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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/438/2011

ATA/641/2013 du 01.10.2013 sur JTAPI/1221/2011 ( LDTR ) , REJETE

Descripteurs : ; LOGEMENT ; AUTORISATION OU APPROBATION(EN GÉNÉRAL) ; RÉNOVATION D'IMMEUBLE ; MAJORATION DE LOYER ; TRAVAUX D'ENTRETIEN(CONSTRUCTION) ; COMBLE ; TRAVAUX DE CONSTRUCTION ; CONSTRUCTION ET INSTALLATION ; TRAVAUX SOUMIS À AUTORISATION ; PERMIS DE CONSTRUIRE ; INTÉRÊT PUBLIC ; LOYER ; SURVEILLANCE ÉTATIQUE ; LOYER CONTRÔLÉ
Normes : LPA.62.al1.leta ; LPA.87 ; LPA.60 ; LDTR.1.al1 ; LDTR.1.al2.leta ; LDTR.3.al1.letd ; LDTR.3.al2 ; LDTR.9.al1 ; LDTR.10 ; LDTR.44.al1 ; LCI.52 ; LCI.129.lete ; RGL.1 ; LGL.4.al1
Parties : DEPARTEMENT DE L'URBANISME, BARBIER-MUELLER Thierry / DEPARTEMENT DE L'URBANISME, BARBIER-MUELLER Thierry, BUCHELIN Christophe et PICARD Christine, PICARD Christine, PICARD Christine, BUCHELIN CHRISTOPHE ET PICARD CHRISTINE
Résumé : Travaux effectués sans autorisation dans un appartement situé dans les combles. Les travaux effectués ont été réalisés en deux phases dans une période de trois ans et ont concerné toutes les pièces de l'appartement. En raison de leur ampleur, les travaux ne peuvent être considérés comme relevant de l'entretien courant de la chose louée, soit ayant pour objectif le maintien en état de celle-ci, mais doivent être qualifiés de travaux de transformation ayant amélioré le confort existant. C'était des travaux différés dans le temps. Ils étaient importants sous l'angle de leur coût et partant devaient être soumis à autorisation. Le département devait ordonner la mise en conformité de ceux-ci, et ordonner au propriétaire de déposer une demande d'autorisation, comme il aurait dû le faire avant d'entreprendre lesdits travaux. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/438/2011-LDTR ATA/641/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 1er octobre 2013

 

dans la cause

 

Monsieur Thierry BARBIER-MUELLER
représenté par Me Philippe Cottier, avocat

et

DÉPARTEMENT DE L'URBANISME

contre

Madame Christine PICARD et Monsieur Christophe BUCHELIN

représentés par Me Christian Dandrès, avocat

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 1er novembre 2011 (JTAPI/1221/2011)


EN FAIT

1) Monsieur Thierry Barbier-Mueller était propriétaire de la parcelle n° 2607, plan n° 77, section Genève-Cité (21), sise 19, rue Tronchin, comportant un bâtiment de cinq étages, cadastré sous le n° E199, affecté exclusivement au logement.

2) Depuis le 1er février 2006, un appartement situé au 5ème étage de l'immeuble susmentionné, soit dans les combles de celui-ci, a été loué pour une durée de cinq ans à Madame Anastasija Petrova en contrepartie du paiement d'un loyer annuel de CHF 18'708.- plus CHF 1'200.- de charges. Le bail mentionnait qu'il s'agissait d'un appartement de 3½ pièces.

3) Le 29 octobre 2008, Madame Christine Picard et Monsieur Christophe Büchelin ont signé un contrat de bail à loyer de durée déterminée et non renouvelable d'une année portant sur la location de ce même appartement, à partir du 1er novembre 2008, contre un loyer annuel de CHF 21'000.- plus CHF 1'320.- de charges. Le bail mentionnait qu'il s'agissait d'un appartement de 3½ pièces.

4) Le 11 mai 2009, Mme Picard et M. Büchelin ont signé un avenant au contrat de bail précité prévoyant que ce bail à loyer à durée déterminée devenait un bail à loyer à durée indéterminée.

5) Le 18 octobre 2009, M. Büchelin a interpellé le département des constructions et des technologies de l'information, devenu depuis le département de l'urbanisme (ci-après : le département), pour l'informer d'une importante augmentation de loyer (+ 17 %) entre le dernier locataire et lui-même. Le bailleur avait justifié cette augmentation par de lourds travaux de rénovation. La majorité de ces travaux avaient été effectuée trois ans auparavant, soit la rénovation complète de la cuisine, de la salle de bain et des toilettes, ainsi que la pose de parquet dans tout l'appartement. Lesdits travaux n'avaient pas été annoncés au département.

6) Le 2 novembre 2009, le département a informé M. Büchelin que, suite à la visite de l'appartement en question par un de ses collaborateurs le 26 octobre 2009, il avait été constaté que des travaux de rénovation avaient été effectués dans cet appartement de 3 pièces :

-                 rénovation de la salle de bain avec réfection du carrelage au sol et des faïences sur les murs ;

-                 rénovation du WC séparé avec réfection du carrelage au sol et des faïences sur les murs ;

-                 rénovation complète de la cuisine avec pose d'un nouvel agencement, du carrelage au sol et de faïences sur les murs ;

-                 adaptation des installations sanitaires en relation avec la rénovation des locaux sanitaires et de la cuisine ;

-                 réfection et adaptation des installations électriques ;

-                 pose de parquet dans les dégagements, le séjour et la chambre ;

-                 réfection des peintures sur les murs et les boiseries.

Ces interventions avaient vraisemblablement eu lieu trois ans auparavant, lors d'un changement de locataire.

7) Le même jour, le département a écrit à la Société Privée de Gérance (ci-après : SPG), chargée de la gestion de l'appartement.

Les travaux précités, vu leur importance et leur nature, étaient susceptibles d'être assujettis à la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20) et auraient dû faire l'objet d'une requête en autorisation de construire. Or, aucune demande relative à de tels travaux n'avait été enregistrée concernant cet appartement. La SPG était priée de se déterminer dans un délai de quinze jours.

8) Le 18 novembre 2009, le conseil de M. Barbier-Mueller a répondu au département.

M. Barbier-Mueller avait saisi l'occasion d'un changement successif de locataires, respectivement en 2005 et 2008, pour procéder, à deux reprises, à des travaux d'entretien.

a. Les travaux entrepris en octobre 2005 dans l'appartement en cause avaient consisté en :

-                 peinture dans toutes les pièces de l'appartement : CHF 3'308,25 selon facture des Fils de Louis Toso, Michel et Pascal Toso success., du 29 novembre 2005 ;

-                 pose de carrelage dans la cuisine et dans la salle de bain en lieu et place du lino vétuste : CHF 4'796,80, selon facture de Bagattini & fils du 3 novembre 2005 ;

-                 nouvel agencement des meubles de la cuisine : CHF 6'700.-, selon facture de CM-Cuisines S.A. du 28 novembre 2005 ;

-                 pose de parquet dans la chambre et le salon en lieu et place de la moquette : CHF 2'868,40, selon facture de Schneider & Jan S.A. du 13 décembre 2005 ;

-                 branchement des sanitaires refaits à neuf : CHF 2'189,45, selon facture de Alex Burtin, Michel Burtin succ., du 23 janvier 2005.

Le coût total de ces travaux s'était donc élevé à CHF 19'862,90. La compagnie d'assurance avait accepté le devis de la maison des Fils de Louis Toso le 6 décembre 2005 et avait remboursé les frais de peinture (CHF 3'308,20), qui avaient été rendus nécessaire en raison d'une infiltration d'eau depuis la toiture.

b. A l'entrée d'un nouveau locataire, en juillet 2008, quelques travaux d'entretien avaient été effectués :

-                 peinture refaite dans le hall, le salon, la chambre et la salle de bain : CHF 5'644.- selon facture de Construction Perret S.A. du 26 août 2008 ;

-                 pose de carrelage dans les WC : CHF 2'072,75 selon facture de Gatto S.A. du 26 septembre 2008.

Le coût total de ces travaux s'était donc élevé à CHF 7'716,75.

c. La nature de tous les travaux précités relevait de l'entretien, en remplacement du matériel défraîchi par l'usure et le temps. La hausse de loyer qui s'en était ensuivie répondait aux critères définis par la jurisprudence du Tribunal administratif, devenu depuis le 1er janvier 2011 la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Le loyer mensuel était passé de CHF 1'012.- à CHF 1'459.- en 2005 et de CHF 1'459.- à CHF 1'750.- en 2008.

9) Par décision du 15 janvier 2010, le département a ordonné à M. Barbier-Mueller de déposer, dans un délai de trente jours dès sa réception, une requête en autorisation de construire portant sur l'ensemble des travaux effectués dans l'appartement concerné.

Sur la base des plans ne varietur de l'autorisation de construire D 72'523-4, l'appartement en question ne comptait que 2½ pièces et non 3½ comme indiqué dans les baux, car la surface séjour-cuisine comportait une surface de 22 m2.

Ces travaux litigieux avaient été entrepris en deux phases correspondant à deux changements successifs de locataires et le montant total des travaux (2005 et 2008) s'élevait à CHF 27'580.-, honoraires non compris, soit hors sinistre à CHF 24'271.-.

L'augmentation de loyer de 44 % intervenue suite au premier changement de locataire avait fait passer le loyer annuel de CHF 12'144.-, soit CHF 4'857,60 la pièce par an, à CHF 17'508.-, soit CHF 7'003.- la pièce par an. L'augmentation de loyer de 20 % intervenue suite au second changement de locataire avait fait passer le loyer annuel de CHF 17'508.- à CHF 21'000.-, soit CHF 8'400.- la pièce par an. Le loyer annuel avait ainsi augmenté de 73 %, suite aux deux hausses successives, entraînant un changement qualitatif de l'appartement en cause.

Vu leur nature, leur coût et leur incidence sur le loyer, les travaux précités devaient être considérés comme des travaux de rénovation soumis à la LDTR.

Cette décision était susceptible de recours auprès de la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : CCRA), devenu depuis le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), dans un délai de trente jours suivant sa notification.

10) Le 17 février 2010, M. Barbier-Mueller a déposé un recours auprès de la CCRA contre cette décision.

11) Par décision du 8 avril 2010, la CCRA a déclaré le recours de M. Barbier-Mueller irrecevable.

L'intéressé n'avait pas effectué l'avance de frais dans le délai imparti.

12) Le 15 juin 2010, le département a annulé sa décision du 15 janvier 2010 et procédé au classement du dossier I/4564.

La décision précitée était fondée sur le cumul des coûts relatifs aux deux interventions successives et sur les hausses de loyer intervenues lors des deux changements de locataires de l'appartement de 2½ pièces en question. Il apparaissait toutefois que chacune des interventions devait être examinée séparément quant à l'assujettissement des travaux à la LDTR et ce, indépendamment des hausses de loyer. Le coût des travaux entrepris en 2005 s'élevant à CHF 19'863.- et ceux réalisés en 2008 à CHF 7'717.-, ces deux interventions devaient être considérées comme des travaux d'entretien au sens de l'art. 3 al. 2 LDTR.

13) Par courrier du 15 juillet 2010, M. Büchelin a interpellé le département pour connaître l'avancement de la procédure, suite à la décision de la CCRA du 8 avril 2010. N'ayant reçu aucune réponse audit courrier, il a écrit à nouveau au département le 17 août 2010.

14) Le 20 août 2010, le département a informé M. Büchelin que le dossier de demande d'autorisation de construire par procédure accélérée relative à l'isolation thermique des combles avait été enregistré sous le n° 33'139 et était en cours d'instruction. Ledit dossier était consultable, le matin de 09h00 à 12h00, à l'office des autorisations de construire.

15) Par courrier du 17 septembre 2010, le département a indiqué à M. Büchelin que, les travaux considérés ayant été réalisés en deux phases, il convenait de les examiner séparément.

Le coût des travaux entrepris en 2005 s'élevant à CHF 19'863.- et ceux réalisés en 2008 à CHF 7'717.-, chacune de ces deux interventions devait être considérée comme des travaux courants d'entretien au sens de l'art. 3 al. 2 LDTR et n'étaient ainsi pas assujettis à cette loi.

16) Le 2 décembre 2010, Mme Picard et M. Büchelin ont adressé un courrier au département lui demandant de revoir sa position et de leur notifier une décision formelle.

17) Par décision du 11 janvier 2011, le département a confirmé les termes de son courrier du 17 septembre 2010.

Chacune des interventions devait être examinée séparément et considérée comme des travaux courants d'entretien non assujettis à la LDTR.

Cette décision pouvait faire l'objet d'un recours auprès du TAPI dans un délai de trente jours dès sa notification.

18) Le 10 février 2011, Mme Picard et M. Büchelin ont recouru auprès du TAPI contre la décision précitée, concluant à son annulation. Les travaux en question devaient être soumis à autorisation et le loyer de l'appartement en cause devait être fixé à CHF 3'363.- la pièce par an, pendant les trois ans suivant la fin des travaux.

Les travaux de 2005 et 2008 étaient des travaux d'entretien différés soumis à autorisation. Il fallait les considérer comme un tout et non séparément. Le coût à prendre en compte était de CHF 27'580.-. Suite aux premiers travaux, la hausse de loyer de 44 % était incompatible avec le maintien de logements répondant aux besoins prépondérants de la population.

19) Lors de l'audience du 24 mai 2011, le TAPI a entendu Mme Picard, M. Büchelin et la représentante du département.

a. Mme Picard et M. Büchelin ont maintenu leur recours. Ils n'étaient plus locataires de l'appartement en cause depuis le 16 novembre 2010. Leur contrat de bail avait été conclu pour une année, du 1er novembre 2008 au 31 octobre 2009. Ils n'avaient encore intenté aucune procédure devant le Tribunal des baux et loyers.

b. La représentante du département ignorait pourquoi la décision litigieuse n'avait pas été notifiée à M. Barbier-Mueller. Selon elle, lorsque le département avait rendu sa décision du 11 janvier 2011, celui-ci savait que Mme Picard et M. Büchelin n'étaient plus locataires.

Le TAPI a accordé au département un délai au 31 mai 2011 pour lui indiquer s'il maintenait sa décision du 11 janvier 2011.

20) Par courrier du 27 mai 2011, le département a indiqué que M. Barbier-Mueller avait été informé de la décision litigieuse. Il proposait de l'appeler en cause dans la procédure, en application de l'art. 71 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

21) Le TAPI a accordé à Mme Picard et M. Büchelin un délai au 17 juin 2011, prolongé au 28 juin 2011, pour se déterminer sur l'appel en cause. Aucune réponse n'a été donnée.

22) Par décision du 1er juillet 2011, le TAPI a ordonné l'appel en cause de M. Barbier-Mueller dans la procédure.

23) Le 30 septembre 2011, M. Barbier-Mueller a conclu au rejet du recours, sous suite de frais et dépens.

Les travaux effectués en 2005 pour un montant de CHF 15'500.- (recte : CHF 16'500.- ; les frais de peinture remboursés par l'assurance ne devaient pas être pris en compte), puis en 2008 pour un montant de CHF 7'716,75, étaient modestes et d'un coût raisonnable. Ils avaient été réalisés en remplacement du matériel existant pour maintenir l'état du logement et n'avaient pas amélioré son confort. De plus, le coût des travaux de 2005 et 2008 était inférieur aux 10 % de la valeur d'assurance de l'immeuble en cause.

Lesdits travaux avaient été effectués en deux phases distinctes, à trois ans d'intervalle. Ils devaient donc être appréciés séparément et non dans leur globalité.

Les augmentations du loyer de 44 % en 2005 et de 20 % en 2008, dus au coût des travaux réalisés dans l'appartement de 3-3½ pièces, étaient raisonnables. Les loyers, compris entre CHF 2'503.- et CHF 3'363.- la pièce par année, répondaient aux besoins prépondérants de la population.

Les travaux en question relevaient donc, de par leur nature, leur ampleur et leur coût, de l'entretien courant faisant partie des frais d'exploitation ordinaires d'une maison d'habitation.

24) Par jugement du 1er novembre 2011, le TAPI a admis le recours.

L'annulation par le département de sa décision du 15 janvier 2010 ne remettait pas en cause le fait que l'appartement en question était un appartement de 2½ pièces. Cette dernière décision n'ayant pas fait l'objet d'un recours, cet appartement devait être considéré comme un 2½ pièces.

Les travaux réalisés en deux phases concernaient, au final, toutes les pièces de l'appartement précité. Ceux-ci avaient, à chaque fois, été effectués avant l'entrée de nouveaux locataires. Aucune justification n'avait été apportée sur les raisons de cet échelonnement de travaux, si bien que ces derniers devaient être considérés comme un tout.

Ces travaux étaient d'une ampleur conséquente, l'appartement ayant été finalement complètement refait. Le loyer annuel de l'appartement en question avait été augmenté de 73 %, passant de CHF 12'144.- (avant travaux de 2005) à CHF 21'000.- (après travaux de 2008).

Rapporté à un appartement de 2½ pièces, le montant total des travaux de CHF 23'216,75 (CHF 15'500.- + CHF 7'716,75) soumettaient ces derniers à autorisation. Le montant précité avait eu pour conséquence d'augmenter le loyer de cet appartement de manière significative. Le montant du loyer par pièce et par an arrêté en 2008 étant de 8'400.-, il ne répondait ainsi plus aux besoins prépondérants de la population.

25) Par acte 12 décembre 2011, M. Barbier-Mueller a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre ce jugement, concluant à son annulation.

L'appartement litigieux avait une surface importante. Sa surface nette totale minimum s'élevait à 55,67 m2, ce qui correspondait à la surface d'un appartement de 3½ à 4 pièces. L'espace constitué du séjour, coin à manger et cuisine était de 33,98 m2, soit supérieur à 25 m2. Il apparaissait donc comme un appartement d'au moins 3 - 3½ pièces.

Les travaux entrepris par l'intéressé dans l'appartement litigieux étaient des travaux d'entretien, effectués uniquement en remplacement du matériel existant vétuste, défraîchi ou endommagé. Ces travaux avaient été réalisés à deux reprises, en octobre 2005 et en juin 2008. Les travaux de 2005 faisaient suite à un sinistre qui avait endommagé plusieurs pièces de l'appartement et qui relevaient de l'entretien courant. Ceux de 2008 comprenaient la peinture des pièces qui n'avaient pas eu besoin d'être rafraîchies en 2005 et des retouches de peinture dans deux autres pièces. Le linoléum dans le coin WC avait été remplacé par du carrelage.

Les coûts des travaux précités devaient être appréciés séparément, soit CHF 15'500.- pour 2005 et CHF 7'716,75 pour 2008. Le loyer avait subi une augmentation de 44 % en 2005, puis de 20 % en 2008, de sorte que la répercussion du coût de ces travaux sur les loyers de l'appartement de 3 - 3½ pièces était raisonnable.

Il n'était pas non plus question d'un changement qualitatif de l'appartement en cause. Le coût des travaux susmentionnés n'avait pas soustrait le logement en question aux besoins prépondérants de la population, dans la mesure où, avant travaux déjà, son loyer initial de CHF 4'857,60 la pièce par année pour un appartement de 3½ pièces était déjà supérieur à ces besoins.

26) Le même jour, le département a déposé un recours auprès de la chambre administrative contre le même jugement, concluant également à son annulation.

Les travaux réalisés en 2005 et en 2008 n'avaient aucun lien les uns avec les autres et répondaient à la définition de travaux réguliers, au sens de l'art. 3 al. 2 LDTR. Ils devaient être considérés, de par leur nature, comme des travaux d'entretien.

En distinguant ces deux phases de travaux, le coût de ceux-ci était raisonnable pour un appartement de 2½ pièces.

L'impact du coût des travaux sur le loyer apparaissait également acceptable. A la suite des premiers travaux, le loyer avait augmenté de 44 %, puis, à la suite des seconds, de 20 %, ce qui correspondait à des augmentations admises par la chambre administrative.

27) Le 13 décembre 2011, le TAPI a transmis son dossier sans formuler d'observation.

28) Le 20 janvier 2012, Mme Picard et M. Büchelin ont conclu au rejet du recours du département avec suite de frais et dépens.

M. Barbier-Mueller n'avait pas démontré l'existence d'un dégât d'eau, ni son incidence sur les travaux entrepris en 2006. L'assurance n'avait d'ailleurs versé que CHF 3'000.-, démontrant le peu d'importance du sinistre allégué. Ce montant ne devait pas être retranché du montant total des travaux, car peu importait l'origine des fonds.

Il fallait tenir compte de l'impact du coût des travaux sur le montant du loyer. Les travaux réalisés en 2005 et 2008 devaient être considérés comme un tout. Le montant des travaux effectués en 2005 qui s'élevait au minimum à CHF 15'500.- était de toute manière non négligeable et supérieur à celui admis par la jurisprudence. Ces travaux avaient engendré une première hausse de loyer de 44 % incompatible avec les besoins prépondérants de la population.

L'appréciation des critères du coût des travaux et de la hausse du loyer conduisait à l'obligation de déposer une demande d'autorisation avec fixation d'un loyer maximal après travaux.

29) Le même jour, le département a persisté dans ses conclusions.

Par ailleurs, il entendait « intégralement soutenir les conclusions de M. Barbier-Mueller ».

S'agissant du grief relatif à son calcul du nombre de pièces, il précisait que celui-ci prenait en considération la hauteur du vide d'étage, lequel avait pour incidence qu'il ne fallait pas forcément se référer à l'entier de la surface habitable.

30) Par courrier du 25 janvier 2012, le juge délégué a informé les parties qu'un délai au 3 mars 2012 leur était accordé pour formuler toute requête complémentaire.

31) Le 2 mars 2012, M. Barbier-Mueller a déposé ses observations complémentaires. Il persistait intégralement dans ses conclusions.

Il se ralliait aux conclusions du département et entendait soutenir les arguments de ce dernier, à l'exception du calcul du nombre de pièces de l'appartement en cause.

Il avait apporté la preuve qu'un dégât des eaux était survenu en 2005, nécessitant des travaux de peinture. Il en avait alors profité pour effectuer quelques travaux d'entretien raisonnables.

Les travaux de rafraîchissement effectués trois ans plus tard n'étaient pas liés à ceux précités. Il s'agissait de laisser un appartement en bon état. Il n'avait pas morcelé la conduite des travaux dans le but de se soustraire à la LDTR.

32) Par courrier du même jour, le département a déclaré ne pas avoir de requête complémentaire à formuler et considérait que la cause était en état d'être jugée.

33) Le 26 août 2013, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjetés en temps utile devant la juridiction compétente, les recours sont recevables (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

2) Tout d'abord, la question de la qualité pour recourir de M. Büchelin et Mme Picard n'a pas été analysée par la TAPI, alors que ceux-ci n'étaient plus locataires de l'appartement en question depuis le 16 novembre 2010.

3) a. A teneur de l'art. 60 let. a et b LPA, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée sont titulaires de la qualité pour recourir (ATA/343/2012 du 5 juin 2012 consid. 2 et les références citées). La chambre administrative a déjà jugé que les lettres a et b de la disposition précitée doivent se lire en parallèle : ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s'il était partie à la procédure de première instance (ATA/281/2012 du 8 mai 2012 ; ATA/5/2009 du 13 janvier 2009 et les références citées).

Cette notion de l'intérêt digne de protection correspond aux critères exposés à l'art. 89 al. 1 let. c de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005, en vigueur depuis le 1er janvier 2007 (LTF - RS 173.110), que les cantons sont tenus de respecter, en application de la règle d'unité de la procédure qui figure à l'art. 111 al. 1 LTF (Arrêts du Tribunal fédéral 1C_152/2012 du 21 mai 2012 consid. 2.1 ; 1C_76/2007 du 20 juin 2007 consid. 3 ; 1C_69/2007 du 11 juin 2007 consid. 2.2 ; Message du Conseil fédéral concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale du 28 février 2001, FF 2001 pp. 4126 ss et 4146 ss).

b. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l'annulation de la décision attaquée (ATF 138 II 42 consid. 1 p. 44 ; 137 I 23 p. 24-25 consid 1.3 ; 135 I 79 consid. 1 p. 82 ; Arrêts du Tribunal fédéral 2C_892/2011 du 17 mars 2012 consid. 1.2 ; 2C_811/2011 du 5 janvier 2012 consid. 1 ; ATA/245/2012 du 24 avril 2012 ; P. MOOR / E. POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 748 n. 5.7.2.3 ; T. TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 449 n. 1367). L'existence d'un intérêt actuel s'apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 137 I 296 consid. 4.2 p. 299 ; 136 II 101 consid. 1.1 p. 103).

c. Le recourant doit être touché dans une mesure et avec une intensité plus grandes que la généralité des administrés et l'intérêt invoqué - qui n'est pas nécessairement un intérêt juridiquement protégé, mais qui peut être un intérêt de fait - doit se trouver, avec l'objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d'être pris en considération. Il faut donc que l'admission du recours procure au recourant un avantage pratique et non seulement théorique, de nature économique, matérielle ou idéale. Ces exigences ont été posées de manière à empêcher l'action populaire (ATF 137 II 40 consid. 2.3 ; ATF 124 II 293 consid. 3b et les références citées). L'intérêt digne de protection n'exige pas une atteinte à des intérêts juridiquement protégés, soit la violation d'une norme ayant pour but la protection des droits subjectifs (ATF 123 V 113 consid. 5c).

4) En l'occurrence, lorsque M. Büchelin et Mme Picard ont déposé leur recours le 10 février 2011, ils n'étaient déjà plus locataires de l'appartement en cause mais conservaient un intérêt au maintien de la décision du département du 15 janvier 2010 qui était en force et à ce que les travaux effectués en 2005 et 2008 soient soumis à autorisation, en application de la LDTR. Si la procédure prévue par cette loi avait été respectée, le département aurait fixé le montant maximum du loyer du logement en question après travaux, conformément aux art. 10 et suivants LDTR, ce qui était susceptible d'avoir une incidence sur le loyer qu'ils avaient payé.

M. Büchelin et Mme Picard avaient donc la qualité pour recourir contre la décision du département du 11 janvier 2011.

5) M. Barbier-Mueller allègue que l'appartement en cause comporte au moins 3 pièces, et non 2½ pièces comme retenu dans le jugement contesté.

a. Un désaccord existe ainsi entre les parties au sujet du nombre de pièces du logement, qu'il y a lieu de trancher pour déterminer le quotient par lequel les montants du coût des travaux ou du loyer doivent être divisés pour obtenir des données par pièce (ATA/826/2012 du 11 décembre 2012 ; ATA/645/2012 du 25 septembre 2012 ; ATA/570/2010 du 31 août 2010 ; ATA/100/2010 du 16 février 2010).

b. Selon l'art. 52 al. 1 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), toute pièce pouvant servir à l'habitation doit avoir en principe 9 m2, mais au minimum 6 m2 de surface. Elle doit être aérée et éclairée par un jour vertical ouvrant sur l'extérieur (art. 52 al. 2 LCI).

c. L'art. 1 du règlement d'exécution de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 24 août 1992 (RGL - I 4 05.01) s'applique au calcul du nombre de pièces des logements soumis à la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 (LGL - I 4 05), sauf des logements d'utilité publique. La chambre de céans a déjà admis que les buts poursuivis par la LDTR et la LGL relevant d'un même souci de préserver l'habitat et de lutter contre la pénurie de logements à Genève, il était possible d'appliquer la disposition précitée, par analogie, au calcul du nombre de pièces selon la LDTR (ATA/826/2012 et ATA/645/2012 précités ; ATA/322/2008 du 17 juin 2008 ; ATA/567/2005 du 16 août 2005).

d. Pour calculer le nombre de pièces au sens de la LDTR, il faut se référer à l'art. 1 RGL, selon lequel toute chambre d'une surface inférieure à 9 m2 compte pour une demi-pièce (art. 1 al. 5 let. a RGL). En outre, selon l'art. 1 al. 5 let. c RGL, si l'espace communautaire qui regroupe le séjour, les coins à manger et la cuisine est égal ou supérieur à 25 m2, il compte pour deux pièces et s'il est inférieur à cette surface, il compte pour une pièce et demie.

e. Selon l'art. 4 al. 1 RGL, par surface nette du logement, on entend l'addition des surfaces des pièces habitables du logement et de la cuisine ou du laboratoire, à l'exclusion des gaines techniques, dégagements, couloirs, réduits et locaux sanitaires, galeries ou mezzanines, loggias, balcons, terrasses, jardins. La surface nette se calcule entre les murs intérieurs. Pour les logements de plus de 2 pièces, lorsque l'accès à une chambre se fait par une autre pièce, il est déduit la surface de passage théorique de 1 m de large. Pour les pièces dont le plafond suit la pente de la toiture, la surface nette est comptée en plein lorsque le vide d'étage est égal ou supérieur à 2,40 m et pour moitié lorsqu'il est situé entre 1,80 m et 2,40 m. Pour les logements comportant 2 pièces au plus, la surface des halls et dégagements est prise en considération.

6) En l'espèce, l'appartement en question se trouve dans les combles de l'immeuble, dont une grande partie du vide d'étage est inférieure à 2,40 m. En application de l'art. 4 al. 1 RGL, la surface au sol ne peut ainsi pas être comptée en plein dans tout l'appartement. M. Barbier-Mueller n'a pas tenu compte du vide d'étage, ce qui explique la différence de surface calculée. Selon les plans du logement en cause visés ne varietur par le département le 20 novembre 1979, celui-ci dispose d'une chambre de 13,11 m2. Quant aux espaces communautaires (séjour - cuisine), ceux-ci sont d'une surface totale de 22,46 m2 (séjour : 17,84 m2, cuisine : 4,62 m2), soit une surface inférieure à 25 m2, ce qui signifie qu'ils comptent pour 1½ pièce.

Avec une chambre, le logement comporte donc 2½ pièces.

7) a. La LDTR a pour but de préserver l'habitat et les conditions de vie existants, ainsi que le caractère actuel de l'habitat dans les zones visées expressément par la loi (art. 1 al. 1 LDTR). Celle-ci prévoit notamment à cet effet, et tout en assurant la protection des locataires et des propriétaires d'appartements, des restrictions à la démolition, à la transformation et au changement d'affectation des maisons d'habitation (art. 1 al. 2 let. a LDTR). Une autorisation est nécessaire pour toute transformation ou rénovation de tout ou partie d'une maison d'habitation (art. 9 al. 1 LDTR).

Le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de considérer que l'intérêt public poursuivi par la LDTR, qui tend à préserver l'habitat et les conditions de vie existants, en restreignant notamment le changement d'affectation des maisons d'habitation (art. 1 al. 1 et 2 let. a LDTR), procède d'un intérêt public important (ATF 128 I 206 consid. 5.2.4 p. 211 ss ; 113 Ia 126 consid. 7a p. 134 ; 111 Ia 23 consid. 3a p. 26 et les arrêts cités). Par ailleurs, la réglementation mise en place par la LDTR est en soi conforme au droit fédéral et à la garantie de la propriété, y compris dans la mesure où elle prévoit un contrôle des loyers après transformation (ATF 116 Ia 401 consid. 9 p. 414 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_617/2012 du 3 mai 2013 consid. 2.3).

b. Selon l'art. 3 al. 1 let. d et al. 2 LDTR, sont qualifiées de transformations les travaux qui ont pour objet la rénovation, c'est-à-dire la remise en état, même partielle, de tout ou partie d'une maison d'habitation, en améliorant le confort existant sans modifier la distribution des logements, sous réserve qu'il ne s'agisse pas de travaux d'entretien.

Ces derniers, non assujettis à la LDTR, sont les travaux courants faisant partie des frais d'exploitation ordinaires d'une maison d'habitation. Les travaux raisonnables d'entretien régulier ne sont pas considérés comme travaux de transformation, pour autant qu'ils n'engendrent pas une amélioration du confort existant.

c. Dans la mesure où la loi vise principalement à maintenir un habitat correspondant, notamment sous l'angle économique, aux besoins prépondérants de la population, il faut éviter que des travaux non soumis à la loi ne conduisent à la longue à une érosion dudit habitat. En d'autres termes, la loi cherche à soumettre au contrôle de l'Etat certaines catégories de travaux, davantage en fonction des risques qu'ils font peser sur le caractère abordable des loyers qu'en fonction du type de travaux eux-mêmes (F. PAYCHÈRE / O. BINDSCHEDLER, La jurisprudence récente du Tribunal administratif du canton de Genève en matière d'entretien des immeubles in RDAF 1998 p. 368).

8) De jurisprudence constante, il est admis, s'agissant de la distinction entre travaux d'entretien et de rénovation (ou transformation) consacrée à l'art. 3 LDTR, de tenir un raisonnement en deux temps, à savoir :

- examiner d'abord si, de par leur nature, les travaux en cause relèvent de l'entretien ou, au contraire, consistent en des travaux de rénovation. En prolongement de cette distinction, la jurisprudence a admis que des travaux d'entretien sont susceptibles d'aboutir à une rénovation ou à une transformation soumise à la LDTR lorsque, n'ayant pas été exécutés périodiquement ou par rotation tout au long de l'existence de l'immeuble, ou encore parce qu'ils n'ont pas été exécutés du tout pendant de nombreuses années, leur accumulation, même en tenant compte d'une exécution rationnelle commandant un regroupement, leur confère une incidence propre à engendrer un changement de standing de l'immeuble (ATA/645/2012 précité ; ATA/135/2011 du 1er mars 2011 et la jurisprudence citée ; A. MAUNOIR, La nouvelle LDTR au regard de la jurisprudence in RDAF 1996 p. 314 et la jurisprudence citée),

- puis s'attacher à l'ampleur et, partant, au coût desdits travaux et à leur répercussion sur le montant du loyer, dès lors qu'il pourrait en résulter un changement d'affectation qualitatif des logements, au risque que le loyer de ces derniers soit ne réponde plus aux besoins prépondérants de la population (ATA/645/2012 précité ; ATA/646/2010 du 21 septembre 2010 et les références citées), c'est-à-dire qu'il ne soit plus compris entre CHF 2'503.- et CHF 3'363.- la pièce par année (Arrêté du Conseil d'Etat du 21 juin 2006 relatif à la révision des loyers répondant aux besoins prépondérants de la population publié dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève du 30 juin 2006, auquel renvoie l'art. 6 al. 3 LDTR, en vigueur à l'époque où les travaux ont été entrepris).

9) Ont été considérés comme relevant de l'entretien au regard de leur nature l'installation de nouveaux sanitaires, l'agencement des cuisines, la mise en conformité de l'installation électrique, la pose de nouveaux revêtements des sols et des parois, ainsi que les travaux de peinture et de serrurerie (ATA/40/2010 du 26 janvier 2010 et les références citées).

En revanche, la chambre administrative a retenu la réfection complète des peintures, papiers peints et parquets, avec pose des radiateurs, l'installation d'un agencement de cuisine et de nouveaux sanitaires et la mise en conformité des installations électriques dans un appartement de 2½ pièces comme étant des travaux de rénovation soumis à autorisation (ATA/645/2012 précité).

Il convient toutefois de tenir compte également des circonstances dans lesquelles les travaux sont accomplis, et notamment de leur accumulation en raison d'un défaut d'entretien courant des bâtiments concernés (ATA/646/2010 précité et les références citées).

Des travaux d'entretien différés dans le temps dont le montant a eu des conséquences importantes sur les loyers, lesquels ne répondent plus aux besoins prépondérants de la population, ont ainsi été jugés comme devant être soumis à autorisation. Ces coûts étaient respectivement de CHF 28'519.- pour un 2½ pièces (ATA/645/2012 précité), de CHF 28'342.- pour un 3 pièces (ATA/646/2010 précité), de CHF 38'213.- pour un 3½ pièces (ATA/571/2010 du 31 août 2010 ; ATA/215/2008 du 6 mai 2008 ; ATA/278/2006 du 16 mai 2006).

10) En l'espèce, comme l'a relevé le TAPI, les travaux ont été réalisés en deux phases, avant l'entrée de nouveaux locataires, pour, au final, concerner toutes les pièces de l'appartement.

Après examen de toutes les pièces figurant au dossier, les travaux entrepris dans l'appartement en cause en 2005 et 2008 ne peuvent être considérés, en raison de leur ampleur, comme relevant d'un entretien courant de la chose louée au sens de l'art. 3 al. 2 LDTR, soit des travaux ayant pour objectif le maintien en état de celle-ci, mais doivent être qualifiés de travaux de transformation ayant amélioré le confort existant. Pris isolément et selon les circonstances, des travaux effectués en plusieurs phases, peuvent être considérés comme de l'entretien. Toutefois, dès lors qu'ils conduisent à la rénovation totale de l'appartement, ils doivent être pris comme un tout. En l'espèce, les travaux litigieux ont certes été réalisés en deux phases mais ils avaient pour but de remettre entièrement à neuf l'appartement en question dans une période de trois ans, à l'occasion des changements de locataires, par la réfection complète des sols, des murs, des plafonds, la réfection de la cuisine, du WC séparé et de la salle de bain, ainsi que la réfection à neuf des branchements sanitaires, et doivent donc être assimilés dans leur ensemble à des travaux de rénovation soumis à autorisation, en vertu de l'art. 9 al. 1 LDTR. Les éléments de cuisine ou sanitaires remplacés s'inscrivaient dans une remise en état générale du logement, de sorte que c'est l'ampleur globale des travaux qui doit être prise en compte. Ils doivent également être considérés dans leur ensemble. Les nombreuses factures figurant au dossier corroborent cette remise à neuf. La vétusté des différents agencements ne suffit pas, à elle seule, à justifier la remise en état de cet appartement. M. Barbier-Mueller admet que les travaux étaient nécessaires compte tenu de la vétusté de l'appartement. Il n'allègue pas que des travaux d'entretien réguliers, ou même ponctuels, aient été réalisés dans l'appartement en cause avant ceux de 2005 et 2008. Les travaux sont sans aucun doute des travaux différés dans le temps. Le TAPI a donc constaté de manière exacte les faits sans abuser de son pouvoir d'appréciation. Il a par ailleurs procédé au raisonnement en deux temps imposé par la jurisprudence.

Ces travaux doivent également être qualifiés d'importants sous l'angle de leur coût. Ce dernier se montant à CHF 9'708.- la pièce par an (CHF 24'271,40 : 2,5), il ne permet pas de maintenir des loyers répondant aux besoins prépondérants de la population. De fait, le loyer s'élevait, avant travaux, à CHF 4'857,60 (CHF 12'144.- : 2,5) la pièce par an et dépassait déjà le montant maximal du loyer correspondant aux besoins prépondérants de la population définis par la LDTR en 2005, puis par l'Arrêté du Conseil d'Etat du 21 juin 2006 précité. Les augmentations de loyer, après les travaux susmentionnés, ne peuvent être qualifiées de mineures. En effet, le loyer annuel de l'appartement en question a été augmenté de 73 % en trois ans, passant de CHF 12'144.- à CHF 21'000.-, conduisant à un changement d'affectation qualitatif de ce logement.

11) Les travaux effectués dans l'appartement ayant été entrepris illégalement, le département devait ordonner la mise en conformité de ceux-ci, en application de l'art. 129 let. e LCI, par renvoi de l'art. 44 al. 1 LDTR, et ordonner au propriétaire de déposer une demande d'autorisation, comme il aurait dû le faire avant d'entreprendre lesdits travaux.

12) En tous points mal fondé, les recours seront rejetés.

13) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de M. Barbier-Mueller (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée aux intimés, à la charge de M. Barbier-Mueller (art. 87 al. 2 LPA). Le département sera exempté des frais de procédure et émoluments, conformément aux art. 87 al. 1 LPA et 12 al. 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable les recours interjetés le 12 décembre 2011 par Monsieur Thierry Barbier-Mueller et le département de l'urbanisme contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 1er novembre 2011 ;

au fond :

les rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Monsieur Thierry Barbier-Mueller ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à Madame Christine Picard et Monsieur Christophe Büchelin, pris conjointement et solidairement, à la charge de Monsieur Thierry Barbier-Mueller ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi

communique le présent arrêt à Me Philippe Cottier, avocat de Monsieur Thierry Barbier-Mueller, à Me Christian Dandrès, avocat de Madame Christine Picard et Monsieur Christophe Büchelin, au département de l'urbanisme, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Verniory, président, M. Thélin, Mme Junod, MM. Dumartheray et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. Werffeli Bastianelli

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :