi que de la faune environnante. En cas de tempête, la probabilité que le contenu des barges se retrouve au fond du lac était totale. Ces émissions seraient ainsi catastrophiques pour la faune et la flore, et plus particulièrement pour la réserve naturelle de la Pointe-à-la-Bise qui se trouvait à 700 m de l’emplacement des barges. Par ailleurs, les barges manquaient de stabilité. L’une d’entre elles avait failli couler en emportant les engins et matériaux de chantiers au fond du lac.

Lors de leur déplacement pour la livraison des chantiers, les barges revenaient toujours s’amarrer aux mêmes corps-morts dans le secteur de la Belotte. A______ ne disposait pas d’autres corps-morts dans le lac, hormis ceux dans le secteur de la Belotte. A______ installait régulièrement sur la rive des pavillons amovibles durant de longues périodes. Sur les mêmes rives, des tuyaux rouillés, des pelles de chantier et des matériaux divers, comme des sacs de ciment, étaient régulièrement déposés, sans autorisation idoine.

La durée de trente ans d’amarrage dans le secteur de la Belotte, dont se prévalait la recourante, était contestée et non prouvée.

L’endroit où se situaient les barges, ainsi que les corps-morts, consistait en des emplacements dépourvus de qualifications zonales, tout comme les rives du lac. Considérant qu’il ne s’agissait pas d’une zone industrielle, la zone de la Belotte ne permettait pas d’entreposer ce type de matériaux et devrait être remise en état.

32. Par réplique du 1er juin 2015, A______ a relevé que les corps-morts concernés et par voie de conséquence l’amarrage des barges querellées se situaient à plus d’un kilomètre de la propriété de l’appelé en cause, à la pointe à la Bise. En aucun cas elles ne pouvaient affecter la vue de M. B______. Un transport sur place était indispensable. L’appelé en cause ne pouvait pas avoir la qualité de partie à la procédure.

Le DETA reconnaissait dans ses écritures que seuls neuf corps-morts avaient été autorisés, alors que plus d’une centaine se trouvaient dans les eaux cantonales. La recourante persistait dans son grief relatif à l’égalité de traitement. Elle contestait tout impact des bouées sur la pêche. Toutefois, même à retenir un tel impact, toutes les bouées flottant dans les eaux genevoises pourraient potentiellement avoir un impact sur la pêche et seraient soumises à autorisation. Tel n’était pas le cas actuellement.

Exiger le dépôt d’une autorisation de construire revenait à révoquer une situation acquise depuis plus de trente ans, dans l’intérêt public, plus de nonante pourcents de l’activité de la recourante consistant en des chantiers commandés par les autorités publiques, dans l’intérêt public.

Pour le surplus, elle persistait dans ses conclusions.

33. Par duplique du 28 juillet 2015, l’appelé en cause a contesté que les barges ne soient amarrées qu’à des corps-morts non visibles depuis sa propriété. Elles étaient régulièrement amarrées devant chez lui, à quelque 240 m de sa parcelle.

Il n’avait requis un transport sur place que dans l’hypothèse, peu probable, où la Cour de justice traiterait de la question de la prétendue prescription acquisitive invoquée, à tort, par la recourante. Si par impossible, cette problématique au fond était examinée par la chambre administrative, un transport sur place serait effectivement nécessaire afin de constater les conséquences néfastes sur l’environnement liées aux activités de la recourante.

Obtenir de nombreux mandats de l’État, comme s’en prévalait la recourante, ne donnait pas droit à celle-ci à des passe-droits. Au contraire, la recourante aurait dû donner d’autant plus vite suite à l’invite des DALE et DETA de déposer des demandes d’autorisations.

34. Par duplique du 30 juillet 2015, le DETA a persisté dans ses conclusions. L’impact des corps-morts sur les herbiers lacustres avait été récemment documenté dans une étude des aménagements lacustres, commandée par le service de la renaturation des cours d’eau du DETA. Du fait du travail circulaire de la chaîne des corps-morts sur le fond, autour du socle d’accroche, ceux-ci étaient responsables, par leur système d’ancrage, de perte de surface d’herbiers. Cet impact était d’ailleurs clairement visible sur une photo aérienne prise au Creux-de-Genthod. Le Conseil d’État avait adopté, le 8 octobre 2014, le schéma de protection d’aménagement et de gestion des eaux du lac (ci-après : SPAGE Lac-Rhône-Arve), lequel constituait une planification directrice fondée sur les art. 13 de la loi sur les eaux du 5 juillet 1961 (LEaux-GE – L 2 05) et 13 du règlement d’exécution de la loi sur les eaux (REaux-GE – L 2 05 01). Dans le plan de mesures prévues par le SPAGE, se trouvait une fiche relative à la gestion des places d’amarrage et de la batellerie, qui indiquait que les embarcations des entreprises de travaux lacustres, sises dans la rade, pourraient être déplacées sur des sites plus adéquats, tels le quai de Cologny en améliorant l’impact paysager, et au Vengeron en aménageant une infrastructure appropriée afin de stocker une part importante du parc. Une carte illustrait les actions dans le domaine lacustre. Ces deux lieux étaient mentionnés comme des sites retenus pour des activités professionnelles à venir. Il existait bien une mesure de planification directrice en vigueur, relative aux barges. Contrairement aux allégations de la recourante, l’impact environnemental des corps-morts et des barges avait non seulement été établi, mais les embarcations des entreprises de travaux lacustres avaient aussi fait l’objet d’une mesure de planification.

Depuis 2011, la pose de corps-morts avait fait l’objet d’autorisation relevant du droit de la pêche. Le DETA produisait la liste des procédures y relatives. Sept autorisations, au titre de l’art. 8 LFSP, avaient été accordées. Les dossiers n’avaient pas fait l’objet de recours. Le DETA considérait que l’ATA/61/2011 n’avait pas d’effet rétroactif. Il n’avait pas sollicité le dépôt de requête en autorisation relevant du droit de la pêche pour les corps-morts et les barges installés antérieurement à cet arrêt. La production des nombreuses listes sollicitées par la recourante n’était pas nécessaire. À l’instar du DALE, il persistait dans ses conclusions.

35. Par duplique du 13 août 2015, le DALE a persisté dans ses conclusions.

La question de la visibilité depuis la villa de l’appelé en cause n’était pas pertinente. D’autres riverains étaient dérangés par la vue sur les barges.

Le dossier contenait l’ensemble des pièces et photographies nécessaires à trancher l’affaire. Un transport sur place n’était pas nécessaire. L’audition de témoins était prématurée, dans la mesure où l’examen de l’octroi d’une éventuelle dérogation à un ordre de remise en état aurait lieu dans le cadre de l’instruction de la requête que la recourante serait amenée à déposer.

S’agissant de l’assujettissement des barges et des corps-morts, les jurisprudences citées par la recourante ne contenaient aucun élément nouveau. Les corps-morts installés depuis 2011 avaient fait l’objet de requêtes en autorisation de construire dûment instruites. Huit dossiers étaient cités, comprenant les n° de référence DD, l’objet de l’autorisation et l’état de l’avancement de l’instruction.

Le département considérait que l’arrêt de 2011 n’avait pas d’effets rétroactifs. Il n’avait donc pas sollicité le dépôt de requête en autorisation de construire pour les corps-morts et les barges installés antérieurement à cette date. Même si ledit arrêt devait avoir un effet rétroactif, le département n’entendait pas poursuivre une pratique qui aurait été illégale. Le grief de violation du principe de l’égalité de traitement était ainsi dénué de fondement et la production de la liste complète des corps-morts du canton non pertinente.

36. Initialement fixé le 27 novembre 2015, le transport sur place organisé par la chambre de céans a dû être repoussé au 28 janvier 2016 pour des questions météorologiques.

37. Le 28 janvier 2016, les parties ont, au moyen de deux bateaux de la capitainerie, pu visualiser certains des corps-morts et des barges querellés.

Le procès-verbal est agrémenté de photos. Les éléments pertinents seront repris dans la partie en droit en tant que de besoin.

38. Par écritures, respectivement, des 7 et 29 avril 2016 les parties ont persisté dans leurs conclusions. Le DALE ne s’est pas manifesté.

L’appelé en cause a relevé qu’à l’instar de ce qui s’était déjà produit lors d’un précédent transport sur place, les barges avaient été déplacées par la recourante pour n’être pas visibles. Il était ainsi erroné de penser que la situation telle que vue par la chambre de céans lors de son déplacement était conforme à ce qui se passait habituellement. Les barges de la recourante étaient régulièrement amarrées devant la villa de l’appelé en cause, comme celles de l’autre entreprise concernée par les travaux publics lacustres.

La recourante a insisté sur le fait que l’appelé en cause avait indiqué, lors du transport sur place, ne pas être dérangé par les barges d’A______. Seules les barges de l’autre entreprise le dérangeaient. L’intéressé devait être écarté de la présente procédure. De surcroît, une erreur persistait dans le procès-verbal concernant l’emplacement des corps-morts d’A______. Le transport sur place avait démontré que les barges étaient de véritables bateaux, capables de se déplacer par leurs propres moyens. Les corps-morts n’avaient pas d’impact visible, certains pouvant même être totalement envasés. Selon la recourante, le DALE reconnaissait le caractère erroné de sa décision en indiquant qu’il « pourrait conclure que l’une ou l’autre de ces installations n’était finalement pas soumise à autorisation de construire ».

Pour le surplus, les arguments des parties seront repris en tant que de besoin dans la partie en droit.

39. Par courrier du 10 mai 2016, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 – LOJ – E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 – LPA - E 5 10).

2. Dans une correspondance du 8 décembre 2015 relative à l’organisation du transport sur place par la chambre de céans, le DALE relève que l’acte querellé ne serait pas une décision. Il fonde son argumentation sur deux arrêts récents de la chambre administrative (ATA/1258/2015 du 24 novembre 2015 consid. 3 et ATA/544/2014 du 17 juillet 2014).

Cette conclusion relève d’une mauvaise lecture des deux arrêts précités qu’il convient de préciser. Lorsque le département constate qu’une construction a été érigée sans droit, il peut inviter l’intéressé à déposer une autorisation de construire, ce qui peut constituer une alternative à une remise en état. Cela ne présuppose toutefois pas que l’autorisation de construire sera délivrée. Cette invite n’est pas une décision, conformément aux deux arrêts précités. Autre est la question, comme en l’espèce, où l’intéressé, précédemment invité à déposer une demande d’autorisation de construire pour régulariser la situation, ne s’y conforme pas, ni ne détruit la construction querellée. Dans cette situation, le département prononce alors une décision, sujette à recours, conformément aux art. 129 et 130 LCI.

En l’espèce, la recourante n’ayant pas donné suite à l’invite du département, celui-ci a prononcé la décision dont est recours.

Le recours est recevable de ce point de vue aussi.

3. Le litige porte sur deux décisions ordonnant à la recourante de déposer, dans un délai de trente jours, pour quatre corps-morts et deux barges lui appartenant, des requêtes, respectivement en autorisation de construire pour la décision du DALE, et relevant du droit de la pêche, d’occupation du domaine public lac et d’amarrage pour la décision du DETA.

4. Dans ses écritures du 29 avril 2016, après transport sur place, la recourante conclut à ce que l’appelé en cause soit écarté de la présente procédure, celui-ci n’ayant aucun intérêt digne de protection pour y participer.

a. Aux termes de l'art. 71 LPA, l'autorité peut ordonner, d'office ou sur requête, l'appel en cause de tiers dont la situation juridique est susceptible d'être affectée par l'issue de la procédure; la décision leur devient dans ce cas opposable (al. 1). L'appelé en cause peut exercer les droits qui sont conférés aux parties (al. 2). L'institution de l'appel en cause a justement pour but de sauvegarder le droit d'être entendus des personnes qui ne sont pas initialement parties à la procédure (cf. Pierre MOOR, Droit administratif, 2ème éd., 2002, volume II, p. 254 ; Alfred KÖLZ/Isabelle HÄNER, Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 2ème éd., 1998, p. 191 ch. 528).

Dans la mesure où il a pour fonction d’éviter le déroulement d’une autre procédure sur les mêmes questions litigieuses, l’appel en cause est dicté par un souci d’économie de procédure (Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2015, p. 198).

b. En l’espèce, l’appel en cause permet d’opposer le présent arrêt à toutes les parties concernées et de limiter les procédures dans l’hypothèse où la chambre de céans devait suivre l’argumentation de la recourante. Par ailleurs, l’appelé en cause avait introduit une autre procédure devant la chambre administrative pour connaître l’état d’avancement des procédures dirigées par le département contre la société recourante. L’appel en cause rendait ainsi sans objet cette procédure (ATA/355/2015 du 16 avril 2015). Enfin, même à suivre la recourante quant au lieu de situation des corps-morts 6______, 7______ et 8______, à savoir qu’ils seraient situés à la pointe à la Bise et donc non visibles depuis la villa de l’appelé en cause, la décision querellée fait aussi état du corps-mort 9______, situé en face de la villa de l’appelé en cause. L’issue de la présente procédure est en conséquence susceptible d’affecter la situation juridique de l’appelé en cause.

La requête d’écarter l’appelé en cause de la procédure pour défaut d’intérêt digne de protection est rejetée.

5. La recourante se plaint d’une violation de son droit d’être entendue dans le cadre de la procédure ayant abouti à l’ATA/61/2011.

a. L’ATA précité assujettit les corps-morts et les barges à une autorisation de construire. Dès lors qu’elle était constatatoire, ne concernait pas spécifiquement les objets propriété de la recourante et que celle-ci n’était pas partie à la procédure, son droit d’être entendue n’a pas été violé.

b. Lorsqu'une garantie procédurale n'a pas été respectée, il convient autant que possible de remettre la personne lésée dans la situation qui aurait été la sienne si l'exigence en cause n'avait pas été méconnue (arrêt du Tribunal fédéral du 28 septembre 2010 dans la cause 1C_134/2010 consid. 4.3).

En l’espèce, même à suivre le raisonnement de la recourante, l’éventuelle violation du droit d’être entendue aura été réparée par la décision querellée et la présente procédure au cours de laquelle elle aura eu largement l'occasion de faire valoir sa détermination.

Le grief est infondé.

6. La recourante se plaint d’une constatation incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. b LPA) par le TAPI, celui-ci n’ayant procédé ni à un transport sur place, ni à l’audition des parties, ni à celle des témoins, ni même à une expertise sur la question de savoir dans quelle mesure les corps-morts et les barges « compromettaient la pêche ».

a. La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d’office (art. 19 LPA). Ce principe n’est pas absolu, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l’obligation des parties d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1034/2009 du 28 juillet 2010 consid. 4.2 ; 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 3.3.2 ; ATA/573/2015 du 2 juin 2015 ; ATA/99/2014 du 18 février 2014).

En procédure administrative, tant fédérale que cantonale, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 2ème phr. LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_668/2011 du 12 avril 2011 consid. 3.3 ; ATA/573/2015 précité ; ATA/716/2013 du 29 octobre 2013). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n’est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/1162/2015 du 27 octobre 2015 consid. 7 ; ATA/573/2015 et ATA/716/2013 précités).

b. En l’espèce, le dossier comprenait, au stade du TAPI déjà, de nombreuses photographies permettant à celui-ci de prononcer un jugement en toute connaissance de cause sans qu’il ne soit nécessaire de donner suite à la requête de transport sur place.

De même l’audition des parties n’était pas indispensable, celles-ci ayant eu l’occasion, à de multiples reprises, de se déterminer sur les éléments propres à influer sur l’issue de la cause (art. 41 LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6 p. 76 ; 134 I 140 consid. 5.3 p. 148 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_443/2012 du 27 novembre 2012 consid. 4.5 ; 2D_5/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3 et les arrêts cités ; ATA/695/2015 du 30 juin 2015 consid. 2a et les arrêts cités).

Par ailleurs et compte tenu de la requête formulée par toutes les parties devant la chambre de céans, cette dernière a organisé un transport sur place et a donné l’occasion aux parties de se prononcer par écrit après ladite mesure d’instruction. Ainsi, même à considérer que les faits auraient été mal établis par le TAPI, la chambre de céans y aurait remédié.

La recourante a sollicité devant le TAPI et a persisté dans sa requête devant la chambre administrative d’entendre des personnes à même de témoigner de l’existence des corps-morts et des barges à l’emplacement litigieux depuis de nombreuses années. Cependant, le fait que la recourante souhaite prouver par ce biais n’est pas pertinent dans le cadre de la présente procédure laquelle ne porte que sur le bien-fondé des décisions du DALE et du DETA d’ordonner à la recourante de déposer une demande en autorisation de construire pour quatre corps-morts et deux barges. La pertinence des mesures d’instruction sollicitées devra être examinée ultérieurement, si la recourante devait se voir refuser l’autorisation de construire querellée et condamnée à enlever les corps-morts et barges litigieuses.

Enfin, l’expertise sollicitée n’est pas nécessaire compte tenu des développements qui suivent, y compris du SPAGE versé à la procédure par le DETA le 30 juillet 2015.

Le grief de mauvais établissement des faits par le TAPI n’est pas fondé.

7. La recourante conteste la jurisprudence de la chambre de céans (ATA/61/2011 précité) soumettant les corps-morts et les barges à autorisation de construire.

8. Le lac est une zone à protéger au sens de l’art. 17 al. 1 let. a LAT et 29 al. 1 let. a de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30).

Il fait partie du domaine public conformément à l’art. 1 let. b de la loi sur le domaine public du 24 juin 1961 (LDPu – L 1 05). Son régime est fixé par la LEaux-GE (art. 1 let. b LDPu, art. 2 et art. 3 al. 4 LEaux-GE).

9. a. Selon l’art. 22 LAT, aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l'autorité compétente (al. 1). Aux termes de l’al. 2, l'autorisation est délivrée si la construction ou l'installation est conforme à l'affectation de la zone (let. a), le terrain est équipé (let. b). Le droit fédéral et le droit cantonal peuvent poser d'autres conditions (al. 3).

b. Selon l'art. 1 al. 1 let. a, b, d et e de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI – L 5 05), sur tout le territoire du canton de Genève nul ne peut, sans y avoir été autorisé, élever en tout ou partie une construction ou une installation, notamment un bâtiment locatif, industriel ou agricole, une villa, un garage, un hangar, un poulailler, un mur, une clôture ou un portail (let. a), modifier même partiellement le volume, l’architecture, la couleur, l’implantation, la distribution ou la destination d’une construction ou d’une installation (let. b), ni modifier la configuration du terrain (let. d) ou aménager des voies de circulation, des places de parcage ou une issue sur la voie publique (let. e).

c. À teneur de l'art. 1 du règlement d'application de la LCI du 27 février 1978 (RCI - L 5 05.01), sont réputées constructions ou installations toutes choses immobilières ou mobilières édifiées au-dessus ou au-dessous du sol ainsi que toutes leurs parties intégrantes et accessoires, soit notamment les installations extérieures destinées à l’exploitation d’une industrie ou à l’extraction de matières premières (let. e).

10. Selon la jurisprudence, sont considérés comme des constructions ou installations au sens de l'art. 22 al. 1 LAT tous les aménagements durables et fixes créés par la main de l'homme, exerçant une incidence sur l'affectation du sol, soit parce qu'ils modifient sensiblement l'espace extérieur, soit parce qu'ils chargent l'infrastructure d'équipement ou soit encore parce qu'ils sont susceptibles de porter atteinte à l'environnement (ATF 140 II 473 consid. 3.4.1 ; 123 II 256 consid. 3 ; ATF 119 Ib 222 consid. 3a).

La définition jurisprudentielle susmentionnée comporte quatre conditions cumulatives (Piermarco ZEN-RUFFINEN/Christine GUY-ECABERT, Aménagement du territoire, construction, expropriation, 2001, p. 214-218) :

1. La création par la main de l'homme, excluant toute modification naturelle du terrain telle que des éboulis ;

2. La durabilité de l’aménagement, contrairement à une construction provisoire qui peut être enlevée sans frais excessifs et dont l'existence est limitée dans le temps de manière certaine. La condition est remplie pour l’installation d’une caravane pour une durée supérieure à deux mois, un dépôt de matériel d’excavation aménagé pour une durée supérieure à trois mois ou neuf projecteurs qui ne sont pas ancrés solidement au sol mais vissés sur des socles, des parois ou des câbles et sont rapidement démontables parce qu’ils sont destinés à éclairer la pointe du Pilate (ATF 123 II 256 consid. 3 p. 259). Ont en revanche un caractère provisoire, l’édification répétée, mais pour quelques jours seulement d’un pavillon destiné à des manifestations musicales ou une installation de triage de gravats et de déchets de construction, régulièrement démontée (exemples tirés de Piermarco ZEN-RUFFINEN/Christine GUY-ECABERT, op. cit. p. 215) ;

3. La fixation au sol de la construction. Les eaux publiques sont incluses dans la définition du sol (ATF 114 Ib 87 consid. 3 ; JdT 1990 I 517 concernant une installation de ski nautique). Sont assimilés à des constructions tous les bâtiments en surface, y compris les abris mobiles, installés pour un temps non négligeable en un lieu fixe. L'exigence de la relation fixe avec le sol n'exclut pas la prise en compte de constructions mobilières, non ancrées de manière durable au sol et qui sont, cas échéant, facilement démontables. Ainsi, neuf projecteurs qui ne sont pas fixés au sol mais à des socles, rattachés par des vis à des parois et des cordes et démontables rapidement, remplissent cette condition, l’installation étant aménagée afin de rester là à demeure (ATF 123 II 256 consid. 3 p. 259 ; arrêt du Tribunal fédéral du 5 juillet 2011 dans la cause 1C_75/2011 consid. 2.1 ; Alexander RUCH, in Heinz AEMISEGGER/Alfred KUTTLER/Pierre MOOR/Alexander RUCH, Commentaire de la LAT, 2010, n. 24 ad art. 22 LAT). Des nattes en géotextile, utilisées pour aménager une parcelle d'une superficie de 5'773 m2, couvrant les talus en pente depuis plus de deux ans et demi sont indéniablement des éléments durablement fixés au sol (arrêt du 5 septembre 2011 du Tribunal fédéral du 1C_107/2011 consid. 3.3). Les roulottes pour forains ne remplissent pas cette condition parce qu’elles ne sont pas dépendantes d’un lieu déterminé au contraire d’un « véhicule habité » (ATF 99 Ia 115 consid. 3, Jdt 1974 I 642). Un abri mobile servant de logement pour des requérants d’asile remplit cette condition (exemple cité par Alexander RUCH, op. cit, p. 15).

4. L’incidence sur l’affectation du sol, laquelle peut se manifester de trois manières, alternatives ou cumulatives, à savoir l’impact sur le paysage, les effets sur l’équipement et l’atteinte à l’environnement au sens large, soit la protection des eaux, de la forêt, de la faune, de la nature et du paysage.par son impact esthétique sur le paysage (Piermarco ZEN-RUFFINEN/Christine GUY-ECABERT, op. cit., p. 216).

L’élément déterminant n’est pas tant l’installation en soi que l’utilisation qui en sera faite et en particulier son impact sur l’environnement au sens large (ATA/244/2013 du 16 avril 2013 ; ATA/61/2011 du 1er février 2011 ; Alexander RUCH, op. cit., ad art. 22 n. 28 ; DFJP/OFAT, Étude relative à la loi fédérale sur l’aménagement du territoire, 1981, ad art. 22 n. 5 ss).

Ainsi la jurisprudence a soumis à autorisation trois pyramides métalliques de couleur rouille, de 3,68 m de largeur à la base et 2,76 m de hauteur, destinées à orner un alpage et sous lesquels les cendres des défunts pouvaient être répandues celles-ci ayant été considérées comme ayant un impact esthétique sur le paysage (ATF 119 Ib 444 consid. 3b), à l’instar de quatre panneaux solaires de 4 m2 à flanc de montagne (ZBI 1988 p. 333), des statues de chevaux éclairées la nuit dans une allée d’une propriété privée, mais située en zone de protection (arrêt du Tribunal fédéral 1C_529/2012 du 29 janvier 2013). Pour les impacts sur l’environnement, une place d’atterrissage pour planeurs, même sommairement aménagée (ATF 119 Ib 222), des installations d’éclairage d’une montagne (ATF 123 II 256), une installation d’effraiement des oiseaux (arrêt du Tribunal fédéral 1C_136/2007) sont soumis à autorisation.

11. La procédure d'autorisation doit permettre à l'autorité de contrôler, avant la réalisation du projet, sa conformité aux plans d'affectation et aux réglementations applicables. Pour déterminer si l'aménagement prévu est soumis à cette procédure, il faut évaluer si, en général, d'après le cours ordinaire des choses, il entraînera des conséquences telles qu'il existe un intérêt de la collectivité ou des voisins à un contrôle préalable (ATF 139 II 134 consid. 5.2 ; ATF 123 II 256 consid. 3 ; ATF 120 Ib 379 consid. 3c, ATF 119 Ib 222 consid. 3a ; arrêt 1C_107/2011 du 5 septembre 2011 consid. 3.2).

12. a. L'assujettissement a ainsi été admis pour une roulotte de grandes dimensions destinée à jouer le rôle d'une maison de vacances (ATF 100 Ib 482 consid. 4 p. 488), une clôture métallique de deux mètres de haut hors de la zone à bâtir (ATF 118 Ib 49), une serre (arrêt 1C_32/2008 du 21 août 2008 consid. 3), un jardin d'hiver, une véranda, une cabane de jardin ou un couvert servant de garage (arrêt non publié 1A.92/1993 consid. 2a et les références). Il en va de même pour des aménagements extérieurs tels que des balustrades préfabriquées, des colonnes en pierre ou une terrasse, des inscriptions publicitaires, effectuées par sablage, singulièrement par la projection de microparticules de maïs, sur une hauteur de six mètres, appelées à s’atténuer avec le temps (arrêt du Tribunal fédéral 1C_618/2014 du 29 juillet 2015 et les références citées). Les plantes et plantations sont assimilées à des constructions et installations au sens du droit de la construction lorsqu’elles revêtent une importance particulière pour le voisinage, de par leur espèce, leur densité et leur disposition. C’est notamment le cas pour la plantation sur une terrasse en toiture d’une trentaine de thuyas en bacs, sur une longueur de 16 m et une hauteur de 2 m (CdE SZ 23.10.2012 ; EGV-SZ 2012, 136 = DC 2014, p. 92 No 90 cité in Journées suisses du droit de la construction 2015 ; Jean-Baptiste ZUFFEREY, p. 212, n. 99).

À l’inverse, l’installation d’une tente du 18 au 28 juillet 2015 pour accueillir une manifestation d’une société locale, remontée pour un festival sur la même parcelle entre le 22 et le 25 août, puis un évènement local le 30 août 2015 avant d’être démontée, accompagnée d’un cabanon pour la période du 18 juillet au 2 août 2015, abritant un bar tenu par la jeunesse locale n’entre pas dans la catégorie des constructions au sens de l’art. 22 LAT, s’agissant d’installations présentes durant une « petite vingtaine de jours par année ». Elle ne représente pas un aménagement durable et fixe (arrêt du Tribunal fédéral 1C_434/2016 du 8 avril 2016). Des plantes isolées ne sont pas soumises à autorisation de construire selon le droit fédéral.

b. Concernant plus spécifiquement les installations sur les eaux, ont été soumis à autorisation un port de bateaux à Vitznau (ZBl 1986 p. 397), un ponton à Vallamand de 19,40 m sur une largeur de 1,2 m (ATF 132 II 14), un champ de bouées, la question de l’obligation d’autorisation étant laissée ouverte par le Tribunal fédéral s’agissant de cinquante bouées (arrêt non publié du 8 mai 1985 cité par Peter HANNI in Planungs-, Bau- und besonderes Umweltschutzrecht, 2016, p. 311 note 35), une installation de ski nautique, qui ne fonctionne que quatre mois par an et qui doit être enlevée en dehors de cette période, étant précisé qu’elle comprenait un tremplin et que l’autorisation n’avait pas seulement porté sur les installations en tant que telles, mais aussi sur la zone aquatique touchée par l’activité (ATF 114 Ib c. 3 ; JdT 1990 I 517 ; Peter HANNI, op. cit., p. 311 ; Alexander RUCH, op. cit, p. 14).

Sur le plan genevois, la chambre administrative a retenu qu’une barge principale de 252 m2, amarrée pendant six mois, à laquelle s’ajoutait pendant deux mois une barge supplémentaire de 54 m2, toutes deux sur pieux et corps-morts dans le lac, faisant office de ponton flottant et destinées à l’exploitation d’un bar restaurant, était soumise à une autorisation, étant précisé qu’elle était sise devant le Jardin anglais (ATA/244/2013 du 16 avril 2013). Une barge, constituée de trois éléments flottants appondus, pour une surface de 45 m2 devant servir de scène flottante au large des bains des Pâquis, sur laquelle pouvait être dressée une structure métallique à même de supporter des éclairages et un décor de fond de scène, pour l’été exclusivement, s’était vu délivrer une autorisation de construire, laquelle avait été contestée sous les angles de la protection de l’environnement et du bruit (ATA/233/2006 du 2 mai 2006).

13. Dans l’ATA/61/2011, la chambre de céans avait retenu que les corps-morts pouvaient avoir un impact sur l’environnement, à l’instar des barges qui pouvaient altérer le paysage.

14. En l’espèce, concernant les corps-morts, ceux concernés par la décision querellée, soit notamment les 6______ et 7______, consistent en des blocs de béton, carrés, d’environ 2,5 m x 2,5 m, dont la hauteur n’est pas précisée, de deux tonnes (hors eau), posés au fond du lac, sans fixation, auxquels sont accrochés des chaînes. À l’autre extrémité de celles-ci se trouvent des bouées sphériques permettant de localiser le corps-mort en surface. La taille du corps-mort dépend de la taille de l’embarcation à y accrocher et du poids de celle-ci. Ces corps-morts, dénommés « forains », ne sont composés que d’un seul bloc de béton, avec une chaîne reliée à la bouée, ce qui permet à l’embarcation de tourner autour du corps-mort à 360°.

Un amarrage « fixe », tel que le 9______, autre corps-mort litigieux de la recourante, partiellement photographié lors du transport sur place de la chambre de céans, permet de stabiliser une grande barge. Il est composé de six blocs de béton au fond du lac, situés en périphérie de la barge, reliés par des chaînes, à l’instar d’une toile d’araignée. Lors du transport sur place, la barge qui y était amarrée avait des dimensions de 20 m x 9 m. Les blocs de béton formant le corps-mort fixe sont ainsi éloignés sur une surface, au fond du lac, de plus de 180 m2, ce qui implique, à tout le moins des chaînes de plus de cinquante-huit mètres de long, pour le seul diamètre de la barge, non compris les chaînes qui remontent en surface.

Le corps-mort relié à l’amarrage 8______de la recourante, vu lors du transport sur place, est un peu plus grand que les autres corps-morts. Son poids s’élève à 4,5 tonnes. Il mesure 3 m x 3 m sur une hauteur approximative de 50 cm. La hauteur visible est un peu moindre, le corps-mort s’étant un peu envasé.

15. Se pose la question de savoir si les corps-morts remplissent les conditions de la définition d’une installation ou construction au sens de l’art. 22 LAT.

a. Les corps-morts sont une création de la main de l’homme.

b. La durabilité de l’aménagement est établie, compte tenu des exemples tirés de la jurisprudence, les objets litigieux étant posés au fond du lac de façon durable. Par ailleurs la recourante se prévaut de l’existence des corps-morts au lieu querellé depuis de nombreuses années.

c. Le critère de la fixation au sol est rempli, dès lors que même des constructions mobilières, non ancrées de manière durable au sol et qui sont, cas échéant, facilement démontables, remplissent cette condition. En l’espèce, la meilleure illustration est l’envasement des corps-morts. À ce titre, l’argument selon lequel les corps-morts seraient aisément déplaçables, indépendamment de son bien-fondé, n’est pas pertinent selon la jurisprudence.

d. Le dernier critère, soit l’incidence sur l’affectation du sol, est le plus délicat. S’il est exact qu’à ce titre, le corps-mort est quasiment invisible de la surface et de la rive, qu’il n’est pas directement source de nuisance visuelle, sonore, olfactive ou polluante et est par définition immobile, il n’en demeure pas moins qu’il ressort de l’étude préliminaire de localisation et de morphologie des aménagements lacustres, effectuée par le DETA et dont le rapport final a été rendu le 15 juillet 2014, que les herbiers lacustres sont impactés par les installations de corps-morts. Du fait du travail circulaire de leurs chaînes sur le fond autour du socle d’accroche, les corps-morts traditionnels sont responsables, par leur système d’ancrage, de perte de surface d’herbier. Une photo aérienne prise au large du Creux-de-Genthod atteste des conséquences précitées. À ce titre, les corps-morts ont une incidence sur l’environnement dans le lac Léman, lieu sensible. Cette incidence est telle qu’il existe, pour la collectivité, un intérêt à un contrôle préalable.

Dans un arrêt du 25 avril 2007, le Tribunal fédéral avait tenu compte de l’impact d’un jardin potager de 750 m2 sur le paysage et sur l'utilisation agricole du fond retenant qu’il n'était pas négligeable. Pour cette raison déjà, cet aménagement devait être soumis à une autorisation de construire. Enfin, en raison de sa localisation, il était de nature à causer des désagréments aux voisins, notamment lors des travaux d'entretien effectuées par les jardiniers auxquels le recourant faisait appel pour s'en occuper et de l'installation de compostage des déchets qui lui était liée (1A.276/2006 du 25 avril 2007). L’impact indirect des corps-morts sur le paysage et l’utilisation du lac doivent donc être aussi pris en considération.

À juste titre, le TAPI cite l’arrêt du Tribunal fédéral 1C_152/2012 du 21 mai 2012. S’il est vrai que, dans cet arrêt, la haute Cour a cassé l’arrêt de la chambre administrative sur la question de la qualité pour recourir d’un voisin, le Tribunal fédéral avait relevé que la villa du recourant « était distante d'environ 180 mètres des deux corps morts immergés litigieux et des bouées en surface. À cette distance, ces installations n’[étaient] pas ou peu visibles, comme l'a[vait] reconnu avec raison la cour cantonale. Il n'en [allait] pas différemment si l'on devait prendre en compte la distance qui les sépar[ait] de la limite de la propriété du recourant. Toutefois, ce n’[était] pas tant les bouées que les bateaux qui y [étaient] amarrés, destinés pour certains à être réparés dans le chantier naval de l'intimée, qui [étaient] source de gêne pour le recourant. La restriction même partielle à la vue dont celui-ci joui[ssait] actuellement sans limite sur le lac, la rive opposée et le Jura en arrière-plan depuis sa propriété [était] suffisante pour retenir qu'il [était] atteint de manière spéciale et directe dans une mesure plus sensible que les autres administrés par les installations litigieuses (cf. arrêt 1C_2/2010 du 23 mars 2010 consid. 5) ». La « source de gêne » reconnue par l’arrêt précité est d’autant plus vrai dans la présente procédure que les corps-morts litigieux servent à amarrer non pas des bateaux de plaisance, mais des barges servant à un usage industriel, conformément aux développements qui suivent.

Ainsi et contrairement à ce qu’affirme la recourante, dans un recours toutefois déposé avant la reddition du rapport précité, il existe un fondement factuel et scientifique qui prouve que les corps-morts portent atteinte à l’environnement en sus des désagréments que peuvent causer aux voisins les mouvements de barges qui viennent s’y amarrer.

e. En conséquence, les corps-morts, à savoir tant l’installation en soi que l’utilisation qui en est faite et en particulier son impact sur l’environnement au sens large (ATA/244/2013 du 16 avril 2013 ; ATA/61/2011 du 1er février 2011 ; Alexander RUCH, op. cit., ad art. 22 n. 28 ; DFJP/OFAT, Étude relative à la loi fédérale sur l’aménagement du territoire, 1981, ad art. 22 n. 5 ss), remplissent les conditions d’une installation au sens de l’art. 22 al. 1 LAT et sont soumis à autorisation, conformément à ce qu’avait déjà dit la chambre administrative dans son arrêt du 1er février 2011.

16. Concernant les barges, l’ATA/61/2011 avait soumis les barges à autorisation de construire retenant que bien qu'elles ne fussent pas fixes, les conditions jurisprudentielles étaient réalisées, en particulier en raison de leur impact sur l'environnement et le paysage.

a. Il n’est pas contestable que la première condition, soit une création de la main de l’homme, est remplie.

b. Concernant la durabilité de l’aménagement, la recourante se prévaut de l’existence de ces barges et de leur ancrage au lieu querellé depuis de nombreuses années. Cette condition est en conséquence remplie.

c. À propos du critère de la fixation au sol, la recourante allègue que les barges doivent être assimilées à des bateaux. À la lire, disposer d’un permis de naviguer ne serait pas compatible avec la notion de « construction ou installation » au sens de l’art. 22 LAT.

Cet argument est erroné. Les buts poursuivis par les législations applicables ne sont pas identiques. L’immatriculation d’un meuble est sans incidence sur son éventuelle qualification d’installation, à l’instar des caravanes citées par la jurisprudence, dûment immatriculées comme un véhicule et pourtant soumises à autorisations de construire dans certaines circonstances.

Le même argument vaut pour la capacité du meuble à se mouvoir par ses propres moyens.

La recourante allègue par ailleurs que les barges ne seraient amarrées que par intermittence. Cet argument n’est pas pertinent. Si les barges quittent les corps-morts pour effectuer, en journée ou en semaine des travaux lacustres, elles reviennent régulièrement s’y amarrer. Conformément à la jurisprudence précitée, ces périodes d’amarrage suffisent très largement à considérer que le critère de la fixation au sol est rempli, ce d’autant plus qu’une absence des barges en journée n’implique nullement qu’elles ne soient pas amarrées aux corps morts litigieux pour la nuit et le week-end, certains de ces amarrages étant conçus spécifiquement, quant à leur poids ou le fait qu’ils soient fixes et non forain, pour les barges. Enfin, les barges sont dépendantes des corps-morts pour s’amarrer, voire même de certains corps-morts exclusivement selon les dimensions des barges.

d. Les barges sont stationnées dans un lieu sensible, proche de la rive. Il ressort des photos produites à la procédure et du transport sur place qu’un nombreux matériel, représentant plusieurs mètres cubes, est posé dessus, à l’instar de containers métalliques, de barrières métalliques ou de grues. Certaines installations sont grises ou rouillées. Elles confèrent au matériel en question un aspect industriel. Les photos du transport sur place montrent le matériel sis sur la barge 4______ de 192 m2 (16 m x 12 m) laquelle avait à son bord une grue de plus de 10 m de haut. L’autre barge d’A______, non visible au moment du transport sur place est décrite comme légèrement plus petite et représentant 165 m2 (11 m x 15 m). Elles ont un impact esthétique sur le paysage. Les autres photos versées à la procédure, notamment par le département le 14 août 2014, par l’appelé en cause dans la procédure ayant abouti à l’ATA/61/2011, produites par celui-ci dans le cadre de la présente procédure ou faites par la chambre administrative lors du premier transport sur place le 17 juillet 2009, confirment l’impact à l’environnement tant lorsqu’elles sont amarrées que lorsqu’elles doivent être déplacées. Si les barges ne modifient pas durablement le terrain ou l’eau du lac, elles modifient durablement le paysage, la recourante se prévalant de surcroît de leur présence depuis de nombreuses années.

e. La chambre administrative a retenu qu’une barge principale de 252 m2, amarrée pendant six mois, à laquelle s’ajoutait pendant deux mois une barge supplémentaire de 54 m2, toutes deux sur pieux et corps-morts dans le lac, faisant office de ponton flottant et destinées à l’exploitation d’un bar restaurant, était soumise à une autorisation, étant précisé qu’elle était sise devant le Jardin anglais (ATA/244/2013 du 16 avril 2013). Par ailleurs et conformément à l’arrêt du Tribunal fédéral précité (1C_152/2012 précité) l’atteinte au paysage est certaine, d’autant plus s’agissant de barges et non de bateaux de plaisance. Enfin, à l’atteinte visuelle s’ajoute une atteinte auditive, les barges procédant à des travaux de chantier.

Les barges de la recourante remplissent en conséquence les quatre conditions d’une installation au sens de l’art. 22 al. 1 LAT. Conformément à la jurisprudence, les barges et leur exploitation, sont de nature à entraîner, en général, d'après le cours ordinaire des choses, des conséquences telles qu'il existe un intérêt de la collectivité ou des voisins à un contrôle préalable (ATF 139 II 134 consid. 5.2 ; ATF 123 II 256 consid. 3). Les barges de la recourante sont soumises à autorisation, conformément à ce qu’avait déjà dit la chambre administrative dans son arrêt du 1er février 2011.

17. La recourante conteste que l’art. 8 LFSP soit applicable.

a. La loi sur la pêche compte parmi ses buts la protection, l'amélioration et éventuellement même la reconstitution des biotopes des espèces indigènes de poissons, d'écrevisses et d'organismes leur servant de pâture (art. 1 LFSP). À cet effet, les cantons édictent des prescriptions sur les zones de protection là où la préservation des peuplements de poissons et d'écrevisses l'exige (art. 4 al. 3 LFSP) et prennent des mesures pour protéger les biotopes d'espèces menacées (art. 5 al. 2 LFSP). Ce sont également eux qui s'occupent de la préservation et de la reconstitution de ces espaces vitaux (art. 7 LFSP). Une autorisation est nécessaire pour toute intervention d'ordre technique sur les eaux (art. 8 LFSP ; Karin SIDI-ALI, La protection des biotopes en droit suisse - Étude de droit matériel in SzU - Schriftenreihe zum Umweltrecht Band/Nr. 21, 2008, p. 39).

b. Selon l’art. 8 LFSP, toute intervention sur les eaux, leur régime ou leur cours, ou encore sur les rives ou le fond des eaux est soumise à une autorisation de l'autorité cantonale compétente en matière de pêche (autorisation relevant du droit de la pêche), si elle est de nature à compromettre la pêche (al. 1). Sont notamment soumis à autorisation : l'utilisation des forces hydrauliques (let. a), la régulation des lacs (let. b), les corrections de cours d'eau et le défrichement des rives (let. c), la création de cours d'eau artificiels (let. d), la pose de conduites dans des eaux (let. e), le curage mécanique des eaux (let. f), l'exploitation et le lavage de gravier, de sable ou d'autres matériaux dans les eaux (let. g), les prélèvements d'eau (let. h), les déversements d'eau (let. i), le drainage des terrains agricoles (let. j), la construction d'ouvrages destinés aux transports et qui sont de nature à compromettre la pêche (let. l), les installations de pisciculture (let. m). Aucune autorisation en vertu de cette loi n'est exigible pour les prélèvements des eaux selon l'art. 29 al. 4 de la loi fédérale du 24 janvier 1991 sur la protection des eaux du 24 janvier 1991 (Leaux – RS 814.20). Les installations qui sont agrandies ou remises en état sont considérées comme de nouvelles installations (al. 5).

Dans un arrêt du 28 août 2001 (ATF 127 II 273 ; JdT 2002 I 739), le Tribunal fédéral avait indiqué qu’il n’était pas contestable qu'une autorisation en matière de pêche était nécessaire pour un projet de construction d'un ponton d'amarrage et qu'elle devait être coordonnée avec l'autorisation de construire ainsi qu'avec la concession. Le droit fédéral laissait toutefois une certaine marge de manoeuvre aux cantons dans l'organisation de leur procédure de coordination. La décision « coordonnée » relative à l'installation était viciée car elle ne comportait pas expressément, notamment, l'autorisation relevant du droit de la pêche exigée à l'art. 8 LFSP.

c. En l’espèce, dans un courrier du 30 avril 2014, un inspecteur cantonal de la faune relevait que la pose de corps-morts dans le lac pouvait avoir des conséquences importantes sur la pêche notamment sur l’exercice de la pêche (filets accrochés, secteur rendu impropre à la pêche à la traîne, etc.) et subsidiairement par son impact sur les écosystèmes de la zone littorale.

L’argumentation de l’inspecteur cantonal emporte conviction, à savoir que les corps-morts, tant par leur socle en béton que par les chaînes qui les relient aux bouées en surface, ou, à l’instar du corps mort fixe, composé de plusieurs blocs en béton reliés entre eux par des chaînes, tel une toile d’araignée, sont de nature à entraver la pêche et à avoir une influence sur les écosystèmes.

Compte tenu du fait que l’art. 8 LFSP donne une liste exemplative et non exhaustive des cas dans lesquels une autorisation doit être sollicitée, il est sans pertinence, contrairement à ce que soutient la recourante, que les corps-morts ne soient pas cités dans ladite disposition. Au vu de l’art. 8 LFSP et de la jurisprudence précitée, la décision du DETA est fondée.

Le grief est infondé.

18. La recourante fait grief au TAPI de ne pas s’être déterminé sur l’application temporelle du droit administratif, en particulier sur le droit applicable en 1964.

a. Selon la doctrine et la jurisprudence, en droit de la construction, la loi applicable est celle en vigueur au moment où statue la dernière instance saisie du litige. Si l’affaire est traitée par plusieurs autorités, sont déterminantes en principe les prescriptions en force lorsque la dernière juridiction statue. La jurisprudence admet ainsi d’une façon générale qu’une demande d’autorisation de bâtir déposée sous l’empire du droit ancien est examinée en fonction des dispositions en vigueur au moment où l’autorité statue sur cette demande, même si aucune disposition légale ou réglementaire ne le prévoit ; les particuliers doivent en effet toujours s’attendre à un changement de réglementation (ATF 101 Ib 299 ; ATA/56/2013 du 29 janvier 2013). En statuant sur une demande d’autorisation suivant des prescriptions devenues obligatoires après son dépôt, le juge ne tombe pas dans l’arbitraire, ni ne viole une disposition impérative ou la garantie de la propriété (ATF 107 1b 138 ; ATA/56/2013 précité ; ATA/22/2009 du 13 janvier 2009 ; ATA/792/2004 du 19 octobre 2004 ; ATA/541/2002 du 10 septembre 2002 ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I, Les fondements, 2012, p. 194-195).

b. La question de savoir si une construction est, ou non, matériellement légale se détermine en principe selon le droit applicable au moment où les travaux ont été effectués (ATF 127 II 209, consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral, 1C_486/2016 consid. 3.2 du 24 mai 2016 ; Piermarco ZEN-RUFFINEN/Christine GUY ECABERT, op. cit. n° 981).

c. En l’espèce, dès lors que les corps-morts et les barges répondent à la définition d’installations au sens de l’art. 22 LAT, ils sont soumis au dépôt d’une demande d’autorisation de construire.

Les questions de savoir si les autorisations, respectivement de construire ainsi que celles, spéciales, relevant du droit de la pêche, d’occupation du domaine public lac et d’amarrage, peuvent être délivrées ne sont pas l’objet du présent litige, à l’instar de l’éventuelle question, qui pourrait se poser ultérieurement, de savoir si la recourante doit être exonérée d’une éventuelle remise en état compte tenu, notamment, de la prescription trentenaire si les autorisations devaient lui était refusées.

Prématurés, les griefs y relatifs quant au droit applicable au moment de la réalisation des installations, de la prescription trentenaire, du principe de la bonne foi, notamment d’une éventuelle autorisation tacite, de l’intérêt public et de la proportionnalité d’un éventuel ordre de remise en état sont irrecevables.

Ce grief est infondé.

19. La recourante se plaint d’une violation du principe de l’égalité de traitement. Elle compare sa situation aux autres bateaux amarrés tout en se réclamant d’être différenciée de l’autre entreprise de travaux lacustres.

a. Une décision ou un arrêté viole le principe de l’égalité de traitement garanti par l’art. 8 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. – RS 101) lorsqu’il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu’il omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. La question de savoir si une distinction juridique repose sur un motif raisonnable peut recevoir une réponse différente selon les époques et suivant les conceptions, idéologies et situations du moment (ATF 138 V 176 consid. 8.2 p. 183 ; 131 I 1 consid. 4.2 p. 6/7 ; 129 I 346 consid. 6 p. 357 ss ; Vincent MARTENET, Géométrie de l'égalité, Zürich-Bâle-Genève 2003, p. 260 ss).

b. En l’espèce, c’est à tort que la recourante essaye d’assimiler sa situation à celles de bateaux de plaisance. Les corps-morts nécessaires à l’amarrage de ses barges sont différents, à l’instar du corps-mort fixe 9______, constitué de six blocs de béton notamment, ou du 8_____, plus lourd et de dimensions supérieures aux autres. De même, l’aspect des barges n’est pas comparable à celui des bateaux de plaisance. L’allure industrielle générée par du matériel métallique ou rouillé, les engins de chantier qu’elles véhiculent à l’instar de la grue de plus de dix mètres de haut vue lors du transport sur place, ainsi que les travaux auxquels les barges vaquent ne peuvent être qualifiés de « semblables » à des bateaux.

À l’inverse, la recourante semble contester le fait d’être traitée de la même manière que l’autre entreprise de travaux lacustres. Toutefois, les deux sociétés possèdent des corps-morts et des barges assimilables. Elles semblent partager le corps-mort fixe 9______, vaquent à des activités de même type, détiennent toutes deux des barges, sur lesquelles se trouvent un matériel similaire. Elles ont des horaires comparables et cessent généralement leurs activités le soir et le week-end, à l’inverse des bateaux de plaisance. En l’état, le traitement, par les intimés, des deux dossiers de façon parallèle est justifié.

Le grief est infondé.

20. La recourante se prévaut du principe de l’égalité dans l’illégalité.

a. Selon la jurisprudence, un justiciable ne saurait en principe se prétendre victime d’une inégalité de traitement au sens de l’art. 8 Cst lorsque la loi est correctement appliquée à son cas, alors même que dans d’autres cas, elle aurait reçu une fausse application ou n’aurait pas été appliquée du tout (ATF 136 I 65 consid. 5.6 p. 78 ; 127 II 113 consid. 9a p. 121 ; 122 II 446 consid. 4 p. 451 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_423/2011 du 2 avril 2012 consid. 5.1 ; 2C_72/2008 du 21 mai 2008 consid. 6.2 ; ATA/352/2012 du 5 juin 2012 consid. 7 ; Andreas AUER/ Giorgio MALINVERNI/ Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, Berne 2006, vol. 2, 2ème éd., p. 502/503 n. 1025-1027 ; Vincent MARTENET op. cit., p. 260 ss ).

Cependant, cela présuppose de la part de l’autorité dont la décision est attaquée la volonté d’appliquer correctement, à l’avenir, les dispositions légales en question et de les faire appliquer par les services qui lui sont subordonnés. En revanche, si l’autorité persiste à maintenir une pratique reconnue illégale ou s’il y a de sérieuses raisons de penser qu’elle va persister dans celle-ci, le citoyen peut demander que la faveur accordée illégalement à des tiers le soit aussi à lui-même, cette faveur prenant fin lorsque l’autorité modifie sa pratique illégale (ATF 136 I 65 consid. 5.6 p. 78 ; 127 II 113 consid. 9a p. 121 ; 125 II 152 consid. 5 p. 166 et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_423/2011 du 2 avril 2012 consid. 5.1 ; 1C_304/2011 du 9 janvier 2012 consid. 5.1 ; 1C_426/2007 du 8 mai 2008 consid. 3 et 4 ; ATA/649/2012 du 25 septembre 2012 consid. 4).

Encore faut-il qu’il n’existe pas un intérêt public prépondérant au respect de la légalité qui conduise à donner la préférence à celle-ci au détriment de l’égalité de traitement (ATF 123 II 448 consid. 3c p. 254; 115 Ia 81 consid. 2 p. 82/83 ; 99 Ib 377 consid. 5 p. 383), ni d’ailleurs qu’aucun intérêt privé de tiers prépondérant ne s’y oppose (ATF 108 Ia 212 consid. 4 p. 213).

Toutefois, si l’illégalité d’une pratique est constatée à l’occasion d’un recours contre le refus d’un traitement illégal, le juge n’admettra le recours que s’il peut être exclu que l’administration changera sa politique (ATF 115 Ia 81 consid. 2 p. 82/83 ; 112 Ib 381 consid. 6 p. 387 ; ATA/432/2008 du 27 août 2008 consid. 5). Il présumera, dans le silence de l’autorité, que celle-ci se conformera au jugement qu’il aura rendu quant à l’interprétation correcte de la règle en cause (arrêt du Tribunal fédéral 1C_304/2011 du 9 janvier 2012 consid. 5.3).

b. En l’espèce, les deux départements concernés ont entrepris des démarches, dès la reddition de l’ATA/61/2011, pour assujettir à autorisations de construire et aux autorisations spéciales relevant du droit de la pêche, d’occupation du domaine public lac et d’amarrage, différentes barges et corps-morts.

La recourante remet surtout en cause l’assujettissement des « installations » préexistantes à l’ATA/61/2011. Elle se trompe cependant en invoquant un droit à l’égalité dans l’illégalité, dès lors qu’en sa qualité d’entreprise de travaux lacustres sa situation, notamment compte tenu de la taille des corps-morts et des barges ainsi que de l’aspect de celles-ci, ne peut être comparée à celles d’autres installations préexistantes à l’ATA précité, à l’exception de l’autre entreprise de travaux lacustres, laquelle s’est vue soumise à une procédure d’assujettissement similaire à celle faisant l’objet du présent recours.

Le grief est infondé.

21. En tous points mal fondé, le recours sera rejeté.

Un émolument de CHF 2’000.- est mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 2’000.-, à charge de la recourante, sera allouée à M. B______ qui y a conclu et est représenté (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, dans la mesure où il est recevable, le recours interjeté le 2 juillet 2014 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 mai 2014 ;

met à la charge de A______ un émolument de CHF 2’000.- ;

alloue à Monsieur B______ une indemnité de procédure de CHF 2’000.-, à charge de A______;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Daniel Peregrina, avocat de la recourante, au département de l'environnement, des transports et de l'agriculture - capitainerie cantonale, au département de l’aménagement, du logement et de l’énergie, à Me Yves Bonard, avocat de Monsieur B______, appelé en cause, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Thélin, président, M. Dumartheray, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges, Mme Steiner Schmid, juge suppléante.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. Werffeli Bastianelli

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :