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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2172/2010

ATA/662/2014 du 26.08.2014 ( PATIEN ) , IRRECEVABLE

Recours TF déposé le 07.10.2014, rendu le 01.05.2015, REJETE, 2C_313/2015, 2F_11/2015, 2F_21/15
Descripteurs : SANTÉ ; PROFESSION SANITAIRE ; PATIENT ; MÉDECIN ; EXPERTISE ; PARTIE À LA PROCÉDURE ; QUALITÉ POUR RECOURIR ; FAUTE PROFESSIONNELLE ; DROIT DU PATIENT ; DEVOIR PROFESSIONNEL ; FAUTE
Normes : LComPS.9; LS.34; LComPS.10; LComPS.14; LComPS.15
Résumé : Les recourants, objets d'une expertise judiciaire, ne disposent pas de la qualité pour recourir contre une décision de classement de la part du bureau de la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients. Aucun rapport thérapeutique n'est créé entre l'experte et les expertisés. Recours irrecevable.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2172/2010-PATIEN ATA/662/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 août 2014

 

dans la cause

 

Madame et Monsieur A______

contre

COMMISSION DE SURVEILLANCE DES PROFESSIONS DE LA SANTÉ ET DES DROITS DES PATIENTS



EN FAIT

1) Madame (ci-après : la mère) et Monsieur A______ (ci-après : le père), nés respectivement le ______ 1962 (à Lima/Pérou) et le ______ 1958 (à Genève), sont les parents de B______, né le ______ 2002, et de C______, né le ______ 2005.

2) La situation de ces enfants a été signalée au Tribunal tutélaire, pour la première fois le 7 juin 2006, par le président de la commission de conciliation en matière de baux et loyer, lequel avait exprimé des inquiétudes au sujet de l’appartement fortement encombré dans lequel vivait la famille.

Le 6 novembre 2007, un deuxième signalement a été adressé au Tribunal tutélaire par le service de protection des mineurs (ci-après : SPMi). Ce dernier craignait une maltraitance d’ordre physique sur le mineur B______.

3) Par ordonnance du 25 juin 2008, le Tribunal tutélaire a retiré aux parents la garde des deux enfants, a ordonné leur placement au foyer D______ (ci-après : le chalet), a instauré une curatelle d’appui éducatif, a fixé le droit aux relations personnelles des parents avec leurs enfants à raison de tous les week-ends ainsi que pendant les vacances scolaires et, en fonction du fonctionnement du foyer, a nommé Madame E______, juriste titulaire de mandats auprès du SPMi, aux fonctions de curatrice, avec charge pour elle d’établir un rapport sur l’évolution de la situation des enfants.

4) Dans son rapport du 19 décembre 2008, le SPMi a relevé que les parents n’étaient pas prêts à procéder à des changements pour améliorer la prise en charge de leurs enfants, mis à part le rangement de leur appartement. De plus, se posait la question d’éventuels troubles psychiatriques chez les parents.

Le SPMi préavisait de maintenir la mesure de retrait de garde et le placement des enfants au chalet, de maintenir le droit de visite tel que fixé, d’ordonner une expertise psychiatrique familiale aux fins d’évaluer une éventuelle restriction du droit de visite et de maintenir la curatelle d’assistance éducative.

5) Par ordonnance du 11 mai 2009, le Tribunal tutélaire, statuant sur mesures provisoires, a maintenu les mesures de retrait de garde et de placement de B______ et C______, de même que les modalités du droit de visite et la curatelle d’assistance éducative. Au fond, le Tribunal tutélaire a ordonné une expertise psychiatrique familiale.

6) Dans son rapport du 16 octobre 2009, l’expert désigné par le Tribunal tutélaire, soit le Centre Universitaire Romand de Médecine, sous la responsabilité des Doctoresses F______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, médecin associée, supervision médico-légale, G______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie de l’enfant et de l’adolescent, médecin cheffe de clinique au service médico-pédagogique, supervision clinique, et H______, médecin interne au service médico-pédagogique, experte, a répondu comme suit aux questions posées :

- le père souffrait d’un trouble de la personnalité avec des traits paranoïaques, une autre affection étant suspectée mais ne pouvant être confirmée que moyennant d’autres investigations ;

- la mère souffrait d’un trouble de la personnalité de type paranoïaque, caractérisé par une interprétativité pathologique de la réalité ;

- les pathologies des deux parents représentaient un danger pour le développement psychologique de leurs enfants, à court ou à moyen terme ;

- les parents avaient tous les deux une conscience d’autrui limitée par leurs pathologies et n’arrivaient en conséquence que très difficilement à percevoir les besoins réels de leurs enfants et leurs éventuelles souffrances, le père montrant toutefois un peu plus de souplesse ;

- il existait au sein du couple parental un conflit conjugal majeur qui avait pour conséquence l’absence d’un consensus autour du mode d’éducation des enfants ; cette situation faisait craindre un effet néfaste sur les enfants, par l’absence de repères, par l’instabilité et par sa dimension déstructurante ; le développement d’un conflit de loyauté était en outre à craindre ;

- B______ avait une personnalité fragile, mais disposait de ressources qui lui avaient permis d’évoluer favorablement ; il souffrait selon la classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes, 10ème révision (ci-après : CIM-10), d’un trouble mixte de conduite et des émotions (CIM-10, F92.8), et de bégaiement ;

- C______ présentait un retard du développement global et une personnalité très fragile ; bien qu’il n’y ait pas de trouble psychotique, l’évolution vers un tel trouble était possible (CIM 10, F98.8) ;

- un suivi pédopsychiatrique était nécessaire pour B______ et C______, mais ce dernier devait d’abord recevoir l’aide d’un logopédiste ;

- le maintien du placement au chalet restait nécessaire, les deux garçons devant continuer de bénéficier du milieu structurant offert par cette institution ; un retour à domicile de B______ et C______ serait envisageable à condition que leur personnalité soit suffisamment étayée et consolidée ;

- une prise en charge personnelle de la mère était fortement conseillée ;

- le droit de visite était adéquat à la situation, car, malgré les difficultés posées par le milieu familial, il était important que les enfants gardent un contact régulier avec leurs parents.

Le rapport était le résultat de l’étude du dossier du Tribunal tutélaire, des entretiens de l’experte, soit la Dresse H______, avec le père (deux entretiens), la mère (quatre entretiens) B______ (trois entretiens), C______ (deux entretiens), un entretien parents-enfants, les logopédistes des enfants, leur pédiatre, une thérapeute auprès de l’unité de guidance infantile du service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (ci-après : guidance infantile) des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) (la Doctoresse I______, cheffe de clinique), l’assistante sociale du SPMi, l’enseignante de B______, un éducateur du chalet, une psychologue auprès de « Couple et famille » et la responsable du jardin d’enfants de C______ (un entretien avec chacun de ces intervenants).

Les parents avaient autorisé, par écrit, l’experte à consulter les différents intervenants ainsi que le dossier du Tribunal tutélaire.

7) Entendue par le Tribunal tutélaire, les 8 décembre 2009 et 19 janvier 2010, la Dresse H______ a confirmé la teneur de son expertise et ses conclusions, précisant qu’il n’était pas possible d’évaluer la durée du danger du milieu familial pour les enfants.

8) Le 17 avril 2010, les parents ont déposé auprès de la commission de surveillance des professions de la santé et des droit des patients (ci-après : la commission) une plainte à l’encontre de la Dresse H______.

L’experte n’avait apporté aucune preuve concrète de leur comportement paranoïaque.

L’expertise était entachée d’erreurs, de contradictions, de diagnostics erronés, de violations du secret médical et de manipulations des entretiens qu’avait eus l’experte avec les autres intervenants.

Malgré le fait que le rapport d’expertise ne correspondait pas à la vérité et n’avait pas été fait dans les règles de l’art, le Tribunal tutélaire s’était rallié aux conclusions du rapport.

La commission devait confirmer que la Dresse H______ avait établi des diagnostics erronés (point 1), leur transmettre une attestation qui indiquait que le rapport d’expertise ne permettait pas d’affirmer qu’ils souffraient d’une personnalité pathologique et que par conséquent ils n’étaient pas dangereux pour leurs enfants (point 2). La commission devait également sanctionner les Dresses H______, G______ et F______ pour ne pas avoir respecté la déontologie ainsi que leurs droits de patients (point 3). Enfin, ils souhaitaient être indemnisés « aussi bien moralement que financièrement pour les conséquences désastreuses qui font[faisaient] suite à cette mauvaise expertise, notamment atteinte à l’honneur, perte de jouissance dans les relations entre les parents et les enfants, la privation de liberté tant pour les enfants que les parents, de ne pas avoir la jouissance de leur patrimoine, des frais de justice, du temps perdu, des suivi[s] psychologique[s]… » (point 4). Si le point 4 n’était pas de la compétence de la commission, une copie de la plainte serait envoyée au Procureur général afin d’obtenir ce que la famille était en droit d’obtenir suite aux préjudices subis (point 5).

À l’appui de leur plainte, ils ont remis :

- le rapport d’expertise du 16 octobre 2009 ;

- les procès-verbaux des auditions de la Dresse H______ des 8 décembre 2009 et 19 janvier 2010 par-devant le Tribunal tutélaire ;

- une attestation du 4 décembre 2009 des Hôpitaux universitaires de Genève, département de psychiatrie, service de psychiatrie adulte, consultation famille et couples, à teneur de laquelle ils avaient suivi huit séances (cinq en couple, deux en présence d’un membre du couple et une séance de fin/bilan) pour surmonter leurs désaccords éducatifs, mais que cette thérapie avait été arrêtée ;

- un rapport d’évaluation pédopsychiatrique non daté de la Dresse I______, cheffe de clinique au département de l’enfant et de l’adolescent, service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, guidance infantile. Ce rapport constituait un bilan entre les 15 octobre 2008 et 16 février 2009, et se concluait sous cette forme : « un travail sur les capacités parentales n’avait pas pu être effectué en raison, d’une part, d’un manque d’intérêt de la part des parents pour ce type de suivi jugé inutile et, d’autre part, des nombreux désaccords existants entre les parents autour des questions éducatives, rendant la communication entre eux infructueuse. B______ ne présentait ni trouble du développement psychologique, ni diagnostic psychiatrique. Un suivi pédopsychiatrique sous forme de consultations thérapeutiques mensuelles avait été proposé aux parents, dans le but d’offrir à B______ un espace neutre soutenant pour l’aider à affronter les difficultés liées aux circonstances extérieures actuelles et de suivre son évolution. C______ présentait un trouble du langage, sans autre trouble de la communication, dans le cadre d’un retard global de développement. Un bilan logopédique complémentaire était indiqué. Une prise en charge psychothérapeutique était à rediscuter en fonction de la proposition de traitement logopédique dans le cadre d’une prise en charge globale de la situation » ;

- les pages 10 à 19 d’une écriture déposée par-devant le Tribunal tutélaire dans laquelle ils contestaient le contenu de l’expertise (diagnostics posés), critiquaient également la méthodologie de l’expertise et alléguaient que l’experte avait violé le secret médical.

9) Le 23 avril 2010, la commission a informé les parents que leur plainte ainsi que les annexes seraient soumises au bureau de la commission.

10) Le 25 mai 2010, le bureau de la commission a classé la plainte des parents, dans la mesure où il n’existait pas de relation thérapeutique entre eux et les experts désignés, ce qui entraînait l’incompétence du bureau.

D’une manière plus générale, la commission n’avait pas qualité pour se prononcer sur le contenu des expertises, pour en modifier ou infirmer les conclusions.

Cette décision pouvait faire l’objet d’un recours dans les trente jours auprès du Tribunal administratif, devenu depuis le 1er janvier 2011 la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative).

11) Par acte posté le 24 juin 2010, les parents ont interjeté recours auprès de la chambre administrative contre la décision précitée. Ils ont conclu, préalablement, à la recevabilité de leur recours, et, principalement, à l’annulation de la décision attaquée, au renvoi du dossier à la commission pour instruction, et à ce que les points 1 à 3 de la plainte soient maintenus.

La commission était compétente pour traiter ce genre de cas et devait instruire.

Ils retiraient leurs conclusions formulées aux points 4 et 5 de leur plainte, dans la mesure où il résultait de la loi que la commission n’était pas compétente sur ces points.

Sur le fond, ils reprenaient leurs différents arguments soulevés dans leur plainte du 17 avril 2010.

12) Le 20 juillet 2010, la commission a produit son dossier.

13) Le 21 juillet 2010, la commission a écrit au juge délégué. Elle sollicitait un délai pour présenter ses observations pour le cas où la chambre administrative entrerait en matière sur le fond.

14) Le 13 octobre 2010, les recourants souhaitaient savoir où en était la procédure.

15) Le 21 septembre 2012, les recourants ont écrit au juge délégué, le priant une nouvelle fois de leur donner des nouvelles.

16) Le 15 octobre 2012, le juge délégué a tenu une audience de comparution personnelle des parties.

a. Le père a retracé le parcours judiciaire de la procédure tutélaire. Lui et son épouse n’avaient jamais maltraité les enfants. Il maintenait les termes de son recours. L’art. 45 de la loi sur la santé du 7 avril 2006 (LS - K 1 03) l’autorisait à se plaindre. Il contestait les propos de l’experte, qui prétendait qu’il était victime de troubles de la personnalité. Il avait effectué des recherches sur internet et cette notion ne s’appliquait pas à lui. Quant à sa femme, il n’avait pas été démontré que toutes les conditions qui devaient être réunies pour qu’un trouble de la santé mentale existe le soient.

La mère a confirmé les dires de son époux. Ils étaient victimes d’incompétence à tous les niveaux. Elle aimait ses enfants et ne les avait jamais maltraités. Elle contestait totalement ce qu’avaient dit les médecins à son sujet dans l’expertise du 16 octobre 2009.

b. La commission était excusée.

c. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Depuis le 1er janvier 2011, suite à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), l’ensemble des compétences jusqu’alors dévolues au Tribunal administratif a échu à la chambre administrative, qui devient autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 132 LOJ).

En matière de santé, selon l’ancien art. 22 al. 1 de la loi sur la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 7 avril 2006 (LComPS - K 3 03), les décisions prises en vertu de l’art. 7 al. 1 let. a et 2 LComPS peuvent faire l’objet, dans un délai de trente jours, d’un recours au Tribunal administratif, lequel a accès au dossier médical du patient concerné.

Les procédures pendantes devant le Tribunal administratif au 1er janvier 2011 sont reprises par la chambre administrative (art. 143 al. 5 LOJ). Cette dernière est ainsi compétente pour statuer.

2) Interjeté en temps utile devant la juridiction alors compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - aLOJ ; 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 dans sa teneur au 31 décembre 2010).

3) La chambre de céans examine d’office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATA/509/2014 du 1er juillet 2014 consid. 2 ; ATA/806/2013 du 10 décembre 2013 ; ATA/407/2013 du 2 juillet 2013 consid. 2 ; ATA/293/2013 du 7 mai 2013 consid. 1 ; ATA/193/2013 du 26 mars 2013 ; ATA/68/2012 du 31 janvier 2012 ; ATA/191/2011 du 22 mars 2011).

4) Selon l’art. 60 LPA, ont notamment qualité pour recourir les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée (art. 60 al. 1 let. a LPA) si elles sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée (art. 60 al. 1 let. b LPA).

5) La commission est instaurée par l’art. 10 al. 1 LS mais son organisation et sa compétence sont réglées par la LComPS. Elle a ainsi pour mission de veiller au respect des prescriptions légales régissant les professions de la santé et les institutions de santé visées par LS (art. 1 al. 2 let. a LComPS), de veiller à la protection des personnes atteintes de troubles psychiques et de déficience mentale, conformément à la loi sur la santé et à la loi sur la privation de liberté à des fins d’assistance du 7 avril 2006 (LPLFA - K 1 24, abrogée le 1er janvier 2013 ;
art. 1 al. 2 let. b aLComPS) et de veiller au respect du droit des patients
(art. 1 al. 3 aLComPS, abrogé le 1er janvier 2013).

Depuis le 1er janvier 2013, elle a pour double mission, d’une part, de veiller au respect des prescriptions légales régissant les professions de la santé et les institutions de santé visées par la LS (art. 1 al. 2 let. a LComPS), et, d’autre part, de veiller au respect du droit des patients (art. 1 al. 2 let. b LComPS).

Dans le cadre de cette mission, la commission instruit en vue d’un préavis ou d’une décision les cas de violation des dispositions de LS ou de la LPLFA, concernant les professionnels de la santé et les institutions de santé, ainsi que les cas de violation des droits des patients (7 al. 1 let. a aLComPS).

Depuis le 1er janvier 2013, la commission instruit, en vue d’un préavis ou d’une décision, les cas de violation des dispositions de la LS, concernant les professionnels de la santé et les institutions de santé, ainsi que les cas de violation des droits des patients au sens de l’art. 34 LS par ceux-ci (art. 7 al. 1 let. a LComPS, abrogé le 1er janvier 2013).

6) La commission peut se saisir d’office ou être saisie par le dépôt d’une plainte émanant du patient, d’un professionnel de la santé ou de tierces personnes agissant pour le compte dudit patient, soit de personnes habilitées à décider de soins en son nom (art. 8 al. 1 LComPS).

Cette instance peut également être saisie par une dénonciation pouvant émaner du département, des professionnels de la santé, des institutions de la santé, d’autres autorités ou de particuliers (art. 8 al. 2 LComPS).

7) À teneur de l’art. 10 al. 1 aLComPS, la commission de surveillance constitue en son sein un bureau de trois membres chargés de l’examen préalable des plaintes, dénonciations et dossiers dont elle s’est saisie d’office.

Depuis le 10 mai 2014, c’est un bureau de cinq membres, dont le médecin cantonal et le pharmacien cantonal, qui est chargé de cet examen (art. 10 al. 1 LComPS).

C’est celui-ci qui décide de la suite de la procédure, soit de classer la plainte, d’envoyer le dossier en médiation ou pour instruction à l’une des sous-commissions instaurées par la loi (art. 10 al. 2 LComPS).

8) À teneur de l’art. 9 LComPS, seul le patient ou la personne habilitée à décider des soins en son nom, qui a saisi la commission d’une plainte, le professionnel de la santé ou l’institution de santé mis en cause, ont la qualité de partie au sens de l’art. 7 LPA dans la procédure devant la commission.

A contrario, le dénonciateur n’a pas cette qualité (MCG 2003-2004/XI 5733 ss ; ATA/142/2014 du 11 mars 2014 consid. 7 ; ATA/311/2012 du 22 mai 2012 ; ATA/624/2012 du 18 septembre 2012 consid. 2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 483 n. 1442 et la jurisprudence citée).

9) a. La plainte d’un patient peut, sans instruction préalable et par une décision sommairement motivée, être classée par le bureau de la commission si elle est manifestement irrecevable ou mal fondée (art. 14 LComPS). Dans cette hypothèse, le bureau rend une décision sommairement motivée, qui sera notifiée au plaignant (art. 21 LComPS), soit avec mention des voies de droit disponibles, conformément à l’art. 46 LPA.

b. Lorsqu’une dénonciation lui est adressée, le bureau de la commission peut la classer lorsqu’elle est manifestement mal fondée ou qu’elle se situe hors du champ de la compétence de celle-ci (art. 15 LComPS). Dans ce cas, le dénonciateur est informé de manière appropriée du traitement de sa dénonciation par la commission de surveillance. Il est tenu compte, à cet égard, de tous les intérêts publics et privés en présence, notamment, s'il y a lieu, du secret médical protégeant des tiers (art. 21 al. 3 LComPS).

Si, sous l’angle procédural, la décision du bureau de la commission de classer une dénonciation constitue une décision au sens de l’art. 4 LPA puisqu’elle met fin à la procédure disciplinaire, le fait que l’art. 15 LComPS ne prévoie qu’une information du dénonciateur signifie qu’ex lege celui-ci n’en est pas le destinataire et qu’il n’est touché qu’indirectement par celle-ci. Cela explique que la LComPS prévoie que cette instance peut se limiter à lui en communiquer l’existence, sans passer par une notification de celle-ci au sens de l’art. 46 LPA. Cela rejoint la règle générale selon laquelle le dénonciateur, de jurisprudence constante, ne se voit reconnaître ni la qualité de partie dans une procédure disciplinaire ni la qualité pour recourir contre les décisions prises par l’autorité compétente dans ce cadre (ATA/142/2014 précité consid. 8b ; ATA/654/2011 du 18 octobre 2011 ; ATA/402/2009 du 25 août 2009 ; Thierry TANQUEREL, Les tiers dans la procédure disciplinaire, in Les tiers dans la procédure administrative, Genève, 2004, p. 107).

La conséquence en est que, s’il saisit la juridiction de céans d’un recours pour contester le bien-fondé de cette décision, celui-ci ne pourra qu’être déclaré irrecevable. Est réservée la situation dans laquelle le recourant démontre que la commission aurait dû le considérer comme un patient au sens de l’art. 9 LComPS, avec les droits procéduraux que ce statut confère.

10) Selon la jurisprudence de la chambre de céans, doit être considérée comme un patient au sens de l’art. 9 LComPS, titulaire des droits reconnus et protégés par la LS, toute personne qui entretient ou a entretenu une relation thérapeutique avec un professionnel de la santé dont l’activité est régie par cette loi (ATA/142/2014 du 11 mars 2014 consid. 6 ; ATA/265/2009 du 26 mai 2009 consid 4).

A ce propos, le chapitre V de la LS traite de la relation entre les patients et les professionnels de la santé. Son art. 34 LS définit le champ d'application du chapitre, lequel s'applique à toutes les relations entre patients, professionnels de la santé et institutions de santé lors de soins prodigués tant dans le secteur public que dans le secteur privé.

La notion de « patient » ne fait pas l'objet d'une définition précise, ni dans la LS, ni dans la LComPS.

L'exposé des motifs du PL 9326 sur la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients est également muet sur ce point (cf. MCG 2003-2004/XI 5733 et ss). Quant à l'exposé des motifs à l’appui du PL 9328 sur la santé relatif à l'art. 34 LS, celui-ci relève que le terme de « patient » doit s'entendre comme la personne qui recourt aux services (du domaine de la prophylaxie, du diagnostic, de la thérapeutique et des soins palliatifs) d'un professionnel de la santé ou d'une institution de la santé, sans être nécessairement malade. Cette définition ne permet pas, a priori, de lever toutes les incertitudes. Il appartiendra aux tribunaux, si besoin est, de déterminer dans des situations particulières si une personne peut se prévaloir des droits reconnus par le présent chapitre (MCG 2003-2004/XI 5842).

Le dictionnaire définit le substantif « patient » - du latin patior, soit souffrir, supporter, endurer - comme étant une « personne qui subit ou va subir une opération chirurgicale ; personne qui est l'objet d'un traitement, d'un examen médical » (Le petit Robert, 2006, p. 1870) (cf. ATA/265/2009 précité consid. 4a).

Selon le dictionnaire de l’Académie française (http://atilf.atilf.fr/ academie9.htm), un patient s'entend comme une « personne qui consulte un médecin ».

L'art. 2 al. 1 LS précise que la santé consiste en un état physique, psychique et social qui favorise à tout âge l’équilibre de la personne au sein de la collectivité. Quant à la notion de « soins », l'art. 2 al. 2 LS précise que les soins comprennent tout service fourni à une personne, à un groupe de personnes ou à la population dans le but de promouvoir, de protéger, d’évaluer, de surveiller, de maintenir, d’améliorer ou de rétablir la santé humaine.

11) Dans sa jurisprudence, la chambre de céans a récemment statué sur la qualité pour recourir d’un père qui s’était plaint auprès de la commission du médecin de son fils (ATA/142/2014 précité). L’intéressé ne disposait pas de la qualité pour recourir contre la décision de classement. En effet, le père n’avait jamais été le patient du médecin, il ne pouvait dès lors se plaindre du classement immédiat de sa plainte. De plus, les faits reprochés n’avaient pas lésé les droits de patient de l’enfant, de sorte que le bureau de la commission était fondé à considérer que l’intéressé n’avait pas saisi cette dernière pour le compte de son fils mais en son nom propre, à traiter sa plainte comme une dénonciation et à décider de son classement en raison de son objet, qui sortait du cadre des rapports d’obligations devant prévaloir entre un patient et son médecin.

Dans un arrêt du Tribunal fédéral concernant une cause fribourgeoise (2C_537/2013 du 22 août 2013), le Tribunal fédéral a dû trancher la question de savoir si un mari disposait de la qualité de partie dans le contexte d’une procédure de dénonciation au sens de la législation cantonale sur la santé. Dans le cadre d’une procédure matrimoniale opposant deux conjoints, le Tribunal civil de l’arrondissement de la Sarine avait chargé un psychiatre d’expertiser l’épouse. Le mari avait saisi la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients et patientes de l’État de Fribourg d’une plainte dirigée contre le psychiatre, reprochant en substance à ce dernier de ne pas avoir respecté les règles de l’art ni fait preuve de la diligence requise dans l’établissement de son rapport d’expertise, ce qui l’aurait conduit à fournir des réponses erronées, et cela notamment au péril du développement des relations qu’il souhaitait entretenir avec ses enfants dont il n’avait pas la garde. La commission avait retenu que le mari n’avait pas la qualité de partie, au motif qu’il n’était pas le patient du professionnel de la santé mis en cause, et l’avait informé qu’aucune suite ne serait donnée à sa dénonciation. Après une analyse du droit cantonal fribourgeois ainsi que du message accompagnant les dispositions topiques, le Tribunal fédéral est arrivé à la conclusion que le mari n’était pas « un patient ». En effet, le rapport d’expertise litigieux ne posait aucun diagnostic à son sujet et était exclusivement axé sur la personnalité et le vécu de l’épouse du recourant, en vue de répondre à des questions, posées par la juridiction civile cantonale, concernant l’aptitude de l’expertisée à assumer la garde et/ou le droit de visite envers ses enfants. Le Tribunal fédéral relevait toutefois qu’au vu de la notion large du terme « patient », ainsi que de celle de « soins », il n’était pas arbitraire d’assimiler l’épouse du mari, soit l’expertisée, à « une patiente » au sens de la législation cantonale (consid. 4.3.2).

12) Il s’agit de déterminer le statut des recourants à l’aune des considérations précitées.

13) En l’espèce, le rapport entre la Dresse H______ et les recourants s’inscrit dans le cadre d’une procédure judiciaire puisque c’est le Tribunal tutélaire qui a ordonné une expertise sur la personne des recourants.

Les recourants n’ont ainsi jamais été les destinataires directs de prestations médicales de la part de la Dresse H______ et ils ne lui en ont pas demandées. Elle ne leur a d’ailleurs jamais prodigué de soins, s’étant limitée à les expertiser, étant rappelé que, selon la définition de l’Académie française précitée, un patient s’entend comme quelqu’un consultant un médecin, et non un expert.

Son rapport d’expertise du 16 octobre 2009 s’insère donc dans le cadre d’une procédure judiciaire, sans avoir pour effet de créer un lien thérapeutique entre les recourants et l’experte.

L'arrêt du Tribunal fédéral précité ne tranche en définitive pas la question de la qualité de patient de l'expertisée. On ne saurait dès lors interpréter l'arrêt du Tribunal fédéral précité comme conférant à l'expertisée la qualité de patiente dans le cadre de la présente procédure.

N’étant pas des patients de la Dresse H______, les recourants ne peuvent, à ce titre, se plaindre du classement immédiat de leur plainte.

14) De plus, on peut douter que la commission ait le pouvoir de connaître du contrôle des expertises judiciaires, dans la mesure où cette compétence est du ressort du juge en charge de la procédure, lequel décidera ou non de se rallier aux conclusions de l’expertise ou encore d’ordonner une contre-expertise. C’est également la direction de la procédure qui, éventuellement, sanctionnera l’expert qui manquerait à ses obligations comme le prévoient les art. 128 al. 1, 184 et 188 du code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272) pour ce qui a trait à la procédure civile (Jacques HALDY in Code de procédure civile commenté, 2011, ad art. 128 n. 1 ss ; Philippe SCHWEIZER in op. cit., ad. art. 184 n. 14 ss et ad art. 188 n. 1 ss), comme c'était déjà le cas sous l'empire de la loi de procédure civile du 10 avril 1987 (art. 263 aLPC), abrogée lors de l'entrée en vigueur du CPC. Ces éléments allant dans le sens de l'incompétence de la commission sont renforcés par le fait que selon l'art. 57 al. 2 let. a LOJ, il appartient au conseil supérieur de la magistrature de statuer sur la levée du secret de fonction des experts et non à la personne expertisée, ce qui tend à confirmer que ce ne sont pas des droits de patients qui sont directement concernés.

15) Les recourants, assimilés à juste titre par le bureau de la commission à des dénonciateurs, n’avaient pas la qualité de partie devant celle-ci au sens de l’art. 9 LComPS. N’étant ni parties à la procédure devant la commission ni touchés directement par cette décision (art. 15 LComPS), ils ne disposent pas de la qualité pour recourir auprès de la chambre administrative contre cette décision, au sens de l’art. 60 al. 1 let. a et b LPA (art. 132 al. 2 LOJ in fine). Leur recours sera déclaré irrecevable.

16) Vu l’issue du recours, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 24 juin 2010 par Madame et Monsieur A______ contre la décision de la commission de surveillance des professions de la santé du 25 mai 2010 ;

met à la charge de Madame et Monsieur A______, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 500.- ;

dit qu’il ne leur est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Madame et Monsieur A______, ainsi qu’à la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod, MM. Dumartheray, Verniory, Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :